Question d'origine :
Une vue* de François Antoine Aveline vers 1760, me semble intéressante, mais curieuse : on y voit, depuis la Croix-Rousse, les fortifications de la Croix-Rousse (avec la porte bien détaillée), mais aussi les remparts des Terreaux, au moins dans leur partie orientale.
Je croyais que ces remparts étaient démolis depuis 1538 - 1617 ???
*http://wwwcano.lagravure.com/04_lyon_aerostat_vues.htm
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 24/12/2011 à 11h45
Bonjour,
Tout d’abord, l’ouvrage Les défenses de Lyon : enceintes et fortifications de François Dallemagne nous fournit une description détaillée de cette muraille des Terreaux qui coupait en deux la presqu’île avant que le rempart de la Croix-Rousse (dit « muraille Saint-Sébastien ») ne la rende obsolète. Sa destruction est entamée dès 1538, mais les vestiges de l’ouvrage subsisteront encore pendant quelques dizaines d’années.
L’enceinte contourne au plus près depuis la Saône les murs du domaine de l’abbaye Saint-Pierre puis se dirige en droite ligne jusqu'au Rhône sur une longueur totale de 500 mètres environ. La muraille en parement de pierres avec un blocage intérieur de maçonnerie, analogue dans son principe a celle du cloître de Saint-Just, était épaisse de deux mètres et s'élevait a quelque dix mètres de hauteur, Un chemin
de ronde crénelé courrait à son sommet, auquel on accédait depuis l'intérieur par une série d’emmarchements. Deux portes seulement étaient percées dans le rempart, entre la Saône et la clôturé de l'abbaye, la porte de la Pêcherie ou de Chenevrier au bout du quai et, un peu plus loin, celle de la Lanterne (la rue actuelle la localise sans doute). Ces deux portes étaient précédées d'un pont-levis, défendues par une tour et accompagnées d’un poste de garde assurant la surveillance des entrées et surtout la perception d'un péage sur les marchandises. Dix tours crénelées tantôt rondes, tantôt carrées jalonnaient la muraille, deux entre les deux portes et huit entre la Lanterne et le Rhône. Cinq guérites de pierre permettaient d'assurer le guet du haut de la muraille, ce dernier étant complété par une vigie sur le clocher de l'église de Saint-Nizier. Des archères étaient percées à intervalles réguliers dans l'épaisseur de la maçonnerie.
Parallèlement et a une vingtaine de mètres au-delà, un autre mur de 2 mètres de haut, appelé la douve, formait une sorte de contrescarpe a un fossé continu
large de 22 mètres entre ces deux constructions.
Ces défenses ont été complétées au XlVe siècle, au moment où était construit le mur de la Retraite, par des ouvrages avancés dans la pente, une sorte de clôture avec un fossé dans laquelle étaient aménagées trois portes : la porte du Griffon au pied de la montée Saint-Sébastien, celle de Saint-Marcel en bas de la Grand-Côte et presque en bordure de Saône, en amont de la porte de la Pêcherie, la porte Saint-Vincent. Un peu en amont de cette dernière porte, on trouvait une autre porte, celle de la Déserte ou de la Roche. Il s'agit selon toute vraisemblance d'un relèvement de l'ancienne clôture du Xle siècle. Enfin, en 1400, devant la persistance des menaces anglaises, le bailli-sénéchal de Lyon avec l'accord du roi fit construire sur la colline de Saint-Sébastien un nouvel ouvrage avancé. Cet ouvrage vraisemblablement en terre avec quelques tours de bols comportait une seule porte à 500 pas en avant de la porte Saint-Marcel. Il disparaît un siècle plus tard au moment de la construction du boulevard de Saint-Sébastien.
Le maître d'œuvre inconnu qui, sous l'autorité des archevêques, conduisait les travaux, avait eu l'idée de mettre en eau le fossé de l'enceinte séparant le mur de la Lanterne de la douve. Cette disposition présentait l'avantage de renforcer sérieusement la défense de l'ouvrage en cas d'alerte, notamment en empêchant les travaux de mine, mais elle était délicate à mettre en œuvre. Le Rhône à cet emplacement était plus élevé que le cours de la Saône d'environ 1,5 mètres. Si le fossé avait été ouvert du cote du Rhône, il aurait été en permanence inondé, l'eau s'écoulant vers l'exutoire de la Saône, avec des variations importantes de niveau en fonction des crues et avec des risques d'endommager les ouvrages. Il fallait donc isoler le fossé du Rhône. Une porte d'écluse aurait été compliquée à réaliser et a faire fonctionner en cas de crue. L'enceinte le long du fleuve a donc été prolongée un peu en amont. Elle s'appuyait sur une tour (la Fretta ou Tourette) et formait ainsi le barrage souhaité. L'alimentation en eau du fossé se faisait par un canal, dit canal de Neyron, latéral au fleuve avec une prise très en amont qui pouvait être ouverte en cas de besoin. Les eaux franchissaient en cascade un petit ouvrage édifié en bord de Rhône sur le mur de la Douve et s'écoulaient dans la fosse.
Son remplissage imposait a cause de la pente du terrain la construction de barrages espacés d'une centaine de mètres environ perpendiculairement à son axe, formant ainsi une succession de bassins. Leur vidange vers la Saône s'effectuait en ouvrant des portes, des écloisons, aménagées dans les barrages.
Pour approfondir le sujet si celui-ci vous intéresse, consultez dans La Revue du Lyonnais l’article Les fortifications de Lyon au moyen-âge, une étude de l’auteur sur l’existence préalable d’un canal des Terreaux à l’emplacement du fossé de la Lanterne, attenant au mur, ou encore cet article publié par les archives municipales sur la datation du Plan scénographique de 1548 par J. J. Grisard (1871) (il s’agit du seul plan de Lyon à peu près contemporain de ces remparts de la Lanterne).
Un aperçu plus synthétique de l’histoire de cette muraille a été publié dans le journal gratuit La Ficelle, dont vous pouvez trouver une reproduction en ligne ; vous pouvez également vous référez à la description qui en est faite par le site Lyon Historique.
Le rempart de la Lanterne a bien été détruit à partir de 1538. Sa représentation sur une gravure du XVIIIe peut cependant se justifier ; comme l’explique un court chapitre du catalogue de l’exposition Forma urbis : les plans généraux de Lyon, XVIe-XXe siècles, les plans et vues scénographiques empruntent beaucoup d’éléments à ceux qui les ont précédés :
Le phénomène de reprise d'un plan sur l'autre sous la forme de copies clairement identifiables est très fréquent : trois versions du plan de Maupin, par exemple, en 1659, 1694 et 1714, deux versions de celui de Séraucourt en 1735 et 1740, pour des raisons particulières, deux encore de Joubert, 1767 et 1773, dans ce cas nettement différentes sans compter trois copies du plan scénographique (1572, 1696 et c. 1783), Il se produit, en outre, pour le plan de ville le même phénomène que pour l’image religieuse : les modèles sont réutilisés pendant longtemps et l'on oublie, peu à peu, de signaler les prototypes. Ainsi, le plan de Merian, édité autour de 1655, est-il une reprise du petit plan de Lyon dressé vers 630 par Maupin et gravé par A. Bosse,
Pour s’en convaincre, comparons le plan perspectif de Lyon par Ogerolles, daté de 1564,
et celui issu de la série Meriam Europa qui concerne Lyon, daté lui de 1622
Les points de vue sont les mêmes, les éléments architecturaux étonnamment semblables (sur les deux plans le rempart de la Lanterne apparait très nettement malgré le recadrage un peu brutal, et il n'est pas en ruine)… Et ce dernier plan scénographique devrait vous dire quelque chose, puisqu’il s’agit d’un jumeau presque parfait de la gravure de François Antoine Aveline.
Il parait évident que ce dernier s’est inspiré de celle-ci pour sa vue de Lyon, qui, du coup, se trouve anachronique. Sa source d’inspiration n’était elle-même déjà plus tout à fait à jour à l’époque de sa publication, s’inspirant elle aussi d’un plan plus ancien.
Vous pouvez admirer des reproductions de ces deux plans (et bien d’autres) dans l’ouvrage Plans de Lyon : 1350-2030, portraits d'une ville de Charles Delfante et Jean Pelletier.
Pièces jointes
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