Question d'origine :
Dit-on : Je vais à vélo à Paris ou Je vais en vélo à Paris;
Réponse du Guichet
gds_ah
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 16/03/2012 à 09h57
Bonjour,
Le bon usage de Grevisse (Paris Louvain-la-Neuve, Duculot, 1993) apporte ces précisions au sujet de votre interrogation :
"EN par analogie
1) sur le modèle de en voiture, en auto, en charrette, etc., on emploie en à propos de moyens de transport pour lesquels cette préposition n’est pas logiquement justifiée (comme le prouve, quand il y a un déterminant, le recours à la préposition sur et non dans) :
- En traîneau, en luge ne semblent contestés par personne (*à traîneau et *à luge paraissent inusités). [il s’agit du traîneau qui n’est pas une voiture]. Ex. : Faire une glissade, une descente EN luge (Robert) (…)
-En revanche, en bicyclette, en vélo, en moto, etc. ont suscité une vive opposition, qui a contribué à introduire et à maintenir dans l’usage les tours avec à, mais qui n’a pas empêché les tours avec en d’être tout à fait courants dans la langue parlée et de venir sous la plume d’écrivains réputés : A pied, en voiture, en omnibus, En vélocipède […], une centaine de mille hommes accouraient (BARRES, Appel au soldat, t. II, p. 138). – Il […] s’était fatigué à cheval, EN bicyclette, aux armes (PROUST, Les plaisirs et les jours, p. 252). – Leur père est passé EN bicyclette (GIDE, Journal, 14 juin 1914) (…)
Si bicyclette, vélo, etc. sont construits avec un déterminant, ils s’introduisent par sur : Si […] vous avez appris à monter SUR une bicyclette (HERMANT, Savoir parler, p. 52).- Il parti SUR sa bicyclette (COLETTE, Blé en herbe, IX) (…)"
Voici, l’historique des deux expressions, selon un journaliste :
«Alors, demande M. Andreu, doit-on dire à vélo ou en vélo? Mon redoutable instituteur tenait à ce qu'on emploie à vélo sous peine de recevoir un coup de pied au cul dont il avait le secret.»
C'est clair; cela décrit la tendance pédagogique un peu partout dans la France rurale au dernier volet de la IIIe République… Cette situation - très récente à l'échelle des mutations linguistiques - explique la fragilité du français dans la compétition internationale actuelle : la greffe n'a pas pris en profondeur. Mais revenons à nos pédales. D'abord vélo est l'apocope de vélocipède, ancêtre de la bicyclette, laquelle prit son essor dans les années 1890 avec l'invention de la chaîne et du pédalier ; ce nouveau moyen de transport connaît une explosion étonnante dans les milieux populaires - il révolutionne en particulier les distances entre les ateliers et les résidences ouvrières. La «petite reine» devient un phénomène national, et les ouvriers l'appellent plus volontiers vélo ; ils disent sans complexe qu'ils se déplacent en vélo, comme d'autres en train ou en calèche, c'est-à-dire «par le moyen du vélo». Le en n'est pas un descriptif intérieur-extérieur, il joue un rôle purement instrumental: on dira en pour tout nouveau moyen de locomotion, en tricycle si la machine a trois roues, en side-car, et aussi, par pure logique fonctionnelle, en tandem (et jamais à tandem). Cela montre bien que dans l'esprit du locuteur en n'a pas la connotation «dedans-dehors» mais seulement «par le moyen de»… On dit en traîneau, en tapis volant, s'il le faut - des véhicules dépourvus d'intérieur. Se rendre quelque part en vélo n'est donc pas une hérésie grammaticale comme le pensait le maître d'école de M. Andreu; c'est seulement une manière agréable, pratique et pas chère de se déplacer, en ville comme à la campagne.
À vélo, sur le modèle de à bicyclette est hérité de à cheval sans nécessité, par une sorte de complaisance au code dominant. C'est par un phénomène d'hypercorrection dans les classes sociales aisées - relayées craintivement par les instituteurs publics - que la forme en vélo a été bannie sans aucune nécessité proprement linguistique au profit de à vélo - et la même remarque est valable pour en moto.
Si je puis résumer mon sentiment, je conseillerai à M. Andreu de continuer à dire en vélo puisqu'il s'agit du moyen de transport, et à vélo dans les cas où il est fait spécifiquement allusion à la notion d'équilibre, comme: «Cet enfant sait déjà se tenir à vélo.» Du moins, c'est mon sentiment. »
Le bon usage de Grevisse (Paris Louvain-la-Neuve, Duculot, 1993) apporte ces précisions au sujet de votre interrogation :
"EN par analogie
1) sur le modèle de en voiture, en auto, en charrette, etc., on emploie en à propos de moyens de transport pour lesquels cette préposition n’est pas logiquement justifiée (comme le prouve, quand il y a un déterminant, le recours à la préposition sur et non dans) :
- En traîneau, en luge ne semblent contestés par personne (*à traîneau et *à luge paraissent inusités). [il s’agit du traîneau qui n’est pas une voiture]. Ex. : Faire une glissade, une descente EN luge (Robert) (…)
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Si bicyclette, vélo, etc. sont construits avec un déterminant, ils s’introduisent par sur : Si […] vous avez appris à monter SUR une bicyclette (HERMANT, Savoir parler, p. 52).- Il parti SUR sa bicyclette (COLETTE, Blé en herbe, IX) (…)"
Voici, l’historique des deux expressions, selon un journaliste :
«Alors, demande M. Andreu, doit-on dire à vélo ou en vélo? Mon redoutable instituteur tenait à ce qu'on emploie à vélo sous peine de recevoir un coup de pied au cul dont il avait le secret.»
C'est clair; cela décrit la tendance pédagogique un peu partout dans la France rurale au dernier volet de la IIIe République… Cette situation - très récente à l'échelle des mutations linguistiques - explique la fragilité du français dans la compétition internationale actuelle : la greffe n'a pas pris en profondeur. Mais revenons à nos pédales. D'abord vélo est l'apocope de vélocipède, ancêtre de la bicyclette, laquelle prit son essor dans les années 1890 avec l'invention de la chaîne et du pédalier ; ce nouveau moyen de transport connaît une explosion étonnante dans les milieux populaires - il révolutionne en particulier les distances entre les ateliers et les résidences ouvrières. La «petite reine» devient un phénomène national, et les ouvriers l'appellent plus volontiers vélo ; ils disent sans complexe qu'ils se déplacent en vélo, comme d'autres en train ou en calèche, c'est-à-dire «par le moyen du vélo». Le en n'est pas un descriptif intérieur-extérieur, il joue un rôle purement instrumental: on dira en pour tout nouveau moyen de locomotion, en tricycle si la machine a trois roues, en side-car, et aussi, par pure logique fonctionnelle, en tandem (et jamais à tandem). Cela montre bien que dans l'esprit du locuteur en n'a pas la connotation «dedans-dehors» mais seulement «par le moyen de»… On dit en traîneau, en tapis volant, s'il le faut - des véhicules dépourvus d'intérieur. Se rendre quelque part en vélo n'est donc pas une hérésie grammaticale comme le pensait le maître d'école de M. Andreu; c'est seulement une manière agréable, pratique et pas chère de se déplacer, en ville comme à la campagne.
À vélo, sur le modèle de à bicyclette est hérité de à cheval sans nécessité, par une sorte de complaisance au code dominant. C'est par un phénomène d'hypercorrection dans les classes sociales aisées - relayées craintivement par les instituteurs publics - que la forme en vélo a été bannie sans aucune nécessité proprement linguistique au profit de à vélo - et la même remarque est valable pour en moto.
Si je puis résumer mon sentiment, je conseillerai à M. Andreu de continuer à dire en vélo puisqu'il s'agit du moyen de transport, et à vélo dans les cas où il est fait spécifiquement allusion à la notion d'équilibre, comme: «Cet enfant sait déjà se tenir à vélo.» Du moins, c'est mon sentiment. »
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