Question d'origine :
comment les pouvoirs spirituel et temporel étaient-ils répartis entre l'archevêque comte de Lyon et les chanoines également comtes de Lyon ?
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 19/04/2012 à 13h15
Bonjour,
Nous avons déjà abordé cette question : voir archévêque de Lyon au 14ème siècle et la charte sapaudine.
A partir de 1235, les chanoines du chapitre revendiquent auprès de l’archiépiscopat le partage de la justice temporelle, charge également convoitée par les bourgeois. Au terme de longues tergiversations, une charte signée en 1320 confirme le pouvoir des archevêques : la charte sapaudine.
Il n’est pas facile d’énoncer simplement ce qui relève d’une charge et de l’autre : le chapitre de Lyon, si l’on en ignore l’origine, devait très certainement succéder au collège ecclésiastique groupé autour de la chaire épiscopale secondant l’évêque dans l’exercice de son ministère. Le livre Les Chanoines de l’Eglise de Lyon énumère les différents officiers qui constituent le chapitre : chacun de ces offices peut être amené à exercer certaines fonctions temporelles sans pour autant forcément en posséder l’exclusivité.
Le chamarier assure par exemple, au nom du chapitre, conjointement avec l’archevêque, la juridiction séculière et la police du grand cloître, ensemble d’églises et de bâtiments autour de la place Saint-Jean. Les choses peuvent se compliquer considérablement :
SÉNÉCHAUX. — Le titre de Sénéchal du réfectoire, et trop souvent de Sénéchal, donné au dapifer, devint une source de confusions souvent inextricables, lorsque les traités passés en 1167 et 117 3 avec les comtes de Forez eurent attribués à l’archevêque et au Chapitre la juridiction sur le Lyonnais et les eurent en conséquence obligés à créer un Sénéchal ayant mission d’exercer cette juridiction en leur nom. Le Chapitre confia parfois cette fonction au chamarier de l’Eglise; mais parfois aussi il la conféra à un chanoine spécialement désigné à cette fin, et dans ce cas, la nature seule des actes dans lesquels il intervient permet de reconnaître si tel ou tel personnage, qualifié Sénéchal, doit être rangé parmi les chefs de la justice ou parmi les dapifers.
Une troisième cause d’erreur naquit de ce fait que, dès le commencement du XIIIe siècle, sous l’épiscopat de Renaud de Forez, une partie des revenus de la sénéchaussée fut unie au comté du Chapitre et concédée par ses bénéficiers, à des laïques : d'abord Durand de Fuers, puis son fils Barthélemy. En sorte que, au XIIIe Siècle. il exista simultanément, des sénéchaux du réfectoire, des sénéchaux chefs de justice et des détenteurs de la sénéchaussée, appelés aussi sénéchaux.
Il faut ajouter à ces dignités, celles, offices ou bénéfices qui ont été conférés à certains sans que leur qualité de chanoine fut pour rien dans ces attributions : « les chanoines choisis par l’archevêque comme chapelains et conseillers, puis comme vicaires généraux et officiaux acceptent, à dater du XVIe siècle, d’être rattachés à sa suite. »
Dans le Dictionnaire historique de Lyon, à l'entrée du Chapitre de Lyon, on apprend que les chanoines gagne leur titre de comte au 12eme siècle, lors de la permuautio réalisée en 1173 sous l'épiscopat de Guichard de Pontigny, par laquelle les comtes de Forez reconnaissent à l’Eglise de Lyon la souveraineté sur le comté de Lyon. Il ne deviendra d’un usage courant cependant qu’au 15eme siècle, bien que dès 1307 il se vit confirmé par le roi.
A partir du XIIe siècle, les chanoines exercent le droit d’élire l’archevêque ; tout au long de l’histoire du Chapitre, ce droit va peu à peu s’éroder jusqu’au concordat de Bologne, en 1516, où il se voit confié au roi. Les chanoines continuent cependant à assurer l’administration spirituelle et temporelle du diocèse au décès de l’archevêque en attendant la prise de possession provisoire du siège.
Le partage des pouvoirs entre le chapitre et l’archevêque y sont également sont abordés :
[le Chapitre] entretient des relations étroites et complexes avec l’archevêque, qui est, selon les domaines concernés, son supérieur, son partenaire et son concurrent ; lors des réunions plénières du chapitre, présidées par l’archevêque, ils gèrent ensemble les revenus de l’Eglise, ce qui leur est facilité par le fait qu’à Lyon, à partir de l’épiscopat de Renaud de Forez, les possessions et les revenus de l’un et de l’autre sont séparés, et assurent le contrôle de la discipline interne. Ils assument conjointement la juridiction ecclésiastique et, situation propre à Lyon, la juridiction séculière ; ce pouvoir est exercé par un Sénéchal, dont la désignation est précisément source de conflit. L’histoire des relations tumultueuses entre l’archevêque et le chapitre autour de cette question de la juridiction, sur fond d’affrontement entre le chapitre et les Lyonnais, a été bien étudiée pour les 12°, 13° et 14° siècles par Bruno Galland (né en 1964) dans sa thèse comparative sur l’histoire générale des archevêchés de Lyon et de Vienne (Isère) durant cette période ; elle est notamment marquée à Lyon par une crise qui commence en 1268, durant une vacance du siège épiscopal, par diverses actions punitives exercées à l’encontre de bourgeois par des officiers du chapitre ; après plusieurs émeutes, une véritable guerre éclate en 1269 entre les chanoines et les Lyonnais, qui assiègent les chanoines réfugiés à Saint-Just et ravagent dans l’arrière-pays des domaines du chapitre. Le roi, appelé en arbitre par les Lyonnais, en profite pour s’attribuer en 1271 la juridiction, tandis que le nouvel archevêque, Pierre de Tarentaise, s’efforce à la fois de récupérer la juridiction pour son compte et d’en écarter le chapitre ; le conflit, dès lors transféré au niveau des deux protagonistes ecclésiastiques, tandis que s’ouvre à Lyon le concile de 1274, fait l’objet d’un arbitrage de Grégoire X (v. 1210-1276), qui, tout en y mettant les formes, confirme à l’archevêque — lequel, moyennant serment, en a obtenu restitution du roi —, l’exercice de la juridiction séculière. Le chapitre refuse d’appliquer l’arbitrage et engage une épreuve de force, renforcée par un autre conflit sur la juridiction relative aux clercs du chapitre, avec le successeur de Pierre de Tarentaise, Aymar de Roussillon (?-1282) et son successeur Raoul de Thourotte (H287), qui, craignant, sous ce prétexte, une intervention du comte de Savoie dans les affaires lyonnaises, recherche un arbitrage pour un compromis, acté en 1287, peu de temps avant sa mort, qui le rend caduc. Il faut en 1290 un nouvel arbitrage, à l’initiative du pape, dû aux cardinaux Gerardo Bianci (1220/1225-1302) et Benedetto Caetani (1230/1240-1303), le futur Boniface VIIl, et connu sous le nom de «sentence des cardinaux», qui reprend et précise, au grand dam des Lyonnais, l’arbitrage de 1287. L’affaire connaît encore quelques péripéties, jusqu’à la confiscation par Philippe le Bel (1268-1314), en 1312, de la juridiction et sa délégation en 1320 au seul archevêque par Philippe V. Derrière ce long conflit entre archevêque et chapitre apparaît clairement un conflit secondaire, qui pourrait bien être le conflit principal, entre une oligarchie ecclésiastique et l’affirmation d’un pouvoir civil ; il n’est pas étonnant qu’il s’achève par la prise de contrôle de la ville par le roi de France et par la charte sabaudine, dans laquelle, le 21 juin 1320, l’archevêque Pierre de Savoie (?-1332) confirme les franchises et libertés des citoyens de Lyon. Les relations entre le Consulat et le chapitre, entre celui-ci et l’archevêque n’en continueront pas moins d’être tendues, mais les conflits sont désormais dépourvus d’enjeu politique, sauf dans des contextes spécifiques déterminés par le contexte national, comme durant les guerres de Religion et au temps de la Ligue ; ils tiennent le plus souvent à des querelles foncières, protocolaires, liturgiques, comme au 18e siècle à propos des réformes du rite lyonnais introduites par l’archevêque Malvin de Montazet, qui se heurte à l’opposition résolue du chapitre ; ce dernier, défendant notamment la récitation des offices par cœur et les textes en usages, échange de multiples factums avec l’archevêque, jusqu’à al décision royale qui, tout en entérinant les réformes de l’archevêque, lui permet de conserver les anciens textes.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter