Question d'origine :
Le colonialisme était justifié entre autre par le fait que les colonisés n'avaient pas de sentiment patriote envers leurs nations. Celles-ci étaient soit disant plus jeunes que les pays colonisateurs, je voulais donc savoir si ceci était vrai.
Réponse du Guichet
gds_ah
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 27/04/2012 à 08h37
Bonjour,
Le discours des Etats consiste à dire que leur nation existe depuis la nuit des temps, ceci afin de légitimer leur pouvoir et existence. Ainsi, il n’est pas étonnant que les anciens Empire coloniaux élaborent une « taxinomie des peuples » afin de les hiérarchiser, en s’inspirant du Darwinisme social. La logique d’Empire, qu’il soit occidental ou oriental, est l’élargissement du territoire, ce qui induit la conquête de nouvelles terres.
Le sentiment national, ou patriotique comme vous le suggérez, est difficile à jauger, preuves historiques à l’appui. Ce que les théoriciens du nationalisme, du courant moderniste, se concordent à dire c’est que le concept de Nation n’est pas très ancien. Même si le terme nation existait il y a de cela plusieurs siècle, il n’avait pas le sens moderne que nous entendons aujourd’hui. En fait, c’est courant XVIIIème siècle, que la notion d’Etat-nation apparait avec l’industrialisation.
Le débat autour de la définition de la Nation est marqué par la conception française d’Ernest Renan et allemande de Fichte :
Renan , à l’occasion d’une conférence intitulée Qu’est ce qu’une nation ? (1882) explique, dans le contexte de la défaite de 1870 et de l'annexion par l'Empire allemand de l'Alsace-Lorraine, que la nation repose sur un héritage passé, un passé commun, et la volonté de la perpétrer : la nation est un plébiscite de tous les jours.
La conception allemande de Fichte est censée être beaucoup plus essentialiste (fondée sur la race, la langue et la religion).
Ces deux visions ont encore une influence dans la société contemporaine : les politiques d’immigration et de naturalisation des étrangers de l’Allemagne et de la France découlent de ces deux approches : droit du sol pour les français et droit du sang pour les allemands.
Les Etats-nations ont pris divers chemin pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui, mais cela ne signifie pas que certains sont plus légitimes que d’autres. Entamer des considérations de la sorte revient à s’endosser une posture politique. Il est prudent de laisser les chercheurs poursuivent leurs études de cas.
Ce document, disponible sur la Toile, expose la différence entre les deux courants théoriques de la nation et du nationalisme qui s’opposent : celui des primordialistes ou essentialistes (Anthony Smith) et celui des modernistes (Gellner, Anderson).
Si le primordialisme accepte les principes fondamentaux de la théorie nationaliste, le modernisme est au contraire une réaction contre celle-ci. Cette réaction est survenue dans les années soixante lors du mouvement de décolonisation en Asie et en Afrique, et la théorie moderniste classique qui en découle est rapidement devenue le mode de pensée dominant dans ce champ d’étude. En fait, il s’agit d’un cadre assez vague puisqu’il existe peu d’homogénéité entre les différents courants modernistes. Cependant, ils ont deux dénominateurs communs : le premier est la question de la modernité des nations, et le deuxième celui de leur construction.
La théorie moderniste suit donc le principe selon lequel les nations n’existaient pas en tant que telles dans les époques pré-modernes : elles ne sont pas naturelles, mais le fruit d’une communauté ethnique ou linguistique. Les nations seraient apparues à partir du XVIIIe siècle et de la Révolution Française, soit parce qu’elles ont été construites ou imaginées selon Gellner ou Anderson, soit parce qu’elles réagirent aux conséquences néfastes de phénomènes modernes selon Nairn. Elles seraient le fruit du capitalisme et de l’industrialisation, de l’urbanisation et de l’exode rural, d’une sécularisation grandissante et de l’émergence d’un Etat bureaucratique. Les nations sont donc des entités modernes qui n’avaient pas leur place dans le passé comme l’explique Gellner.
Ouvrages traitant de la question :
The cultural foundations of nations : hierarchy, covenant, and republic / Anthony D. Smith (Malden, Mass., Blackwell, 2008)
The ethnic origins of nations / Anthony D. Smith (Oxford, Cambridge (Mass.), B. Blackwell, 1986)
Imagined communities : reflections on the origin and spread of nationalism / Benedict Anderson (London, New York, Verso, impr. 2006)
L'illusion identitaire / Jean-François Bayart (Paris, Fayard, 1996)
Nations and nationalism/ Ernest Gellner (Oxford, B. Blackwell, cop. 1983)
Mapping the nation / ed. by Gopal Balakrishnan ; with an introd. by Benedict Anderson (London, New York, Verso, 1996)
Theories of nationalism : a critical introduction / Umut Özkırımlı (Basingstoke, New York, Palgrave Macmillan, 2010)
Le discours des Etats consiste à dire que leur nation existe depuis la nuit des temps, ceci afin de légitimer leur pouvoir et existence. Ainsi, il n’est pas étonnant que les anciens Empire coloniaux élaborent une « taxinomie des peuples » afin de les hiérarchiser, en s’inspirant du Darwinisme social. La logique d’Empire, qu’il soit occidental ou oriental, est l’élargissement du territoire, ce qui induit la conquête de nouvelles terres.
Le sentiment national, ou patriotique comme vous le suggérez, est difficile à jauger, preuves historiques à l’appui. Ce que les théoriciens du nationalisme, du courant moderniste, se concordent à dire c’est que le concept de Nation n’est pas très ancien. Même si le terme nation existait il y a de cela plusieurs siècle, il n’avait pas le sens moderne que nous entendons aujourd’hui. En fait, c’est courant XVIIIème siècle, que la notion d’Etat-nation apparait avec l’industrialisation.
Le débat autour de la définition de la Nation est marqué par la conception française d’Ernest Renan et allemande de Fichte :
Renan , à l’occasion d’une conférence intitulée Qu’est ce qu’une nation ? (1882) explique, dans le contexte de la défaite de 1870 et de l'annexion par l'Empire allemand de l'Alsace-Lorraine, que la nation repose sur un héritage passé, un passé commun, et la volonté de la perpétrer : la nation est un plébiscite de tous les jours.
La conception allemande de Fichte est censée être beaucoup plus essentialiste (fondée sur la race, la langue et la religion).
Ces deux visions ont encore une influence dans la société contemporaine : les politiques d’immigration et de naturalisation des étrangers de l’Allemagne et de la France découlent de ces deux approches : droit du sol pour les français et droit du sang pour les allemands.
Les Etats-nations ont pris divers chemin pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui, mais cela ne signifie pas que certains sont plus légitimes que d’autres. Entamer des considérations de la sorte revient à s’endosser une posture politique. Il est prudent de laisser les chercheurs poursuivent leurs études de cas.
Ce document, disponible sur la Toile, expose la différence entre les deux courants théoriques de la nation et du nationalisme qui s’opposent : celui des primordialistes ou essentialistes (Anthony Smith) et celui des modernistes (Gellner, Anderson).
Si le primordialisme accepte les principes fondamentaux de la théorie nationaliste, le modernisme est au contraire une réaction contre celle-ci. Cette réaction est survenue dans les années soixante lors du mouvement de décolonisation en Asie et en Afrique, et la théorie moderniste classique qui en découle est rapidement devenue le mode de pensée dominant dans ce champ d’étude. En fait, il s’agit d’un cadre assez vague puisqu’il existe peu d’homogénéité entre les différents courants modernistes. Cependant, ils ont deux dénominateurs communs : le premier est la question de la modernité des nations, et le deuxième celui de leur construction.
La théorie moderniste suit donc le principe selon lequel les nations n’existaient pas en tant que telles dans les époques pré-modernes : elles ne sont pas naturelles, mais le fruit d’une communauté ethnique ou linguistique. Les nations seraient apparues à partir du XVIIIe siècle et de la Révolution Française, soit parce qu’elles ont été construites ou imaginées selon Gellner ou Anderson, soit parce qu’elles réagirent aux conséquences néfastes de phénomènes modernes selon Nairn. Elles seraient le fruit du capitalisme et de l’industrialisation, de l’urbanisation et de l’exode rural, d’une sécularisation grandissante et de l’émergence d’un Etat bureaucratique. Les nations sont donc des entités modernes qui n’avaient pas leur place dans le passé comme l’explique Gellner.
Ouvrages traitant de la question :
The cultural foundations of nations : hierarchy, covenant, and republic / Anthony D. Smith (Malden, Mass., Blackwell, 2008)
The ethnic origins of nations / Anthony D. Smith (Oxford, Cambridge (Mass.), B. Blackwell, 1986)
Imagined communities : reflections on the origin and spread of nationalism / Benedict Anderson (London, New York, Verso, impr. 2006)
L'illusion identitaire / Jean-François Bayart (Paris, Fayard, 1996)
Nations and nationalism/ Ernest Gellner (Oxford, B. Blackwell, cop. 1983)
Mapping the nation / ed. by Gopal Balakrishnan ; with an introd. by Benedict Anderson (London, New York, Verso, 1996)
Theories of nationalism : a critical introduction / Umut Özkırımlı (Basingstoke, New York, Palgrave Macmillan, 2010)
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