Question d'origine :
Bonjour,
Est ce que , au début du XXe siècle, une demoiselle célibataire pouvait adopter un enfant orphelin si elle en faisait la demande ? Si oui, avait elle le droit de se faire appeler " madame" ?
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 03/09/2012 à 10h13
Bonjour,
Votre question soulève en fait deux interrogations différentes : l’adoption et le statut de la femme au XXe siècle. Pour vous répondre, il importe donc de revenir sur les notions d’abandon et d’adoption qui ont fortement évolué. Sans retracer toute l'histoire, il importe de savoir qu’au XVIIIe siècle est mis en place un dispositif et sont crées des hospices destinés à accueillir les enfants abandonnés dont le destin est particulièrement tragique puisqu’en droit français ils ne sont pas adoptables.Ce n’est qu’à partir de 1923, à la suite d’un changement de législation sur l’adoption qu’ils deviennent adoptables dès leur petite enfance .
André Burguière rappelle dans l’ouvrage le mariage et l’amour ces diverses phases et explique que la faculté d’adopter est retenue par Code civil mais sous une forme extrêmement restrictive. Elle n’est permise au moment de l’adoption et en faveur d’un enfant ayant au minimum quinze ans de moins qu’eux.
L’adoption ne devient effective (en particulier par le droit d’hériter de l’adoptant) qu’à la majorité de l’adopté. Pour donner son accord, l’autorité judicaire qui officialise l’adoption doit exiger des conditions précises : soit le fait que l’adoptant a pris soin au moins pendant six ans de l’enfant qu’il souhaite adopter, soit un acte héroïque de l’adopté qui aurait sauvé la vie de l’adoptant et mériterait ainsi son affection reconnaissante.
L’adoption, sous la forme restrictive retenue par le Code civil, prenait en compte les objectifs successoraux, non le désir d’élever un enfant, de tisser des liens familiaux dans soubassement biologique … c’est pourquoi l’adoption a eu, jusqu’à la modification de la loi en 1923, une application réduite (une centaine de cas par an), avant tout pour légitimer un enfant naturel ou tourner les dispositions fiscales sur els successions en adoptant un neveu ou un cousin. On observe cependant, comme Jean-Pierre Gutton l’a souligné à partir de l’examen des comptes généraux de l’administration de la justice civile, une augmentation des adoptés sans liens de parenté avec l’adoptant dans le derniers tiers du XIXe siècle. Le candidat adoptant (ayant au moins cinquante ans) obtenait d’abord la tutelle officieuse, si l’enfant avait au moins quinze ans. Au bout de six ans de prise en charge continue, l’enfant devenu majeur pouvait être officiellement adopté (et donc hériter). Cette formule a permis essentiellement l’adoption d’enfants abandonnés, encouragée par l’Assistance publique qui confirmait en général son accord quand l’enfant atteignait sa majorité (…) La loi du 19 juin 1923, qui autorise l’adoption des mineurs et abaisse à 40 ans l’âge minimum des adoptants (…) En instituant « la légitimation adoptive », il permet à des couples mariés depuis dix ans et sans enfant d’adopter un enfant en bas âge dont les parents sont inconnus ou décédés.
Donc à priori, le cas de « l’adoption » ne se pose pas pour une femme célibataire. Qui plus est revenons au statut de la femme au début du XXe siècle qui vous le verrez est loin d’être paradisiaque.
Comme nous l’indiquions dans une de nos réponses apportée sur le Carnet de chèque pour les femmes "la femme doit obéissance à son mari ". Jusqu'à une date récente, le droit des femmes dans la famille fut marqué par l'esprit qui présida à la rédaction du Code civil en 1804. Toutefois, l'évolution de la condition féminine et des moeurs ont eu raison de ce Code dont les féministes, en 1904, célébraient le centenaire par un autodafé.
Le Code civil de 1804: la puissance maritale fait de la femme une mineure à vie.
En codifiant l'infériorité de la femme mariée et en proclamant son incapacité, l'objectif est de soumettre femme et enfants au pouvoir absolu du pater familias. "La femme est donnée à l'homme pour qu'elle lui fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l'arbre fruitier est celle du jardinier ", explique Napoléon Bonaparte.
Le père demeure le chef de famille incontesté et l’autorité paternelle reste quasiment absolue
Par ailleurs, comme le relate Jean-Claude Bologne dans Histoire du célibat et des célibataires pour être libre, il faut un statut social, et bon nombre de femmes sont mariées avant leur majorité, à vingt-cinq ans. Les « vieilles filles » restent souvent au sein de leur famille, ou chez un frère ; Toute leur vie les femmes dépendent d’un père, puis d’un mari, ou, peu ou prou, de leur entourage proche.
Pour finir, l’usage « mademoiselle » ou « madame » définit la femme par son statut matrimonial. Ce second terme est employé pour signifier que la personne est mariée !!
Ces derniers temps l’emploi de ces termes a été fortement remis en cause (voir par exemple lobbymatronyme.free.fr)
Si vous souhaitez approfondir ces thématiques, nous vous recommandons vivement :
Enfances d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: approche comparative / Michèle Guidetti, Suzanne Lallemand, Marie-France Morel, 2002 : L'objectif de cet ouvrage est de confronter les positions anthropologique et historique relatives à l'enfance et à ses milieux de vie (famille, classes d'âge, mode de garde) de façon à mieux comprendre et relativiser notre conception actuelle de l'enfance …
L'adoption [D.V.D] : genèse historique : un entretien avec Michel Soule / réal. Alain Bouvarel, Richard Martin, Pierre H. Tremblay, 2005 : De la Rome Antique, en passant par Napoléon et l’inscription dans le Code Civil, jusqu’à la loi de 1966 qui donne à l’adoption ses trois aspects fondamentaux d’anonymat, de définitif et irrévocable, le Pr. SOULE nous décrit ensuite avec érudition les principes actuels de l’adoption …
Histoire des mères et filles / Gabriel Houbre, 2006 : Cet ouvrage analyse ce lien si complexe qui unit les mères à leurs filles, de la naissance à l'âge adulte. Le XIXe siècle constitue une période clé de cette histoire car il théorise et impose comme jamais auparavant un modèle qui perdure au siècle suivant et contre lequel s'insurgeront, après d'autres, les féministes des années 1970. " Ce qu'est la mère sera la fille "
Votre question soulève en fait deux interrogations différentes : l’adoption et le statut de la femme au XXe siècle. Pour vous répondre, il importe donc de revenir sur les notions d’abandon et d’adoption qui ont fortement évolué. Sans retracer toute l'histoire, il importe de savoir qu’au XVIIIe siècle est mis en place un dispositif et sont crées des hospices destinés à accueillir les enfants abandonnés dont le destin est particulièrement tragique puisqu’en droit français ils ne sont pas adoptables.
André Burguière rappelle dans l’ouvrage le mariage et l’amour ces diverses phases et explique que la faculté d’adopter est retenue par Code civil mais sous une forme extrêmement restrictive. Elle n’est permise au moment de l’adoption et en faveur d’un enfant ayant au minimum quinze ans de moins qu’eux.
L’adoption ne devient effective (en particulier par le droit d’hériter de l’adoptant) qu’à la majorité de l’adopté. Pour donner son accord, l’autorité judicaire qui officialise l’adoption doit exiger des conditions précises : soit le fait que l’adoptant a pris soin au moins pendant six ans de l’enfant qu’il souhaite adopter, soit un acte héroïque de l’adopté qui aurait sauvé la vie de l’adoptant et mériterait ainsi son affection reconnaissante.
L’adoption, sous la forme restrictive retenue par le Code civil, prenait en compte les objectifs successoraux, non le désir d’élever un enfant, de tisser des liens familiaux dans soubassement biologique … c’est pourquoi l’adoption a eu, jusqu’à la modification de la loi en 1923, une application réduite (une centaine de cas par an), avant tout pour légitimer un enfant naturel ou tourner les dispositions fiscales sur els successions en adoptant un neveu ou un cousin. On observe cependant, comme Jean-Pierre Gutton l’a souligné à partir de l’examen des comptes généraux de l’administration de la justice civile, une augmentation des adoptés sans liens de parenté avec l’adoptant dans le derniers tiers du XIXe siècle. Le candidat adoptant (ayant au moins cinquante ans) obtenait d’abord la tutelle officieuse, si l’enfant avait au moins quinze ans. Au bout de six ans de prise en charge continue, l’enfant devenu majeur pouvait être officiellement adopté (et donc hériter). Cette formule a permis essentiellement l’adoption d’enfants abandonnés, encouragée par l’Assistance publique qui confirmait en général son accord quand l’enfant atteignait sa majorité (…) La loi du 19 juin 1923, qui autorise l’adoption des mineurs et abaisse à 40 ans l’âge minimum des adoptants (…) En instituant « la légitimation adoptive », il permet à des couples mariés depuis dix ans et sans enfant d’adopter un enfant en bas âge dont les parents sont inconnus ou décédés.
Donc à priori, le cas de « l’adoption » ne se pose pas pour une femme célibataire. Qui plus est revenons au statut de la femme au début du XXe siècle qui vous le verrez est loin d’être paradisiaque.
Comme nous l’indiquions dans une de nos réponses apportée sur le Carnet de chèque pour les femmes "la femme doit obéissance à son mari ". Jusqu'à une date récente, le droit des femmes dans la famille fut marqué par l'esprit qui présida à la rédaction du Code civil en 1804. Toutefois, l'évolution de la condition féminine et des moeurs ont eu raison de ce Code dont les féministes, en 1904, célébraient le centenaire par un autodafé.
Le Code civil de 1804: la puissance maritale fait de la femme une mineure à vie.
En codifiant l'infériorité de la femme mariée et en proclamant son incapacité, l'objectif est de soumettre femme et enfants au pouvoir absolu du pater familias. "La femme est donnée à l'homme pour qu'elle lui fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l'arbre fruitier est celle du jardinier ", explique Napoléon Bonaparte.
Le père demeure le chef de famille incontesté et l’autorité paternelle reste quasiment absolue
Par ailleurs, comme le relate Jean-Claude Bologne dans Histoire du célibat et des célibataires pour être libre, il faut un statut social, et bon nombre de femmes sont mariées avant leur majorité, à vingt-cinq ans. Les « vieilles filles » restent souvent au sein de leur famille, ou chez un frère ; Toute leur vie les femmes dépendent d’un père, puis d’un mari, ou, peu ou prou, de leur entourage proche.
Pour finir, l’usage « mademoiselle » ou « madame » définit la femme par son statut matrimonial. Ce second terme est employé pour signifier que la personne est mariée !!
Ces derniers temps l’emploi de ces termes a été fortement remis en cause (voir par exemple lobbymatronyme.free.fr)
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Enfances d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: approche comparative / Michèle Guidetti, Suzanne Lallemand, Marie-France Morel, 2002 : L'objectif de cet ouvrage est de confronter les positions anthropologique et historique relatives à l'enfance et à ses milieux de vie (famille, classes d'âge, mode de garde) de façon à mieux comprendre et relativiser notre conception actuelle de l'enfance …
L'adoption [D.V.D] : genèse historique : un entretien avec Michel Soule / réal. Alain Bouvarel, Richard Martin, Pierre H. Tremblay, 2005 : De la Rome Antique, en passant par Napoléon et l’inscription dans le Code Civil, jusqu’à la loi de 1966 qui donne à l’adoption ses trois aspects fondamentaux d’anonymat, de définitif et irrévocable, le Pr. SOULE nous décrit ensuite avec érudition les principes actuels de l’adoption …
Histoire des mères et filles / Gabriel Houbre, 2006 : Cet ouvrage analyse ce lien si complexe qui unit les mères à leurs filles, de la naissance à l'âge adulte. Le XIXe siècle constitue une période clé de cette histoire car il théorise et impose comme jamais auparavant un modèle qui perdure au siècle suivant et contre lequel s'insurgeront, après d'autres, les féministes des années 1970. " Ce qu'est la mère sera la fille "
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