Question d'origine :
Bonjour,
Est-ce que les sex-toys féminins se sont plus développés en temps de guerre ? Etant donné que les femmes attendaient leur mari et que des prostituées étaient l’apanage des soldats, est-ce que les femmes n'ont-elles pas cherchées à se faire plaisir aussi ... ?
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 15/02/2013 à 14h39
Bonjour,
Votre question, apparemment légère et anodine, soulève en fait bien d’autres problématiques : celui du statut des femmes, du plaisir et de la sexualité, de l’évolution des mœurs, du féminisme … mais aussi le fait que les femmes avaient et ont aussi en temps de guerre d’autres préoccupations. Nous ne pourrons évoquer bien évidemment tous ces points mais pouvons retenir plusieurs choses, d’une part, le fait que les femmes avaient d’autres soucis que ceux du « sex toys » et le fait que la conception de plaisir était encore très largement tabou, la sexualité étant avant tout destinée à la procréation. Le devoir donc avant le plaisir ….
Ainsi, Sarah Fishman, rappelle dans Femmes de prisonniers de guerre, 1940-1945, que les femmes étaient angoissées ou dépressives et elles s’inquiétaient aussi pour elles (…) beaucoup de femmes se sentaient accablées par le travail et leurs nouvelles responsabilités (…) Certaines nous ont dit avoir éprouvé envie et jalousie à l’encontre des couples et des familles unies, sentiment que l’on a retrouvé exprimé dans l’étude de 1943. Elles ne supportaient pas le bonheur des autres gens et étaient aigries du fait des années perdues de leur jeunesse. Marguerite parle du problème de la sexualité, très peu évoqué autrement : ce n’était pas facile d’assumer sa sexualité sans tendresse, ni caresse, ni ce qui fait que le temps fort de la vie du couple. Une autre femme Lisette en parle elle aussi : quand à la sexualité, j’en ai souffert, sans plus. Très peu de femmes parlent du sexe, cela ne veut pas dire que cela n’a pas été un problème pour elles. Jacqueline Deroy a rappelé fort à propos que la discrétion sur ce thème est une caractéristique de cette génération.
Par ailleurs, comme nous le mentionnions ci-dessus, la sexualité féminine est instrumentalisée par l’Etat en guerre. La procréation, dans le strict cadre conjugal, est encouragée mais dès que le sexe sert exclusivement le domaine du plaisir, il devient un danger menaçant la nation et l’effort de guerre, à moins d’un strict contrôle.
Source : Femmes dans la guerre par Carol Mann.
La condamnation de tout plaisir établie avec l’essor des religions monothéistes perdure, en France, jusqu’au mouvement de mai 68. Jusqu’à là, pas de sexualité pour l’unique plaisir. D’ailleurs, en 1867, Le Médical Society Journal publie un article recommandant l’utilisation du bromure afin de calmer les ardeurs de ces dames, dont l’excitation sexuelle due aux vibrations de la machine … à coudre.
Source : Sextoys story / Vincent Vidal.
Pierre Humbert et Jérôme Palazzola dans La petite histoire de la masturbation précisent d’ailleurs que le XIXe siècle vit croître la demande en traitements anti-masturbatoires et ce même si au début du XXe siècle, les discours s’assouplissent. Certains scientifiques dont Havlock Ellis avaient souligné le rôle de la masturbation féminine dans la régulation des cycles menstruels de la femme brusquement privée de rapports sexuels…. De même que Robert L. Dickinson dans les années 30-40 réfuta la théorie médicale prétendant que le col utérin s’ouvrait au cours de l’orgasme pour aspirer la semence mâle.
Dans les années 1930 Helena Wright expliquait aux femmes, dans The Sex factor in marriage, comment obtenir l’orgasme dans le coït et comment se masturber : « la plupart des femmes regardent indéfiniment leur visage dans les glaces et en connaissent par cœur tous les détails. Mais elles ont peur de s’intéresser à leur sexe. » Pour la première fois, une description précise montrait comment stimuler le clitoris. Car la morale rigide du siècle passé avait rendu frigides une grande proportion de femmes.
Source : La petite histoire de la masturbation.
Mais puisque votre question porte non pas sur la masturbation mais l’emploi de sex-toys, sachez que dans les années 60, les godemichés à des fins « autosexuelles ou homosexuelles » sont interdits par al loi et vendus sous le manteau ; résultat : lorsque arrivent, au compte-goutte, en 196è et surtout à partir de l’été 1969, les premiers modèles dans des catalogues de vente par correspondance (La Redoute, Neckermann, Les Trois Suisses …) l’hypocrisie est de mise. L’hypocrisie est de mise. Ces petits gadgets vibrant ne trompent personne la pub ne mentionne qu’un usage externe : ventre, cuisse, visage, mais ajoute que le masseur ou stimulateur, permet d’atteindre « les parties les plus délicates du corps ».
Source : Sextoys story / Vincent Vidal.
Ces mêmes informations sont soulignées dans La petite histoire de la masturbation : les années 1970 virent la médiatisation du traitement de la frigidité, en même temps que l’invention du vibromasseur.
Il faudra donc attendre mai 68 pour que toutes les argumentations imaginées pour justifier l’interdit de la masturbation tombent aussi.
Pour finir, sur de bien plus tristes considérations, insistons sur le fait qu’en temps de guerre les femmes sont bien souvent victimes de violences … nous vous laissons découvrir cet aspect en consultant notre réponse portant sur la répression violences domestiques ou l’ouvrage Viol(s) comme arme de guerre par Vanessa Fargnoli (2012). Mais c’est là encore un autre débat.
Votre question, apparemment légère et anodine, soulève en fait bien d’autres problématiques : celui du statut des femmes, du plaisir et de la sexualité, de l’évolution des mœurs, du féminisme … mais aussi le fait que les femmes avaient et ont aussi en temps de guerre d’autres préoccupations. Nous ne pourrons évoquer bien évidemment tous ces points mais pouvons retenir plusieurs choses, d’une part, le fait que les femmes avaient d’autres soucis que ceux du « sex toys » et le fait que la conception de plaisir était encore très largement tabou, la sexualité étant avant tout destinée à la procréation. Le devoir donc avant le plaisir ….
Ainsi, Sarah Fishman, rappelle dans Femmes de prisonniers de guerre, 1940-1945, que les femmes étaient angoissées ou dépressives et elles s’inquiétaient aussi pour elles (…) beaucoup de femmes se sentaient accablées par le travail et leurs nouvelles responsabilités (…) Certaines nous ont dit avoir éprouvé envie et jalousie à l’encontre des couples et des familles unies, sentiment que l’on a retrouvé exprimé dans l’étude de 1943. Elles ne supportaient pas le bonheur des autres gens et étaient aigries du fait des années perdues de leur jeunesse. Marguerite parle du problème de la sexualité, très peu évoqué autrement : ce n’était pas facile d’assumer sa sexualité sans tendresse, ni caresse, ni ce qui fait que le temps fort de la vie du couple. Une autre femme Lisette en parle elle aussi : quand à la sexualité, j’en ai souffert, sans plus. Très peu de femmes parlent du sexe, cela ne veut pas dire que cela n’a pas été un problème pour elles. Jacqueline Deroy a rappelé fort à propos que la discrétion sur ce thème est une caractéristique de cette génération.
Par ailleurs, comme nous le mentionnions ci-dessus, la sexualité féminine est instrumentalisée par l’Etat en guerre. La procréation, dans le strict cadre conjugal, est encouragée mais dès que le sexe sert exclusivement le domaine du plaisir, il devient un danger menaçant la nation et l’effort de guerre, à moins d’un strict contrôle.
Source : Femmes dans la guerre par Carol Mann.
La condamnation de tout plaisir établie avec l’essor des religions monothéistes perdure, en France, jusqu’au mouvement de mai 68. Jusqu’à là, pas de sexualité pour l’unique plaisir. D’ailleurs, en 1867, Le Médical Society Journal publie un article recommandant l’utilisation du bromure afin de calmer les ardeurs de ces dames, dont l’excitation sexuelle due aux vibrations de la machine … à coudre.
Source : Sextoys story / Vincent Vidal.
Pierre Humbert et Jérôme Palazzola dans La petite histoire de la masturbation précisent d’ailleurs que le XIXe siècle vit croître la demande en traitements anti-masturbatoires et ce même si au début du XXe siècle, les discours s’assouplissent. Certains scientifiques dont Havlock Ellis avaient souligné le rôle de la masturbation féminine dans la régulation des cycles menstruels de la femme brusquement privée de rapports sexuels…. De même que Robert L. Dickinson dans les années 30-40 réfuta la théorie médicale prétendant que le col utérin s’ouvrait au cours de l’orgasme pour aspirer la semence mâle.
Dans les années 1930 Helena Wright expliquait aux femmes, dans The Sex factor in marriage, comment obtenir l’orgasme dans le coït et comment se masturber : « la plupart des femmes regardent indéfiniment leur visage dans les glaces et en connaissent par cœur tous les détails. Mais elles ont peur de s’intéresser à leur sexe. » Pour la première fois, une description précise montrait comment stimuler le clitoris. Car la morale rigide du siècle passé avait rendu frigides une grande proportion de femmes.
Source : La petite histoire de la masturbation.
Mais puisque votre question porte non pas sur la masturbation mais l’emploi de sex-toys, sachez que dans les années 60, les godemichés à des fins « autosexuelles ou homosexuelles » sont interdits par al loi et vendus sous le manteau ; résultat : lorsque arrivent, au compte-goutte, en 196è et surtout à partir de l’été 1969, les premiers modèles dans des catalogues de vente par correspondance (La Redoute, Neckermann, Les Trois Suisses …) l’hypocrisie est de mise. L’hypocrisie est de mise. Ces petits gadgets vibrant ne trompent personne la pub ne mentionne qu’un usage externe : ventre, cuisse, visage, mais ajoute que le masseur ou stimulateur, permet d’atteindre « les parties les plus délicates du corps ».
Source : Sextoys story / Vincent Vidal.
Ces mêmes informations sont soulignées dans La petite histoire de la masturbation : les années 1970 virent la médiatisation du traitement de la frigidité, en même temps que l’invention du vibromasseur.
Il faudra donc attendre mai 68 pour que toutes les argumentations imaginées pour justifier l’interdit de la masturbation tombent aussi.
Pour finir, sur de bien plus tristes considérations, insistons sur le fait qu’en temps de guerre les femmes sont bien souvent victimes de violences … nous vous laissons découvrir cet aspect en consultant notre réponse portant sur la répression violences domestiques ou l’ouvrage Viol(s) comme arme de guerre par Vanessa Fargnoli (2012). Mais c’est là encore un autre débat.
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