Question d'origine :
Sachant que le labour est aujourd'hui remis en cause, comment et pour quelles raisons s'est-il développé si tôt dans notre histoire et perdure encore ?
Merci.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 11/06/2013 à 10h19
Bonjour,
Le labour pratiqué depuis le Néolithique par l’Homme est remis en cause de nos jours.
Sous l'Antiquité, les hommes se sont probablement aperçu que le labour présentait un certain nombre d'avantages que vous retrouvez dans l'extrait suivant :
Le labour est une opération de travail du sol profond dont le principe repose avant tout sur le découpage puis le retournement d'une bande de terre (le sillon). Il est réalisée à l'aide d'une charrue à versoirs ou d'une charrue à disques et répond à des objectifs multiples :
- Amélioration de l'état structural, de l'ensemble de la couche labourée. Lors du retournement de la bande de terre, celle-ci se disloque, ce qui accroît la porosité et fragmente les volumes de sol tassés lors de la culture précédente. Par ailleurs, la labour en remontant à la surface des volumes de sol qui, sinon, seraient restés protégés en profondeur, favorise l'action du climat et des outils de reprise. Enfin le labour facilite la fabrication du lit de semences.
- Enfouissement des matières organiques présentes à la surface du sol : résidus de culture, fumier, cultures intermédiaires, prairies.
- Destruction des adventices et des repousses, enfouissement de leurs graines. Pour être détruites, les adventices doivent être enfouies suffisamment profondément. L'enfouissement de leurs graines empêche la germination dans la culture à venir ; en revanche, pour certaines graines résistantes, un labour systématiques en remettra une partie à la surface du sol l'année suivante.
- Enfouissement des engrais de fond et des résidus de pesticides. Le labour permet de mettre à disposition des racines les éléments peu mobiles dans le sol (phosphore, potassium) et de diluer dans une masse importante de terre des résidus laissés par la culture précédente et qui pourraient nuire à la suivante.
- Amélioration de la circulation de l'eau. Le labour accroît fortement l'infiltrabilité du sol et permet d'éviter les excès d'eau. Il faut toutefois faire attention aux risques d'érosion lorsqu'une croûte de battance se créée après le labour : le micro-relief du sol créé par la charrue est favorable au déclenchement du ruissellement concentré.
source : AgroParisTech : Labour
Voir aussi l'article du Larousse agricole
L'article de l'Encyclopaedia universalis "Histoire des Agricultures" explique :
Les cultures avec jachère et élevage associé de l'Antiquité
Sur les terres cultivées, les céréales d'hiver (blé, orge, seigle...), qui duraient environ neuf mois (de novembre à juillet), alternaient en général avec une friche herbeuse de quinze mois, la jachère, formant ainsi une rotation biennale. Pour renouveler la fertilité de ces terres, les animaux, pâturant le jour dans les zones herbeuses environnantes, étaient parqués toutes les nuits durant quinze mois sur les jachères afin qu'ils y déposent leurs déjections. Mais, ce mode de fumure impliquait beaucoup de pertes, une partie des excréments allant aux zones herbeuses, ou se perdant le long des chemins lors des allées et venues des animaux, ou étant lessivée pendant la jachère. De plus, dans les régions tempérées froides, la fumure était fortement limitée par le faible nombre d'animaux pouvant passer l'hiver : en effet, à cette époque, les paysans ne disposaient que de faucilles pour couper l'herbe, et ne pouvaient donc guère faire de réserves de foin pour alimenter le bétail durant la mauvaise saison.
Pour défricher les terres en jachère, avant les semis, on devait les labourer, autrement dit les retourner à la bêche ou à la houe pour enfouir les herbes folles. Ainsi, une vraie jachère est une friche herbeuse de quelques mois, qui est soumise au pâturage puis labourée en vue d'être à nouveau cultivée . Mais, comme le labour à la bêche est un travail harassant et qui demande beaucoup de temps, la plupart des terres étaient simplement préparées en passant plusieurs fois l'araire. Cet outil, venu de Mésopotamie, était tiré par des animaux. Il permettait de scarifier le sol et d'extirper les mauvaises herbes, mais il ne retournait pas vraiment la terre.
[...]
A partir de l'an 1000, dans la moitié nord de l'Europe, l'essor de la sidérurgie et d'un nouveau système d'outils agricoles a entraîné de profonds changements dans les pratiques de culture et d'élevage. Fourneaux à fonte et forges hydrauliques ont permis de produire plus de fer, de meilleure qualité, qui a servi à fabriquer des faux. Grâce à cet outil, plus efficace que la faucille, les paysans ont si bien développé la récolte du foin que beaucoup plus d'animaux ont pu passer l'hiver à l'étable, où leurs déjections, recueillies sur une litière de broussaille, ont fourni de plus en plus de fumier. Celui-ci, transporté sur les jachères par chariots et charrettes, a pu alors être enfoui grâce à la charrue, véritable instrument de labour tiré par des animaux.
De même, des outils comme l'Araire et la Charrue ont permis à l'homme d'accroitre les rendements du travail de la terre, à la fois parce que les terres étaient mieux fumées et mieux ensemencées.
A lire : A propos de l'araire, Norois, 1956, vol. 12, n° 1, pp. 469-470.
Voici un extrait de l'article de la revue Pour la Science (n°378 - avril 2009) Le labour obsolète de David Huggins et John Reganold qui expose de manière claire les données du problème actuel :
Dès qu'ils ont adopté l'agriculture, il y a environ 10 000 ans, les hommes ont utilisé des méthodes fondées sur le semis direct ou sur le labour (voir l'encadré page 72). En effet, parmi les premiers cultivateurs du Néolithique, certains creusaient des trous dans le sol avec un bâton, y jetaient des graines et les recouvraient avec de la terre. D'autres grattaient le sol avec un bâton pour placer des graines sous la surface.
Aujourd'hui, avec le perfectionnement des charrues et les tracteurs toujours plus puissants, le travail mécanique de la terre s'est imposé : le labour est devenu la norme pour les plantations et pour le contrôle des mauvaises herbes.
Le premier coup de semonce eut lieu dans les années 1930, à l'occasion du Dust Bowl (le « désert de poussière »). Il s'agit d'un épisode de sécheresse et d'une série de tempêtes de poussière qui dévastèrent la région des grandes plaines aux États-Unis et au Canada.
Ces tempêtes détruisirent les récoltes, emportèrent la couche arable des champs et laissèrent cultures, fermes et matériel dans un état de désolation. Plusieurs millions de personnes furent obligées de migrer, notamment vers la Californie. John Steinbeck décrit cette période dans Les Raisins de la colère. Le labour fut incriminé, car il aurait entraîné une érosion très importante.
La crise écologique conduisit à la création du Soil Conservation Service, aujourd'hui Natural Resources Conservation Service, organisme en charge de la sauvegarde des ressources naturelles et de l'environnement. Face à l'ampleur de la catastrophe, les agriculteurs ont commencé à explorer des méthodes de travail du sol réduit, notamment après la publication controversée, en 1943, de Plowman's Folly, par Edward Faulkner, qui remettait en question la nécessité du labour.
[...]
Le labour est une des premières causes de la dégradation des terres agricoles – l'un des problèmes environnementaux les plus graves – dégradation qui constitue une menace sur la production alimentaire et la subsistance du monde rural, en particulier dans les régions pauvres et densément peuplées des pays en développement. Peut-on se passer du labour ? Oui, grâce à deux techniques : le semis direct et le travail sans labour. La première méthode consiste à laisser les résidus de récolte sur les champs après la moisson, où ils constituent un paillis qui protège le sol de l'érosion et améliore la fertilité du sol. Dans la seconde, un travail superficiel du sol précède le semis (les résidus sont partiellement enfouis). Les agriculteurs utilisent des semoirs spécialement conçus qui pénètrent à travers les résidus végétaux jusqu'au sol non dégradé, où les graines peuvent germer et croître pour la nouvelle récolte.
Cette technique offre de nombreux avantages. Elle est moins coûteuse, elle préserve un bon niveau de matières organiques à la surface du sol, elle limite l'érosion hydrique et elle favorise le stockage de carbone dans le sol. Ainsi, dans l'essai de travail du sol sur une longue durée, en place depuis les années 1970 à la station de Boigneville, dans l'Essonne, l'augmentation de carbone stocké après 28 ans sans labour est de 13 pour cent, soit quelque cinq tonnes par hectare (voir l'encadré page 74).
En France, les techniques sans labour représentent environ 30 pour cent des blés et près de 40 pour cent des colzas, mais la répartition sur le territoire est variable. Par exemple, plus de 50 pour cent des blés semés sans labour le sont dans la région Midi-Pyrénées et moins de cinq pour cent le sont en Bretagne.
Pour en savoir plus, nous vous recommandons la lecture des ouvrages suivants :
- Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise / Marcel Mazoyer / Laurence roudard
- Autour d'Olivier de Serres : pratiques agricoles et pensée agronomique, du Néolithique aux enjeux actuels
- Les Campagnes en Gaule romaine : 52 av. J.-C.-486 ap. J.-C. / Alain Ferdière
- Histoire de l'agriculture en Gaule : 500 av. J.-C.-1000 apr. J.-C. / Alain Ferdière, François Malrain, Véronique Matterne... [et al.]
- Histoire de l'agriculture
ainsi que ces documents sur les techniques culturales sans labour (TCSL) :
- Le labourage des terres remis en question
- Impacts du travail du sol
- Le sol, un patrimoine durable ?
Le labour pratiqué depuis le Néolithique par l’Homme est remis en cause de nos jours.
Sous l'Antiquité, les hommes se sont probablement aperçu que le labour présentait un certain nombre d'avantages que vous retrouvez dans l'extrait suivant :
Le labour est une opération de travail du sol profond dont le principe repose avant tout sur le découpage puis le retournement d'une bande de terre (le sillon). Il est réalisée à l'aide d'une charrue à versoirs ou d'une charrue à disques et répond à des objectifs multiples :
- Amélioration de l'état structural, de l'ensemble de la couche labourée. Lors du retournement de la bande de terre, celle-ci se disloque, ce qui accroît la porosité et fragmente les volumes de sol tassés lors de la culture précédente. Par ailleurs, la labour en remontant à la surface des volumes de sol qui, sinon, seraient restés protégés en profondeur, favorise l'action du climat et des outils de reprise. Enfin le labour facilite la fabrication du lit de semences.
- Enfouissement des matières organiques présentes à la surface du sol : résidus de culture, fumier, cultures intermédiaires, prairies.
- Destruction des adventices et des repousses, enfouissement de leurs graines. Pour être détruites, les adventices doivent être enfouies suffisamment profondément. L'enfouissement de leurs graines empêche la germination dans la culture à venir ; en revanche, pour certaines graines résistantes, un labour systématiques en remettra une partie à la surface du sol l'année suivante.
- Enfouissement des engrais de fond et des résidus de pesticides. Le labour permet de mettre à disposition des racines les éléments peu mobiles dans le sol (phosphore, potassium) et de diluer dans une masse importante de terre des résidus laissés par la culture précédente et qui pourraient nuire à la suivante.
- Amélioration de la circulation de l'eau. Le labour accroît fortement l'infiltrabilité du sol et permet d'éviter les excès d'eau. Il faut toutefois faire attention aux risques d'érosion lorsqu'une croûte de battance se créée après le labour : le micro-relief du sol créé par la charrue est favorable au déclenchement du ruissellement concentré.
source : AgroParisTech : Labour
Voir aussi l'article du Larousse agricole
L'article de l'Encyclopaedia universalis "Histoire des Agricultures" explique :
Sur les terres cultivées, les céréales d'hiver (blé, orge, seigle...), qui duraient environ neuf mois (de novembre à juillet), alternaient en général avec une friche herbeuse de quinze mois, la jachère, formant ainsi une rotation biennale. Pour renouveler la fertilité de ces terres, les animaux, pâturant le jour dans les zones herbeuses environnantes, étaient parqués toutes les nuits durant quinze mois sur les jachères afin qu'ils y déposent leurs déjections. Mais, ce mode de fumure impliquait beaucoup de pertes, une partie des excréments allant aux zones herbeuses, ou se perdant le long des chemins lors des allées et venues des animaux, ou étant lessivée pendant la jachère. De plus, dans les régions tempérées froides, la fumure était fortement limitée par le faible nombre d'animaux pouvant passer l'hiver : en effet, à cette époque, les paysans ne disposaient que de faucilles pour couper l'herbe, et ne pouvaient donc guère faire de réserves de foin pour alimenter le bétail durant la mauvaise saison.
[...]
A partir de l'an 1000, dans la moitié nord de l'Europe, l'essor de la sidérurgie et d'un nouveau système d'outils agricoles a entraîné de profonds changements dans les pratiques de culture et d'élevage. Fourneaux à fonte et forges hydrauliques ont permis de produire plus de fer, de meilleure qualité, qui a servi à fabriquer des faux. Grâce à cet outil, plus efficace que la faucille, les paysans ont si bien développé la récolte du foin que beaucoup plus d'animaux ont pu passer l'hiver à l'étable, où leurs déjections, recueillies sur une litière de broussaille, ont fourni de plus en plus de fumier. Celui-ci, transporté sur les jachères par chariots et charrettes, a pu alors être enfoui grâce à la charrue, véritable instrument de labour tiré par des animaux.
De même, des outils comme l'Araire et la Charrue ont permis à l'homme d'accroitre les rendements du travail de la terre, à la fois parce que les terres étaient mieux fumées et mieux ensemencées.
A lire : A propos de l'araire, Norois, 1956, vol. 12, n° 1, pp. 469-470.
Voici un extrait de l'article de la revue Pour la Science (n°378 - avril 2009) Le labour obsolète de David Huggins et John Reganold qui expose de manière claire les données du problème actuel :
Dès qu'ils ont adopté l'agriculture, il y a environ 10 000 ans, les hommes ont utilisé des méthodes fondées sur le semis direct ou sur le labour (voir l'encadré page 72). En effet, parmi les premiers cultivateurs du Néolithique, certains creusaient des trous dans le sol avec un bâton, y jetaient des graines et les recouvraient avec de la terre. D'autres grattaient le sol avec un bâton pour placer des graines sous la surface.
Aujourd'hui, avec le perfectionnement des charrues et les tracteurs toujours plus puissants, le travail mécanique de la terre s'est imposé : le labour est devenu la norme pour les plantations et pour le contrôle des mauvaises herbes.
Le premier coup de semonce eut lieu dans les années 1930, à l'occasion du Dust Bowl (le « désert de poussière »). Il s'agit d'un épisode de sécheresse et d'une série de tempêtes de poussière qui dévastèrent la région des grandes plaines aux États-Unis et au Canada.
Ces tempêtes détruisirent les récoltes, emportèrent la couche arable des champs et laissèrent cultures, fermes et matériel dans un état de désolation. Plusieurs millions de personnes furent obligées de migrer, notamment vers la Californie. John Steinbeck décrit cette période dans Les Raisins de la colère. Le labour fut incriminé, car il aurait entraîné une érosion très importante.
La crise écologique conduisit à la création du Soil Conservation Service, aujourd'hui Natural Resources Conservation Service, organisme en charge de la sauvegarde des ressources naturelles et de l'environnement. Face à l'ampleur de la catastrophe, les agriculteurs ont commencé à explorer des méthodes de travail du sol réduit, notamment après la publication controversée, en 1943, de Plowman's Folly, par Edward Faulkner, qui remettait en question la nécessité du labour.
[...]
Le labour est une des premières causes de la dégradation des terres agricoles – l'un des problèmes environnementaux les plus graves – dégradation qui constitue une menace sur la production alimentaire et la subsistance du monde rural, en particulier dans les régions pauvres et densément peuplées des pays en développement. Peut-on se passer du labour ? Oui, grâce à deux techniques : le semis direct et le travail sans labour. La première méthode consiste à laisser les résidus de récolte sur les champs après la moisson, où ils constituent un paillis qui protège le sol de l'érosion et améliore la fertilité du sol. Dans la seconde, un travail superficiel du sol précède le semis (les résidus sont partiellement enfouis). Les agriculteurs utilisent des semoirs spécialement conçus qui pénètrent à travers les résidus végétaux jusqu'au sol non dégradé, où les graines peuvent germer et croître pour la nouvelle récolte.
Cette technique offre de nombreux avantages. Elle est moins coûteuse, elle préserve un bon niveau de matières organiques à la surface du sol, elle limite l'érosion hydrique et elle favorise le stockage de carbone dans le sol. Ainsi, dans l'essai de travail du sol sur une longue durée, en place depuis les années 1970 à la station de Boigneville, dans l'Essonne, l'augmentation de carbone stocké après 28 ans sans labour est de 13 pour cent, soit quelque cinq tonnes par hectare (voir l'encadré page 74).
En France, les techniques sans labour représentent environ 30 pour cent des blés et près de 40 pour cent des colzas, mais la répartition sur le territoire est variable. Par exemple, plus de 50 pour cent des blés semés sans labour le sont dans la région Midi-Pyrénées et moins de cinq pour cent le sont en Bretagne.
Pour en savoir plus, nous vous recommandons la lecture des ouvrages suivants :
- Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise / Marcel Mazoyer / Laurence roudard
- Autour d'Olivier de Serres : pratiques agricoles et pensée agronomique, du Néolithique aux enjeux actuels
- Les Campagnes en Gaule romaine : 52 av. J.-C.-486 ap. J.-C. / Alain Ferdière
- Histoire de l'agriculture en Gaule : 500 av. J.-C.-1000 apr. J.-C. / Alain Ferdière, François Malrain, Véronique Matterne... [et al.]
- Histoire de l'agriculture
ainsi que ces documents sur les techniques culturales sans labour (TCSL) :
- Le labourage des terres remis en question
- Impacts du travail du sol
- Le sol, un patrimoine durable ?
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