Question d'origine :
Très cher Guichet,
je cherche ce qu'est une "vente par terrier". J'ai trouvé ce terme dans un document du XIIIe siècle. Est-ce une vente à bail ?
J'ai cherché sur Google Books et dans Gallica, mais rien n'a pu m'éclairer.
Mille mercis par avance,
Tinodela.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 21/11/2013 à 10h11
Bonjour,
Les documents que nous avons consultés et notamment le livre intitulé "La pratique des documents anciens : actes publics et notariés, documents administratifs et comptables" de Roger Devos, Roger Gabion, Jean-Yves Mariotte n'abordent pas cette notion de "vente par terrier".
Nous ne pouvons qu'émettre une supposition : il pourrait s'agir d'une vente "sous acte authentique", le terrier étant un document administratif tenu par le seigneur pour gérer ses terres et les redevances qui lui sont dues.
Voici la définition proposée par le Dictionnaire de l'Académie française :
Un terrier est un registre contenant le dénombrement, les déclarations des particuliers qui relèvent d'une seigneurie, et le détail des droits, cens et rentes qui y sont dus.
On ne peut pas vraiment savoir s'il s'agit d'une vente à bail, tout dépendra du statut de la terre. Voir par exemple ce cours dont voici un extrait : Statut des biens)
Le régime juridique des biens au Moyen Âge se caractérise par un éclatement manifeste. Sur le sol du royaume de France, à l’époque féodale, la propriété a tendance à reculer et dans certaines régions, cette propriété romaine a même tendance à disparaître. Cette propriété romaine se compose de trois éléments : usus, fructus et abusus. L’usus est le droit de jouir d’un bien. Le fructus est le droit de percevoir les fruits (revenus) d’un bien. L’abusus est le droit de disposer du bien, la possibilité de l’aliéner à titre gratuit (donation) ou sous forme de vente. Dans le monde féodal, ce système de propriété romaine se trouve démembré. Lorsqu’une terre est inféodée, les trois éléments n’appartiennent plus à la même personne. Malgré tout, il existe certains biens qui échappent à ce démembrement et qui concerne l’aspect de la propriété romaine pleine et entière. Les terres sur lesquelles les trois éléments éclatent sont les tenures féodales. Les terres où ces trois éléments restent reliés sont les alleux.
1) Les tenures féodales, des propriétés démembrées
Au 11e siècle, le processus de féodalisation est achevé et les démembrements de la propriété s’inscrivent dans le cadre de la seigneurie banale. Dans la seigneurie banale, on trouve deux masses de biens distinctes. On trouve d’une part la réserve qui est l’ensemble des terres dont le seigneur se réserve l’exploitation directe. À côté de la réserve, on trouve les tenures qui sont des terres exploitées par des tenanciers libres ou serviles selon les cas. Ces tenanciers cultivent la tenure en échange d’une redevance qu’ils paient au seigneur. Démembrement juridique. Sur les tenures, le seigneur possède le domaine éminent : il détient l’abusus. Les tenanciers possèdent le domaine utile : ils profitent de l’usus et du fructus. La réserve et les tenures composent le fief du seigneur.
La réserve seigneuriale va progressivement disparaître car le seigneur (avant tout un guerrier) n’a plus vraiment le temps de surveiller l’exploitation de la réserve. Le fief ne sera plus constitué alors que de tenures. Les tenanciers peuvent être serfs ou libres. Si le tenancier est un serf, on parle de « tenure servile ». S’il est un roturier (ou vilain), on parle de « tenure roturière » ou de « censive ». On trouve enfin une troisième catégorie de tenure, une tenure noble qui est un fief. La tenure roturière, dirigé par un homme libre, comme le fief, est concédée à charge de service. Le plus souvent, la tenure roturière résulte d’un contrat : le bail à cens.
Le cens est une redevance fixe, souvent en argent ou en denrées alimentaires (dans ce cas, la redevance est appelée un champart). Cens ou champart sont les contreparties. Le vilain qui cultive une censive doit aussi acquitter des corvées domaniales dans la réserve du seigneur. Si le vilain ne respecte pas ces obligations, il s’expose à la saisie de sa censive. Au 13e siècle cependant, la saisie sera remplacée par une amende. Comme pour le fief, la censive devient héréditaire dès le 11e siècle. Les enfants du tenancier lui succèdent par voie d’héritage.
À la fin du 11e siècle, le tenancier peut aussi aliéner sa censive, la vendre, il doit acquitter, pour que la vente soit licite, un droit de mutation au seigneur : « les lods et ventes ». La tenure roturière suit une évolution similaire au fief mais ce sont deux choses distinctes. La censive résulte du bail à cens alors que la tenure noble résulte d’un contrat féodo-vassalique (hommage, foi, serment et investiture).
2) Les alleux, une propriété pleine
L’alleu est une terre libre. On ne la tient de personne si ce n’est de Dieu. Ce sont d’anciennes propriétés romaines qui appartenaient, sous les Carolingiens, à une seule personne qui détient encore, sous la féodalité, les trois éléments fondamentaux du droit de propriété. Entre le 9e et le 12e siècle, le nombre de ces terres libres ne cesse de diminuer. La plupart de ces anciens alleux deviennent des fiefs ou des censives (les moins vastes). La féodalisation du sol est plus importante au nord de la Loire qu’au sud. En Bretagne ou dans le Bovaisie, un adage du 13e siècle dit : « nulle terre sans seigneur ». Dans d’autres régions comme la Normandie ou l’Île-de-France, quelques îlots de terres libres se maintiennent. Ceux qui possèdent ces terres doivent cependant prouver leur nature. Un adage du 13e siècle dit à ce propos : « nul alleu sans titre ». Dans le Sud en revanche, le principe est renversé car la féodalisation a été plus lente et moins systématique. On y trouve encore beaucoup d’alleux : « nul seigneur sans titre ». Cette différence nord-sud s’explique aussi par des raisons agricoles. Dans le Nord, on cultive plutôt selon la technique de « l’open field ». Le champ, ouvert, peut plus facilement être usurpé. Dans le Sud, on cultive à champ fermé (close field), ce qui évite les usurpations. Cette technique favorise surtout les petites propriétés.
Selon leur taille et leur situation, le statut des alleux peut varier. Certains sont indépendants sur le plan fiscal mais reste soumis au ban d’un seigneur. C’est surtout le cas pour les alleux de petite taille. D’autres alleux, plus vastes, emportent pour leur détenteur le droit de ban. L’alleutier n’est pas soumis au ban seigneurial. Les alleux banaux ou justiciers vont progressivement disparaître, surtout à partir du 13e siècle, quand le roi va réaffirmer son autorité, ses droits de puissance publique sur l’ensemble de son royaume. Certains de ces alleux vont former de petites principautés indépendantes qui vont résister longtemps (exemple : Monaco).
Nous ne sommes ni archivistes, ni historiens, ni juristes et ne pouvons que vous recommander de poster votre question à un service d'archives ou encore à l'Ecole nationale des Chartes.
N'hésitez pas à leur apporter un maximum de précisions sur le document source, ainsi que sur la localisation de cette "vente par terrier".
Les documents que nous avons consultés et notamment le livre intitulé "La pratique des documents anciens : actes publics et notariés, documents administratifs et comptables" de Roger Devos, Roger Gabion, Jean-Yves Mariotte n'abordent pas cette notion de "vente par terrier".
Nous ne pouvons qu'émettre une supposition : il pourrait s'agir d'une vente "sous acte authentique", le terrier étant un document administratif tenu par le seigneur pour gérer ses terres et les redevances qui lui sont dues.
Voici la définition proposée par le Dictionnaire de l'Académie française :
Un terrier est un registre contenant le dénombrement, les déclarations des particuliers qui relèvent d'une seigneurie, et le détail des droits, cens et rentes qui y sont dus.
On ne peut pas vraiment savoir s'il s'agit d'une vente à bail, tout dépendra du statut de la terre. Voir par exemple ce cours dont voici un extrait : Statut des biens)
Le régime juridique des biens au Moyen Âge se caractérise par un éclatement manifeste. Sur le sol du royaume de France, à l’époque féodale, la propriété a tendance à reculer et dans certaines régions, cette propriété romaine a même tendance à disparaître. Cette propriété romaine se compose de trois éléments : usus, fructus et abusus. L’usus est le droit de jouir d’un bien. Le fructus est le droit de percevoir les fruits (revenus) d’un bien. L’abusus est le droit de disposer du bien, la possibilité de l’aliéner à titre gratuit (donation) ou sous forme de vente. Dans le monde féodal, ce système de propriété romaine se trouve démembré. Lorsqu’une terre est inféodée, les trois éléments n’appartiennent plus à la même personne. Malgré tout, il existe certains biens qui échappent à ce démembrement et qui concerne l’aspect de la propriété romaine pleine et entière. Les terres sur lesquelles les trois éléments éclatent sont les tenures féodales. Les terres où ces trois éléments restent reliés sont les alleux.
1) Les tenures féodales, des propriétés démembrées
Au 11e siècle, le processus de féodalisation est achevé et les démembrements de la propriété s’inscrivent dans le cadre de la seigneurie banale. Dans la seigneurie banale, on trouve deux masses de biens distinctes. On trouve d’une part la réserve qui est l’ensemble des terres dont le seigneur se réserve l’exploitation directe. À côté de la réserve, on trouve les tenures qui sont des terres exploitées par des tenanciers libres ou serviles selon les cas. Ces tenanciers cultivent la tenure en échange d’une redevance qu’ils paient au seigneur. Démembrement juridique. Sur les tenures, le seigneur possède le domaine éminent : il détient l’abusus. Les tenanciers possèdent le domaine utile : ils profitent de l’usus et du fructus. La réserve et les tenures composent le fief du seigneur.
La réserve seigneuriale va progressivement disparaître car le seigneur (avant tout un guerrier) n’a plus vraiment le temps de surveiller l’exploitation de la réserve. Le fief ne sera plus constitué alors que de tenures. Les tenanciers peuvent être serfs ou libres. Si le tenancier est un serf, on parle de « tenure servile ». S’il est un roturier (ou vilain), on parle de « tenure roturière » ou de « censive ». On trouve enfin une troisième catégorie de tenure, une tenure noble qui est un fief. La tenure roturière, dirigé par un homme libre, comme le fief, est concédée à charge de service. Le plus souvent, la tenure roturière résulte d’un contrat : le bail à cens.
Le cens est une redevance fixe, souvent en argent ou en denrées alimentaires (dans ce cas, la redevance est appelée un champart). Cens ou champart sont les contreparties. Le vilain qui cultive une censive doit aussi acquitter des corvées domaniales dans la réserve du seigneur. Si le vilain ne respecte pas ces obligations, il s’expose à la saisie de sa censive. Au 13e siècle cependant, la saisie sera remplacée par une amende. Comme pour le fief, la censive devient héréditaire dès le 11e siècle. Les enfants du tenancier lui succèdent par voie d’héritage.
À la fin du 11e siècle, le tenancier peut aussi aliéner sa censive, la vendre, il doit acquitter, pour que la vente soit licite, un droit de mutation au seigneur : « les lods et ventes ». La tenure roturière suit une évolution similaire au fief mais ce sont deux choses distinctes. La censive résulte du bail à cens alors que la tenure noble résulte d’un contrat féodo-vassalique (hommage, foi, serment et investiture).
2) Les alleux, une propriété pleine
L’alleu est une terre libre. On ne la tient de personne si ce n’est de Dieu. Ce sont d’anciennes propriétés romaines qui appartenaient, sous les Carolingiens, à une seule personne qui détient encore, sous la féodalité, les trois éléments fondamentaux du droit de propriété. Entre le 9e et le 12e siècle, le nombre de ces terres libres ne cesse de diminuer. La plupart de ces anciens alleux deviennent des fiefs ou des censives (les moins vastes). La féodalisation du sol est plus importante au nord de la Loire qu’au sud. En Bretagne ou dans le Bovaisie, un adage du 13e siècle dit : « nulle terre sans seigneur ». Dans d’autres régions comme la Normandie ou l’Île-de-France, quelques îlots de terres libres se maintiennent. Ceux qui possèdent ces terres doivent cependant prouver leur nature. Un adage du 13e siècle dit à ce propos : « nul alleu sans titre ». Dans le Sud en revanche, le principe est renversé car la féodalisation a été plus lente et moins systématique. On y trouve encore beaucoup d’alleux : « nul seigneur sans titre ». Cette différence nord-sud s’explique aussi par des raisons agricoles. Dans le Nord, on cultive plutôt selon la technique de « l’open field ». Le champ, ouvert, peut plus facilement être usurpé. Dans le Sud, on cultive à champ fermé (close field), ce qui évite les usurpations. Cette technique favorise surtout les petites propriétés.
Selon leur taille et leur situation, le statut des alleux peut varier. Certains sont indépendants sur le plan fiscal mais reste soumis au ban d’un seigneur. C’est surtout le cas pour les alleux de petite taille. D’autres alleux, plus vastes, emportent pour leur détenteur le droit de ban. L’alleutier n’est pas soumis au ban seigneurial. Les alleux banaux ou justiciers vont progressivement disparaître, surtout à partir du 13e siècle, quand le roi va réaffirmer son autorité, ses droits de puissance publique sur l’ensemble de son royaume. Certains de ces alleux vont former de petites principautés indépendantes qui vont résister longtemps (exemple : Monaco).
Nous ne sommes ni archivistes, ni historiens, ni juristes et ne pouvons que vous recommander de poster votre question à un service d'archives ou encore à l'Ecole nationale des Chartes.
N'hésitez pas à leur apporter un maximum de précisions sur le document source, ainsi que sur la localisation de cette "vente par terrier".
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