Question d'origine :
Bonjour,
On sait qu'il existe des cultures qui réservent un destin particulier au placenta après la naissance.
Pourriez-vous m'indiquer s'il a existé en France des traditions régissant l'usage de cet organe après la délivrance?
Merci d'avance et bonne journée
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/12/2013 à 08h12
[Réponse du Département Civilisation
"Jusqu’au milieu du XXe siècle, les femmes ont accouché hors milieu hospitalier. Le traitement du placenta était alors lié aux coutumes entourant l’accouchement. Le placenta (du latin « gâteau ») a ainsi été considéré comme la « maison », le « lit », la « bouche », la « graine », « l’âme », le « double », la « mère nourricière », « plus que soi-même », le « jumeau », « une sorte d’humain », « un frère/sœur », « le compagnon des profondeurs », « centre/noyau de terre », « l’ombre », « la peau », « la mue », « l’autre » « l’objet perdu », « la fin », « la mémoire ».
La pratique la plus courante consistait à enterrer le placenta. De nos jours, en Polynésie, ce rituel subsiste. Le père ou un parent du nouveau-né doit planter un arbre fruitier à l’endroit où est enterré le placenta. Ce terrain appartient à la famille (généralement à la branche paternelle) car parenté et terre sont étroitement liées, et il est commun de dire qu’un homme appartient à la terre. L’arbre planté sert à l’enfant « d’objet de mémoire » et aussi de symbole de fructification. Le placenta enterré signe ainsi l’ancrage et l’appartenance de l’homme au terrain et du terrain à l’homme, au même titre que la tombe du mort
Dans les contes, l’arbre planté sur les matières fertiles du placenta est perçu comme un autre composant de l’identité, son observation permet de connaître le destin de la personne partie en voyage.
Le placenta pouvait être aussi brûlé, suspendu ou mis à l’eau en respectant des rituels plus ou moins élaborés. Dans la nature les animaux mangent le placenta, y compris les herbivores. Qu’il s’agisse de tradition ou d’actes isolés les femmes ont elles aussi mangé du placenta. Dans certains groupes culturels, ce sont les hommes qui en mangeaient.
Ces différentes pratiques permettaient, en premier lieu, d’éviter la prolifération d’insectes près du lieu de l’accouchement et la venue d’animaux sauvages ou familiers attirés par l’odeur du sang. Certains rituels étaient motivés par le lien qui unissait le placenta et l’enfant, et pour le bien-être de celui-ci, il fallait protéger le placenta de toutes agressions à son encontre car il était de coutume de penser que les mauvais traitements infligés au placenta auraient des conséquences sur la santé du nourrisson. Le placenta, à l’instar de tous les déchets humains, était un support privilégié pour les rites divinatoires et les pratiques magiques ou maléfiques. Ces traditions permettaient ainsi de le soustraire aux convoitises et de protéger l’enfant et sa famille contre les actes de sorcellerie, tout en détournant les mauvais esprits qui auraient pu atteindre l’âme de l’enfant à travers le placenta. Ces habitudes ont aussi pour causes les superstitions entourant les phénomènes de la naissance et de la mort, cadavres et placentas avaient parfois un traitement similaire.
Cependant, il pouvait être aussi utilisé à des fins thérapeutiques ; ainsi, donner à manger du placenta à la parturiente était reconnu comme ayant des effets sur la montée de lait. Cela lui permettait aussi de recouvrer des forces plus rapidement. Aujourd’hui, on reconnaît de nouveau des vertus thérapeutiques au placenta et il y aurait une tendance à encourager les femmes à en manger. La recherche dans ce domaine montrerait qu’il y aurait une diminution des risques de dépression post-partum ainsi qu’une amélioration de la lactation.
Les représentations autour du placenta sont ambiguës car il nous présente les mystères et les paradoxes de l’existence. L’investissement symbolique qui résulte de cette livre de chair en fait un matériau culturel de choix.
Extrait de L’« objet placentaire » et le mythe de l’enfant-placenta, futur héros civilisateur, Article dans la revue le Coq Héron, accessible sur la base de données CAIRN ( en accès intégral à la bibliothèque)
« La représentation symbolique du placenta est plus complexe , situé entre la mère et l’enfant. En France, on le nommait l’arrère-faix, la secondine, la délivre, la guérison - termes qui dénotent l’anxiété quant à son expulsion. Ambroise Paré en parlait comme du « lict » de l’enfant. Dans d’autres régions européennes, on le voyait comme sa « petite maison », son « nid », sa « mère-nourricière », sa « marraine » : relation de type maternel évoquant très clairement les soins fondamentaux sans lesquels les jeunes enfants ne pourraient survivre. »
Extrait de La Naissance . Histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui, Le placenta et le cordon : approche historique et anthropologique, P 458 à 464
Le livre, Délivrances ou le placenta dévoilé, pourrait aussi vous intéresser.
Nous vous conseillons aussi la lecture de plusieurs articles :
- Le placenta : entre oubli familial et investissement médical, sur le site Face à face, regards sur la santé,
- Le placenta. autrefois vénéré, aujourd’hui oublié?, Résumé par la rédaction du travail de diplôme « Le placenta. Autrefois vénéré, aujourd’hui oublié? » présenté à l’école de Chantepierre en janvier 2003,
- La renaissance placentaire, dans la Revue médicale suisse.
"Jusqu’au milieu du XXe siècle, les femmes ont accouché hors milieu hospitalier. Le traitement du placenta était alors lié aux coutumes entourant l’accouchement. Le placenta (du latin « gâteau ») a ainsi été considéré comme la « maison », le « lit », la « bouche », la « graine », « l’âme », le « double », la « mère nourricière », « plus que soi-même », le « jumeau », « une sorte d’humain », « un frère/sœur », « le compagnon des profondeurs », « centre/noyau de terre », « l’ombre », « la peau », « la mue », « l’autre » « l’objet perdu », « la fin », « la mémoire ».
La pratique la plus courante consistait à enterrer le placenta. De nos jours, en Polynésie, ce rituel subsiste. Le père ou un parent du nouveau-né doit planter un arbre fruitier à l’endroit où est enterré le placenta. Ce terrain appartient à la famille (généralement à la branche paternelle) car parenté et terre sont étroitement liées, et il est commun de dire qu’un homme appartient à la terre. L’arbre planté sert à l’enfant « d’objet de mémoire » et aussi de symbole de fructification. Le placenta enterré signe ainsi l’ancrage et l’appartenance de l’homme au terrain et du terrain à l’homme, au même titre que la tombe du mort
Dans les contes, l’arbre planté sur les matières fertiles du placenta est perçu comme un autre composant de l’identité, son observation permet de connaître le destin de la personne partie en voyage.
Le placenta pouvait être aussi brûlé, suspendu ou mis à l’eau en respectant des rituels plus ou moins élaborés. Dans la nature les animaux mangent le placenta, y compris les herbivores. Qu’il s’agisse de tradition ou d’actes isolés les femmes ont elles aussi mangé du placenta. Dans certains groupes culturels, ce sont les hommes qui en mangeaient.
Ces différentes pratiques permettaient, en premier lieu, d’éviter la prolifération d’insectes près du lieu de l’accouchement et la venue d’animaux sauvages ou familiers attirés par l’odeur du sang. Certains rituels étaient motivés par le lien qui unissait le placenta et l’enfant, et pour le bien-être de celui-ci, il fallait protéger le placenta de toutes agressions à son encontre car il était de coutume de penser que les mauvais traitements infligés au placenta auraient des conséquences sur la santé du nourrisson. Le placenta, à l’instar de tous les déchets humains, était un support privilégié pour les rites divinatoires et les pratiques magiques ou maléfiques. Ces traditions permettaient ainsi de le soustraire aux convoitises et de protéger l’enfant et sa famille contre les actes de sorcellerie, tout en détournant les mauvais esprits qui auraient pu atteindre l’âme de l’enfant à travers le placenta. Ces habitudes ont aussi pour causes les superstitions entourant les phénomènes de la naissance et de la mort, cadavres et placentas avaient parfois un traitement similaire.
Cependant, il pouvait être aussi utilisé à des fins thérapeutiques ; ainsi, donner à manger du placenta à la parturiente était reconnu comme ayant des effets sur la montée de lait. Cela lui permettait aussi de recouvrer des forces plus rapidement. Aujourd’hui, on reconnaît de nouveau des vertus thérapeutiques au placenta et il y aurait une tendance à encourager les femmes à en manger. La recherche dans ce domaine montrerait qu’il y aurait une diminution des risques de dépression post-partum ainsi qu’une amélioration de la lactation.
Les représentations autour du placenta sont ambiguës car il nous présente les mystères et les paradoxes de l’existence. L’investissement symbolique qui résulte de cette livre de chair en fait un matériau culturel de choix.
Extrait de L’« objet placentaire » et le mythe de l’enfant-placenta, futur héros civilisateur, Article dans la revue le Coq Héron, accessible sur la base de données CAIRN ( en accès intégral à la bibliothèque)
« La représentation symbolique du placenta est plus complexe , situé entre la mère et l’enfant. En France, on le nommait l’arrère-faix, la secondine, la délivre, la guérison - termes qui dénotent l’anxiété quant à son expulsion. Ambroise Paré en parlait comme du « lict » de l’enfant. Dans d’autres régions européennes, on le voyait comme sa « petite maison », son « nid », sa « mère-nourricière », sa « marraine » : relation de type maternel évoquant très clairement les soins fondamentaux sans lesquels les jeunes enfants ne pourraient survivre. »
Extrait de La Naissance . Histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui, Le placenta et le cordon : approche historique et anthropologique, P 458 à 464
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