révolution russe nombre de mort
DIVERS
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Le 12/02/2014 à 13h08
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Question d'origine :
Bonjour,
lors de l'ouverture des jeux de Sotchi le Commentateur à dit que la révolution d'octobre avait conduit à 25millions de mort, "à cause de staline mais aussi lénine et trotsky". Quand est-il réellement?
qu'elle est par exemple le nombre de victime de l'armée blanche?
ne peut on pas faire une différence entre la période révolutionnaire et la période stalinienne?
cordialement.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 13/02/2014 à 10h42
Bonjour,
Il est impossible de faire une estimation précise du nombre de morts pour la période de la révolution d’octobre ( qui va grossièrement de 1917 à 1922), d’autant plus queles chiffres varient dramatiquement d’une source à l’autre .
Dans La Révolution russe : 1891 -1924 : la tragédie d’un peuple, d’Orlando Figes, on peut lire :
Nul ne sait le coût humain total de la révolution. Quels que soient les calculs, il fut catastrophique.En ne comptant que les morts de la guerre civile, de la terreur, de la famine et de la maladie, il fut de l’ordre de 10 millions de personnes . Mais c’est exclure l’émigration (environ 2 millions) et les effets démographiques d’un taux de natalité terriblement réduit – personne ne voulant d’enfants dans ces années effroyables – dont les statisticiens estiment qu’il aurait coûté 10 millions de vies. Ces chiffres ne tiennent pas compte non plus de l’espérance de vie réduite des survivants pour cause de malnutrition et de maladie. Les enfants qui étaient nés et qui grandirent dans ces années-là étaient sensiblement plus petits que leurs aînés, tandis que 5% avaient la syphilis[…]. Les taux de mortalité les plus élevés étaient chez les hommes adultes – la seule ville de Petrograd comptait 75 000 veuves en 1920 -, mais la mort était si courante qu’elle touchait tout le monde. Personne ne traversa la période révolutionnaire sans perdre des amis ou des parents. « Mon Dieu ! Que de morts ! » écrivit Sergueï Semenov à un vieil ami en janvier 1921. « La plupart des hommes âgés – Boborykine, Linev, Venguerov, Vorontsov, etc. – sont morts. Même Grigori Petrov est mort.Comment ? Personne n’en sait rien, tout ce qu’on peut dire c’est que ce n’est probablement pas de joie devant les progrès du socialisme. Ce qui fait le plus de mal, c’est de ne pas savoir où ses amis sont enterrés. » Le cas des Terechtchenkov illustre bien comment la mort pouvait affecter une famille. Nikitine Terechtchenkov, médecin de l’Armée rouge, perdit sa fille et sa sœur dans l’épidémie de typhus de 1919 ; son fils aîné et son frère tombèrent sur le front sud la même année en combattant pour l’Armée rouge ; son beau-frère fut mystérieusement assassiné. Sa femme mourait de tuberculose, et lui-même attrapa le typhus. Dénoncé par la Tcheka locale (avec tant de membres de l’intelligentsia rurale) comme « ennemis du peuple », ils perdirent leur maison de ville de Smolensk et, en 1920, vivaient sur la petite ferme qu’exploitaient leurs deux fils survivants : Volodia, quinze ans, et Micha, treize ans.
[…]La famine de 1921-1922 fut de loin la plus grande faucheuse de ces années-là : au total, elle fit 5 millions de victimes .
[…] Au printemps 1921, un quart de la paysannerie de Russie soviétique mourait de faim. La famine frappa non seulement la région de la Volga, mais aussi les bassins de l’Oural et de la Kama, le Don, la Bachkirie, le Kazakhstan, la Sibérie occidentale et le sud de l’Ukraine. Dans le même temps, le typhus et le choléra firent des centaines de milliers de victimes dans une population déjà affaiblie par la faim. La steppe de la Volga fut la région la plus touchée. Dans la province de Samara, près de 2 millions de personnes (les trois quarts de la population) seraient mortes de faim à l’automne 1921 : 700 000 moururent en fait à la fin de la crise. Dans un volost typique, Boulgakova, fort d’une population de 16000 habitants en janvier 1921, 1000 étaient morts, 2200 avaient abandonné leurs foyers et 6500 avaient été paralysés par la faim et la maladie au mois de novembre suivant.
Cependant, Jean-Jacques Marie, auteur de La Guerre civile russe : 1917-1922 : armées paysannes rouges, blanches et vertes, incite à la prudence quant aux chiffres et à une certaine tendance à la surenchère :
Les historiens évoquent la guerre civile en citant des chiffres hallucinants de morts, victimes des opérations militaires, des épidémies (typhus et choléra), et de la famine qu’elle a engendrées :l’historien russe Danilov les évalue à 8 000 000, l’allemand Hildermaier de 9 000 000 à 10 000 000, l’historien russe Poliakov à près de 13 000 000 ; le publiciste Kojinov, lui, estime à 20 000 000 le nombre de « victimes de la révolution » (dans toutes l’acception de ce terme) .
Les méthodes de calcul utilisées incitent néanmoins à la prudence. Vadim Kojinov fonde en particulier le sien sur le chiffre de 7 000 000 de bezprizorniki (enfants abandonnés et orphelins de père et mère) et en déduit donc que les parents de ces 7 000 000 sont morts pendant la guerre civile. Outre que le chiffre des bezprizorniki est de 4 500 000 et non de 7 000 000, la Russie tsariste comportait à la veille de la guerre, en 1913, 2 000 000 de ces enfants abandonnés ou, plus rarement, orphelins, qui hantaient kes rues des villes et des villages. […]
En réalité, selon les calculs du démographe Volkov, les plus sérieux, la population de la Russie soviétique entre le début de 1918 et le début de 1922 a diminué de 7 000 000. Si l’on retire de ce chiffre 2 000 000 d’émigrés et la différence de quelque 400 000 entre les retours et les sorties de prisonniers et fuyards divers, on aboutit à un chiffre de 4 500 000 de morts pendant la guerre civile, soit un peu plus de 3% de la population. Selon Zdoroov, en pourcentage ce chiffre est du même ordre de grandeur que celui de la guerre de Sécession américaine. Les pertes militaires ont alors représenté 1,96% du nombre des habitants, mais il faut y ajouter de lourdes pertes civiles, jamais calculées.
Selon lui encore, les deux principaux camps en histoire avaient intérêt à gofler les chiffres des pertes de la guerre civile : « Dans l’historiographie soviétique l’augmentation du nombre de pertes dues à la guerre civile et à l’intervention (étrangère) aidait à justifier la crise économique du début des années 1920, l’effondrement du système du « communisme de guerre » et le passage à la NEP. Chez les défenseurs contemporains du système renversé par la révolution, l’augmentation de l’évaluation des pertes sert à prouver le caractère vicieux et criminel de la révolution en tant que telle. »
En conclusion de son ouvrage,Jean-Jacques Marie estime à moins d’un million le nombre de victimes dans l’Armée rouge :
La guerre civile tire à sa fin. Le bilan est accablant : l’Armée rouge a perdu 980 000 hommes dont les deux tiers ont succombé à leurs blessures mal ou pas soignées, bandées avec leurs portianki (« chaussettes ») crasseuses, au manque de médicaments, à la faim, au froid, à la gangrène, à la dysenterie. La majorité des 3 millions de morts civils a péri pour les mêmes raisons. 4,5 millions d’orphelins miséreux, ravagés de poux, hantent les villes en ruine. Le pays est exsangue. La famine rôde et va frapper brutalement dans les mois qui suivent. Une sécheresse effroyable brûle pendant l’été 1921 tout le bassin de la Volga. Il y tombe sept millimètres d’eau de juin à août. La sécheresse déchaîne une famine qui répand le typhus, et fait près de 4 millions de morts.
Si vous souhaitez approfondir le sujet, vous pouvez compléter avec d’autres documents :
Les Russes blancs, Alexandre Jevakhoff
Les Blancs et les Rouges : Histoire de la guerre civile russe, 1917-1921, Dominique Venner
1917, la Révolution russe (DVD), un film de Paul Jenkins
Il est impossible de faire une estimation précise du nombre de morts pour la période de la révolution d’octobre ( qui va grossièrement de 1917 à 1922), d’autant plus que
Dans La Révolution russe : 1891 -1924 : la tragédie d’un peuple, d’Orlando Figes, on peut lire :
Nul ne sait le coût humain total de la révolution. Quels que soient les calculs, il fut catastrophique.
[…]
[…] Au printemps 1921, un quart de la paysannerie de Russie soviétique mourait de faim. La famine frappa non seulement la région de la Volga, mais aussi les bassins de l’Oural et de la Kama, le Don, la Bachkirie, le Kazakhstan, la Sibérie occidentale et le sud de l’Ukraine. Dans le même temps, le typhus et le choléra firent des centaines de milliers de victimes dans une population déjà affaiblie par la faim. La steppe de la Volga fut la région la plus touchée. Dans la province de Samara, près de 2 millions de personnes (les trois quarts de la population) seraient mortes de faim à l’automne 1921 : 700 000 moururent en fait à la fin de la crise. Dans un volost typique, Boulgakova, fort d’une population de 16000 habitants en janvier 1921, 1000 étaient morts, 2200 avaient abandonné leurs foyers et 6500 avaient été paralysés par la faim et la maladie au mois de novembre suivant.
Cependant, Jean-Jacques Marie, auteur de La Guerre civile russe : 1917-1922 : armées paysannes rouges, blanches et vertes, incite à la prudence quant aux chiffres et à une certaine tendance à la surenchère :
Les historiens évoquent la guerre civile en citant des chiffres hallucinants de morts, victimes des opérations militaires, des épidémies (typhus et choléra), et de la famine qu’elle a engendrées :
Les méthodes de calcul utilisées incitent néanmoins à la prudence. Vadim Kojinov fonde en particulier le sien sur le chiffre de 7 000 000 de bezprizorniki (enfants abandonnés et orphelins de père et mère) et en déduit donc que les parents de ces 7 000 000 sont morts pendant la guerre civile. Outre que le chiffre des bezprizorniki est de 4 500 000 et non de 7 000 000, la Russie tsariste comportait à la veille de la guerre, en 1913, 2 000 000 de ces enfants abandonnés ou, plus rarement, orphelins, qui hantaient kes rues des villes et des villages. […]
En réalité, selon les calculs du démographe Volkov, les plus sérieux, la population de la Russie soviétique entre le début de 1918 et le début de 1922 a diminué de 7 000 000. Si l’on retire de ce chiffre 2 000 000 d’émigrés et la différence de quelque 400 000 entre les retours et les sorties de prisonniers et fuyards divers, on aboutit à un chiffre de 4 500 000 de morts pendant la guerre civile, soit un peu plus de 3% de la population. Selon Zdoroov, en pourcentage ce chiffre est du même ordre de grandeur que celui de la guerre de Sécession américaine. Les pertes militaires ont alors représenté 1,96% du nombre des habitants, mais il faut y ajouter de lourdes pertes civiles, jamais calculées.
Selon lui encore, les deux principaux camps en histoire avaient intérêt à gofler les chiffres des pertes de la guerre civile : « Dans l’historiographie soviétique l’augmentation du nombre de pertes dues à la guerre civile et à l’intervention (étrangère) aidait à justifier la crise économique du début des années 1920, l’effondrement du système du « communisme de guerre » et le passage à la NEP. Chez les défenseurs contemporains du système renversé par la révolution, l’augmentation de l’évaluation des pertes sert à prouver le caractère vicieux et criminel de la révolution en tant que telle. »
En conclusion de son ouvrage,
La guerre civile tire à sa fin. Le bilan est accablant : l’Armée rouge a perdu 980 000 hommes dont les deux tiers ont succombé à leurs blessures mal ou pas soignées, bandées avec leurs portianki (« chaussettes ») crasseuses, au manque de médicaments, à la faim, au froid, à la gangrène, à la dysenterie. La majorité des 3 millions de morts civils a péri pour les mêmes raisons. 4,5 millions d’orphelins miséreux, ravagés de poux, hantent les villes en ruine. Le pays est exsangue. La famine rôde et va frapper brutalement dans les mois qui suivent. Une sécheresse effroyable brûle pendant l’été 1921 tout le bassin de la Volga. Il y tombe sept millimètres d’eau de juin à août. La sécheresse déchaîne une famine qui répand le typhus, et fait près de 4 millions de morts.
Les Russes blancs, Alexandre Jevakhoff
Les Blancs et les Rouges : Histoire de la guerre civile russe, 1917-1921, Dominique Venner
1917, la Révolution russe (DVD), un film de Paul Jenkins
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