Douleur et plaisir
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 25/02/2014 à 09h32
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Question d'origine :
Bonjour,
Existe-t-il un lien physiologique entre les sensations de douleur et de plaisir (chez les hommes ou chez les animaux), dans l'acte de reproduction notamment?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 26/02/2014 à 10h03
Bonjour,
D’après la formulation de votre question, vous vous intéressez essentiellement à l’aspect physiologique (donc physique) du plaisir et de la douleur.
Ces deux émotions sont antagonistes : la recherche du plaisir est associée à l’évitement de la douleur, qui est la sensation désagréable par excellence. Dans le cerveau, on distingue ainsi le circuit de la récompense, où la dopamine (neurotransmetteur spécialisé) joue un rôle clé, et la matrice de la douleur, où la douleur est transmise par les nocicepteurs, les récepteurs nerveux sensibles à la douleur.
Cependant, précisons que dans notre cerveau (et le cerveau de l'animal), l’hypothalamus, selon les régions stimulées, suscite soit le plaisir, soit l’aversion :
L’envers du plaisir
L’année 1954, où Olds et Milner décrivaient le phénomène d’autostimulation et les structures nerveuses qui s’y rapportent, Delgado montrait que les stimulations électriques appliquées dans les régions médianes de l’hypothalamus provoquaient la fuite de l’animal. Si la possibilité lui était offerte d’arrêter lui-même la stimulation, le rat apprenait bien vite la manœuvre du levier interrupteur. Le même Delgado, probablement animé de quelque atavisme national, tentait un jour avec succès d’arrêter la charge d’un taureau et provoquait la fuite déconfite du fauve par la stimulation électrique de son hypothalamus médian.
Il existe tout autour du ventricule médian, et plus en arrière dans la substance grise du tronc cérébral, des structures dont la mise en jeu provoque des effets, semble-t-il, opposés à ceux issus des structures latérales. Plaisir et approche pour les unes, aversion et fuite ou évitement pour les autres. Comme dans l’hypothalamus latéral, la plus grande hétérogénéité règne lorsqu’on analyse site par site la variété des comportements déclenchés. […] Les structures latérales du plaisir et les régions médianes du déplaisir semblent étroitement liées. La stimulation de l’hypothalamus latéral diminue les effets aversifs de la stimulation médiane et, réciproquement, cette dernière freine la fréquence de l’autostimulation latérale.
Source : Biologie des passions, Jean-Didier Vincent.
Pour approfondir ce sujet, vous pouvez explorer la section le plaisir et la douleur du site de vulgarisation Le cerveau à tous les niveaux.
Les sources que nous avons consultées ne semblent pas attribuer de statut particulier à l’acte de reproduction dans la relation plaisir / douleur ; en revanche la Biologie des passions, dont nous vous recommandons la lecture, s’intéresse au désir / motivation comme moteur de comportement (et recherche de gratification) chez l’animal et chez l’homme, incluant le désir sexuel.
Vous pouvez également consulter l'ouvrage Biologie des émotions, de Catherine Belzung.
Etant donné la nature affective de la douleur et du plaisir, évoquons aussi, brièvement, l’aspect psychologique et social :
La psychologue Catherine Rioult s’est notamment intéressée au lien entre douleur et plaisir chez des patientes adolescentes pratiquant la scarification :
Lors de la psychothérapie que j’ai menée avec des adolescentes qui portent atteinte à leur corps en le scarifiant, j’ai pu constater queces entailles apportaient une limite à la souffrance en la matérialisant par une trace visible .
Pour le sujet qui se fait tatouer, outre le côté esthétique, il mirait l’illusion de garder à l’œil, d’inscrire sur sa peau, des éléments forts de son histoire.
Ces phénomènes témoignent d’un besoin de réassurance sur l’existence des limites corporelles, ce qui suppose pour le sujet d’éprouver de la douleur et de voir le sang couler .
L’idée de maîtrise / transformation du corps, et le rapport complexe entre le plaisir et la douleur, se retrouve dans d’autres contextes, et notamment le sport :
Les critères de l’intégration sociale et professionnelle sont confortés par des pouvoirs affirmés, techniciens sur le corps : santé, beauté, jeunesse éternelle, « forme ». L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) préconise que « bouger, c’est la santé » et assortit en France les publicités alimentaires de cette mention : mangerbouger.fr. Par le sport, comme par l’alimentation ou les soins cosmétiques, je me construis le corps que je veux. Par là, se dessinent les contours d’une nouvelle culpabilité découlant de la responsabilité de sa santé, de son apparence, du respect des prescriptions.L’hédonisme apparent de notre société est traversé pas la thématique d’un rapport plaisir / douleur plus complexe qu’il n’y paraît (souffrir pour être belle/beau) et la persistance de normes en une période dite anomique. Aussi le matérialisme affiché, renvoyant à un au-delà du corps présent – puisque indéfiniment perfectible –, appelle-t¬il peut-être le retour d’une quête de transcendance, soit un au-delà de soi ou du moment présent.
Source : « Nature » et « surnature » du corps sportif, Isabelle Queval, Les Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°5, 01/2011.
Pour aller plus loin dans cet aspect, vous pouvez consulter notamment Les liens corps esprit: Regards croisés à partir de cas cliniques, d'Eric W. Pireyre, Chantal Jaquet, Pauline Neveu, Fabrice de Sainte Maréville, et Philippe Scialom.
D’après la formulation de votre question, vous vous intéressez essentiellement à l’aspect physiologique (donc physique) du plaisir et de la douleur.
Ces deux émotions sont antagonistes : la recherche du plaisir est associée à l’évitement de la douleur, qui est la sensation désagréable par excellence. Dans le cerveau, on distingue ainsi le circuit de la récompense, où la dopamine (neurotransmetteur spécialisé) joue un rôle clé, et la matrice de la douleur, où la douleur est transmise par les nocicepteurs, les récepteurs nerveux sensibles à la douleur.
Cependant, précisons que dans notre cerveau (et le cerveau de l'animal), l’hypothalamus, selon les régions stimulées, suscite soit le plaisir, soit l’aversion :
L’envers du plaisir
L’année 1954, où Olds et Milner décrivaient le phénomène d’autostimulation et les structures nerveuses qui s’y rapportent, Delgado montrait que les stimulations électriques appliquées dans les régions médianes de l’hypothalamus provoquaient la fuite de l’animal. Si la possibilité lui était offerte d’arrêter lui-même la stimulation, le rat apprenait bien vite la manœuvre du levier interrupteur. Le même Delgado, probablement animé de quelque atavisme national, tentait un jour avec succès d’arrêter la charge d’un taureau et provoquait la fuite déconfite du fauve par la stimulation électrique de son hypothalamus médian.
Il existe tout autour du ventricule médian, et plus en arrière dans la substance grise du tronc cérébral, des structures dont la mise en jeu provoque des effets, semble-t-il, opposés à ceux issus des structures latérales. Plaisir et approche pour les unes, aversion et fuite ou évitement pour les autres. Comme dans l’hypothalamus latéral, la plus grande hétérogénéité règne lorsqu’on analyse site par site la variété des comportements déclenchés. […] Les structures latérales du plaisir et les régions médianes du déplaisir semblent étroitement liées. La stimulation de l’hypothalamus latéral diminue les effets aversifs de la stimulation médiane et, réciproquement, cette dernière freine la fréquence de l’autostimulation latérale.
Source : Biologie des passions, Jean-Didier Vincent.
Pour approfondir ce sujet, vous pouvez explorer la section le plaisir et la douleur du site de vulgarisation Le cerveau à tous les niveaux.
Les sources que nous avons consultées ne semblent pas attribuer de statut particulier à l’acte de reproduction dans la relation plaisir / douleur ; en revanche la Biologie des passions, dont nous vous recommandons la lecture, s’intéresse au désir / motivation comme moteur de comportement (et recherche de gratification) chez l’animal et chez l’homme, incluant le désir sexuel.
Vous pouvez également consulter l'ouvrage Biologie des émotions, de Catherine Belzung.
Etant donné la nature affective de la douleur et du plaisir, évoquons aussi, brièvement, l’aspect psychologique et social :
La psychologue Catherine Rioult s’est notamment intéressée au lien entre douleur et plaisir chez des patientes adolescentes pratiquant la scarification :
Lors de la psychothérapie que j’ai menée avec des adolescentes qui portent atteinte à leur corps en le scarifiant, j’ai pu constater que
Pour le sujet qui se fait tatouer, outre le côté esthétique, il mirait l’illusion de garder à l’œil, d’inscrire sur sa peau, des éléments forts de son histoire.
L’idée de maîtrise / transformation du corps, et le rapport complexe entre le plaisir et la douleur, se retrouve dans d’autres contextes, et notamment le sport :
Les critères de l’intégration sociale et professionnelle sont confortés par des pouvoirs affirmés, techniciens sur le corps : santé, beauté, jeunesse éternelle, « forme ». L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) préconise que « bouger, c’est la santé » et assortit en France les publicités alimentaires de cette mention : mangerbouger.fr. Par le sport, comme par l’alimentation ou les soins cosmétiques, je me construis le corps que je veux. Par là, se dessinent les contours d’une nouvelle culpabilité découlant de la responsabilité de sa santé, de son apparence, du respect des prescriptions.
Source : « Nature » et « surnature » du corps sportif, Isabelle Queval, Les Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°5, 01/2011.
Pour aller plus loin dans cet aspect, vous pouvez consulter notamment Les liens corps esprit: Regards croisés à partir de cas cliniques, d'Eric W. Pireyre, Chantal Jaquet, Pauline Neveu, Fabrice de Sainte Maréville, et Philippe Scialom.
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