Question d'origine :
J'ai vu cette vidéo récemment et j'avoue être un peu troublé !
https://www.youtube.com/watch?v=kR8DRBZ ... Pk2fc9UlOA
Avez-vous des références supplémentaires (autres qu'Historia ou the telegraph) entre les liens supposés entre Schuman/Monnet et la CIA ?
Avez-vous également des informations sur le projet d'Europe NAZI d'Hitler ? Et le rôle de Walter Halstein ?
Enfin, tous ces faits sont-ils avérés ?
Merci d'avance pour toutes vos réponses qui se sont toujours révélées très pertinentes.
Vincent
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 02/04/2014 à 17h07
Bonjour,
Pas simple en effet de débrouiller le vrai du faux dans toutes les allégations de complots ou de conspirations dans les relations internationales !
Le dossier sur la CIA publié dans la revueHistoria en mars 2003 auquel vous faites allusion a été réalisé par Rémy Kauffer , spécialiste d’histoire contemporaine et auteur de plusieurs ouvrages sur les services de renseignement.
Au début des années 2000, 30 ans de dossiers secrets, les « bijoux de famille »,family jewels de l’agence américaine ont été déclassifiés. L’ouverture de ces archives a ainsi permis de découvrir quelques opérations d’envergure sur le terrain international, mais peut-être aussi alimenté beaucoup de rumeurs.
Fondée en 1947, au tout début de ce que l’on appellera la « guerre froide » pour prendre la suite de l’Office of Strategic Service (OSS) créé pendant la guerre, la CIA s'est d'abord consacrée à déjouer des opérations menées par le KGB pour le compte des Soviétiques. Comme l’OSS, son but avéré a donc été, dès le début la lutte contre le communisme et son expansion, ce que l’on a coutume d’appeler la « doctrine Truman ».
De même, à la fin de la Seconde guerre mondiale, le Plan Marshall, cette « aide fraternelle » mise en place en 1947 pour « vaincre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos » « a eu pour l’Europe et pour sa survie politique des effets extrêmement positifs. (…) Il l’a puissamment empêchée de basculer vers le communisme. Il a frayé la voie d’une collaboration plus étroite entre les deux rives de l’Atlantique et surtout il a accéléré le processus de construction européenne. Ceci pour le plus grand bénéfice également du partenaire outre-Atlantique et au prix de réelles entraves mises à l’indépendances des Etats bénéficiaires, le Département d’Etat américain ou le président pouvant à leur guise différer le déblocage des fonds, donc exercer des pressions sur les gouvernements concernés. Ils auront d’ailleurs rarement l’occasion d’user de ce moyen d’action, les Equipes dirigeantes d’Europe de l’Ouest allant en général au-devant de leurs desiderata. »Histoire de l’Europe contemporaine de Serge Berstein et Pierre Milza p. 238-239.
Deux ouvrages, particulièrement, vous aideront à comprendre les termes de l'influence américaine :
-L’influence américaine sur la politique française d’Irwin M. Wall, où vous verrez par exemple l’influence américaine sur les syndicats ouvriers français (soutien à FO contre la CGT),
-Les premières tentatives de construction d’une Europe fédérale .
Dans cet ouvrage de Christophe Réveillard, docteur en histoire et membre du Centre d’Histoire de l’Europe et des relations internationales de l’Ecole doctorale moderne et contemporaine à Paris Sorbonne (en 2001) vous pourrez suivre l’évolution de la construction européenne. Vous y trouverez notamment un portrait-itinéraire deJean Monnet qui évoque les accusations qui lui furent faites en son temps d’être un « agent américain ». (p.122 et suivantes). Que Jean Monnet ait été un fédéraliste militant, qu’il se soit formé aux Etats-Unis et y ait adopté une certaine « vision du monde » ne fait aucun doute :
« Singulier itinéraire. Le « grand européen » Jean Monnet, père des institutions communautaires publiques, est de culture anglo-saxonne et banquier, financier international, de métier. » Puis l’auteur cite cet extrait tiré des papiers J. Monnet, notes adressées au CFLN, Alger :
« Pour débarrasser l’Europe de ses histoires nationales issues de la carte bismarkienne de 1848, celle des Etats-Nations, son action sera d’instituer une structure fédérale par étape, c’est-à-dire fondée sur une communauté économique puis politique insérée dans des institutions supranationales, seules souveraines. » (…) Il faut donc faire disparaître cette entité et la fondre dans une « Nation européenne » à laquelle il conviendra d’ajouter « un carcan institutionnel et administratif commun et unique. Ce sera alors l’établissement d’une Europe affranchie du poids des siècles et des contraintes de la géographie, sans plus de référence aux réalités nationales »
Réveillard ajoute les propos d’un autre historien spécialiste des relations entre les Etats-Unis et l’Europe, Pierre Mélandri, « La genèse duplan Schumann est aujourd’hui suffisamment connue pour que l’on puisse parler de ses « origines américaines » sans risquer de provoquer un faux débat. Nul ne songerait un instant à contester la paternité de J. Monnet ou à faire de lui un agent des Etats-Unis ».
Autre lecture :Le mythe Jean Monnet aux éditions du CNRS.
La biographie deWalter Hallstein a été bien étudiée par Henriette Müller dans un article des Cahiers européens de Sciences Po. – n° 03/2012, en anglais malheureusement, The Point of No Return. Walter Hallstein and the EEC Commission between Institutional Ambitions and Political Constraints : Biographical Reflections on Walter Hallstein. Ce juriste allemand, en poste à la tête d'Universités allemandes pendant le troisième Reich, officier de réserve, ne prit part à la guerre que tardivement. Fait prisonnier par les Américains il fut envoyé en captivité à Camp Como dans le Mississippi, où il fonda une université pour les détenus. Libéré, il rentra en Allemagne où il prit la tête de l'université de Francfort.
Il peut sembler curieux qu'une personne ayant occupé de hautes fonctions sous le régime nazi ait ainsi pu bénéficier d'une certaine clémence à la fin de la guerre. En fait, les Américains utilisèrent assez largement les compétences des élites allemandes qui n'avaient pas directement du sang sur les mains, voir par exempleL'affaire Paperclip : la récupération des scientifiques nazis par les Américains, 1945-1990 de Linda Hunt.
Pas simple en effet de débrouiller le vrai du faux dans toutes les allégations de complots ou de conspirations dans les relations internationales !
Le dossier sur la CIA publié dans la revue
Au début des années 2000, 30 ans de dossiers secrets, les « bijoux de famille »,
Fondée en 1947, au tout début de ce que l’on appellera la « guerre froide » pour prendre la suite de l’Office of Strategic Service (OSS) créé pendant la guerre, la CIA s'est d'abord consacrée à déjouer des opérations menées par le KGB pour le compte des Soviétiques. Comme l’OSS, son but avéré a donc été, dès le début la lutte contre le communisme et son expansion, ce que l’on a coutume d’appeler la « doctrine Truman ».
De même, à la fin de la Seconde guerre mondiale, le Plan Marshall, cette « aide fraternelle » mise en place en 1947 pour « vaincre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos » « a eu pour l’Europe et pour sa survie politique des effets extrêmement positifs. (…) Il l’a puissamment empêchée de basculer vers le communisme. Il a frayé la voie d’une collaboration plus étroite entre les deux rives de l’Atlantique et surtout il a accéléré le processus de construction européenne. Ceci pour le plus grand bénéfice également du partenaire outre-Atlantique et au prix de réelles entraves mises à l’indépendances des Etats bénéficiaires, le Département d’Etat américain ou le président pouvant à leur guise différer le déblocage des fonds, donc exercer des pressions sur les gouvernements concernés. Ils auront d’ailleurs rarement l’occasion d’user de ce moyen d’action, les Equipes dirigeantes d’Europe de l’Ouest allant en général au-devant de leurs desiderata. »
Deux ouvrages, particulièrement, vous aideront à comprendre les termes de l'influence américaine :
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Dans cet ouvrage de Christophe Réveillard, docteur en histoire et membre du Centre d’Histoire de l’Europe et des relations internationales de l’Ecole doctorale moderne et contemporaine à Paris Sorbonne (en 2001) vous pourrez suivre l’évolution de la construction européenne. Vous y trouverez notamment un portrait-itinéraire de
« Singulier itinéraire. Le « grand européen » Jean Monnet, père des institutions communautaires publiques, est de culture anglo-saxonne et banquier, financier international, de métier. » Puis l’auteur cite cet extrait tiré des papiers J. Monnet, notes adressées au CFLN, Alger :
« Pour débarrasser l’Europe de ses histoires nationales issues de la carte bismarkienne de 1848, celle des Etats-Nations, son action sera d’instituer une structure fédérale par étape, c’est-à-dire fondée sur une communauté économique puis politique insérée dans des institutions supranationales, seules souveraines. » (…) Il faut donc faire disparaître cette entité et la fondre dans une « Nation européenne » à laquelle il conviendra d’ajouter « un carcan institutionnel et administratif commun et unique. Ce sera alors l’établissement d’une Europe affranchie du poids des siècles et des contraintes de la géographie, sans plus de référence aux réalités nationales »
Réveillard ajoute les propos d’un autre historien spécialiste des relations entre les Etats-Unis et l’Europe, Pierre Mélandri, « La genèse du
Autre lecture :
La biographie de
Il peut sembler curieux qu'une personne ayant occupé de hautes fonctions sous le régime nazi ait ainsi pu bénéficier d'une certaine clémence à la fin de la guerre. En fait, les Américains utilisèrent assez largement les compétences des élites allemandes qui n'avaient pas directement du sang sur les mains, voir par exemple
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