Les musique médiévales de "jeunes"
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 06/07/2014 à 21h29
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Question d'origine :
De nos jours, les jeunes aiment écouter du rock, du rap. Quel étaient leurs équivalents au moyen-âge ? Qu'écoutaient les jeunes de cette époque ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 08/07/2014 à 13h25
Bonjour,
Avant de chercher à transposer des codes culturels contemporain à l’époque du Moyen-Âge, il faut rester conscient que la société médiévale avait une conception très différente de l’enfance et de la jeunesse :
Le schéma le plus courant
Parmi la multiplicité des modèles, une subdivision revient fréquemment et finit par s’imposer :
- la petite enfance, jusqu’à la poussée dentaire ; divisée elle-même en deux phases, l’infantia (du latin infans, « qui ne parle pas ») puis le temps des « dents plantées » (dentum plantatura) ;
- l’enfance, jusqu’à 7 ans ;
- l’adolescence, ou « seconde enfance », jusqu’à 14 ans minimum, voire 25 ou 30 ans, selon les auteurs ;
- la « jeunesse », jusqu’à 28 ans, mais parfois aussi jusqu’à 45 ou 50 ans.
On le voit, les mots n’ont pas le même sens au Moyen Âge que de nos jours…
Source : Les âges de la vie, l’enfance au Moyen-Âge, BnF.
La majorité
12 ans constitue un moment clé dans la vie des jeunes. En Europe occidentale, c'est l'âge de la majorité pour les filles et celui d'une pré-majorité pour les garçons. Dans le monde scandinave, la période comprise entre 12 et 15 ans est une phase de semi-responsabilité juridique. Partout, la parole des préadolescents est prise au sérieux. Ainsi, 12 ans est l'âge minimum pour prêter serment et le témoignage d'un jeune de cet âge est jugé recevable dans une affaire criminelle. Les juges estiment en effet que sa mémoire est digne de confiance depuis deux ans déjà : les enfants ne peuvent témoigner dans un procès s'ils ont moins de 12 ans, mais on enregistre tout de même leur témoignage, qui devient recevable deux ans plus tard, à leur majorité, "car on se souvient bien de ce que l'on voit dans l'enfance à l'âge de 10 ou 12 ans", dit-on.
De même, les jeunes de 12 ans peuvent prendre des décisions qui engagent leur vie : à partir du XIIe siècle, c'est l'âge à partir duquel un oblat, remis au monastère dans son enfance, a le droit de décider de renoncer à la vie conventuelle. En milieu laïque, un jeune garçon de 12 ans peut décider de conclure une transaction commerciale ; cependant, du fait de sa jeunesse, il a encore le droit à l'erreur : pour réserver ses droits, on lui concède la faveur de pouvoir y renoncer une fois parvenu à l'âge adulte, c'est-à-dire à 14 ans.
En échange, les jeunes ont des devoirs : il leur faut désormais abandonner leurs activités ludiques et commencer à travailler. Une lettre de la famille Paston, datée de 1465, montre que les Anglais du XVe siècle estiment que 12 ans est l'âge auquel on doit commencer d'aider son père dans ses travaux : "Tout pauvre homme qui a élevé ses enfants jusqu'à l'âge de 12 ans trouve normal qu'à cet âge-là ceux-ci l'aident et lui soient de quelque utilité." Dans la vie paroissiale, c'est à cet âge qu'il devient inadmissible, sous peine de punition, d'ignorer le catéchisme.
L'âge de la puberté
Dès l'âge de 12 ans se pose la question délicate de la sexualité. Contrairement à l'enfance, à laquelle les lettrés attribuent la vertu de pureté, l'adolescence est très mal vue car considérée comme l'âge de l'impureté. Les médecins, tel Albert le Grand au XIIIe siècle, décrivent à loisir les modifications de l'organisme comme la mue chez les garçons, mais aussi le développement des organes sexuels et l'apparition du désir. Garçons et filles sont perpétuellement soupçonnés d'être sur le point de succomber à la tentation du péché de chair ; on redoute que les filles ne tombent dans la prostitution et que les garçons, frustrés par la perspective d'un mariage tardif, ne se laissent aller à pratiquer le viol des honnêtes femmes, l'inceste avec leur mère ou la sodomie avec leur pédagogue. Les inquiétudes des parents et des éducateurs ne sont, dans quelques cas, pas totalement infondées. À Avignon, par exemple, à la fin du Moyen Âge, les prostituées appelées "fillettes" de joie (ou ailleurs "fillettes publiques", "mignottes fillettes" et "fillettes amoureuses") entraient effectivement dans la carrière avant l'âge de 15 ans.
Comme les jeunes filles, et contrairement aux femmes mariées, les prostituées laissent flotter librement leurs cheveux, indiquant par là leur disponibilité. Elles sont le plus souvent placées sous la surveillance des municipalités, exerçant dans des "bordelages" ou "clapiers". L'organisation municipale de la prostitution a pour mission d'éviter que les prostituées ambulantes ne constituent autant d'exemples déplorables pour les adolescentes. Ces "fillettes publiques" méritent bien leur nom : elles se mettent en effet, selon les textes médiévaux eux-mêmes, "au service de la chose publique [pro servicio reipublicae]" : d'abord en détournant les jeunes des cibles à protéger du viol (les filles et femmes de bourgeois) et, accessoirement, en contribuant aux charges citoyennes (elles ont l'obligation de participer, par exemple, à la lutte contre les incendies).
La majorité des adolescents mènent une existence plus tranquille. Pour la plupart, les jeunes se contentent, comme aujourd'hui, de succomber à la fameuse "crise de l'adolescence" ; les filles se révoltent contre leur mère, qui cherche à leur interdire toute sexualité, les garçons se rebellent contre l'autorité du père, à qui ils restent soumis, matériellement, jusqu'à ce que ce dernier meure en leur laissant sa terre. La pratique de la mise en apprentissage dans des familles d'accueil évite nombre de ruptures familiales : les adolescents, sortis de leur famille, discutent alors plus volontiers avec leur maître, qui parvient mieux à canaliser leur agressivité, même si ce dernier s'est engagé par contrat à s'occuper d'eux "comme s'il était leur père".
L'âge adulte
La phase que nous appelons aujourd'hui "adolescence" correspond à ce qui était, au Moyen Âge, l'entrée pleine et entière dans la vie adulte. Sur le plan civique, en France, en Flandre comme en Italie, des garçons de 14 à 15 ans sont couramment engagés dans les milices urbaines, où ils prennent les armes. 14 ans est l'âge minimum de l'entrée à l'université, alors réservée aux hommes. Dans le monde du travail, d'autres jeunes commencent l'apprentissage dès cet âge. Dans les trois derniers siècles du Moyen Âge, l'âge des apprentis fluctue en effet entre 14 et 25 ans. Enfin, 14 ans est considéré par un pédagogue d'Église tel que Jean Gerson comme "l'âge de pucelage", autrement dit l'âge auquel le garçon peut perdre sa virginité…
14 ans est l'âge auquel les filles peuvent avantageusement être mariées. Philippe de Novare l'affirme : "L'on ne devrait jamais marier un enfant mâle avant qu'il n'ait 20 ans accomplis, mais doit-on volontiers marier les filles dès qu'elles ont dépassé 14 ans…" Trop attendre serait dangereux, pense-t-on. Cependant, la réalité dément ces âges idéaux, surtout valables dans la haute aristocratie : pendant les trois derniers siècles médiévaux, l'âge au mariage oscille plutôt entre 27 et 30 ans pour les garçons, 17 et 19 ans pour les filles.
Source : Les âges de la vie, l’enfance au Moyen-Âge, BnF.
Les ouvrages médicaux situent l’âge moyen de la puberté masculine vers 14 ans et font durer l’âge d’adolescence au-delà de 20 ans ; puis, entre 20 et 28 ans, parfois 35 ans, vient la jeunesse. Il s’agit d’un âge robuste, propre aux travaux de force. Il tient sa place dans les images de l’échelle des âges qui se répandent alors. Sur certaines d’entre elles, on voit les plus âges des adolescents courtiser des filles. Cette période de la vie a ses caractéristiques auxquelles les écoliers n’échappent pas ; c’est à la fois l’âge de l’affirmation de la force virile et celui des débuts amoureux. Jeux, violence et sexualité en constituent les principaux traits. La jeunesse apparaît comme un moment passager, riche de potentialités mais aussi de fragilités ; cependant, il existe plusieurs jeunesses selon l’état ou la catégorie sociale. Moment crucial de la formation de l’individu, elle est l’âge de la quête, des apprentissages, er convoque un ensemble de représentations fortes.
Source : La violence des étudiants au Moyen Âge
La jeunesse est donc une « classe » difficile à définir au Moyen-Âge, d’autant plus que la perception en est toute subjective, ce que souligne Claude Gauvard dans Les jeunes à la fin du Moyen Âge : une classe d'âge ? :
On pouvait attendre une jeunesse strictement définie dans les mots comme dans les faits. Or le vocabulaire oscille, soit que les critères biologiques l’emportent sur les critères sociaux – mariage, enfants, installation dans un métier ou dans une terre – soit que le phénomène inverse se produise : l’appréciation est, du point de vue des contemporains, relative. Cette fluidité m’a amenée à considérer tout au long de cette enquête à la fois la notion quantifiée – les moins de trente ans – et les notions qualitatives – jeunes, jeunes hommes, jeunes enfants et autres.
Concernant la musique, au Moyen-Âge elle est de deux types : religieuse et profane. Nous ne parlerons ici que de la musique profane.
Parmi les musiciens médiévaux profanes, citons tout particulièrement lesGoliards , clercs itinérants (latin : clerici vagi) qui écrivaient des chansons à boire et des poèmes satiriques (et parfois d'amour) en latin aux XIIe et XIIIe siècles. Ils étaient principalement issus des universités française, allemande, italienne et anglaise, et protestaient contre les contradictions grandissantes au sein de l'Église, telles que l'échec des Croisades et les abus financiers, ainsi que contre certains écarts de la royauté et de la noblesse. Ils s'exprimaient en latin à travers la chanson, la poésie et la représentation théâtrale. De nombreux poèmes de l'ensemble des Carmina Burana appartiennent à ce mouvement.
(source : Wikipedia, voir aussi notre réponse précédente sur les Goliards)
Quant au mouvement des troubadours et des trouvères, il prend sa source dans le midi de la France, et concerne davantage les cours de châteaux que la jeunesse :
Les troubadours sont à l'origine de la poésie profane en Occident. Leur nom vient du bas latin trobar, qui signifie trouver ou... composer des vers ou de la musique (on les appelle aussi trouvères en langue d'oïl, le français du nord). Ils vont de château en château et racontent des épopées en vers qui magnifient les vertus chevaleresques. La Chanson de Roland est la plus célèbre de ces épopées ou chanson de geste (du latin gesta qui signifie action et désigne un exploit guerrier).
Ces poètes originaires pour la plupart d'Aquitaine ou de Provence ont inventé l'«amour courtois», fait de tendresse et de passion. Ils sont en général d'extraction noble ou bourgeoise. Certains appartiennent même à la haute noblesse. C'est le cas du duc Guillaume IX d'Aquitaine, grand-père d'Aliénor d'Aquitaine.
Source : herodote.net
La musique au Moyen-Âge était rarement une activité solitaire (il n’y avait pas encore de lecteurs mp3…), c’est donc dans les châteaux, en pleine rue ou lors des fêtes que les ménestrels et les amuseurs se produisaient :
Les saltimbanques, les jongleurs, les bouffons et les ménestrels fournissaient des occasions de rencontres et de divertissements […]. Les innombrables interdictions et sanctions contre les jeux et les spectacles en plein air témoignent de la présence habituelle de mimes, d’acrobates, de musiciens, hommes et femmes, au théâtre, à des fêtes de mariage, dans les églises, durant les processions, au sein et aux environs du cimetière. Cet usage était si quotidien et si familier qu’il n’est pas surprenant de voir ces personnages représentés sur les murs des églises. Ils envahissent également les manuscrits, ornent les lettrines des textes sacrés ou, plus librement, les marges des colonnes d’écriture : l’instant d’une pause ou d’une distraction pendant lequel le moine ou le laïc en train de prier suivait du regard les numéros des danseurs, des musiciens, des acrobates et des dompteurs de bêtes sauvages.
Source : Une journée au Moyen Âge, Arsenio et Chiara Frugoni
Au Moyen-Âge, les fêtes, religieuses comme païennes, sont très nombreuses et jouent un rôle social important, au point que le tiers des journées de l’année sont « chômées ». Les jeunes, étudiants, basochiens ou autres, sont évidemment amateurs de fêtes, de jeux et de tavernes, et aussi de charivari :
Le charivari est provoqué par le remariage d’un veuf ou d’une veuve avec une personne plus jeune. Cette union, qui bouleverse la norme, crée une rupture dans la société en privant la jeunesse d’un conjoint potentiel ; il faut donc, pour respecter la coutume, pratiquer un rituel de bruit, en l’occurrence le charivari. C’est à ce prix que l’ordre naturel sera rétabli. Différents types de charivari existent selon les époques er les sociétés, mais la pratique semble assez répandue. Dans l’occident médiéval, le soir des noces du veuf ou de la veuve, les jeunes se rassemblent devant la maison des nouveaux mariés. Ils portent des déguisements et des masques comme pour d’autres fêtes, mais le charivari est surtout associé au vacarme : bruit des chaudrons et des poêles martelés, hurlements et vociférations, chansons à boire ou paillardes, destinés à troubler les époux et à empêcher la consommation du mariage. Ce bruit ne s’arrête que si le mari « rachète l’usage » en offrant à boire ou en donnant une somme d’argent. S’il n’obtempère pas, le vacarme ne fait que s’accroître, prenant le nom de « grand charivari ».
Source : La violence des étudiants au Moyen Âge
Malheureusement, nous en savons peu sur les mélodies des chansons à boire ou à danser qui animaient les fêtes médiévales :
Depuis que Gui d’Arezzo les a imaginées au milieu du XIe siècle, on trouve aussi des manuscrits « à portées musicales », destinées à permettre de placer les notes sur une gamme, au lieu des simples signes de montée ou de descente du son qu’étaient les neumes (de pneuma, le souffle). Mais ces rudiments de solfège ne touchent que les pièces liturgiques, sans modulation notable, « de plainchant », comme l’on dit ; en sorte que nous ne savons rien des mélodies populaires, chansons « de toile » pour les dames, chansons à boire ou à danser.
Source : Ces gens du Moyen Âge, Robert Fossier
Pour aller plus loin :
La vie au Moyen Âge, Robert Delort
Le Moyen Âge : histoire illustrée de la vie quotidienne, Robert Delort
Musique médiévale, Jacques Viret
La Musique du Moyen âge, Albert Seay
Avant de chercher à transposer des codes culturels contemporain à l’époque du Moyen-Âge, il faut rester conscient que la société médiévale avait une conception très différente de l’enfance et de la jeunesse :
Le schéma le plus courant
Parmi la multiplicité des modèles, une subdivision revient fréquemment et finit par s’imposer :
- la petite enfance, jusqu’à la poussée dentaire ; divisée elle-même en deux phases, l’infantia (du latin infans, « qui ne parle pas ») puis le temps des « dents plantées » (dentum plantatura) ;
- l’enfance, jusqu’à 7 ans ;
- l’adolescence, ou « seconde enfance », jusqu’à 14 ans minimum, voire 25 ou 30 ans, selon les auteurs ;
- la « jeunesse », jusqu’à 28 ans, mais parfois aussi jusqu’à 45 ou 50 ans.
On le voit, les mots n’ont pas le même sens au Moyen Âge que de nos jours…
Source : Les âges de la vie, l’enfance au Moyen-Âge, BnF.
La majorité
12 ans constitue un moment clé dans la vie des jeunes. En Europe occidentale, c'est l'âge de la majorité pour les filles et celui d'une pré-majorité pour les garçons. Dans le monde scandinave, la période comprise entre 12 et 15 ans est une phase de semi-responsabilité juridique. Partout, la parole des préadolescents est prise au sérieux. Ainsi, 12 ans est l'âge minimum pour prêter serment et le témoignage d'un jeune de cet âge est jugé recevable dans une affaire criminelle. Les juges estiment en effet que sa mémoire est digne de confiance depuis deux ans déjà : les enfants ne peuvent témoigner dans un procès s'ils ont moins de 12 ans, mais on enregistre tout de même leur témoignage, qui devient recevable deux ans plus tard, à leur majorité, "car on se souvient bien de ce que l'on voit dans l'enfance à l'âge de 10 ou 12 ans", dit-on.
De même, les jeunes de 12 ans peuvent prendre des décisions qui engagent leur vie : à partir du XIIe siècle, c'est l'âge à partir duquel un oblat, remis au monastère dans son enfance, a le droit de décider de renoncer à la vie conventuelle. En milieu laïque, un jeune garçon de 12 ans peut décider de conclure une transaction commerciale ; cependant, du fait de sa jeunesse, il a encore le droit à l'erreur : pour réserver ses droits, on lui concède la faveur de pouvoir y renoncer une fois parvenu à l'âge adulte, c'est-à-dire à 14 ans.
En échange, les jeunes ont des devoirs : il leur faut désormais abandonner leurs activités ludiques et commencer à travailler. Une lettre de la famille Paston, datée de 1465, montre que les Anglais du XVe siècle estiment que 12 ans est l'âge auquel on doit commencer d'aider son père dans ses travaux : "Tout pauvre homme qui a élevé ses enfants jusqu'à l'âge de 12 ans trouve normal qu'à cet âge-là ceux-ci l'aident et lui soient de quelque utilité." Dans la vie paroissiale, c'est à cet âge qu'il devient inadmissible, sous peine de punition, d'ignorer le catéchisme.
L'âge de la puberté
Dès l'âge de 12 ans se pose la question délicate de la sexualité. Contrairement à l'enfance, à laquelle les lettrés attribuent la vertu de pureté, l'adolescence est très mal vue car considérée comme l'âge de l'impureté. Les médecins, tel Albert le Grand au XIIIe siècle, décrivent à loisir les modifications de l'organisme comme la mue chez les garçons, mais aussi le développement des organes sexuels et l'apparition du désir. Garçons et filles sont perpétuellement soupçonnés d'être sur le point de succomber à la tentation du péché de chair ; on redoute que les filles ne tombent dans la prostitution et que les garçons, frustrés par la perspective d'un mariage tardif, ne se laissent aller à pratiquer le viol des honnêtes femmes, l'inceste avec leur mère ou la sodomie avec leur pédagogue. Les inquiétudes des parents et des éducateurs ne sont, dans quelques cas, pas totalement infondées. À Avignon, par exemple, à la fin du Moyen Âge, les prostituées appelées "fillettes" de joie (ou ailleurs "fillettes publiques", "mignottes fillettes" et "fillettes amoureuses") entraient effectivement dans la carrière avant l'âge de 15 ans.
Comme les jeunes filles, et contrairement aux femmes mariées, les prostituées laissent flotter librement leurs cheveux, indiquant par là leur disponibilité. Elles sont le plus souvent placées sous la surveillance des municipalités, exerçant dans des "bordelages" ou "clapiers". L'organisation municipale de la prostitution a pour mission d'éviter que les prostituées ambulantes ne constituent autant d'exemples déplorables pour les adolescentes. Ces "fillettes publiques" méritent bien leur nom : elles se mettent en effet, selon les textes médiévaux eux-mêmes, "au service de la chose publique [pro servicio reipublicae]" : d'abord en détournant les jeunes des cibles à protéger du viol (les filles et femmes de bourgeois) et, accessoirement, en contribuant aux charges citoyennes (elles ont l'obligation de participer, par exemple, à la lutte contre les incendies).
La majorité des adolescents mènent une existence plus tranquille. Pour la plupart, les jeunes se contentent, comme aujourd'hui, de succomber à la fameuse "crise de l'adolescence" ; les filles se révoltent contre leur mère, qui cherche à leur interdire toute sexualité, les garçons se rebellent contre l'autorité du père, à qui ils restent soumis, matériellement, jusqu'à ce que ce dernier meure en leur laissant sa terre. La pratique de la mise en apprentissage dans des familles d'accueil évite nombre de ruptures familiales : les adolescents, sortis de leur famille, discutent alors plus volontiers avec leur maître, qui parvient mieux à canaliser leur agressivité, même si ce dernier s'est engagé par contrat à s'occuper d'eux "comme s'il était leur père".
L'âge adulte
La phase que nous appelons aujourd'hui "adolescence" correspond à ce qui était, au Moyen Âge, l'entrée pleine et entière dans la vie adulte. Sur le plan civique, en France, en Flandre comme en Italie, des garçons de 14 à 15 ans sont couramment engagés dans les milices urbaines, où ils prennent les armes. 14 ans est l'âge minimum de l'entrée à l'université, alors réservée aux hommes. Dans le monde du travail, d'autres jeunes commencent l'apprentissage dès cet âge. Dans les trois derniers siècles du Moyen Âge, l'âge des apprentis fluctue en effet entre 14 et 25 ans. Enfin, 14 ans est considéré par un pédagogue d'Église tel que Jean Gerson comme "l'âge de pucelage", autrement dit l'âge auquel le garçon peut perdre sa virginité…
14 ans est l'âge auquel les filles peuvent avantageusement être mariées. Philippe de Novare l'affirme : "L'on ne devrait jamais marier un enfant mâle avant qu'il n'ait 20 ans accomplis, mais doit-on volontiers marier les filles dès qu'elles ont dépassé 14 ans…" Trop attendre serait dangereux, pense-t-on. Cependant, la réalité dément ces âges idéaux, surtout valables dans la haute aristocratie : pendant les trois derniers siècles médiévaux, l'âge au mariage oscille plutôt entre 27 et 30 ans pour les garçons, 17 et 19 ans pour les filles.
Source : Les âges de la vie, l’enfance au Moyen-Âge, BnF.
Les ouvrages médicaux situent l’âge moyen de la puberté masculine vers 14 ans et font durer l’âge d’adolescence au-delà de 20 ans ; puis, entre 20 et 28 ans, parfois 35 ans, vient la jeunesse. Il s’agit d’un âge robuste, propre aux travaux de force. Il tient sa place dans les images de l’échelle des âges qui se répandent alors. Sur certaines d’entre elles, on voit les plus âges des adolescents courtiser des filles. Cette période de la vie a ses caractéristiques auxquelles les écoliers n’échappent pas ; c’est à la fois l’âge de l’affirmation de la force virile et celui des débuts amoureux. Jeux, violence et sexualité en constituent les principaux traits. La jeunesse apparaît comme un moment passager, riche de potentialités mais aussi de fragilités ; cependant, il existe plusieurs jeunesses selon l’état ou la catégorie sociale. Moment crucial de la formation de l’individu, elle est l’âge de la quête, des apprentissages, er convoque un ensemble de représentations fortes.
Source : La violence des étudiants au Moyen Âge
La jeunesse est donc une « classe » difficile à définir au Moyen-Âge, d’autant plus que la perception en est toute subjective, ce que souligne Claude Gauvard dans Les jeunes à la fin du Moyen Âge : une classe d'âge ? :
On pouvait attendre une jeunesse strictement définie dans les mots comme dans les faits. Or le vocabulaire oscille, soit que les critères biologiques l’emportent sur les critères sociaux – mariage, enfants, installation dans un métier ou dans une terre – soit que le phénomène inverse se produise : l’appréciation est, du point de vue des contemporains, relative. Cette fluidité m’a amenée à considérer tout au long de cette enquête à la fois la notion quantifiée – les moins de trente ans – et les notions qualitatives – jeunes, jeunes hommes, jeunes enfants et autres.
Concernant la musique, au Moyen-Âge elle est de deux types : religieuse et profane. Nous ne parlerons ici que de la musique profane.
Parmi les musiciens médiévaux profanes, citons tout particulièrement les
(source : Wikipedia, voir aussi notre réponse précédente sur les Goliards)
Quant au mouvement des troubadours et des trouvères, il prend sa source dans le midi de la France, et concerne davantage les cours de châteaux que la jeunesse :
Les troubadours sont à l'origine de la poésie profane en Occident. Leur nom vient du bas latin trobar, qui signifie trouver ou... composer des vers ou de la musique (on les appelle aussi trouvères en langue d'oïl, le français du nord). Ils vont de château en château et racontent des épopées en vers qui magnifient les vertus chevaleresques. La Chanson de Roland est la plus célèbre de ces épopées ou chanson de geste (du latin gesta qui signifie action et désigne un exploit guerrier).
Ces poètes originaires pour la plupart d'Aquitaine ou de Provence ont inventé l'«amour courtois», fait de tendresse et de passion. Ils sont en général d'extraction noble ou bourgeoise. Certains appartiennent même à la haute noblesse. C'est le cas du duc Guillaume IX d'Aquitaine, grand-père d'Aliénor d'Aquitaine.
Source : herodote.net
La musique au Moyen-Âge était rarement une activité solitaire (il n’y avait pas encore de lecteurs mp3…), c’est donc dans les châteaux, en pleine rue ou lors des fêtes que les ménestrels et les amuseurs se produisaient :
Les saltimbanques, les jongleurs, les bouffons et les ménestrels fournissaient des occasions de rencontres et de divertissements […]. Les innombrables interdictions et sanctions contre les jeux et les spectacles en plein air témoignent de la présence habituelle de mimes, d’acrobates, de musiciens, hommes et femmes, au théâtre, à des fêtes de mariage, dans les églises, durant les processions, au sein et aux environs du cimetière. Cet usage était si quotidien et si familier qu’il n’est pas surprenant de voir ces personnages représentés sur les murs des églises. Ils envahissent également les manuscrits, ornent les lettrines des textes sacrés ou, plus librement, les marges des colonnes d’écriture : l’instant d’une pause ou d’une distraction pendant lequel le moine ou le laïc en train de prier suivait du regard les numéros des danseurs, des musiciens, des acrobates et des dompteurs de bêtes sauvages.
Source : Une journée au Moyen Âge, Arsenio et Chiara Frugoni
Au Moyen-Âge, les fêtes, religieuses comme païennes, sont très nombreuses et jouent un rôle social important, au point que le tiers des journées de l’année sont « chômées ». Les jeunes, étudiants, basochiens ou autres, sont évidemment amateurs de fêtes, de jeux et de tavernes, et aussi de charivari :
Le charivari est provoqué par le remariage d’un veuf ou d’une veuve avec une personne plus jeune. Cette union, qui bouleverse la norme, crée une rupture dans la société en privant la jeunesse d’un conjoint potentiel ; il faut donc, pour respecter la coutume, pratiquer un rituel de bruit, en l’occurrence le charivari. C’est à ce prix que l’ordre naturel sera rétabli. Différents types de charivari existent selon les époques er les sociétés, mais la pratique semble assez répandue. Dans l’occident médiéval, le soir des noces du veuf ou de la veuve, les jeunes se rassemblent devant la maison des nouveaux mariés. Ils portent des déguisements et des masques comme pour d’autres fêtes, mais le charivari est surtout associé au vacarme : bruit des chaudrons et des poêles martelés, hurlements et vociférations, chansons à boire ou paillardes, destinés à troubler les époux et à empêcher la consommation du mariage. Ce bruit ne s’arrête que si le mari « rachète l’usage » en offrant à boire ou en donnant une somme d’argent. S’il n’obtempère pas, le vacarme ne fait que s’accroître, prenant le nom de « grand charivari ».
Source : La violence des étudiants au Moyen Âge
Malheureusement, nous en savons peu sur les mélodies des chansons à boire ou à danser qui animaient les fêtes médiévales :
Depuis que Gui d’Arezzo les a imaginées au milieu du XIe siècle, on trouve aussi des manuscrits « à portées musicales », destinées à permettre de placer les notes sur une gamme, au lieu des simples signes de montée ou de descente du son qu’étaient les neumes (de pneuma, le souffle). Mais ces rudiments de solfège ne touchent que les pièces liturgiques, sans modulation notable, « de plainchant », comme l’on dit ; en sorte que nous ne savons rien des mélodies populaires, chansons « de toile » pour les dames, chansons à boire ou à danser.
Source : Ces gens du Moyen Âge, Robert Fossier
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