Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaiterais savoir combien de temps pouvait durer un voyage en vaisseau pour aller de France à l'île Bourbon. Est-ce qu'il y avait des étapes et dans ce cas lesquelles ? Je suppose qu'il faisait du cabotage autour de l'Afrique pour s'approvisionner en légumes et fruits ? En 1745, y-avait-il danger avec les barbaresques ?
Merci pour votre réponse
Interessus
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 25/08/2014 à 13h30
Bonjour,
Le site d’Enguerrand Gourong propose un texte de Paul Kaeppelin détaillant « les escales françaises sur la route de l’Inde 1638/1731 » :
« La navigation des Français vers l'Inde ; nécessité des escales.
Dès que les Français prétendirent prendre part au commerce de l'Inde, la question des relâches se posa impérieusement devant eux.La durée du voyage, qui était ordinairement de six mois dans les cas les plus favorables , en faisait une nécessité et pour plusieurs raisons : la plus urgente était le besoin de renouveler les provisions d'eau et de vivres ; puis, dans ces longues navigations, l'usage des aliments salés répandait parmi les équipages le scorbut ou mal de terre, ainsi appelé par les marins qui savaient que la descente à terre et l'emploi de nourriture fraîche constituaient le remède unique et presque infaillible. En troisième lieu, les vaisseaux eux-mêmes souffraient des longues traversées particulièrement dans les mers tropicales; il fallait souvent les caréner, surtout au retour. En sorte que, pour assurer aux bâtiments une navigation aussi rapide, pour les équipages aussi sûre et pour les armateurs aussi économique que possible, il fallait acquérir sur la route de France à l'Inde des établissements pourvus de ports, d'eau, de vivres et de bois. Ajoutons un dernier avantage, d'ordre commercial : il était fort utile d'avoir entre la France et l'Inde des entrepôts pour y assembler des réserves de marchandises, soit de la métropole, soit des comptoirs pour les assortir à loisir et les envoyer à destination en saison favorable.
[…]
En quelles terres pouvaient-ils donc trouver, au cours de ces longues navigations, les relâches indispensables ? Dans l'Océan Atlantique, ce ne pouvait être ni au Brésil, ni sur la côte d'Afrique ; de celle-ci les écartait la crainte des courants et des vents contraires du Sud, et, du Brésil, le retard inévitable qu'entraînait cette escale: l'exemple désastreux de l'expédition Montdevergue en 1666 la fit abandonner pour toujours, au moins pour le voyage d'aller.
Or il fallait, pour que la première relâche fût vraiment utile qu'elle ne fut pas trop près de France, car, dans ce dernier cas, les vaisseaux n'auraient pas eu encore besoin de grands secours et l'on risquait de perdre, par quelque retard, la mousson de S. O. dans l'Océan Indien. De là le peu d'importance des escales des Canaries et même des îles du Cap-Vert : les premières étaient d'ailleurs espagnoles et par conséquent souvent interdites par la guerre, les secondes, portugaises, n'étaient guère utiles que pour y prendre de l'eau et un peu de vivres frais ; de même les relâches de Gorée ou du Cap-Vert.
C'est ce qui explique au contraire, l'importance de celle du Cap, où les vaisseaux, parvenus à plus de la moitié de leur navigation, avaient besoin de renouveler leurs provisions et de remettre leurs malades ; de plus il leur était indispensable de le reconnaître pour vérifier leur longitude et pour choisir, suivant la saison, entre le canal de Mozambique et la grande route. Aussi le cap de Bonne-Espérance était alors la relâche la plus parfaite sur la route de l'Inde ; de là la persistance des ambitions des français sur cette partie de l'Afrique et la prédilection de leurs marins pour cette escale, en temps de paix.
En dehors du Cap, s'offrait celle de Madagascar, qui sera la première choisie et dont les conditions naturelles étaient en effet favorables puisque, de là, on pouvait facilement, en mousson du Sud, remonter le canal de Mozambique.
Enfin, tant que cette route fut préférée, les Mascareignes ne pouvaient offrir qu'une relâche de valeur secondaire : elles étaient trop à l'Est, en dehors de la route ordinaire ; de plus, elles étaient très loin d'Europe. Au contraire les vaisseaux pouvaient trouver de grands avantages à s'y arrêter dans leur navigation de retour.
Pour celle-ci, la côte occidentale de l'Afrique australe pouvait aussi fournir d'excellentes escales, puisqu'on y parvenait après avoir doublé le Cap ; de même Sainte-Hélène que l'on rencontrait presque nécessairement sur son chemin.
Telles étaient les régions où les Français pouvaient tenter de créer des établissements de relâche sur la route de l'Inde : les seules vraiment dignes d'attirer leur attention et leurs efforts étaient les côtes de l'Afrique du Sud et les îles situées à l'entrée de l'Océan Indien. Or les meilleurs ports, Sainte-Hélène, le Cap et Maurice, étaient déjà occupés par les Anglais ou les Hollandais : le problème n'était donc pas de solution facile. »
Les français ont donc dû rechercher des lieux pour s’arrêter dans leur trajet vers les Indes, c’est ainsi que les îles Mascareignes ont connu leur essor, comme l’indique l’ouvrage Les Compagnies des Indes :
« En raison des conditions de la navigation entre l’Europe et les Indes orientales, toutes les compagnies disposent d’escales au voisinage du cap de Bonne-Espérance : les Hollandais sont installés au Cap même, les Anglais à Sainte-Hélène et les Français aux Mascareignes. Cet archipel situé à 800km à l’est de Madagascar, entre le 20e et le 21e parallèle sud, composé de deux îles principales, Bourbon (la Réunion) et l’île de France (Maurice), ainsi que de plusieurs îlots, est commodément situé sur la route des grands frais d’ouest.
Les Français, après avoir vainement tenté de s’établir à Fort-Dauphin au sud-est de Madagascar, trouvent refuge à l’île Bourbon, demeurée déserte, et ils en commencent la mise en valeur. »
C’est seulement en 1733 que la marine décide de construire un vrai port sur l’île Bourbon, des ports ont été construits dès 1712 mais uniquement sur l’île de France.
Le même ouvrage indique :« En moyenne, les voyages (entre l’Europe et les Indes) durent de seize à vingt-quatre mois en fonction de la destination, dont les deux tiers en mer. Vers 1770 les voyages sont plus cours de six à huit semaines, grâce à l’amélioration dans les années 1780 grâce à l’amélioration des navires et à l’expérience cumulée des pilotes. Les trajets ne sont véritablement raccourcis que dans les années 1780 grâce aux campagnes de reconnaissance hydrographiques dans les archives entre Madagascar et l’Inde. »
En 1840, le trajet ne durera plus que 100 jours puis qu’une cinquantaine de jours en 1830, pour atteindre 21 jours en 1890 !
(Source : Wikipédia.)
Les progrès de la navigation (matériel et cartographie) permettront de rejoindre ces îles en moins d’un mois après seulement 1 siècle d’innovations.
Les risques « barbaresques » étaient limités mais durant les périodes de conflit entre pays européens, la navigation pouvait devenir dangereuse car les navires marchands passaient à proximité des ports des autres pays. Les navires militaires pouvaient alors leur barrer la route voir les détruire.
Les marins s'inquiétaient surtout des conditions météorologiques qui pouvaient rapidement devenir un frein à leur voyage. Les dates de départ devaient être précises pour éviter les épisodes de mousson qui pouvaient empêcher les navires d'accoster mais qui à l'inverse pouvaient faciliter le voyage de retour si le départ était fait à la bonne période (vents et courants allant dans le bon sens).
Pour en savoir plus :
- Quand La Réunion s’appelait Bourbon de Michèle Dion.
- L’île Bourbon, l’île de France et Madagascar du Dr. Honoré Lacaze.
- Histoire de la Réunion sur CG974.
- Histoire de l’île sur Ile de la Réunion.net.
Bonne journée.
Le site d’Enguerrand Gourong propose un texte de Paul Kaeppelin détaillant « les escales françaises sur la route de l’Inde 1638/1731 » :
« La navigation des Français vers l'Inde ; nécessité des escales.
Dès que les Français prétendirent prendre part au commerce de l'Inde, la question des relâches se posa impérieusement devant eux.
[…]
En quelles terres pouvaient-ils donc trouver, au cours de ces longues navigations, les relâches indispensables ? Dans l'Océan Atlantique, ce ne pouvait être ni au Brésil, ni sur la côte d'Afrique ; de celle-ci les écartait la crainte des courants et des vents contraires du Sud, et, du Brésil, le retard inévitable qu'entraînait cette escale: l'exemple désastreux de l'expédition Montdevergue en 1666 la fit abandonner pour toujours, au moins pour le voyage d'aller.
Or il fallait, pour que la première relâche fût vraiment utile qu'elle ne fut pas trop près de France, car, dans ce dernier cas, les vaisseaux n'auraient pas eu encore besoin de grands secours et l'on risquait de perdre, par quelque retard, la mousson de S. O. dans l'Océan Indien. De là le peu d'importance des escales des Canaries et même des îles du Cap-Vert : les premières étaient d'ailleurs espagnoles et par conséquent souvent interdites par la guerre, les secondes, portugaises, n'étaient guère utiles que pour y prendre de l'eau et un peu de vivres frais ; de même les relâches de Gorée ou du Cap-Vert.
C'est ce qui explique au contraire, l'importance de celle du Cap, où les vaisseaux, parvenus à plus de la moitié de leur navigation, avaient besoin de renouveler leurs provisions et de remettre leurs malades ; de plus il leur était indispensable de le reconnaître pour vérifier leur longitude et pour choisir, suivant la saison, entre le canal de Mozambique et la grande route. Aussi le cap de Bonne-Espérance était alors la relâche la plus parfaite sur la route de l'Inde ; de là la persistance des ambitions des français sur cette partie de l'Afrique et la prédilection de leurs marins pour cette escale, en temps de paix.
En dehors du Cap, s'offrait celle de Madagascar, qui sera la première choisie et dont les conditions naturelles étaient en effet favorables puisque, de là, on pouvait facilement, en mousson du Sud, remonter le canal de Mozambique.
Enfin, tant que cette route fut préférée, les Mascareignes ne pouvaient offrir qu'une relâche de valeur secondaire : elles étaient trop à l'Est, en dehors de la route ordinaire ; de plus, elles étaient très loin d'Europe. Au contraire les vaisseaux pouvaient trouver de grands avantages à s'y arrêter dans leur navigation de retour.
Pour celle-ci, la côte occidentale de l'Afrique australe pouvait aussi fournir d'excellentes escales, puisqu'on y parvenait après avoir doublé le Cap ; de même Sainte-Hélène que l'on rencontrait presque nécessairement sur son chemin.
Telles étaient les régions où les Français pouvaient tenter de créer des établissements de relâche sur la route de l'Inde : les seules vraiment dignes d'attirer leur attention et leurs efforts étaient les côtes de l'Afrique du Sud et les îles situées à l'entrée de l'Océan Indien. Or les meilleurs ports, Sainte-Hélène, le Cap et Maurice, étaient déjà occupés par les Anglais ou les Hollandais : le problème n'était donc pas de solution facile. »
Les français ont donc dû rechercher des lieux pour s’arrêter dans leur trajet vers les Indes, c’est ainsi que les îles Mascareignes ont connu leur essor, comme l’indique l’ouvrage Les Compagnies des Indes :
« En raison des conditions de la navigation entre l’Europe et les Indes orientales, toutes les compagnies disposent d’escales au voisinage du cap de Bonne-Espérance : les Hollandais sont installés au Cap même, les Anglais à Sainte-Hélène et les Français aux Mascareignes. Cet archipel situé à 800km à l’est de Madagascar, entre le 20e et le 21e parallèle sud, composé de deux îles principales, Bourbon (la Réunion) et l’île de France (Maurice), ainsi que de plusieurs îlots, est commodément situé sur la route des grands frais d’ouest.
Les Français, après avoir vainement tenté de s’établir à Fort-Dauphin au sud-est de Madagascar, trouvent refuge à l’île Bourbon, demeurée déserte, et ils en commencent la mise en valeur. »
C’est seulement en 1733 que la marine décide de construire un vrai port sur l’île Bourbon, des ports ont été construits dès 1712 mais uniquement sur l’île de France.
Le même ouvrage indique :
(Source : Wikipédia.)
Les progrès de la navigation (matériel et cartographie) permettront de rejoindre ces îles en moins d’un mois après seulement 1 siècle d’innovations.
Les risques « barbaresques » étaient limités mais durant les périodes de conflit entre pays européens, la navigation pouvait devenir dangereuse car les navires marchands passaient à proximité des ports des autres pays. Les navires militaires pouvaient alors leur barrer la route voir les détruire.
Les marins s'inquiétaient surtout des conditions météorologiques qui pouvaient rapidement devenir un frein à leur voyage. Les dates de départ devaient être précises pour éviter les épisodes de mousson qui pouvaient empêcher les navires d'accoster mais qui à l'inverse pouvaient faciliter le voyage de retour si le départ était fait à la bonne période (vents et courants allant dans le bon sens).
Pour en savoir plus :
- Quand La Réunion s’appelait Bourbon de Michèle Dion.
- L’île Bourbon, l’île de France et Madagascar du Dr. Honoré Lacaze.
- Histoire de la Réunion sur CG974.
- Histoire de l’île sur Ile de la Réunion.net.
Bonne journée.
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