Ardoises
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 08/09/2014 à 23h01
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Question d'origine :
Bonsoir,
je me posais la question suivante : pourquoi Paris importe-t-il des ardoises d'Anjou et non de Bretagne au 17e siècle ? (Cf Place Royale alias Place des Vosges)
Je vous remercie.
Bien cordialement.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 09/09/2014 à 13h00
Bonjour,
L’ouvrage de Bernard Marrey, Matériaux de Paris : l'étoffe de la ville, de l'antiquité à nos jours, s’il ne répond pas formellement à votre question, suggère néanmoins une piste :
Si l’économie a guidé l’emploi des pierres et, d’une certaine façon, l’architecture au Moyen Âge, la volonté du roi va beaucoup modifier celle-ci. En allant chercher des modèles en Italie, puis dans l’Antiquité gréco-romaine, les architectes vont peu à peu distendre le lien rationnel qui existait entre le matériau et l’architecture pour dessiner de nouvelles formes. A la stricte économie succède la commodité : le constructeur fera son affaire des pierres les plus proches ou les plus faciles à transporter. Cependant, la volonté, sinon le caprice, du roi ou du prince, imposera d’aller chercher telle ou telle pierre bien loin du chantier. Les ardoises d’Angers transportées par mer en contournant la Bretagne et la Normandie pour la couverture du château de Fontainebleau en sont un exemple, l’exploitation des marbres des Pyrénées en est un autre.
En effet les ardoises angevines, jusqu’à l’ouverture du canal de Briare en 1642, voyageaient jusqu’à Paris soit en remontant la Loire jusqu’à Orléans (puis par terre), soit par mer en descendant la Loire, contournant la Bretagne et la Normandie et en remontant la Seine.
Les rivières furent […] d’utiles voies de transport pour convoyer les pierres de Saint-Leu ou de Méry, sur les bords de l’Oise, et le bois des forêts champenoises (par la Marne) ou bourguignonnes (par l’Yonne). Peut-on lire, dans la nature même du sol, la naissance de cette centralisation si caractéristique de la France ? Il est vrai que dans un bon tiers du territoire – celui qui précisément fut à l’origine du royaume de France – tout converge vers Paris. Il suffit d’y ajouter quelques coups de pouce pour en étendre le champ. Le plus décisif sera celui d’Henri IV et de son ministre Sully lorsqu’ils décrètent en 1604 la création du canal de Briare (achevé en 1642) qui relie le bassin de la Loire à celui de la Seine par le Loing. Les forges nivernaises purent alors expédier leurs fers à Paris où les premières rampes et les premiers balcons en fer forgé aérèrent et embellirent l’architecture des nouveaux hôtels. Jusqu’à l’avènement du chemin de fer, qui n’étendra sa toile sur la France qu’au milieu du XIXe siècle, la quasi-totalité des transports s’effectuait en effet par voie d’eau, surtout quand il s’agissait de matières pondéreuses. Les marbres, dont Louis XIV fit ouvrir des carrières dans les Pyrénées, étaient apportés par mer de même que les glaces de Tourlaville, aux portes de Cherbourg. Les ardoises d’Angers voyageaient aussi par mer, la Loire n’étant pas, selon Adolphe Joanne, « un fleuve constant, mais plutôt un torrent capricieux, qui roule une masse énorme d’eau en hiver, mais est presque à sec en été » (1869).
Les toits de Paris : de toits en toits, de François Leclercq et Philippe Simon, nous apprend que l’ardoise d’Angers jouissait à Paris d’une réputation supérieure à celle de la concurrence : s’il y a deux sortes d’ardoise, l’une venant d’Angers, l’autre de Mézières et de Charleville, « la meilleure est sans difficulté celle d’Angers, et l’on n’emploie à Paris guère de l’autre » (Pierre Bullet, L’Architecture pratique, 1691, p.250).
Le Centre des monuments nationaux saura peut-être vous apporter une réponse plus précise.
Bonne journée.
L’ouvrage de Bernard Marrey, Matériaux de Paris : l'étoffe de la ville, de l'antiquité à nos jours, s’il ne répond pas formellement à votre question, suggère néanmoins une piste :
Si l’économie a guidé l’emploi des pierres et, d’une certaine façon, l’architecture au Moyen Âge, la volonté du roi va beaucoup modifier celle-ci. En allant chercher des modèles en Italie, puis dans l’Antiquité gréco-romaine, les architectes vont peu à peu distendre le lien rationnel qui existait entre le matériau et l’architecture pour dessiner de nouvelles formes. A la stricte économie succède la commodité : le constructeur fera son affaire des pierres les plus proches ou les plus faciles à transporter. Cependant, la volonté, sinon le caprice, du roi ou du prince, imposera d’aller chercher telle ou telle pierre bien loin du chantier. Les ardoises d’Angers transportées par mer en contournant la Bretagne et la Normandie pour la couverture du château de Fontainebleau en sont un exemple, l’exploitation des marbres des Pyrénées en est un autre.
En effet les ardoises angevines, jusqu’à l’ouverture du canal de Briare en 1642, voyageaient jusqu’à Paris soit en remontant la Loire jusqu’à Orléans (puis par terre), soit par mer en descendant la Loire, contournant la Bretagne et la Normandie et en remontant la Seine.
Les rivières furent […] d’utiles voies de transport pour convoyer les pierres de Saint-Leu ou de Méry, sur les bords de l’Oise, et le bois des forêts champenoises (par la Marne) ou bourguignonnes (par l’Yonne). Peut-on lire, dans la nature même du sol, la naissance de cette centralisation si caractéristique de la France ? Il est vrai que dans un bon tiers du territoire – celui qui précisément fut à l’origine du royaume de France – tout converge vers Paris. Il suffit d’y ajouter quelques coups de pouce pour en étendre le champ. Le plus décisif sera celui d’Henri IV et de son ministre Sully lorsqu’ils décrètent en 1604 la création du canal de Briare (achevé en 1642) qui relie le bassin de la Loire à celui de la Seine par le Loing. Les forges nivernaises purent alors expédier leurs fers à Paris où les premières rampes et les premiers balcons en fer forgé aérèrent et embellirent l’architecture des nouveaux hôtels. Jusqu’à l’avènement du chemin de fer, qui n’étendra sa toile sur la France qu’au milieu du XIXe siècle, la quasi-totalité des transports s’effectuait en effet par voie d’eau, surtout quand il s’agissait de matières pondéreuses. Les marbres, dont Louis XIV fit ouvrir des carrières dans les Pyrénées, étaient apportés par mer de même que les glaces de Tourlaville, aux portes de Cherbourg. Les ardoises d’Angers voyageaient aussi par mer, la Loire n’étant pas, selon Adolphe Joanne, « un fleuve constant, mais plutôt un torrent capricieux, qui roule une masse énorme d’eau en hiver, mais est presque à sec en été » (1869).
Les toits de Paris : de toits en toits, de François Leclercq et Philippe Simon, nous apprend que l’ardoise d’Angers jouissait à Paris d’une réputation supérieure à celle de la concurrence : s’il y a deux sortes d’ardoise, l’une venant d’Angers, l’autre de Mézières et de Charleville, « la meilleure est sans difficulté celle d’Angers, et l’on n’emploie à Paris guère de l’autre » (Pierre Bullet, L’Architecture pratique, 1691, p.250).
Le Centre des monuments nationaux saura peut-être vous apporter une réponse plus précise.
Bonne journée.
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