Question d'origine :
Bonjour,
J'ai une nouvelle question sémantique, peut-être tout à fait triviale mais pour laquelle je n'ai pas trouvé de réponse à ce jour, ou alors noyée au milieu de considérations littéraires quelque peu capillotractées. Cela porte sur la fiction sous toutes ses formes, littéraire, cinématographique, etc.
Une œuvre de fiction, par définition, racontent une histoire qui n'a pas eu lieu avec des personnages qui n'ont pas existé. Je prends un exemple qui m'a beaucoup marqué étant ado, Le Grand Meaulnes. Il a merveilleusement alimenté mon imagination lors de la lecture et après.
Ce n'est que beaucoup plus tard que je me suis rendu compte que pratiquement rien de ce qui s'y passe ne pourrait avoir lieu dans la vie réelle : les profils psychologiques des personnages principaux sont totalement improbables et ce qu'ils font est absolument contraire aux us et coutumes les plus élémentaires (la scène de mariage par exemple). Malgré le parti-pris de réalisme de son écriture et les éléments autobiographiques qu'on lui attribue, ce roman est totalement irréaliste (ce qui n'est pas une critique bien entendu).
De manière générale, il y a donc :
1. la fiction qui raconte une histoire inventée mais qui reste plausible dans la vraie vie, l'œuvre de Balzac par exemple (peut-être dans certaines limites),
2. ce que je voudrais appeler l'hyper-fiction qui se produit dans un monde de fait différent du nôtre où les lois psychologiques, sociologiques, voire physiques (dans le cas de la science-fiction), telles que nous les connaissons n'ont pas cours. Par conséquent ce n'est pas seulement l'histoire qui est fictive c'est l'univers humain, social, physique, etc., qui est fictif. À mon avis cela concerne à un degré ou à un autre la grande majorité des œuvres de fiction, romans, films, théâtre, etc., qui mettent en scène des personnages comme il n'en existe nulle part dans la vraie vie.
Pour corser les choses, si l'on prend l'exemple de Toy Story (parmi bien d'autres) : dans un monde fictif (d’hyper-fiction) il met en scène des personnages hyper-fictifs qui ont pourtant un comportement tout à fait humain dans une intrigue réaliste (les jouets aussi bien que les humains).
Je n'ai jamais vu le distinguo que je fais entre les différents registres de la fiction. Un ami me soutient que de toutes façons l'univers de la fiction est inventé et que ma question n'a donc pas d'objet.
Ma question est en fait multiple : est-ce que mon approche a déjà été traitée et si oui y a-t-il un nom usuel pour ce que j'appelle l'hyper-fiction ?
Cordialement
N Daum
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 29/12/2014 à 14h26
Bonjour,
Pour commencer, nous vous proposons de revenir à la définition de « fiction », élément essentiel pour comprendre si votre concept « d’hyper-fiction » est plausible.
Le Centre national de ressources textuelles et lexicales propose une définition de la fiction :
« Produit de l'imagination qui n'a pas de modèle complet dans la réalité.
Construction imaginaire consciente ou inconsciente se constituant en vue de masquer ou d'enjoliver le réel.
3. En particulier, au singulier, dans le domaine artistique. Création imaginaire, souvent anecdotique, dans une œuvre artistique, littéraire ou cinématographique le plus souvent, constituant un code de lecture entre le créateur et son public.
♦ Subst. + de fiction (avec valeur d'adj.).Ce qui appartient à la fiction d'une œuvre. Un héros de fiction. Qui est construit à partir de la fiction. L'objectivité des formes apparentes fait rayonner le naturel dans tout l'univers du film de fiction (E. Morin, Le Cin. ou l'homme imaginaire,Paris, Gonthier, 1958, p. 134). »
La fiction est donc par définition faite de faits irréels mais qui peuvent être basés sur des faits réels, comme vous l’expliquez dans le Grand Meaulnes. Il y a une histoire réelle, deux enfants dans une école et des faits irréels comme le mariage.
C’est ce qu’explique l’article Wikipédia sur la fiction :
«Tous les faits présentés dans une fiction ne sont pas nécessairement imaginaires ; c'est le cas par exemple du roman historique, qui se fonde sur des faits historiques avérés, mais qui profite des vacuités de l'Histoire pour y introduire des personnages, des événements, tirés de l'imagination de l'auteur (comme dans Les Pardaillan de Michel Zévaco).
Mais si les événements ou les personnages sont imaginaires, ils ne doivent pas pour autant être irréels : pour qu'une fiction fonctionne, il semble nécessaire que le récipiendaire de la fiction puisse adhérer à ce qui est décrit. Des événements absurdes, des personnages incohérents sont autant de choses qui coupent le lecteur ou le spectateur du récit.
La fiction doit donc créer une impression de réel : l'individu à qui la fiction s'adresse doit pouvoir croire, pendant un temps limité, que ces faits sont possibles.
Cette suspension de l'incrédulité est la plus évidente dans le cas de fictions dépourvues d'éléments fantastiques, comme le roman policier, ou le roman historique. Les événements qui y sont relatés, malgré ou grâce à leur esthétisation, peuvent arriver à quelqu'un. Dans le cadre de la science-fiction, ils doivent représenter un futur plus ou moins plausible. Les avancées technologiques de l'humanité ne sont pas nécessairement à l'origine de ce genre de travaux, mais en représentent souvent le cadre. »
La fiction doit donc se baser sur du réel pour que l’individu croit à l’histoire.
Les personnages de Toy Story ont des comportements normaux qui s’apparentent à nos propres comportements, ce qui permet au spectateur d’être en empathie avec les personnages et de « croire » à l’histoire sur le moment, car avec le recul, les évènements sont totalement irréels. L’histoire de base (la vie d’une famille avec un enfant recevant de nouveaux jouets et laissant de côté ses jouets précédemment) est néanmoins crédible même si elle est représentée en images de synthèse. La part de fiction apparaît lorsque les jouets s’animent et qu’ils vivent leurs propres aventures. Le mélange de réel et d’irréel fait de ce dessin animé, une vraie œuvre de fiction.
Pour mieux appréhender les multiples facettes de la fiction, nous vous conseillons les ouvrages suivants :
- La vérité de la fiction : comment peut-on croire que les récits de fiction nous parlent sérieusement de la réalité ?, Jean-Pierre Esquenazi.
- Qu'est-ce que la fiction ?, Lorenzo Menoud.
- Définir la fiction : du roman au jeu d'échecs, Olivier Caïra; préface de Jean-Marie Schaeffer.
D’autres résultats avec le mot-clé Théorie de la fiction.
Vous trouverez aussi des éléments intéressants pour comprendre les différences entre les styles littéraires dans cette précédente question du Guichet : Question sur les genres littéraires.
Nos recherches ne nous ont pas permis de trouver de notion se rapprochant de votre concept d’hyper fiction car il semblerait que comme le soutient votre ami, l’univers de la fiction est inventé et que les éléments réels présents dans les fictions sont là pour attirer le lecteur ou le spectateur, pour l’impliquer dans l’histoire, pour l’accrocher.
Bonne journée.
Pour commencer, nous vous proposons de revenir à la définition de « fiction », élément essentiel pour comprendre si votre concept « d’hyper-fiction » est plausible.
Le Centre national de ressources textuelles et lexicales propose une définition de la fiction :
« Produit de l'imagination qui n'a pas de modèle complet dans la réalité.
Construction imaginaire consciente ou inconsciente se constituant en vue de masquer ou d'enjoliver le réel.
3. En particulier, au singulier, dans le domaine artistique. Création imaginaire, souvent anecdotique, dans une œuvre artistique, littéraire ou cinématographique le plus souvent, constituant un code de lecture entre le créateur et son public.
♦ Subst. + de fiction (avec valeur d'adj.).Ce qui appartient à la fiction d'une œuvre. Un héros de fiction. Qui est construit à partir de la fiction. L'objectivité des formes apparentes fait rayonner le naturel dans tout l'univers du film de fiction (E. Morin, Le Cin. ou l'homme imaginaire,Paris, Gonthier, 1958, p. 134). »
La fiction est donc par définition faite de faits irréels mais qui peuvent être basés sur des faits réels, comme vous l’expliquez dans le Grand Meaulnes. Il y a une histoire réelle, deux enfants dans une école et des faits irréels comme le mariage.
C’est ce qu’explique l’article Wikipédia sur la fiction :
«
Mais si les événements ou les personnages sont imaginaires, ils ne doivent pas pour autant être irréels : pour qu'une fiction fonctionne, il semble nécessaire que le récipiendaire de la fiction puisse adhérer à ce qui est décrit. Des événements absurdes, des personnages incohérents sont autant de choses qui coupent le lecteur ou le spectateur du récit.
Cette suspension de l'incrédulité est la plus évidente dans le cas de fictions dépourvues d'éléments fantastiques, comme le roman policier, ou le roman historique. Les événements qui y sont relatés, malgré ou grâce à leur esthétisation, peuvent arriver à quelqu'un. Dans le cadre de la science-fiction, ils doivent représenter un futur plus ou moins plausible. Les avancées technologiques de l'humanité ne sont pas nécessairement à l'origine de ce genre de travaux, mais en représentent souvent le cadre. »
La fiction doit donc se baser sur du réel pour que l’individu croit à l’histoire.
Les personnages de Toy Story ont des comportements normaux qui s’apparentent à nos propres comportements, ce qui permet au spectateur d’être en empathie avec les personnages et de « croire » à l’histoire sur le moment, car avec le recul, les évènements sont totalement irréels. L’histoire de base (la vie d’une famille avec un enfant recevant de nouveaux jouets et laissant de côté ses jouets précédemment) est néanmoins crédible même si elle est représentée en images de synthèse. La part de fiction apparaît lorsque les jouets s’animent et qu’ils vivent leurs propres aventures. Le mélange de réel et d’irréel fait de ce dessin animé, une vraie œuvre de fiction.
Pour mieux appréhender les multiples facettes de la fiction, nous vous conseillons les ouvrages suivants :
- La vérité de la fiction : comment peut-on croire que les récits de fiction nous parlent sérieusement de la réalité ?, Jean-Pierre Esquenazi.
- Qu'est-ce que la fiction ?, Lorenzo Menoud.
- Définir la fiction : du roman au jeu d'échecs, Olivier Caïra; préface de Jean-Marie Schaeffer.
D’autres résultats avec le mot-clé Théorie de la fiction.
Vous trouverez aussi des éléments intéressants pour comprendre les différences entre les styles littéraires dans cette précédente question du Guichet : Question sur les genres littéraires.
Nos recherches ne nous ont pas permis de trouver de notion se rapprochant de votre concept d’hyper fiction car il semblerait que comme le soutient votre ami, l’univers de la fiction est inventé et que les éléments réels présents dans les fictions sont là pour attirer le lecteur ou le spectateur, pour l’impliquer dans l’histoire, pour l’accrocher.
Bonne journée.
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