Question d'origine :
Dans le film "Enemy" de Denis Villeneuve, quelle est la signification de l'araignée ? Quel est le rapport entre celle du début et celle de la fin du film ? Et plus généralement, pouvez-vous me donner une explication de la fin de ce film ?
Merci.
Enemy - AlloCiné
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 28/01/2015 à 11h00
Bonjour,
C'est avec plaisir que nous aurions visionné ce film d'1h30 paru fin août 2014, du réalisateur québécois d'Incendies et Prisoners, mais nonobstant le temps de réponse raisonnable accordé à chaque réponse du Guichet (et le fait que la VOD ne passe pas dans nos frais de mission), notre analyse serait moins pointue que la vôtre, qui êtes manifestement cinéphile
En plus des analyses en ligne que vous trouverez facilement, il est un peu tôt pour bénéficier d'une analyse sémiologique de ce film... Enemy, d'après notre consultation de la base Europresse, a bénéficié d'une bonne couverture médiatique dans l'espace francophone. Le tout-venant de la critique répète à l'envi que le spectateur se sent pris dans une toile d'araignée, voire que le réalisateur tisse une toile cinématographique. Les critiques de cinéma les plus pointus évoquent l'aspect référentiel du motif :
"Enemy s'inscrit à la tangente des univers des deux grands maîtres du fantastique contemporain, David Cronenberg et David Lynch. Le décor, Toronto, renvoie expressément au premier; le thème du double évoque les jumeaux de Dead Ringers, le motif de l'araignée (mygale percée d'un coup de talon aiguille, femme nue à tête d'arachnide marchant au plafond...) rappelle les cafards du Festin nu et la folie de Spider. Au deuxième, outre Ia présence d'Isabella Rossellini, le cinéaste emprunte les infrabasses anxiogènes; le club fétichiste du sous-sol et la clé sans serrure renvoient au club Silencio de Mulholland Drive; la possibilité d'une mutation identitaire (Lost Highway) n'est pas exclue."
(A.Dn, "Double messieurs à Toronto", Le Temps, samedi 24 janvier 2015).
Une brève du Soir (mercredi 27 août 2014) signale le « trouble créé d'emblée par Denis Villeneuve dès la première scène où l'araignée, objet de phobies et de fantasmes, se veut l'emblème des femmes, de la sexualité et du subconscient. Ceci dit, on cherche souvent le pourquoi du comment. D'ailleurs, le cinéaste québécois dit lui-même: «Il faut que les spectateurs soient conscients que c'est un film qui se veut ludique. Un film qui est là pour jouer avec leur perception, leurs émotions, et qu'il faut décortiquer. C'est une énigme.»
Télérama (30/08/2014 ) se moque platement de la symbolique :
« Incendies et Prisoners, ses films précédents, ont prouvé le talent de Denis Villeneuve à distiller, par ses décors, ses éclairages, un suspense diffus. Ici, il filme superbement une ville aussi embrumée que l'esprit de ses deux héros qui n'en font qu'un, des rues et des lieux qui deviennent les fils d'une gigantesque toile les emprisonnant... Mais, curieusement, le cinéaste aussi s'enferme : il se perd dans sa propre habileté, qui l'éloigne de l'émotion. Enemy devient vite, alors - et il le reste jusqu'au bout -, un superbe objet glacé, la plongée d'un néo-David Cronenberg esthétisant dans l'inconscient d'un homme aussi effrayé par ses fantasmes sexuels que par la peur de devenir père - ah, l'angoisse du pauvre mâle devant la femme-araignée ! »
… mais nous apprend que le scénario de Javier Gullón, est écrit d'après L'Autre comme moi, de José Saramago (comme La Piel que habito, et ses figures de l’autre en moi, est écrit à partir de… Mygale).
Le réalisateur lui-même présente son film de manière moins psychanalytique qu’il y paraît :
«Quand j’ai rencontré le scénariste Javier Gullon, il m’a demandé quel ton je verrais pour le film. Je lui ai alors répondu A Serious Man des frères Coen. Il a ouvert le livre de Saramago où c’était écrit A Serious Man. On avait pensé à la même chose: c’est comique sans être une comédie.».
Et à propos de l’araignée :
« L’un des motifs qui revient aussi dans Enemy est celui de l’araignée, ou de sa toile que l’on devine notamment dans du verre fracassé: «Il y a une charge que j’avais reçue dans le roman que j’ai essayé de transposer dans une imagerie précise. L’un de mes films préférés, 2001, l’Odyssée de l’espace, est un film d’énigmes où il y a des moments que je saisis d’une manière différente à mesure que je le revois. J’avais envie de faire un film comme ça, c’est-à-dire que les gens allaient ressentir les images, mais que ces images allaient s’imprimer sur l’écran du subconscient.»
«Intellectuellement, l’image de l’araignée, c’est choquant, on n’est pas sûr de comprendre, mais visuellement, c’est simple. C’est une image assez facile à décoder le moindrement qu’on fait des recherches. Toutes les clés sont dans le film, mais j’aime laisser les gens libres de trouver leur propre interprétation», conclut Denis Villeneuve. »
(« L’original et la copie », Voir).
Pour produire une interprétation personnelle et originale, vous pouvez vous appuyer sur Les Mythologies de l’insecte : histoire d’une fascination, où l’araignée figure en bonne place (l’index thématique est très bien fait).
Bonne journée.
Capture d’écran, Enemy, ©Denis Villeneuve.
C'est avec plaisir que nous aurions visionné ce film d'1h30 paru fin août 2014, du réalisateur québécois d'Incendies et Prisoners, mais nonobstant le temps de réponse raisonnable accordé à chaque réponse du Guichet (et le fait que la VOD ne passe pas dans nos frais de mission), notre analyse serait moins pointue que la vôtre, qui êtes manifestement cinéphile
En plus des analyses en ligne que vous trouverez facilement, il est un peu tôt pour bénéficier d'une analyse sémiologique de ce film... Enemy, d'après notre consultation de la base Europresse, a bénéficié d'une bonne couverture médiatique dans l'espace francophone. Le tout-venant de la critique répète à l'envi que le spectateur se sent pris dans une toile d'araignée, voire que le réalisateur tisse une toile cinématographique. Les critiques de cinéma les plus pointus évoquent l'aspect référentiel du motif :
"Enemy s'inscrit à la tangente des univers des deux grands maîtres du fantastique contemporain, David Cronenberg et David Lynch. Le décor, Toronto, renvoie expressément au premier; le thème du double évoque les jumeaux de Dead Ringers, le motif de l'araignée (mygale percée d'un coup de talon aiguille, femme nue à tête d'arachnide marchant au plafond...) rappelle les cafards du Festin nu et la folie de Spider. Au deuxième, outre Ia présence d'Isabella Rossellini, le cinéaste emprunte les infrabasses anxiogènes; le club fétichiste du sous-sol et la clé sans serrure renvoient au club Silencio de Mulholland Drive; la possibilité d'une mutation identitaire (Lost Highway) n'est pas exclue."
(A.Dn, "Double messieurs à Toronto", Le Temps, samedi 24 janvier 2015).
Une brève du Soir (mercredi 27 août 2014) signale le « trouble créé d'emblée par Denis Villeneuve dès la première scène où l'araignée, objet de phobies et de fantasmes, se veut l'emblème des femmes, de la sexualité et du subconscient. Ceci dit, on cherche souvent le pourquoi du comment. D'ailleurs, le cinéaste québécois dit lui-même: «Il faut que les spectateurs soient conscients que c'est un film qui se veut ludique. Un film qui est là pour jouer avec leur perception, leurs émotions, et qu'il faut décortiquer. C'est une énigme.»
Télérama (30/08/2014 ) se moque platement de la symbolique :
« Incendies et Prisoners, ses films précédents, ont prouvé le talent de Denis Villeneuve à distiller, par ses décors, ses éclairages, un suspense diffus. Ici, il filme superbement une ville aussi embrumée que l'esprit de ses deux héros qui n'en font qu'un, des rues et des lieux qui deviennent les fils d'une gigantesque toile les emprisonnant... Mais, curieusement, le cinéaste aussi s'enferme : il se perd dans sa propre habileté, qui l'éloigne de l'émotion. Enemy devient vite, alors - et il le reste jusqu'au bout -, un superbe objet glacé, la plongée d'un néo-David Cronenberg esthétisant dans l'inconscient d'un homme aussi effrayé par ses fantasmes sexuels que par la peur de devenir père - ah, l'angoisse du pauvre mâle devant la femme-araignée ! »
… mais nous apprend que le scénario de Javier Gullón, est écrit d'après L'Autre comme moi, de José Saramago (comme La Piel que habito, et ses figures de l’autre en moi, est écrit à partir de… Mygale).
Le réalisateur lui-même présente son film de manière moins psychanalytique qu’il y paraît :
«Quand j’ai rencontré le scénariste Javier Gullon, il m’a demandé quel ton je verrais pour le film. Je lui ai alors répondu A Serious Man des frères Coen. Il a ouvert le livre de Saramago où c’était écrit A Serious Man. On avait pensé à la même chose: c’est comique sans être une comédie.».
Et à propos de l’araignée :
« L’un des motifs qui revient aussi dans Enemy est celui de l’araignée, ou de sa toile que l’on devine notamment dans du verre fracassé: «Il y a une charge que j’avais reçue dans le roman que j’ai essayé de transposer dans une imagerie précise. L’un de mes films préférés, 2001, l’Odyssée de l’espace, est un film d’énigmes où il y a des moments que je saisis d’une manière différente à mesure que je le revois. J’avais envie de faire un film comme ça, c’est-à-dire que les gens allaient ressentir les images, mais que ces images allaient s’imprimer sur l’écran du subconscient.»
«Intellectuellement, l’image de l’araignée, c’est choquant, on n’est pas sûr de comprendre, mais visuellement, c’est simple. C’est une image assez facile à décoder le moindrement qu’on fait des recherches. Toutes les clés sont dans le film, mais j’aime laisser les gens libres de trouver leur propre interprétation», conclut Denis Villeneuve. »
(« L’original et la copie », Voir).
Pour produire une interprétation personnelle et originale, vous pouvez vous appuyer sur Les Mythologies de l’insecte : histoire d’une fascination, où l’araignée figure en bonne place (l’index thématique est très bien fait).
Bonne journée.
Capture d’écran, Enemy, ©Denis Villeneuve.
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