Question d'origine :
Bonjour,
L’endettement des pays est-ce un recours inévitable ?même si les économistes le justifie ça ne parait pas normal, il est même catastrophique et le cas de la Grèce le prouve .ce cas menace encore le monde.
Merci.
Réponse du Guichet
bml_soc
- Département : Société
Le 05/03/2015 à 16h06
Pour vous aider à vous forger votre propre opinion, explorons ensemble les mécanismes de l'endettement public, relatif notamment à la solvabilité des Etats et la maitrise des dettes souveraines dans notre économie globalisée et financiarisée.
Voici une vidéo qui permet de comprendre le mécanisme de la dette publique, du rachat de dette et du recours à l'endettement :
Dessine-moi l'éco : Comment un Etat peut-il faire faillite?
Depuis les années 1990, les économies des pays dits "riches" sont devenues de véritables économies d'endettement. Cette dynamique d'endettement a débouché sur une crise majeure à la fin des années 2000. Cette crise a entrainé une hausse très importante des déficits et des dettes publiques (dettes de l'Etat) dans de nombreux pays.
Pour soutenir l'activité économique, la dépense publique s'est substituée à la dépense privée (les dettes privées ont en quelque sorte étaient transférées aux Etats). En 2007, on a vu la crise des subprimes. Puis, vient la crise bancaire, avec en 2008 la faillite de la banque Lehman Brothers. Cette chute a ensuite affecté l'ensemble du système financier mondial. Puis, on assiste à la crise des dettes publiques avec un recul de la production et un effondrement de la croissance en 2009. Tout comme ils avaient lancé des plans massifs d'aide au secteur bancaire, les pouvoirs publics des pays sont intervenus pour contrer les effets de cette récession. En Europe, où depuis longtemps la croissance était faible, les plans de relance ont freiné la détérioration de l'activité sans enclencher le redémarrage de l'économie. Déjà très endettés avant la crise des subprimes, les Etats ont vu leur dette publique bondir sous l'effet des plans de sauvetage des banques et des programmes de relance. Pour la zone euro, les Etats membres ont perdu le contrôle de la politique monétaire au profit de la Banque Centrale Européenne (BCE). Lorsque la Grèce a connu ses premières difficultés en 2009, les atermoiements des pays pour se porter à son secours et le refus d'intervenir de la BCE ont amplifié la perte de confiance des marchés financiers.
Vous pouvez consulter cette vidéo concernant le rôle de la confiance dans la bonne marche de l'économie : Dessine-moi l'éco : Pas d'économie sans confiance!
Par ailleurs, prenons le cas de la France, avec cet article des Décodeurs, La dette de l'Etat en 5 questions : pour financer son déficit, l'Etat peut émettre trois types d'obligations, c'est-à-dire des titres achetés par les créanciers de la France : les obligations assimilables du trésor (remboursables en deux à cinquante ans, à taux fixe ou variable), les bons du Trésor à intérêt annuel (rembourseables en deux à cinq ans, ils ne sont plus émis depuis fin 2012 mais le dernier BTAN arrivera à échéance en 2017), les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (émis pour des périodes très courtes, moins d'un an, à des fins de gestion de trésorerie).
Ce sont des institutions étrangères qui, en majorité, prêtent à l'Etat français pour qu'il finance son déficit. Le fait que la dette nationale soit détenue par des acteurs étrangers est un atout autant qu'une faiblesse. Un atout, car c'est une preuve de l'attractivité du territoire national et de la confiance qu'il obtient auprès des marchés. Une attractivité de la dette française illustrée par les notes élevées délivrées par les trois plus grandes agences de notation d'obligations nationales, Moody's (Aa1), Fitch (AA+) et Standard & Poor's (AA), synonymes de « haute qualité ». Cependant, un taux élevé de dette détenue par des non-résidents signifie aussi que le pays est sensible à la conjoncture internationale. La Grèce ou le Portugal, qui avaient également une dette majoritairement située à l'étranger, en ont ainsi payé les conséquences pendant la crise des dettes souveraines. Les craintes de leurs créanciers, à l'idée que ces pays ne puissent honorer leur dette et les intérêts qui vont avec, avaient alors provoqué une explosion des taux d'intérêt, et des difficultés d'autant plus grandes pour ces pays à emprunter sur les marchés financiers. De plus, notons que la crise financière et l'intervention massive des Etats pour éviter la spirale de la dépression dès 2008 ont entrainé une dégradation des finances publiques des pays développées désormais dépendants de l'épargne des pays émergents à forte croissance par l'intermédiaire des marchés pour financer leur dette.
A long terme, pour résoudre les difficultés, deux solutions sont envisageables :
- un rythme plus rapide de hausse des prix qui permettraient à l'Etat et aux autres agents endettés d'alléger le poids de leurs remboursements
- une accélération de la croissance économique qui autoriserait une croissance des revenus à même de réduire durablement les déficits et la dette publique.
Si le recours à l'endettement public devient parfois le signe d'une mauvaise gestion des finances publiques, il constitue pourtant un moyen de financement légitime dans nos économies contemporaines, au même titre que la collecte de l'impôt par exemple. Mais sous l'effet de la crise, l'endettement public atteint aujourd'hui des niveaux difficilement soutenables générant de nombreux effets pervers : la hausse rapide des taux d'intérêts d'emprunts pouvant conduire à une nouvelle récession, une dégradation de la note des pays par les agences de notation, un risque de monétisation de la dette et de retour de l'inflation etc… La solution qui consiste à instaurer des règles budgétaires contraignantes inscrites dans la Constitution (fixation d'un déficit public ou de dette publique maximum) présente l'avantage de retirer aux Etats le pouvoir de s'affranchir de l'orthodoxie budgétaire au gré des aléas politiques mais elle peut aussi brider la croissance et paralyser la régulation conjoncturelle en temps de crise. Ainsi, l'enjeu est bien de savoir piloter finement le désendettement de l'Etat sans freiner les perspectives de croissance, gage de redressement efficace des comptes publics.
Selon le chercheur Paul Jorion et le financier Bruno Colmant, la dette est systémique et inhérente au système capitaliste. Nous vous invitons à consulter cet article de Paul Jorion sur son blog.
Selon Patrick Artus, directeur de la recherche économique chez Natixis, la mise en défaut pour les pays les plus vulnérables demeure inévitable. Son interview dans La Tribune en 2013 est très intéressante.
La lecture des ouvrages de l'anthropologue David Graeber est également très éclairante. En effet, dans une approche nouvelle, il démontre que le système de crédit précède la naissance de la monnaie et que la dette a donc toujours structuré les systèmes économiques et les rapports sociaux.
Enfin, vous pouvez consulter cette réponse du Guichet du Savoir sur le désengagement de la dette, qui comporte d'autres liens bibliographiques intéressants.
Quelques ouvrages :
- Comprendre la dette publique, Jean-Pierre Biasutti et Laurent Braquet, Bréal, 2012
- Parlons dette en 30 questions, Jean-Marie Monnier, La documentation française, 2013
- La dette odieuse, les leçons de la crise grecque, Jason Manolopoulos, Pearson, 2011
- L'endettement ou le crépuscule des peuples, Thomas Flichy de La Neuville et Olivier Hanne, L'aube, 2014
- Dette : 5000 ans d'histoire, David Graeber, Les liens qui libèrent, 2013
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