Question d'origine :
Quelle est l'origine de la formule "La France, fille aînée de l'Eglise" ?
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 13/04/2005 à 10h18
"La dénomination « fille aînée de l’Eglise » ne remonte pas à Clovis. Il est évident que le baptême de Clovis n’a aucune incidence sur la christianisation de la France comprise au sens de l’hexagone actuel. L’évangélisation de la Gaule avait commencé trois siècles auparavant à Lyon que certains ont désigné comme « le baptistère de la Gaule ». Tout au plus le baptême de Clovis amorce la conversion du peuple franc en tant qu’ethnie germanique. On souligne qu’avec Clovis, c’est le premier souverain et son royaume qui deviennent chrétiens catholiques en Occident.
On imagine souvent que le titre de « fille aînée » de l’Eglise date du baptême de Clovis. La réalité est assez différente. Il est certain qu’il y a eu des liens particuliers entre la papauté et les rois des Francs. Au temps des mérovingiens, ils sont les seuls princes catholiques alors que les autres rois barbares sont ariens ou païens. Plus tard, c’est Pépin le Bref qui constitue le premier Etat pontifical en 754. On comprend que les papes reconnaissants donnent aux rois de France une place au dessus de tous les autres souverains.
Mais c’est tardivement que le roi de France est appelé « le bras droit de l’Eglise » ou le « roi très chrétien ». A partir du XVIe siècle, les rois de France se dénomment eux-mêmes ou sont dénommés par le Pape « premier fils du Saint-Siège », « fils aîné de l’Eglise catholique » ou bien c’est au royaume de France qu’est attribué le titre de « royaume aîné de l'Eglise ». Il s’agit moins de la France en tant que nation que d’un lien particulier, plutôt d’ordre politique, entre la monarchie française et la papauté.
Il semble que la valorisation de l’expression « la fille aînée de l’Eglise » date seulement du XIXe siècle. Avec la succession des régimes politiques, de la Restauration à la seconde République, on ne voit plus bien qui peut porter le titre de « fils aîné de l’Eglise ». On va donc transformer le roi « fils aîné » en la France « fille aînée ».
Lacordaire a certainement joué un rôle dans cette mutation : Dans sa conférence de Notre-Dame en 1851, Discours sur la vocation de la Nation française, il dit « La nation franque était la première nation catholique donnée par Dieu à son Eglise…Il a plu à la papauté d’appeler nos rois les fils aînés de l’Eglise. De même que Dieu a dit à son fils de toute éternité : tu es mon premier né, la papauté a dit à la France : tu es ma fille aînée ».
On ne parle plus désormais que de la France, « fille aînée de l'Eglise ». Le lien politique et personnel entre le roi de France et le Pape devient un lien entre une nation tout entière et l’Eglise universelle."
Extr. « La Croix » du 28.02.1996, article de Jean Comby, historien, professeur émérite d'Histoire de l'Eglise à la faculté de théologie de Lyon.
Voir son ouvrage : "Pour lire l'histoire de l'Eglise".
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