Question d'origine :
Bonjour à tous
Ma fille a fait un mémoire sur « l'intercompréhension » (la compréhension de la langue de l'autre sans savoir la parler ou l'écrire). Du coup je me suis posé une question qui devait me tarauder inconsciemment depuis longtemps.
Il y a des classifications officielles des langues, mais dans ma lointaines jeunesse un de mes professeur d'origine allemande les classifiait en deux catégorie :
- Celle où on est obligé d'attendre la fin de la phrase comme l'allemand ou le japonais ;
- Celle où l'on croit qu'en interrompant son interlocuteur au milieu de la phrase on aura compris ce qu'il voulait dire, comme pour les langues « latines » dans lesquelles est rangé le français.
Comme pour autant que je sache le latin est dans la première catégorie et les langues « latines » dans la seconde, je me demande :
- d'une part si pour des raison politiques et des raisons de primauté de l'écrit sur l'oral dans les sciences on ne surestime pas le latin dans les origines de la langue française ; Où est-ce une tendance qui se retrouve dans d'autre langues ? (pourquoi la structure n'est pas la même en allemand et en anglais ?)
- d'autre part comment et quand s'est passé ce qui a du être une collision de langage importante.
Je n'attend pas une réponse exhaustive, mais si vous pouviez me donner quelques pistes accessibles à un curieux éclairé mais non professionnel de la linguistique ?
En vous remerciant pour partager le bien le plus précieux mais reproductible à l'infini : le savoir.
Réponse attendue le 27/05/2015 - 11:12
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 27/05/2015 à 09h02
Voici quelques pistes :
Tout d’abord, un petit rappel général proposé par le site Sorosoro
«Langues sœurs» et «Langue mère». Des liens génétiques
Quand on compare le français, l’espagnol, le portugais, l’italien, le roumain, par exemple on est frappé d’un ensemble de ressemblances qui leur donnent un « air de famille ». Cet « air de famille » ne se retrouve pas en comparant le français avec l’allemand. Mais si l’on compare l’allemand avec l’anglais, le néerlandais, le suédois ou le danois, on retrouve entre ces langues un autre « air de famille ».
L’idée la plus naturelle est que si ces langues se ressemblent, c’est parce qu’elles sont des évolutions divergentes, des « descendantes » d’une même langue antérieure (ou «protolangue »), aujourd’hui disparue. Pour les cinq premières langues citées ci-dessus, appelées langues romanes nous connaissons l’ancêtre commun (le latin), pour les quatre suivantes, appelées langues germaniques, on n’a pas de documents écrits dans la langue ancêtre, mais on peut très raisonnablement penser qu’elle a existé. C’est en comparant les langues entre elles, en recherchant des règles constantes sur leurs ressemblances (et leurs divergences), que les linguistes arrivent à établir ces classifications génétiques. Cette méthode s’appelle la linguistique comparative. La classification des langues en familles de langues s’appelle classification génétique : deux langues appartenant à la même famille sont apparentées génétiquement.
Il semble important de distinguer entre les aspects lexical et syntaxique (ce dernier pouvant être analytique ou synthétique)
Le latin classique et l’allemand ont de nettes ressemblances syntaxiques, les thuriféraires des deux langues utilisent des termes et des arguments interchangeables pour en faire l’éloge.
Le latin est une langue d'une très grande logique :
- dans sa prononciation : toutes les lettres se prononcent, et toujours de la même façon
- dans sa grammaire : c'est une langue
L'allemand est une langue qui appartient au groupe des langues germaniques. Par opposition au français (langue italique) et à l'anglais (autre langue germanique), qui sont des langues analytiques, l'allemand est une langue
Pour ce qui est des grandes étapes de l’histoire des langues et des filiations linguistiques en Europe, l’héritage lexical prime sur l’aspect syntaxique. Ces extraits de L’aventure des langues en Occident, d’Henriette Walter, sont assez éclairants sur le sujet :
Sous sa forme savante et écrite, le latin deviendra pour des siècles la langue de la culture occidentale (y compris les pays germaniques) - mais c’était une langue fixée une fois pour toutes et presque déjà une langue morte. [Cette langue unifiée et sans équivoque restera la référence dans les domaines juridique ou scientifique]. Tandis que sous sa forme familière, et d’abord uniquement orale, cette langue évoluera pendant le premier millénaire de notre ère et se diversifiera pour donner naissance à la grande famille des langues romanes : italien, espagnol, portugais, français, roumain, catalan, provençal, etc. Du point de vue grammatical, les langues issues du latin parlé se différencient du latin classique par de multiples formes expressives, par l’abondance des formes composées et imagées, des formules analytiques, plus directement comprises, et des formes renforcées (…) la disparition du système des cas a changé l’agencement des termes dans la phrase…
C’est au cours du premier millénaire de notre ère que s’est opérée la différentiation des langues germaniques en plusieurs variétés, que l’on répartit en trois grands groupes, en prenant pour critère les directions approximatives de départ de leurs migrations :
- Le germanique de l’Est, dont la descendance linguistique n’a pas été assurée
- Le germanique du Nord, qui réunit les langues scandinaves
- Le germanique de l’Ouest, le plus important, subdivisé en deux sous-groupes :
1. Allemand, sous les deux formes du bas-allemand et du haut-allemand (la «Teutonia»).
2. Anglo-frison, qui a donné naissance à l’anglais (îles britanniques) et frison (Pays-Bas)
Quelques ouvrages utiles à consulter :
Le souffle de la langue, de Claude Hagège
L’origine des langues : sur les traces de la langue mère, de Pierre Bancel
Dictionnaire des racines des langues européennes, de R. Grandsaignes d’Hauterive
La question de l’origine des langues, de Sylvain Auroux
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