MUSCLES ET ELECTRICITE
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 25/07/2015 à 07h34
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Question d'origine :
Bonjour,
Au lycée, nous faisions des expériences sur la mobilité d'un muscle par l'électricité (muscle de grenouille via des électrodes).
A l'inverse, comment pourrait-on "décharger" un muscle de son électricité ?
Merci
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 27/07/2015 à 10h48
Bonjour,
D’après nos recherches, il ne semble pas exister un moyen de « décharger » un muscle de l’électricité (infime !) qu’il contient… si ce n’est l’effet du temps sur le cadavre et la nécrose des cellules.
L’expérience que vous décrivez, réalisée pour la première fois par Luigi Galvani au XVIIIe siècle, démontre que, sous l’effet d’une décharge électrique, les nerfs s’excitent, ce qui, dans le cas d’une cuisse de grenouille, conduit à la contraction des muscles.
Au cours de ses expériences, Galvani s’aperçut que, sous certaines conditions, aucune source extérieure d'électricité n’était nécessaire pour provoquer une réaction : le contact entre deux métaux différents suffisait à provoquer la contraction des cuisses de grenouilles… Galvani conclut à l’existence d’une « électricité animale » qui se décharge lors du contact :
E n septembre 1786, un certain Luigi Galvani, professeur d'anatomie à l'université de Bologne, entreprit une expérience curieuse. Son idée était de déterminer l'influence de l'électricité atmosphérique sur le système nerveux des animaux. Pour ce faire, il plaça sur la rambarde de son balcon des grenouilles fraîchement disséquées dont les nerfs lombaires avaient été mis à nu et reliés par un crochet de cuivre. Or, bien que l'atmosphère fût sereine, sans le moindre signe orageux, les pattes des batraciens tressautaient chaque fois que le crochet de cuivre entrait en contact avec le fer du balcon.Galvani attribua le phénomène à une électricité animale, accumulée dans le muscle de la grenouille, et qui se libérait sous forme de courant électrique, lors du contact entre les deux métaux. Le cuivre et le fer formaient alors un arc conducteur, qui permettait au muscle de se décharger à travers le nerf, produisant l'excitation observée.
Source : Tensions autour de l'électricité animale, La Recherche n°447, décembre 2010
Volta, d'abord enthousiaste, ne tarde pas à émettre des doutes, considérant que l’origine de cette électricité est métallique, et non animale. En cherchant à le démontrer, il aboutira à l’invention de la pile…
Qu'en dit la science d'aujourd'hui ?
Dans les expériences faisant intervenir deux métaux et un tissu organique, Volta avait raison dans la mesure où l'électricité ne provient pas de l'animal. Mais il avait également tort car le générateur n'est pas, comme il le croyait, le couple métallique, mais le "sandwich" premier métal/ solution aqueuse (le tissu animal) /deuxième métal. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui un élément de pile. On sait que la solution aqueuse est indispensable, alors que Volta ne lui attribuait qu'un rôle passif.
Source : Electricité animale ou électricité métallique ? La controverse Galvani-Volta et l'invention de la pile, ampere.cnrs.fr
Galvani, qui n’a pas dit son dernier mot, soutient que la même expérience peut être reproduite sans aucun métal, par simple contact entre le nerf de la cuisse et la surface externe du muscle…
De fait, si les expériences de Galvani mettaient bien en jeu de l'électricité « voltaïque », ses idées avaient aussi une réalité physique. Il existait des différences de potentiel d'origine organique, mais plus faibles que celles produites par les métaux . Les mettre en évidence avec les instruments de l'époque relevait de l'utopie. Le galvanomètre de l'Italien Leopoldo Nobili, un instrument ultrasensible, capable de détecter de très faibles courants, allait changer la donne. En 1838, grâce à cet appareil, l'Italien Carlo Matteucci mettait en évidence un courant électrique entre la surface intacte et la section lésée d'un muscle de grenouille au repos. Quelques années plus tard, le physiologiste allemand Emil du Bois-Reymond confirmait et améliorait les expériences de Matteucci. Il montra que la stimulation des muscles se traduisait également par un courant, qui circulait en sens inverse du courant observé au repos. Le passage d'un courant signifiait l'existence d'une différence de potentiel électrique. Et, entre 1902 et 1912, un élève de Bois-Reymond, Julius Bernstein, s'inspirant des travaux de son compatriote Walther Nernst, futur Prix Nobel de chimie, élaborait une théorie selon laquelle les cellules des tissus nerveux, les neurones, se comportaient comme de minuscules piles biologiques . La différence de potentiel observée était due à la différence de concentration des ions potassium de part et d'autre de la membrane des cellules. Ne disposant pas de microélectrodes lui permettant de sonder le nerf, Bernstein ne put vérifier ses hypothèses.
Source : Tensions autour de l'électricité animale, La Recherche n°447, décembre 2010
En fin de compte, c’est au XXe siècle que l’on comprend comment les cellules nerveuses génèrent leur propre électricité :
Neurone de calmar . Vers 1940, enfin, les Anglais Alan Hodgkin et Andrew Huxley parvenaient à analyser la structure et le fonctionnement d'un neurone géant de calmar, dont le diamètre atteignait un millimètre. Les deux physiologistes confirmèrent que la membrane neuronale était électriquement polarisée, en fonction de son activité. Au repos, la différence de potentiel entre l'intérieur du neurone, riche en potassium, et l'extérieur, riche en sodium, était négative. Une pompe à sodium et potassium, enchâssée dans la membrane, empêchait l'égalisation des concentrations, refoulant le sodium, qui cherchait à pénétrer à l'intérieur de la cellule, et retenant le potassium, qui tentait de s'en échapper. La stimulation du nerf modifiait la perméabilité de la membrane, déclenchant une migration contrôlée des espèces chimiques, qui se traduisait par une inversion de polarité. Le signal électrique ainsi créé, ou potentiel d'action, se propageait inchangé le long du neurone, en direction du neurone suivant. Le modèle électrique de Hogdkin et Huxley, toujours d'actualité, leur a valu le prix Nobel de médecine, en 1963.
Une quinzaine d'années plus tard, les Allemands Erwin Neher et Bert Sakmann apportaient, à leur tour, une pierre à l'édifice. En mettant au point la technique dite du « patch clamp », les chercheurs ont montré que le transfert du potassium et du sodium, à travers la membrane des neurones, s'effectuait par de minuscules canaux, tapissés de protéines de largeur variable, dont on commence depuis peu à élucider la structure tridimensionnelle. Décrypter le fonctionnement de ces canaux, qui offrent une cible thérapeutique de choix, devrait aboutir à une meilleure compréhension des maladies du système nerveux. Un objectif que n'auraient renié ni Galvani ni Volta.
Source : Tensions autour de l'électricité animale, La Recherche n°447, décembre 2010
Pour aller plus loin :
- Comment notre cerveau produit-il de l’électricité ?, Cerveau et psycho
- Comment fonctionne le neurone ?, neuromedia.ca
- How does the body make electricity -- and how does it use it?, How stuff works (en anglais)
- Tissus musculaires, astsn.com
- Electrophysiologie de la cognition, sous la direction de Pascal Hot et Sylvain Delplanque
- Fluide vital: contes de l'ère électrique, Pierre Zweiacker
Bonne journée.
D’après nos recherches, il ne semble pas exister un moyen de « décharger » un muscle de l’électricité (infime !) qu’il contient… si ce n’est l’effet du temps sur le cadavre et la nécrose des cellules.
L’expérience que vous décrivez, réalisée pour la première fois par Luigi Galvani au XVIIIe siècle, démontre que, sous l’effet d’une décharge électrique, les nerfs s’excitent, ce qui, dans le cas d’une cuisse de grenouille, conduit à la contraction des muscles.
Au cours de ses expériences, Galvani s’aperçut que, sous certaines conditions, aucune source extérieure d'électricité n’était nécessaire pour provoquer une réaction : le contact entre deux métaux différents suffisait à provoquer la contraction des cuisses de grenouilles… Galvani conclut à l’existence d’une « électricité animale » qui se décharge lors du contact :
E n septembre 1786, un certain Luigi Galvani, professeur d'anatomie à l'université de Bologne, entreprit une expérience curieuse. Son idée était de déterminer l'influence de l'électricité atmosphérique sur le système nerveux des animaux. Pour ce faire, il plaça sur la rambarde de son balcon des grenouilles fraîchement disséquées dont les nerfs lombaires avaient été mis à nu et reliés par un crochet de cuivre. Or, bien que l'atmosphère fût sereine, sans le moindre signe orageux, les pattes des batraciens tressautaient chaque fois que le crochet de cuivre entrait en contact avec le fer du balcon.
Source : Tensions autour de l'électricité animale, La Recherche n°447, décembre 2010
Volta, d'abord enthousiaste, ne tarde pas à émettre des doutes, considérant que l’origine de cette électricité est métallique, et non animale. En cherchant à le démontrer, il aboutira à l’invention de la pile…
Dans les expériences faisant intervenir deux métaux et un tissu organique, Volta avait raison dans la mesure où l'électricité ne provient pas de l'animal. Mais il avait également tort car le générateur n'est pas, comme il le croyait, le couple métallique, mais le "sandwich" premier métal/ solution aqueuse (le tissu animal) /deuxième métal. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui un élément de pile. On sait que la solution aqueuse est indispensable, alors que Volta ne lui attribuait qu'un rôle passif.
Source : Electricité animale ou électricité métallique ? La controverse Galvani-Volta et l'invention de la pile, ampere.cnrs.fr
Galvani, qui n’a pas dit son dernier mot, soutient que la même expérience peut être reproduite sans aucun métal, par simple contact entre le nerf de la cuisse et la surface externe du muscle…
Source : Tensions autour de l'électricité animale, La Recherche n°447, décembre 2010
En fin de compte, c’est au XXe siècle que l’on comprend comment les cellules nerveuses génèrent leur propre électricité :
Une quinzaine d'années plus tard, les Allemands Erwin Neher et Bert Sakmann apportaient, à leur tour, une pierre à l'édifice. En mettant au point la technique dite du « patch clamp », les chercheurs ont montré que le transfert du potassium et du sodium, à travers la membrane des neurones, s'effectuait par de minuscules canaux, tapissés de protéines de largeur variable, dont on commence depuis peu à élucider la structure tridimensionnelle. Décrypter le fonctionnement de ces canaux, qui offrent une cible thérapeutique de choix, devrait aboutir à une meilleure compréhension des maladies du système nerveux. Un objectif que n'auraient renié ni Galvani ni Volta.
Source : Tensions autour de l'électricité animale, La Recherche n°447, décembre 2010
- Comment notre cerveau produit-il de l’électricité ?, Cerveau et psycho
- Comment fonctionne le neurone ?, neuromedia.ca
- How does the body make electricity -- and how does it use it?, How stuff works (en anglais)
- Tissus musculaires, astsn.com
- Electrophysiologie de la cognition, sous la direction de Pascal Hot et Sylvain Delplanque
- Fluide vital: contes de l'ère électrique, Pierre Zweiacker
Bonne journée.
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