Question d'origine :
Bonjour,
Sauf erreur, au haut-moyen âge, le jugement sans enquête ( charge et décharge) était d'usage. L'appel au jugement (de Dieu) s'appuyant alors sur des épreuves (ordalie dont les batailles).
De quand date l'émergence d'un processus d'enquête? dans quel contexte fut-il initié? Quand, dans quel contexte et avec quelles méthodes,la justice civile a-t-elle initié cette avancée?
Avec mes remerciements.
Christian Cahour
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 08/10/2015 à 14h15
Bonjour,
Pour répondre à vos différentes questions, revenons sur ce qu’est l’ordalie , soit une épreuve judiciaire qui reposait sur une conception magique et laissait à la décision de Dieu le jugement entre le coupable et l’innocent. Elle n’était cependant pas la seule preuve admise par la procédure. Celle-ci s’efforçait d’abord d’obtenir l’aveu, les déclarations des témoins et connaissait en outre le serment purgatoire : mais ce serment n’était permis qu’aux hommes libre, et, d’autre part, l’adversaire avait el droit de le contester. En ce cas, il fallait recourir aux ordalies. Il y en avait de deux sortes : les ordalies unilatérales, auxquelles l’accusé se soumettait seul (par exemple il s’infligeait une blessure profonde, par un fer rouge ou par l’eau bouillante ; sa main était mise sous scellés, et si, trois jours après, la plaie était en voie de guérison, il était déclaré innocent) ; les ordalies bilatérales , qui opposaient l’accusateur et l’accusé (..) l’ordalie est d’origine préchrétienne (…) cependant des protestations de plus en plus nombreuses s’élevèrent contre cette coutume, qui favorisait les plus forts ; mais les ordalies restèrent largement en usage jusqu’au XIe s. et ne disparurent qu’après leur condamnation par le Ive concile du Latran (1215) .
Source : Dictionnaire encyclopédique d’histoire
Mais la fin de l’ordalie n’implique pas forcément la fin de l’intervention religieuse dans la justice civile. L’inquisition est là pour nous le rappeler.
Dans une précédente réponse, portant sur les sorciers et sorcières nous expliquions le fonctionnement de celle-ci :
La mise en place d'un système d'enquête, dit procédure inquisitoire, n'implique en rien l'arrivée obligatoire dans le circuit judiciaire de l'inquisition catholique. Celle-ci fut une organisation religieuse, n'ayant en principe rien à voir avec la justice civile. Elle fut créée en 1229-1233 pour la poursuite des juifs et des hérétiques, très accessoirement des sorcières. Elle utilisa certainement la procédure inquisitoire, mais ne s’identifia pas à elle. La procédure inquisitoire, recommandée par le quatrième concile de Latran (1215), existait, au moins théoriquement, avant la création de l’Inquisition catholique. Cette procédure resta, bien après l’Inquisition, le système d’instruction criminelle de la plupart des pays européens, et cela dans des tribunaux civils qui n’avaient plus rien à voir avec la justice religieuse…
La fin de la justice ecclésiastique :
Une autre modification des pratiques judiciaires qui influença beaucoup la chasse aux sorcières fut le passage aux tribunaux civils de la majorité des procès pour maléfice. La nature complexe de la matière sorcellique avait en effet amené à une certaine époque une avancée de la justice ecclésiastique, qui empiéta assez largement sur le civil. Or à partir du XVe et surtout du XVIe siècle, le mouvement inverse se produisit. Le domaine civil fit reculer la justice ecclésiastique.
Néanmoins, l’emprise de la religion perdure jusqu’à la révolution et l’affaire calas (relatée sur le site du Ministère de la justice ) est une illustration d’un procès de l’intolérance et du fanatisme religieux :
"L'abus de la religion la plus sainte a produit un grand crime" - Voltaire
« Ces cas sont rares, mais ils arrivent, et ils sont l'effet de cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles ». Voltaire achève son " Traité sur la tolérance " (1763) par ces mots évoquant le drame de ce père de famille protestant accusé à tort par la foule d'avoir assassiné son fils et condamné par la justice à être roué vif puis brûlé sur la place publique.
Parallèlement, si l’on s’intéresse à l’instauration d’un état de justice, notons la mise en place d’une justice professionnelle et ce dès le XIIIe siècle ;
A partir du XIII, les cours et tribunaux séculiers sont de plus en plus confiés à des juristes diplômés (…) l’œuvre de justice ne peut plus désormais être pensée uniquement en termes uniquement moraux et religieux.
Source : L'Etat de justice : France, XIIIe-XXe siècle. 01 [Livre]. L'idéologie de la magistrature ancienne.
Par ailleurs, dans L'Etat de justice : France, XIIIe-XXe siècle. 02 [Livre]. L'emprise contemporaine des juges, Jacques Krynen explique que les magistrats, équipés d’une science juridique en plein renouveau et de procédures désormais rationnelles, n’ont eu de cesse que de trancher quotidiennement les litiges de toutes sortes (…) d’innombrables juges royaux ont inlassablement sublimé le caractère divin de la fonction de jugement, positionnant les juges en « vicaires » de Dieu, pas seulement en « représentants » du monarque justicier. Arguant de leur « science » accomplie et « expérience « longue du droit », les anciens magistrats ont revendiqué l’entière charge spirituelle et temporelle de la mission royale de justice.
Mais, comme nous l’indiquions précédemment, il faudra attendre le siècle des Lumière pour que le système soit transformé .Pour en savoir plus, nous vous laissons parcourir les ouvrages cités précédemment et consulter Histoire et dictionnaire de la police.
Quant à l’origine de l’enquête, il nous semble intéressant de retenir la mise en place, récente, de la police scientifique :
Par une loi du 31 août 1832, la France abolit le marquage au fer rouge des délinquants. A partir de cette date, les services de police vont avoir de plus en plus de mal à identifier les récidivistes.
(…)
En France, deux hommes ont marqué son histoire, Alphonse Bertillon qui a institué le signalement anthropométrique et imposé la technique de l’empreinte digitale en utilisant les travaux pionniers de Francis Galton, et Edmond Locard qui a créé à Lyon, en 1910, le premier laboratoire de police scientifique.
Source : police-scientifique.com.
Pour répondre à vos différentes questions, revenons sur ce qu’est l’
Source : Dictionnaire encyclopédique d’histoire
Mais la fin de l’ordalie n’implique pas forcément la fin de l’intervention religieuse dans la justice civile. L’inquisition est là pour nous le rappeler.
Dans une précédente réponse, portant sur les sorciers et sorcières nous expliquions le fonctionnement de celle-ci :
La mise en place d'un système d'enquête, dit procédure inquisitoire, n'implique en rien l'arrivée obligatoire dans le circuit judiciaire de l'inquisition catholique. Celle-ci fut une organisation religieuse, n'ayant en principe rien à voir avec la justice civile. Elle fut créée en 1229-1233 pour la poursuite des juifs et des hérétiques, très accessoirement des sorcières. Elle utilisa certainement la procédure inquisitoire, mais ne s’identifia pas à elle. La procédure inquisitoire, recommandée par le quatrième concile de Latran (1215), existait, au moins théoriquement, avant la création de l’Inquisition catholique. Cette procédure resta, bien après l’Inquisition, le système d’instruction criminelle de la plupart des pays européens, et cela dans des tribunaux civils qui n’avaient plus rien à voir avec la justice religieuse…
La fin de la justice ecclésiastique :
Une autre modification des pratiques judiciaires qui influença beaucoup la chasse aux sorcières fut le passage aux tribunaux civils de la majorité des procès pour maléfice. La nature complexe de la matière sorcellique avait en effet amené à une certaine époque une avancée de la justice ecclésiastique, qui empiéta assez largement sur le civil. Or à partir du XVe et surtout du XVIe siècle, le mouvement inverse se produisit. Le domaine civil fit reculer la justice ecclésiastique.
Néanmoins, l’emprise de la religion perdure jusqu’à la révolution et l’affaire calas (relatée sur le site du Ministère de la justice ) est une illustration d’un procès de l’intolérance et du fanatisme religieux :
"L'abus de la religion la plus sainte a produit un grand crime" - Voltaire
« Ces cas sont rares, mais ils arrivent, et ils sont l'effet de cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles ». Voltaire achève son " Traité sur la tolérance " (1763) par ces mots évoquant le drame de ce père de famille protestant accusé à tort par la foule d'avoir assassiné son fils et condamné par la justice à être roué vif puis brûlé sur la place publique.
Parallèlement, si l’on s’intéresse à l’instauration d’un état de justice, notons la mise en place d’une justice professionnelle et ce dès le XIIIe siècle ;
A partir du XIII, les cours et tribunaux séculiers sont de plus en plus confiés à des juristes diplômés (…) l’œuvre de justice ne peut plus désormais être pensée uniquement en termes uniquement moraux et religieux.
Source : L'Etat de justice : France, XIIIe-XXe siècle. 01 [Livre]. L'idéologie de la magistrature ancienne.
Par ailleurs, dans L'Etat de justice : France, XIIIe-XXe siècle. 02 [Livre]. L'emprise contemporaine des juges, Jacques Krynen explique que les magistrats, équipés d’une science juridique en plein renouveau et de procédures désormais rationnelles, n’ont eu de cesse que de trancher quotidiennement les litiges de toutes sortes (…) d’innombrables juges royaux ont inlassablement sublimé le caractère divin de la fonction de jugement, positionnant les juges en « vicaires » de Dieu, pas seulement en « représentants » du monarque justicier. Arguant de leur « science » accomplie et « expérience « longue du droit », les anciens magistrats ont revendiqué l’entière charge spirituelle et temporelle de la mission royale de justice.
Mais, comme nous l’indiquions précédemment, il faudra attendre le siècle des Lumière pour que le système soit transformé .Pour en savoir plus, nous vous laissons parcourir les ouvrages cités précédemment et consulter Histoire et dictionnaire de la police.
Quant à l’origine de l’enquête, il nous semble intéressant de retenir la mise en place, récente, de la police scientifique :
Par une loi du 31 août 1832, la France abolit le marquage au fer rouge des délinquants. A partir de cette date, les services de police vont avoir de plus en plus de mal à identifier les récidivistes.
(…)
En France, deux hommes ont marqué son histoire, Alphonse Bertillon qui a institué le signalement anthropométrique et imposé la technique de l’empreinte digitale en utilisant les travaux pionniers de Francis Galton, et Edmond Locard qui a créé à Lyon, en 1910, le premier laboratoire de police scientifique.
Source : police-scientifique.com.
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