Question d'origine :
pourquoi la viande de porc est-elle proscrite chez les juifs & musulmans pratiquants ?
Un ami m'a expliqué qu'outre l'argument généralement avancé que dans ces religions cette viande est considérée comme impure, la réalité est plus pragmatique : il n'y avait à l'époque de l'écriture de la bible et du coran aucun élevage porcin dans les pays concernés
qu'en pensez-vous ?
Merci pour avoir mis ce guichet en place !
Réponse du Guichet

Bonjour,
Dans une de nos réponses portant sur la prohibition de la viande de porc nous mentionnions, entre autres, l’ouvrage Anthropologie des coutumes alimentaires rédigé par Peter Farb et George Armelagos :
« Examinons par exemple le cas bien connu de l’interdiction de la viande de porc, que l’on trouve tout d’abord dans les livres de Moïse, puis qui fut reprise dans le Coran par les musulmans. De toutes les explications qui ont été fournies pour rendre compte de cette prohibition, l'une des plus anciennes, puisqu’elle remonte au moins à Maïmonide, au XIIe siècle, est d’ordre hygiénique. La viande de porc se gâterait plus rapidement que les autres dans le climat chaud du Proche-Orient ; le porc est connu comme vecteur de la trichinose, une maladie à l’issue souvent fatale provoquée par la trichine, un parasite minuscule ; le porc est aussi considéré comme dégoûtant car il se roule dans ses propres excréments et même les mange.
Si l’on examine cette thèse de plus près, on s’aperçoit qu’elle ne tient pas. Les températures qui règnent en Terre sainte ne sont pas plus élevées que dans bien des endroits du monde où l’on élève et consomme du porc. Le risque de trichinose peut difficilement être à l’origine de la prohibition, puisque ce parasite, qui fut observé pour la première fois par des chercheurs en 1821, resta considéré comme inoffensif pendant encore une quarantaine d’années. Et non seulement il y avait bien peu de chances pour que soit établie une relation de cause à effet entre le porc et cette maladie, les symptômes de la trichinose apparaissant seulement plusieurs jours après la consommation de viande contaminée, mais en outre, tout semble indiquer que la trichinose était inconnue en Palestine à l’époque biblique. On pourrait aussi se demander pourquoi, dans ce cas-là, Moïse n’aurait pas également interdit la consommation de la viande de bœuf, de mouton et chèvre, laquelle peut transmettre plusieurs maladies comme l’anthrax ou la brucellose… L’affirmation voulant que le porc soit tabou parce qu’il est sale ne tient pas non plus. A l’état sauvage, les cochons ne sont pas sales ; ils ne se roulent dans la boue et les excréments que lorsqu’ils sont confinés dans des porcheries, car, étant donné qu’ils ne disposent pas de glandes sudoripares, c’est le seul moyen dont ils disposent pour se rafraîchir par évaporation… »
On peut expliquer « la prohibition de la viande de porc observée par les musulmans, par un phénomène d’interaction entre une idéologie, un système culturel et l’écologie. C’est au septième siècle que l’islam fit son apparition, et son livre sacré, le Coran, a intégré nombre des règles diététiques de la Loi mosaïque, cette prohibition comprise. En réalité, l’interdit portant sur le porc est beaucoup plus nettement marqué dans le Coran (1) que dans l’Ancien Testament, et il semble bien qu’il soit au moins pour une part le fruit d’une décision d’ordre tactique de la part de Mahomet : il donnait à l’islam un point sur lequel il se distinguait clairement du christianisme, les chrétiens étant ses adversaires principaux et n’ayant rien contre la viande de porc, et, en outre, pouvait lui permettre de gagner le soutien de ses voisins juifs du Proche-Orient. Une éventuelle conversion de ces derniers à l’islam aurait été ainsi encouragée en incluant ce tabou dans le Coran, tout comme le christianisme avait fait coïncider les fêtes de Pâques avec celles de l’équinoxe de printemps des païens pour attirer ces dernier.
D’ un point de vue écologique, il aurait été maladroit, de la part de Mahomet, d’encourager l’élevage du cochon parmi ses fidèles. Depuis l’époque de Moïse, déjà, le paysage du Proche-Orient avait subi des changements dramatiques, dus à l’élevage et à des cultures trop intensives…Pour sa nourriture, le cochon entre en compétition directe avec l’homme et certains autres animaux domestiques… Il était donc absolument essentiel d’interdire l’usage d’un animal qui se serait transformé en catastrophe économique et écologique, si les gens avaient continué de l’élever en grand nombre. »
P Diener et E .E. Robkin reviennent sur cette thèse dans un article intitulé « Ecologie, évolution et recherche des origines culturelles : la question du porc dans l’Islam et proposent aussi des raisons économiques. Nous vous laissons prendre connaissance de ces différentes hypothèses expliquées dans Les Nourritures divines: Les interdits alimentaires par Olivier Assouly;
Bonnes lectures.
Dans une de nos réponses portant sur la prohibition de la viande de porc nous mentionnions, entre autres, l’ouvrage Anthropologie des coutumes alimentaires rédigé par Peter Farb et George Armelagos :
« Examinons par exemple le cas bien connu de l’interdiction de la viande de porc, que l’on trouve tout d’abord dans les livres de Moïse, puis qui fut reprise dans le Coran par les musulmans. De toutes les explications qui ont été fournies pour rendre compte de cette prohibition, l'une des plus anciennes, puisqu’elle remonte au moins à Maïmonide, au XIIe siècle, est d’ordre hygiénique. La viande de porc se gâterait plus rapidement que les autres dans le climat chaud du Proche-Orient ; le porc est connu comme vecteur de la trichinose, une maladie à l’issue souvent fatale provoquée par la trichine, un parasite minuscule ; le porc est aussi considéré comme dégoûtant car il se roule dans ses propres excréments et même les mange.
Si l’on examine cette thèse de plus près, on s’aperçoit qu’elle ne tient pas. Les températures qui règnent en Terre sainte ne sont pas plus élevées que dans bien des endroits du monde où l’on élève et consomme du porc. Le risque de trichinose peut difficilement être à l’origine de la prohibition, puisque ce parasite, qui fut observé pour la première fois par des chercheurs en 1821, resta considéré comme inoffensif pendant encore une quarantaine d’années. Et non seulement il y avait bien peu de chances pour que soit établie une relation de cause à effet entre le porc et cette maladie, les symptômes de la trichinose apparaissant seulement plusieurs jours après la consommation de viande contaminée, mais en outre, tout semble indiquer que la trichinose était inconnue en Palestine à l’époque biblique. On pourrait aussi se demander pourquoi, dans ce cas-là, Moïse n’aurait pas également interdit la consommation de la viande de bœuf, de mouton et chèvre, laquelle peut transmettre plusieurs maladies comme l’anthrax ou la brucellose… L’affirmation voulant que le porc soit tabou parce qu’il est sale ne tient pas non plus. A l’état sauvage, les cochons ne sont pas sales ; ils ne se roulent dans la boue et les excréments que lorsqu’ils sont confinés dans des porcheries, car, étant donné qu’ils ne disposent pas de glandes sudoripares, c’est le seul moyen dont ils disposent pour se rafraîchir par évaporation… »
On peut expliquer « la prohibition de la viande de porc observée par les musulmans, par un phénomène d’interaction entre une idéologie, un système culturel et l’écologie. C’est au septième siècle que l’islam fit son apparition, et son livre sacré, le Coran, a intégré nombre des règles diététiques de la Loi mosaïque, cette prohibition comprise. En réalité, l’interdit portant sur le porc est beaucoup plus nettement marqué dans le Coran (1) que dans l’Ancien Testament, et il semble bien qu’il soit au moins pour une part le fruit d’une décision d’ordre tactique de la part de Mahomet : il donnait à l’islam un point sur lequel il se distinguait clairement du christianisme, les chrétiens étant ses adversaires principaux et n’ayant rien contre la viande de porc, et, en outre, pouvait lui permettre de gagner le soutien de ses voisins juifs du Proche-Orient. Une éventuelle conversion de ces derniers à l’islam aurait été ainsi encouragée en incluant ce tabou dans le Coran, tout comme le christianisme avait fait coïncider les fêtes de Pâques avec celles de l’équinoxe de printemps des païens pour attirer ces dernier.
D’ un point de vue écologique, il aurait été maladroit, de la part de Mahomet, d’encourager l’élevage du cochon parmi ses fidèles. Depuis l’époque de Moïse, déjà, le paysage du Proche-Orient avait subi des changements dramatiques, dus à l’élevage et à des cultures trop intensives…Pour sa nourriture, le cochon entre en compétition directe avec l’homme et certains autres animaux domestiques… Il était donc absolument essentiel d’interdire l’usage d’un animal qui se serait transformé en catastrophe économique et écologique, si les gens avaient continué de l’élever en grand nombre. »
P Diener et E .E. Robkin reviennent sur cette thèse dans un article intitulé « Ecologie, évolution et recherche des origines culturelles : la question du porc dans l’Islam et proposent aussi des raisons économiques. Nous vous laissons prendre connaissance de ces différentes hypothèses expliquées dans Les Nourritures divines: Les interdits alimentaires par Olivier Assouly;
Bonnes lectures.
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