Sujet Français
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 03/06/2016 à 08h37
181 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Qu'est-ce-que veut dire "algérien sujet français"
et comment prouver si le grand père est citoyen français.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 04/06/2016 à 11h21
Bonjour,
Dans le droit colonial, « citoyen français » et « sujet français » étaient deux statuts distincts. La qualité de sujet français ne permet donc pas de justifier de celle de citoyen.
Dans Les enfants de la colonie : les métis de l’empire français, Emmanuelle Saada revient sur les différences entre ces deux statuts :
Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce « grand partage » s’enracine dans le droit civil et pénal et dans les conditions de la participation à l’espace public. En effet, si les sujets ont partout des droits politiques locaux (ils peuvent être membres nommés ou élus d’assemblées locales, aux prérogatives souvent très limitées), ils ne participent pas aux élections nationales, ce qui ne les distingue d’ailleurs pas des citoyens français résidant dans les territoires sans représentation parlementaire. Finalement, plus que la participation à l’exercice de la souveraineté, c’est surtout la manière dont s’exerce la puissance de l’Etat qui distingue le statut de sujet de celui de citoyen.
En matière pénale, la définition des infractions et les règles déterminant la nature des peines, la compétence et la composition des tribunaux répressifs et le régime pénitentiaire diffèrent selon que le justiciable est citoyen ou sujet […]. A partir de 1881 est instauré, en Algérie et en Cochinchine, un Code de l’indigénat qui sera ensuite exporté vers les autres colonies. Il consiste à réprimer par voie administrative des infractions propres aux indigènes. Il implique donc une double brèche dans les principes du droit français : au point de vue du droit constitutionnel, puisque la séparation des pouvoirs n’est pas assurée et que l’administration se dote aux colonies des prérogatives de la justice ; au point de vue du droit pénal, puisque le régime de l’indigénat définit un ensemble d’infractions inconnues du Code pénal que seule une partie de la population peut, par définition, commettre.
La distinction entre « citoyen » et « sujet » détermine aussi l’accès à la fonction publique : dès la mise en place de l’Etat colonial, les sujets peuvent prétendre à des postes dans les « cadres indigènes » de l’administration. En revanche, les « cadres européens » leur seront complètement fermés jusqu’en 1919 en Algérie et jusqu’à la fin des années 20 dans les autres territoires ; après cette date, cela sera toujours le cas de la magistrature et de la haute fonction publique coloniales.
En matière fiscale, les indigènes sont assujettis à des impôts spéciaux, à des corvées et à des prestations en nature qui ne concernent ni les citoyens ni ceux qui leur sont assimilés du point de vue du droit. En particulier, ils sont soumis à un impôt de « capitation », qui n’est pas sans évoquer l’Ancien Régime, et dont le principe va à l’encontre du projet « d’émancipation de l’individu » qui caractérise les tendances les plus modernistes de l’entreprise coloniale. De plus, dans un certain nombre de territoires, la carte d’impôt fait fonction de véritable carte d’identité avant l’heure et doit porter la photographie et les empreintes du titulaire. L’indigène doit la faire viser dès qu’il sort de sa commune de résidence.
Enfin, les conditions de sujet et de citoyen se distinguent du point de vue des normes de droit privé qui règlent les rapports interindividuels : les citoyens français restent aux colonies sous l’empire du Code civil, alors que les indigènes continuent d’être régis par la « coutume » locale, ou plutôt ce que les juristes coloniaux identifient comme telle.
Pour approfondir ce sujet :
- Indigènes et citoyens ou l’impossible universalisation du suffrage, Sahia Cherchari Mohamed, Revue française de droit constitutionnel 4/2004 (n° 60) , p. 741-770 (consultable sur Cairn)
- Citoyens et sujets de l'Empire français. Les usages du droit en situation coloniale, Saada Emmanuelle, Genèses 4/2003 (no53) , p. 4-24 (consultable sur Cairn)
Si, à l’indépendance de l’Algérie, votre grand-père a souscrit une déclaration récognitive, il a conservé la nationalité française. Si ce n’est pas le cas, il a perdu la nationalité française au profit de la nationalité algérienne.
Pour en savoir plus nous vous invitons à parcourir cette page du site de l’ambassade de France en Algérie : Qui a conservé la nationalité française à l’indépendance de l’Algérie?
Enfin, vous trouverez les différents moyens de prouver sa nationalité française sur service-public.fr.
Bonne journée.
Dans le droit colonial, « citoyen français » et « sujet français » étaient deux statuts distincts. La qualité de sujet français ne permet donc pas de justifier de celle de citoyen.
Dans Les enfants de la colonie : les métis de l’empire français, Emmanuelle Saada revient sur les différences entre ces deux statuts :
Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce « grand partage » s’enracine dans le droit civil et pénal et dans les conditions de la participation à l’espace public. En effet, si les sujets ont partout des droits politiques locaux (ils peuvent être membres nommés ou élus d’assemblées locales, aux prérogatives souvent très limitées), ils ne participent pas aux élections nationales, ce qui ne les distingue d’ailleurs pas des citoyens français résidant dans les territoires sans représentation parlementaire. Finalement, plus que la participation à l’exercice de la souveraineté, c’est surtout la manière dont s’exerce la puissance de l’Etat qui distingue le statut de sujet de celui de citoyen.
En matière pénale, la définition des infractions et les règles déterminant la nature des peines, la compétence et la composition des tribunaux répressifs et le régime pénitentiaire diffèrent selon que le justiciable est citoyen ou sujet […]. A partir de 1881 est instauré, en Algérie et en Cochinchine, un Code de l’indigénat qui sera ensuite exporté vers les autres colonies. Il consiste à réprimer par voie administrative des infractions propres aux indigènes. Il implique donc une double brèche dans les principes du droit français : au point de vue du droit constitutionnel, puisque la séparation des pouvoirs n’est pas assurée et que l’administration se dote aux colonies des prérogatives de la justice ; au point de vue du droit pénal, puisque le régime de l’indigénat définit un ensemble d’infractions inconnues du Code pénal que seule une partie de la population peut, par définition, commettre.
La distinction entre « citoyen » et « sujet » détermine aussi l’accès à la fonction publique : dès la mise en place de l’Etat colonial, les sujets peuvent prétendre à des postes dans les « cadres indigènes » de l’administration. En revanche, les « cadres européens » leur seront complètement fermés jusqu’en 1919 en Algérie et jusqu’à la fin des années 20 dans les autres territoires ; après cette date, cela sera toujours le cas de la magistrature et de la haute fonction publique coloniales.
En matière fiscale, les indigènes sont assujettis à des impôts spéciaux, à des corvées et à des prestations en nature qui ne concernent ni les citoyens ni ceux qui leur sont assimilés du point de vue du droit. En particulier, ils sont soumis à un impôt de « capitation », qui n’est pas sans évoquer l’Ancien Régime, et dont le principe va à l’encontre du projet « d’émancipation de l’individu » qui caractérise les tendances les plus modernistes de l’entreprise coloniale. De plus, dans un certain nombre de territoires, la carte d’impôt fait fonction de véritable carte d’identité avant l’heure et doit porter la photographie et les empreintes du titulaire. L’indigène doit la faire viser dès qu’il sort de sa commune de résidence.
Enfin, les conditions de sujet et de citoyen se distinguent du point de vue des normes de droit privé qui règlent les rapports interindividuels : les citoyens français restent aux colonies sous l’empire du Code civil, alors que les indigènes continuent d’être régis par la « coutume » locale, ou plutôt ce que les juristes coloniaux identifient comme telle.
- Indigènes et citoyens ou l’impossible universalisation du suffrage, Sahia Cherchari Mohamed, Revue française de droit constitutionnel 4/2004 (n° 60) , p. 741-770 (consultable sur Cairn)
- Citoyens et sujets de l'Empire français. Les usages du droit en situation coloniale, Saada Emmanuelle, Genèses 4/2003 (no53) , p. 4-24 (consultable sur Cairn)
Si, à l’indépendance de l’Algérie, votre grand-père a souscrit une déclaration récognitive, il a conservé la nationalité française. Si ce n’est pas le cas, il a perdu la nationalité française au profit de la nationalité algérienne.
Pour en savoir plus nous vous invitons à parcourir cette page du site de l’ambassade de France en Algérie : Qui a conservé la nationalité française à l’indépendance de l’Algérie?
Enfin, vous trouverez les différents moyens de prouver sa nationalité française sur service-public.fr.
Bonne journée.
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