Question d'origine :
Bonjour,
Il y a quelques année un érudit, allemand je crois, avait émis l'hypothèse sur la base d'une analyse linguistique me semble-t-il, que la promesse de jeunes filles vierges aux hommes musulmans admis au paradis après leur mort correspondait en fait à une erreur de traduction ou d'interprétation des textes d'origine.
Savez-vous où en est cette recherche?
Merci par avance.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 24/06/2016 à 09h32
Bonjour,
En effet, Christoph Luxenberg, publie en 2000 l'ouvrage controversé Die Syro-Aramäische Lesart des Koran: : Ein Beitrag zur Entschlüsselung der Koransprache où il transforme bien les Houris en raisins. L’article de Wikipedia indiqué en lien vous présente l’essentiel de la thèse de l’auteur et surtout l’état de la question et une bibliographie fournie.
Vous pouvez consulter en ligne la version anglaise de l’ouvrage : The Syro-aramaic reading of the Quran.
Il est clair que ce n’est qu’un des exemples des traductions de sourates proposées par ce livre mais il avait frappé les esprits et susciter de nombreux articles parmi lesquels :
- Virgins ? What virgins ?, Ibn Warraq dans The Guardian, 12/01/2002
- Et si les vierges célestes du Coran n’étaient que fruits blancs ?, Roger Pol-Droit, Le Monde, 05/05/2003 où l’on pouvait lire :
« Plus étonnante encore est la transformation des fameuses houris des jardins paradisiaques en... simples raisins! Au lieu de "vierges aux grands yeux", il faudrait lire "fruits blancs comme le cristal". Si l'on songe à l'emprise imaginaire de ces épouses célestes, pour lesquelles les kamikazes islamistes d'aujourd'hui protègent leurs parties génitales, on mesure le chambardement. Et si Luxenberg avait raison, le Coran n'aurait été d'abord qu'un lectionnaire (sens du terme en syriaque), une sorte de manuel destiné à expliquer la Bible, et non à la remplacer !
Comme le souligne Rémi Brague, professeur à la Sorbonne, dans un article publié dans le numéro d'avril de la revue Critique, il est temps d'ouvrir sur la question un vaste débat scientifique. Si ces hypothèses étaient avérées, imagine-t-on les conséquences ? Les érudits, décidément, ne sont pas inoffensifs. »
- L’article de Rémi Brague cité est également disponible en ligne Le Coran : sortir du cercle ?, Rémi Brague, Critique n° 671, avril 2003
Des articles plus savants et s’intéressant davantage aux suppositions de Luxenberg sur l’origine du Coran continuent à paraître plus tardivement :
- Le Coran, production littéraire de l’Antiquité tardive ou Mahomet interprète dans le “lectionnaire arabe” de La Mecque, Claude Gilliot, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 129, juillet 2011, en ligne dont on peut lire aussi l’entretien avec Le Monde de la Bible Aux origines du Coran. Comment est né le texte sacré de l’islam ?, sur Hérodote.net
Voir le numéro spécial Le Monde de la Bible juin-juillet-août 2012, Aux origines du Coran.
- « Le Coran est un texte flexible au cours du temps », François Deroche dans Mahomet, le prophète, hors-série du Point, 2010. L’auteur ne croit pas à la thèse de Luxenberg, « ce qui n’interdit pas les influences ou les références à des textes antérieurs » dit-il dans cet entretien.
A voir aussi Le Coran, les Houris et les raisins, Guy Rachet. L’auteur n’est pas un spécialiste mais vous pourrez trouver à partir de la page 14, une analyse du texte de Luxenberg et surtout de nombreuses références sur les auteurs ayant inspiré Luxenberg et qui montre que sa thèse d’ensemble n’est pas nouvelle. Ce qui est également relevé par Robert Chaudanson dans une page de son blog. Extrait :
« De telles hypothèses ne sont pas pourtant totalement nouvelles, mais on voit d’emblée quelles réactions peuvent susciter de tels travaux qui ne sont pourtant pas des caricatures de Mahomet, loin de là. Dès 1860, Theodor Nöldeke dans son Histoire du Coran étudiait déjà l’apparition de l’Islam dans une perspective linguistique, vu les multiples et étranges particularités de ce texte. Un peu plus tard, en 1874, Adolph von Harnack estimait qu'il s'agissait d'une dérivation judéo-chrétienne. L’idée défendue par Luxenberg que le Coran a des bases araméennes avait déjà été avancée, en 1927, par Alphonse Mingana, dans « Syriac Influence on the Style of the Kur'an » (11e Bulletin of the John Rylands Library). ».
Il faut noter aussi que même dans le monde musulman, «des réflexions contre une signification à la fois matérialiste et spirituelle de la jouissance du paradis furent exprimées dès le début de l'histoire de l'islam. L'exégète chaféite du Coran Al Baidawi, au XIIIe siècle, est d'avis que les substances à la fois de ces femmes et des nourritures du paradis, se différencient fondamentalement de leurs correspondances terrestres respectives. Une interprétation semblable est défendue par les philosophes musulmans et par les soufis : les indications concrètes du Coran cachent pour eux un sens ésotérique. » Source : Article Houri, Wikipedia
Les pages « Le Paradis coranique est très sensuel » de Islam et Coran : Idées reçues, Michel Cuypers et Geneviève Gobillot le résume très bien. Extrait :
« Ces textes [sur le Paradis] ont donné lieu à deux lignes d’interprétation. La première, de loin la plus répandue parmi les croyants musulmans jusqu’à nos jours, prend les délices du Paradis coranique à la lettre, au sens charnel. […]
Une étude récente signée du pseudonyme de Luxenberg a fait grand bruit en prétendant que l’existence des Houris, dans le Coran, n’était que le résultat d’une méprise totale : elles ne désigneraient pas des êtres célestes féminins destinés au plaisir des élus et notamment des « martyrs » mais simplement des raisins blancs ! Selon lui, le Coran aurait son origine dans le milieu syriaque : derrière les descriptions paradisiaques du Coran, on peut lire celles des Hymnes de Saint Ephrem (m.373), en syriaque. Déjà, en 1932, le savant suédois Tor Andrac avait repéré d’étonnantes convergences entre les descriptions du Coran et celle des Hymnes de Saint Ephrem. […]. Quoiqu’il en soit du rapport entre le Coran et les hymnes de Saint-Ephrem, il n’en reste pas moins que dans le texte canonique du Coran, il est bien question d’une épouse, sorte d’alter-ego céleste, que la tradition a démultiplié en de multiples Houris !
La deuxième ligne d’interprétation, tout en respectant la lettre du texte coranique, veille à rester sobre et à dépasser d’une manière ou d’une autre le réalisme sensuel des jouissances paradisiaques, surtout dans le mariage avec les Houris. »
C’est cette deuxième ligne d’interprétation que suit le Dr. Moreno Al Ajami dans Des Houris et des hommes, Les Cahiers de l’Islam, juin 2013, en ligne.
L’approche du Coran par des études linguistiques, anthropologiques, historiques, archéologiques se poursuit, qui veulent éviter les interprétations trop littérales du texte, ce dont témoigne un site comme Coran et sciences de l’homme, de Mehdi Azaiez ou différents ouvrages :
- Le Coran : nouvelles approches (dont l’introduction pose très bien les différentes hypothèses des chercheurs sur les origines du Coran)
- Les origines du Coran, le Coran des origines
- Les trois piliers de l’islam, Jacqueline Chaabi (qui n’a par ailleurs pas du tout la même interprétation des sourates sur les Houris, tout en faisant elle aussi une analyse linguistique très poussée p. 287-310)
- L’invention de l’Islam, Michel Orcel (par ailleurs très critique à l’égard des thèses de Luxenberg et d’autres auteurs ici cités).
Bonnes lectures !
En effet, Christoph Luxenberg, publie en 2000 l'ouvrage controversé Die Syro-Aramäische Lesart des Koran: : Ein Beitrag zur Entschlüsselung der Koransprache où il transforme bien les Houris en raisins. L’article de Wikipedia indiqué en lien vous présente l’essentiel de la thèse de l’auteur et surtout l’état de la question et une bibliographie fournie.
Vous pouvez consulter en ligne la version anglaise de l’ouvrage : The Syro-aramaic reading of the Quran.
Il est clair que ce n’est qu’un des exemples des traductions de sourates proposées par ce livre mais il avait frappé les esprits et susciter de nombreux articles parmi lesquels :
- Virgins ? What virgins ?, Ibn Warraq dans The Guardian, 12/01/2002
- Et si les vierges célestes du Coran n’étaient que fruits blancs ?, Roger Pol-Droit, Le Monde, 05/05/2003 où l’on pouvait lire :
« Plus étonnante encore est la transformation des fameuses houris des jardins paradisiaques en... simples raisins! Au lieu de "vierges aux grands yeux", il faudrait lire "fruits blancs comme le cristal". Si l'on songe à l'emprise imaginaire de ces épouses célestes, pour lesquelles les kamikazes islamistes d'aujourd'hui protègent leurs parties génitales, on mesure le chambardement. Et si Luxenberg avait raison, le Coran n'aurait été d'abord qu'un lectionnaire (sens du terme en syriaque), une sorte de manuel destiné à expliquer la Bible, et non à la remplacer !
Comme le souligne Rémi Brague, professeur à la Sorbonne, dans un article publié dans le numéro d'avril de la revue Critique, il est temps d'ouvrir sur la question un vaste débat scientifique. Si ces hypothèses étaient avérées, imagine-t-on les conséquences ? Les érudits, décidément, ne sont pas inoffensifs. »
- L’article de Rémi Brague cité est également disponible en ligne Le Coran : sortir du cercle ?, Rémi Brague, Critique n° 671, avril 2003
Des articles plus savants et s’intéressant davantage aux suppositions de Luxenberg sur l’origine du Coran continuent à paraître plus tardivement :
- Le Coran, production littéraire de l’Antiquité tardive ou Mahomet interprète dans le “lectionnaire arabe” de La Mecque, Claude Gilliot, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 129, juillet 2011, en ligne dont on peut lire aussi l’entretien avec Le Monde de la Bible Aux origines du Coran. Comment est né le texte sacré de l’islam ?, sur Hérodote.net
Voir le numéro spécial Le Monde de la Bible juin-juillet-août 2012, Aux origines du Coran.
- « Le Coran est un texte flexible au cours du temps », François Deroche dans Mahomet, le prophète, hors-série du Point, 2010. L’auteur ne croit pas à la thèse de Luxenberg, « ce qui n’interdit pas les influences ou les références à des textes antérieurs » dit-il dans cet entretien.
A voir aussi Le Coran, les Houris et les raisins, Guy Rachet. L’auteur n’est pas un spécialiste mais vous pourrez trouver à partir de la page 14, une analyse du texte de Luxenberg et surtout de nombreuses références sur les auteurs ayant inspiré Luxenberg et qui montre que sa thèse d’ensemble n’est pas nouvelle. Ce qui est également relevé par Robert Chaudanson dans une page de son blog. Extrait :
« De telles hypothèses ne sont pas pourtant totalement nouvelles, mais on voit d’emblée quelles réactions peuvent susciter de tels travaux qui ne sont pourtant pas des caricatures de Mahomet, loin de là. Dès 1860, Theodor Nöldeke dans son Histoire du Coran étudiait déjà l’apparition de l’Islam dans une perspective linguistique, vu les multiples et étranges particularités de ce texte. Un peu plus tard, en 1874, Adolph von Harnack estimait qu'il s'agissait d'une dérivation judéo-chrétienne. L’idée défendue par Luxenberg que le Coran a des bases araméennes avait déjà été avancée, en 1927, par Alphonse Mingana, dans « Syriac Influence on the Style of the Kur'an » (11e Bulletin of the John Rylands Library). ».
Il faut noter aussi que même dans le monde musulman, «des réflexions contre une signification à la fois matérialiste et spirituelle de la jouissance du paradis furent exprimées dès le début de l'histoire de l'islam. L'exégète chaféite du Coran Al Baidawi, au XIIIe siècle, est d'avis que les substances à la fois de ces femmes et des nourritures du paradis, se différencient fondamentalement de leurs correspondances terrestres respectives. Une interprétation semblable est défendue par les philosophes musulmans et par les soufis : les indications concrètes du Coran cachent pour eux un sens ésotérique. » Source : Article Houri, Wikipedia
Les pages « Le Paradis coranique est très sensuel » de Islam et Coran : Idées reçues, Michel Cuypers et Geneviève Gobillot le résume très bien. Extrait :
« Ces textes [sur le Paradis] ont donné lieu à deux lignes d’interprétation. La première, de loin la plus répandue parmi les croyants musulmans jusqu’à nos jours, prend les délices du Paradis coranique à la lettre, au sens charnel. […]
Une étude récente signée du pseudonyme de Luxenberg a fait grand bruit en prétendant que l’existence des Houris, dans le Coran, n’était que le résultat d’une méprise totale : elles ne désigneraient pas des êtres célestes féminins destinés au plaisir des élus et notamment des « martyrs » mais simplement des raisins blancs ! Selon lui, le Coran aurait son origine dans le milieu syriaque : derrière les descriptions paradisiaques du Coran, on peut lire celles des Hymnes de Saint Ephrem (m.373), en syriaque. Déjà, en 1932, le savant suédois Tor Andrac avait repéré d’étonnantes convergences entre les descriptions du Coran et celle des Hymnes de Saint Ephrem. […]. Quoiqu’il en soit du rapport entre le Coran et les hymnes de Saint-Ephrem, il n’en reste pas moins que dans le texte canonique du Coran, il est bien question d’une épouse, sorte d’alter-ego céleste, que la tradition a démultiplié en de multiples Houris !
La deuxième ligne d’interprétation, tout en respectant la lettre du texte coranique, veille à rester sobre et à dépasser d’une manière ou d’une autre le réalisme sensuel des jouissances paradisiaques, surtout dans le mariage avec les Houris. »
C’est cette deuxième ligne d’interprétation que suit le Dr. Moreno Al Ajami dans Des Houris et des hommes, Les Cahiers de l’Islam, juin 2013, en ligne.
L’approche du Coran par des études linguistiques, anthropologiques, historiques, archéologiques se poursuit, qui veulent éviter les interprétations trop littérales du texte, ce dont témoigne un site comme Coran et sciences de l’homme, de Mehdi Azaiez ou différents ouvrages :
- Le Coran : nouvelles approches (dont l’introduction pose très bien les différentes hypothèses des chercheurs sur les origines du Coran)
- Les origines du Coran, le Coran des origines
- Les trois piliers de l’islam, Jacqueline Chaabi (qui n’a par ailleurs pas du tout la même interprétation des sourates sur les Houris, tout en faisant elle aussi une analyse linguistique très poussée p. 287-310)
- L’invention de l’Islam, Michel Orcel (par ailleurs très critique à l’égard des thèses de Luxenberg et d’autres auteurs ici cités).
Bonnes lectures !
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