Question d'origine :
Rebonjour,
ce matin, l'indispensable Jérôme Clément, qui s'y connait en amitié franco-allemande, présentait un point de l'histoire culturelle de la France, sur France Culture à 7h10 : il s'agissait du serment de Strasbourg, liant Charles le Chauve et Louis le Germanique contre leur frère Lothaire, en 842.
Ce serment a été rédigé et prononcé en langue romane (par Louis, pour être compris des hommes de Charles) et en langue tudesque (par Charles, pour être compris des hommes de Louis). Jérôme Clément fait de ce serment "l'acte de naissance de la langue française", et il n'est pas le seul.
Si la langue française est bien une langue romane et que je comprends par ailleurs la rupture constituée par le fait de ne pas avoir employé le latin, je ne comprends pas en revanche pourquoi ce texte est spécifiquement considéré comme son acte de naissance, plutôt qu'un autre.
Merci encore pour votre travail.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 06/07/2017 à 08h00
Bonjour,
Effectivement les Serments de Strasbourg (842) sont considérés par de nombreux historiens et spécialistes de la langue française comme les premières manifestations connues, à ce jour, de notre langue. Il faut toutefois signaler que les textes qui nous sont parvenus ne sont que des copies réalisées aux alentours de l’an mil par l’historien Nithard et que l’on retrouve dans son œuvre, L'Histoire des fils de Louis le Pieux.
Si l’on attribue une telle valeur à ces textes c’est tout simplement parce qu’il n’en existe pas d’autres plus anciens. Comme le rappelle Jean-Louis Tritter dans son Histoire de la langue française : « Très tôt on a écrit en roman primitif, mais les aléas de l’histoire, les guerres, les ravages ont fait disparaître tous les textes des VIIe-VIIIe siècles. » (page 15). A noter toutefois qu’il existe des Gloses (comme les Gloses de Reichenau) qui nous ont été transmises dès le VIIIe siècle. Recueils de mots latins classiques commentés par leurs équivalents romans, ces œuvres ont une portée linguistique limitée et ne peuvent prétendre être de véritables textes.
Toutefois, Jacques Chaurand, dans son Histoire de la langue française relativise la portée des Serments de Strasbourg : « […] c’est un échantillon du langage juridique en usage à l’époque carolingienne mais ce caractère, s’il constitue une certaine garantie d’authenticité, restreint la portée du document. Il ne viendrait à l’idée de personne de fonder exclusivement une description du français d’aujourd’hui sur les actes notariés ou les arrêtés de telle juridiction. » (page 4).
Néanmoins « […] les Serments de Strasbourg peuvent être complétés par un document qui remonte à une date presque aussi ancienne et sur lequel on ne saurait faire les mêmes réserves, la Séquence de sainte Eulalie, écrite dans les années 880, peut-être à l’abbaye de Saint-Amand (59). Ce court poème traduit un effort de liturgie populaire destiné à associer la foule à la vénération de l’héroïne, martyrisée pendant le règne de l’empereur Maximien. » (pages 4-5).
Comme vous le voyez les Serments de Strasbourg sont donc à rapprocher d'autres textes de l'époque qui éclairent sous différents aspects l'évolution de la langue française.
Bonne journée.
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