Question d'origine :
Cher Guichet,
J'ai lu que le jeune Gambetta avocat avait dû se raser la moustache suite à une remarque de juge; ensuite on voit sur des photos vers 1880 des avocats avec la moustache. Quand l'interdiction a t-elle été levée ?
Quand le port de la barbe n'a plus été considérée comme vulgaire ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 28/10/2017 à 15h52
Bonjour,
Selon les époques, barbes et moustaches sont tour à tour des marqueurs de virilité, d’autorité, de puissance ou d’appartenance.
Les modes et les mœurs se chargent d'inverser régulièrement les codes et les différents critères historiquement variables que sont par exemple l’esthétique ou l'habitus.
Les interdictions de porter barbe ou moustache ne concernent pas toutes les catégories de populations. Ainsi le statut ou la profession est souvent l'élément le plus déterminant. Et si ces interdictions sont souvent justifiées par une nécessité d’hygiène ou de sécurité, bon nombre d’autres limitations en revanche ne revêtent pas ce caractère et relèvent davantage de l’idée qu’une profession ou une caste se fait du bon goût et de la bienséance. Le port de la barbe et de la moustache a donc pu être considéré comme vulgaire ou inapproprié.
D'après l’anecdote que vous mentionnez concernant Gambetta, il semble effectivement que la profession d’avocat ait fait l’objet de « recadrages », sans doute afin que les poils, rebelles ou non, des magistrats n’expriment un quelconque laisser-aller.
« Mais tous les français ne sont pas égaux devant la barbe et la moustache. Les lois de la monarchie de Juillet qui survivront encore sous le Second Empire, interdisent aux avocats, aux notaires, aux comédiens et aux gens de service de porter barbe ou moustache. Il s’agit de raisons purement hygiéniques lorsqu’il s’agit des gens de maison, mais au-delà, apparait bien la volonté de distinguer certains types de professions. » in Les poils, histoires et bizarreries de Martin Monestier.
Pareillement, dans Un idéal masculin, qui ne couvre malheureusement pas le XIXe siècle, on peut cependant lire : « Les avocats militent entre 1844 et 1868 pour pouvoir porter la moustache dans des tribunaux où elle est proscrite. »
Cependant, nous n’avons pas pu trouver d’informations, ni de précisions de dates au sujet de l’annulation de cette interdiction.
Nous vous livrons la conclusion d’Anthropologie, mythologies et histoire de la chevelure et de la pilosité : « A travers les époques, dans les civilisations, les ethnies, les religions, le port du poil et des cheveux ne relèvent ni de l’anecdotique ni de l’anodin. Poils et cheveux sont les premiers habits de la peau, reliquats d’une animalité archaïque. Ils révèlent, par les façons dont on les traite, de multiples stratégies d’une humanisation qui ne cesse de se faire qui ne cesse de se tenter. »
Quoi qu'il en soit, Gambetta a par la suite arboré une barbe très bien taillée, comme le montrent la plupart des images qui le représentent.
Bibliographie sélective et pileuse d'ouvrages disponibles au catalogue de la BmL :
Un idéal masculin ? Barbes et moustaches, XVe-XVIIIe siècle / Jean-Marie Le Gall
Barbes et moustaches / Jean Feixas et Emmanuel Pierrat
Les poils - histoires et bizarreries des cheveux, des toisons, des coiffeurs, des moustaches, des barbes, des chauves, des rasés, des albinos, des hirsutes, des velus et autres poilants trichosés / Martin Monestier
Le sens du poil : une anthropologie de la pilosité / Christian Bromberge
Anthropologie, mythologies et histoire de la chevelure et de la pilosité - le sens du poil / études réunies par Bertrand Lançon et Marie-Hélène Delavaud-Roux
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter