Question d'origine :
Mesdames, Messieurs, bonjour,
Je souhaiterais savoir combien d'états laïcs (en dehors de la France) il existe dans le monde et s'il était possible d'avoir des références bibliographiques sur le caractère areligieux de ces nations.
Je vous remercie par avance et vous souhaite une très agréable fin de journée
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 04/07/2018 à 09h48
Bonjour,
Si on s’en tient aux Etats employant le mot "laïcité" dans leur constitution, on trouvera, en-dehors de la France, la Turquie, le Mali,le Sénégal, La Guinée, La République Démocratique du Congo, le Togo, le Cameroun, le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Tchad, la République centrafricaine, la Tanzanie et la Namibie.
(Source : lemonde.fr)
Cependant, votre question est plus complexe qu’elle ne paraît. Comme l’écrit Jean Baubérot, directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S :
« Le premier piège est ici la langue : « laïque », « laïcité » sont intraduisibles hors des langues latines. En anglais, secular (par opposition à lay) apparaît comme une catégorie plus générale. Ainsi s'explique que, sur les quelque cent soixante-dix États internationalement reconnus, seuls neuf États francophones d'Afrique et la Turquie (qui a démarqué le mot français) se soient proclamés « laïques ». »
(Source : universalis-edu.com)
Particularisme linguistique qui s’inscrit dans un particularisme historique. Voici ce que nous disions dans une précédente réponse :
« Le terme "laïcité" apparait déjà en France en 1882 lorsque Ferdinand Buisson et Jules Ferry œuvrent pour une "école gratuite, laïque et obligatoire". En France, il s'agit de la sécularisation des institutions politiques d'un État, à savoir que cet État ne s'adosse à aucune religion officielle, ni ne suppose quelque onction divine. Le principe de séparation des pouvoirs politique et administratif de l’État du pouvoir religieux en est une application. En outre, la laïcité garantit la liberté de culte. C'est la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905 qui permet, d'un point de vue constitutionnel, de dissocier la religion du pouvoir civil. Ainsi, la République ne reconnait, ne salarie ou ne subventionne aucun culte. »
Au contraire de l’athéisme d’Etat (comme on peut le trouver en Chine, où la pratique des religions est interdite aux dirigeants), la laïcité est en effet la garantie pour tout citoyen de la liberté de pratiquer la ou les religions de son choix, ou de n’en pratiquer aucune , comme le rappelle l’Observatoire de la laïcité :
« De cette séparation se déduit la neutralité de l’Etat, des collectivités territoriales et des services publics, non de ses usagers. »
(Source gouvernement.fr)
Ainsi, un Etat laïque n’est pas forcément un Etat où la religion est tombée en désuétude : la Turquie laïque est un pays à très forte majorité musulmane, et le parti au pouvoir, l’AKP, entend accompagner une ré-islamisation de la société.
(Source : cairn.info)
De même, de nombreux pays garantissent la séparation des organisations religieuses et de l’Etat, même sans employer le terme de « laïcité » - Par exemple, « L’article troisième de la constitution mexicaine de 1917 fixe ce que l’on peut appeler la laïcité de l’État mexicain : « ni acquisition, ni possession, ni administration de biens immobiliers pour l’Église, aucune personnalité juridique pour l’Église, un nombre maximum de ministres des cultes fixé par les états fédérés (…) ». La Constitution rappelle en outre que « le Mexique pas de relation avec le Vatican ». » - bien que le pays reste très majoritairement catholique.
(Source : observatoiredemocratie.fr)
D’autres pays, enfin, pratiquent ce que nous serions tentés de considérer comme des paradoxes : ainsi la constitution suisse garantit en principe l’indépendance de l’Etat fédéral vis-à-vis des Eglise, mais son préambule proclame "Au nom de Dieu tout-puissant!" – et, fédéralisme oblige, « la gestion des rapports entre l'Église et l'État est du ressort des cantons ».
Aux Etats-Unis d’Amérique, le paradoxe existe aussi : « Le premier amendement de la Constitution de 1787 demande la séparation de l'Église et de l'État et garantit la liberté de culte.[…] Par ailleurs, l'État fédéral ne subventionne en principe aucune école religieuse », et pourtant « Les références à Dieu sont omniprésentes dans la vie publique aux États-Unis. En effet, il est question d'une laïcité sans religion particulière, sans dieu favorisé au détriment des autres, contrairement à la situation française qui consacre une laïcité sans religion aucune. La référence "One Nation under God" a été ajoutée au serment d'allégeance en 1954 et la devise "In God We Trust" figurant sur la monnaie remonte à 1956. Ces renvois à Dieu datent de la Guerre froide et symbolisaient une opposition à l'Union soviétique athée.[…] »
(Source : rts.ch)
Ces quelques exemples sauront vous convaincre qu’il y a autant de conceptions de la laïcité, ou de façon de vivre la séparation des organisations religieuses et des Etats, qu’il n’y a de pays s’en réclamant. Voici donc quelques ouvrages pour continuer votre réflexion :
- Laïcités sans frontières [Livre] / Jean Baubérot et Micheline Milot
- Dictionnaire de la laïcité [Livre] / sous la direction de Martine Cerf et Marc Horwitz
- La laïcité, Guy Haarscher, PUF, 2011
- La laïcité, Jean-Michel Ducomte, Milan, 2009
- La laïcité n'est pas ce que vous croyez, Pierre Dharréville, Les Editions de l'atelier, 2013
- Politiques de la laïcité au XXè siècle, dir. Patrick Weil, PUF, 2007
- Réflexions sur la laïcité arabe [Livre] / Moulay-Bachir Belqaïd
- Justice et religions [Livre] : la laïcité à l'épreuve des faits / Emmanuel Tawil ; préface de Hubert Haenel
- a laïcité [Livre] : des combats fondateurs aux enjeux d'aujourd'hui : actes de colloque, la Ligue de l'enseignement, [Paris, 24 et 25 octobre 2015] /
- Les laïcités dans le monde [Livre] / Jean Baubérot
Bonne journée.
Si on s’en tient aux Etats employant le mot "laïcité" dans leur constitution, on trouvera, en-dehors de la France, la Turquie, le Mali,le Sénégal, La Guinée, La République Démocratique du Congo, le Togo, le Cameroun, le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Tchad, la République centrafricaine, la Tanzanie et la Namibie.
(Source : lemonde.fr)
Cependant, votre question est plus complexe qu’elle ne paraît. Comme l’écrit Jean Baubérot, directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S :
« Le premier piège est ici la langue : « laïque », « laïcité » sont intraduisibles hors des langues latines. En anglais, secular (par opposition à lay) apparaît comme une catégorie plus générale. Ainsi s'explique que, sur les quelque cent soixante-dix États internationalement reconnus, seuls neuf États francophones d'Afrique et la Turquie (qui a démarqué le mot français) se soient proclamés « laïques ». »
(Source : universalis-edu.com)
Particularisme linguistique qui s’inscrit dans un particularisme historique. Voici ce que nous disions dans une précédente réponse :
« Le terme "laïcité" apparait déjà en France en 1882 lorsque Ferdinand Buisson et Jules Ferry œuvrent pour une "école gratuite, laïque et obligatoire". En France, il s'agit de la sécularisation des institutions politiques d'un État, à savoir que cet État ne s'adosse à aucune religion officielle, ni ne suppose quelque onction divine. Le principe de séparation des pouvoirs politique et administratif de l’État du pouvoir religieux en est une application. En outre, la laïcité garantit la liberté de culte. C'est la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre 1905 qui permet, d'un point de vue constitutionnel, de dissocier la religion du pouvoir civil. Ainsi, la République ne reconnait, ne salarie ou ne subventionne aucun culte. »
Au contraire de l’athéisme d’Etat (comme on peut le trouver en Chine, où la pratique des religions est interdite aux dirigeants), la laïcité est en effet
« De cette séparation se déduit la neutralité de l’Etat, des collectivités territoriales et des services publics, non de ses usagers. »
(Source gouvernement.fr)
Ainsi,
(Source : cairn.info)
De même, de nombreux pays garantissent la séparation des organisations religieuses et de l’Etat, même sans employer le terme de « laïcité » - Par exemple, « L’article troisième de la constitution mexicaine de 1917 fixe ce que l’on peut appeler la laïcité de l’État mexicain : « ni acquisition, ni possession, ni administration de biens immobiliers pour l’Église, aucune personnalité juridique pour l’Église, un nombre maximum de ministres des cultes fixé par les états fédérés (…) ». La Constitution rappelle en outre que « le Mexique pas de relation avec le Vatican ». » - bien que le pays reste très majoritairement catholique.
(Source : observatoiredemocratie.fr)
D’autres pays, enfin, pratiquent ce que nous serions tentés de considérer comme des paradoxes : ainsi la constitution suisse garantit en principe l’indépendance de l’Etat fédéral vis-à-vis des Eglise, mais son préambule proclame "Au nom de Dieu tout-puissant!" – et, fédéralisme oblige, « la gestion des rapports entre l'Église et l'État est du ressort des cantons ».
Aux Etats-Unis d’Amérique, le paradoxe existe aussi : « Le premier amendement de la Constitution de 1787 demande la séparation de l'Église et de l'État et garantit la liberté de culte.[…] Par ailleurs, l'État fédéral ne subventionne en principe aucune école religieuse », et pourtant « Les références à Dieu sont omniprésentes dans la vie publique aux États-Unis. En effet, il est question d'une laïcité sans religion particulière, sans dieu favorisé au détriment des autres, contrairement à la situation française qui consacre une laïcité sans religion aucune. La référence "One Nation under God" a été ajoutée au serment d'allégeance en 1954 et la devise "In God We Trust" figurant sur la monnaie remonte à 1956. Ces renvois à Dieu datent de la Guerre froide et symbolisaient une opposition à l'Union soviétique athée.[…] »
(Source : rts.ch)
Ces quelques exemples sauront vous convaincre qu’il y a autant de conceptions de la laïcité, ou de façon de vivre la séparation des organisations religieuses et des Etats, qu’il n’y a de pays s’en réclamant. Voici donc quelques ouvrages pour continuer votre réflexion :
- Laïcités sans frontières [Livre] / Jean Baubérot et Micheline Milot
- Dictionnaire de la laïcité [Livre] / sous la direction de Martine Cerf et Marc Horwitz
- La laïcité, Guy Haarscher, PUF, 2011
- La laïcité, Jean-Michel Ducomte, Milan, 2009
- La laïcité n'est pas ce que vous croyez, Pierre Dharréville, Les Editions de l'atelier, 2013
- Politiques de la laïcité au XXè siècle, dir. Patrick Weil, PUF, 2007
- Réflexions sur la laïcité arabe [Livre] / Moulay-Bachir Belqaïd
- Justice et religions [Livre] : la laïcité à l'épreuve des faits / Emmanuel Tawil ; préface de Hubert Haenel
- a laïcité [Livre] : des combats fondateurs aux enjeux d'aujourd'hui : actes de colloque, la Ligue de l'enseignement, [Paris, 24 et 25 octobre 2015] /
- Les laïcités dans le monde [Livre] / Jean Baubérot
Bonne journée.
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