Question d'origine :
Bonjour,
Pourquoi dans certains pays comme le Japon, le co dodo est une pratique naturelle alors qu’en France elle est vivement critiquée?
Merci pour votre réponse!
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 23/05/2019 à 10h17
Bonjour,
Le co-dodo / co-sleeping / sommeil partagé est une pratique qui résulte d'un choix personnel des parents. Les inconvénients et avantages sont réels et doivent être mesurés par chacun. Mais le choix du mode de couchage est aussi le fait d'un héritage culturel. Comme vous le soulignez, les sociétés occidentales sont moins enclines à partager le lit conjugal avec leurs nourrissons. Ce fait est avéré depuis le Moyen-Âge. Nous en trouvons la raison dans cet article « Dormir ici et ailleurs. Approche transculturelle du sommeil du nourrisson et de ses troubles » (Spirale, 2005/2 (no 34), p. 151-164) :
"Les techniques d’endormissement varient selon les cultures et les époques . Chaque région du globe a son modèle en la matière et rivalise d’ingéniosité pour apaiser le bébé et l’endormir. Tout cela participe à la création du lien et à la manière d’interagir avec l’enfant.
Les pratiques de soins aux tout-petits sont influencées par les idées que les adultes se font de leur développement, mais également par les représentations culturelles. Marie Rose Moro désigne sous le terme de « berceau culturel » un ensemble de représentations que les parents ont de leur enfant, de sa nature, et celles-ci sont fortement influencées par la culture d’origine des parents. «Ces représentations culturelles préexistent à l’enfant, elles constituent une sorte d’image qu’il va venir habiter. » Elles influencent alors les actes des parents, ainsi que les manières d’entrer en relation avec l’enfant. Ces dernières « […] n’appartiennent pas en propre aux parents ou à un individu, mais à un groupe ». Ces pratiques de maternage propres à chaque culture se transmettent de génération en génération. C’est par l’imitation des différentes manières de faire que vont se pérenniser et se renouveler celles-ci.
Hélène Stork définit trois stades dans la transmission des techniques de maternage. La première, « l’apprentissage kinesthésique primaire », est une imprégnation corporelle des gestes, des techniques, et des échanges entre l’enfant et ses parents, au moment même de leur occurrence. Ceci relève alors de ce qu’elle nomme « la mémoire du corps ».
Ensuite apparaît « l’imitation au cours de la seconde enfance » : ce deuxième stade procède par l’observation et la participation actives de l’aîné aux soins de ses cadets.
Enfin, vient « l’apprentissage à l’âge adulte » : la jeune mère se trouve alors confrontée à son enfant. Ce troisième stade, dans les sociétés non occidentales, donne lieu à une véritable initiation de la mère par ses aînées. [...]
Hélène Stork, met en évidence deux grands styles d’interactions dans le maternage. L’interaction distale qui implique comme vecteur d’échange la voix et le regard au détriment du toucher, ceci se retrouvant majoritairement en Occident . Le recours a un dispositif matériel comme le berceau est alors fréquent. Ainsi, en Europe ou dans les pays d’Amérique du Nord, le nourrisson dort le plus souvent seul, dans sa chambre, dans la pénombre et au calme ; la chambre est le plus souvent éloignée de la salle de séjour, afin de le protéger au maximum des stimulations sonores excessives qui pourraient troubler son sommeil. L’usage du lit domine. Le berceau, longtemps utilisé, est en voie d’abandon. [...]
Cette manière d’endormir les enfants en France prend racine au Moyen Âge, quand l’Église condamne la promiscuité par souci de diminuer le taux élevé de mort d’enfant par étouffement. Cela a favorisé l’apparition des berceaux. Ce discours est ensuite repris par les médecins dans le souci de limiter le risque de contamination microbienne. Au début du xxe siècle, l’interdit de promiscuité se renforce avec les recommandations de mise à distance de l’enfant inspirées de la psychanalyse : de crainte que l’enfant assiste à des relations sexuelles entre ses parents, et afin d’empêcher la fusion incestueuse entre la mère et son enfant. La prédominance du contact distal prend racine dans l’histoire de la France et modèle alors les manières d’endormir le jeune enfant .
À l’opposé, on retrouve l’interaction proximale , essentiellement dans les sociétés non occidentales où sont valorisés le toucher et les contacts peau à peau. Cependant la sphère visuelle est moins utilisée. On a peur par exemple du mauvais œil dont la mère peut être porteuse. Dans ces cultures, on observe alors l’absence de coupure nette entre le monde des adultes et celui des enfants. L’espace est partagé par tous, et mère et bébé dorment ensemble. "
Nous vous laissons poursuivre la lecture de cet article ainsi que de celle de ces documents pour aller plus loin :
- Stork Hélène, « Variations culturelles des techniques de maternage et de prévention précoce », dans : Françoise Groud-Dahmane éd., Enfants d'ici, enfants d'ailleurs. Toulouse, ERES, « Les recherches du Grape », 1993, p. 53-56.
- H. Stork, Les rituels du coucher de l’enfant, variations culturelles, coll. « La vie de l’enfant », Éd. esf, 1993
- M.R. Moro, Psychothérapie transculturelle de l’enfant et de l’adolescent, Dunod, 1998, p. 59-60.
- Le bébé et les apprentissages : genèse et incidences / [publ. par l'Institut de l'enfance et de la famille] ; sous la dir. de Martine Glaumaud-Carré et Marie Manuélian-Ravet
Sur les recommandations actuelles du corps médical, quelques études :
- Lieu de couchage des nourrissons : exploration des pratiques des médecins généralistes en Bretagne sur les conseils donnés aux parents / Pauline Renon
- Le sommeil partagé, enquête auprès des médecins généralistes de Gironde / Anne Moinier
Bonne journée.
Le co-dodo / co-sleeping / sommeil partagé est une pratique qui résulte d'un choix personnel des parents. Les inconvénients et avantages sont réels et doivent être mesurés par chacun. Mais le choix du mode de couchage est aussi le fait d'un héritage culturel. Comme vous le soulignez, les sociétés occidentales sont moins enclines à partager le lit conjugal avec leurs nourrissons. Ce fait est avéré depuis le Moyen-Âge. Nous en trouvons la raison dans cet article « Dormir ici et ailleurs. Approche transculturelle du sommeil du nourrisson et de ses troubles » (Spirale, 2005/2 (no 34), p. 151-164) :
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Les pratiques de soins aux tout-petits sont influencées par les idées que les adultes se font de leur développement, mais également par les représentations culturelles. Marie Rose Moro désigne sous le terme de « berceau culturel » un ensemble de représentations que les parents ont de leur enfant, de sa nature, et celles-ci sont fortement influencées par la culture d’origine des parents. «
Hélène Stork définit trois stades dans la transmission des techniques de maternage. La première, « l’apprentissage kinesthésique primaire », est une imprégnation corporelle des gestes, des techniques, et des échanges entre l’enfant et ses parents, au moment même de leur occurrence. Ceci relève alors de ce qu’elle nomme « la mémoire du corps ».
Ensuite apparaît « l’imitation au cours de la seconde enfance » : ce deuxième stade procède par l’observation et la participation actives de l’aîné aux soins de ses cadets.
Enfin, vient « l’apprentissage à l’âge adulte » : la jeune mère se trouve alors confrontée à son enfant. Ce troisième stade, dans les sociétés non occidentales, donne lieu à une véritable initiation de la mère par ses aînées. [...]
Hélène Stork, met en évidence deux grands styles d’interactions dans le maternage. L’
À l’opposé, on retrouve l’
Nous vous laissons poursuivre la lecture de cet article ainsi que de celle de ces documents pour aller plus loin :
- Stork Hélène, « Variations culturelles des techniques de maternage et de prévention précoce », dans : Françoise Groud-Dahmane éd., Enfants d'ici, enfants d'ailleurs. Toulouse, ERES, « Les recherches du Grape », 1993, p. 53-56.
- H. Stork, Les rituels du coucher de l’enfant, variations culturelles, coll. « La vie de l’enfant », Éd. esf, 1993
- M.R. Moro, Psychothérapie transculturelle de l’enfant et de l’adolescent, Dunod, 1998, p. 59-60.
- Le bébé et les apprentissages : genèse et incidences / [publ. par l'Institut de l'enfance et de la famille] ; sous la dir. de Martine Glaumaud-Carré et Marie Manuélian-Ravet
Sur les recommandations actuelles du corps médical, quelques études :
- Lieu de couchage des nourrissons : exploration des pratiques des médecins généralistes en Bretagne sur les conseils donnés aux parents / Pauline Renon
- Le sommeil partagé, enquête auprès des médecins généralistes de Gironde / Anne Moinier
Bonne journée.
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