projet de loi utopique
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 16/06/2019 à 21h00
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Question d'origine :
Existe-t-il, ou a-t-il existé, ou quelqu’un travaille-t-il à un projet de droit, même utopique, qui permettrait de dire à une entreprise capitaliste : « malgré vos fondements capitalistiques, malgré votre réussite financière, nous estimons que vous avez failli à ce que réclame votre raison sociale (exemple : soigner, nourrir), ou que l’exercice de votre activité s’avère trop néfaste à l’intérêt général et nous mettons, de droit, fin à votre activité ».
Quand une entreprise pharmaceutique tue sciemment au lieu de soigner, quand une entreprise agroalimentaire empoisonne au lieu de nourrir, etc., quand un constructeur automobile pollue sciemment au-delà des niveaux réglementaires, quand un cigarettier tue, pourrait-on leur opposer, au lieu d’amendes et de sanctions, une remise en cause de leur existence ?
J’entends bien que les actionnaires, les salariés, les fournisseurs pourraient trouver à y redire, mais je serais ravi qu’une telle perspective existe pour les cas les plus extrêmes.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 18/06/2019 à 14h54
Bonjour,
Votre question met le doigt sur un sujet épineux : le capitalisme a-t-il vocation à être au service du « bien commun » ? Ou la responsabilité d’une entreprise, qui recherche avant tout le profit, se limite-t-elle à ses actionnaires ?
Et si on admet que les entreprises ont une responsabilité éthique, écologique, sociale, qui, dans un système libéral global, a le pouvoir de les contraindre à assumer cette responsabilité ? Par quels moyens ?
« Nous sommes durablement entrés dans une époque où manager suppose un registre qui dépasse l’ordre des possibles. Pourquoi ? Parce que désormais les managers et leurs donneurs d’ordre – les marchés dans la majorité des cas – ont plus de pouvoir qu’ils n’en ont jamais eu. Certains, face à ce qui constitue un vrai défi de société, voudraient que la réponse vienne de l’intérieur du système. Face à la perte de repères, face aux pressions de la société, face à la défiance de nos contemporains, la réponse devrait être apportée par le système lui-même. Il existerait la possibilité d’une morale propre à celui-ci, susceptible d’orienter et de réguler les comportements. Pour d’autres, la mission du système économique est de faire de l’économie, pas de la morale. Le capitalisme ne sera jamais moral, il ne lui revient pas de l’être. Ce n’est pas dans sa mission. Entretenir l’idée inverse, c’est faire de la communication et illusionner les personnes. Aucune morale ne peut être contenue dans le système lui-même. Le débat mérite d’être posé. »
Source : « L'impossible éthique des affaires », Vassal, Olivier, L'Expansion Management Review, vol. 141, no. 2, 2011, pp. 82-95.
Dès les années 1950 aux Etats-Unis, on parle de « responsabilité sociale des entreprises » (« Corporate Social Responsibility »). En 2001, la Commission Européenne a publié un livre vert qui formule la définition de référence de la RSE comme « l’intégration volontaire par les entreprises des préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». Il n’y a donc pas de contrainte légale, comme le souligne Sophie Swaton dans l’article très complet qu’elle consacre à la RSE : « La responsabilité sociale des entreprises : un sursaut éthique pour combler un vide juridique ? », Revue de philosophie économique, vol. vol. 16, no. 2, 2015, pp. 3-40.
Cependant, les différents pays concernés n’ont pas nécessairement la même approche :
« La définition de la RSE formulée par la Commission européenne évoque « l’intégration volontaire par les entreprises des relations de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». L’accueil par les États n’a pas été le même. Par exemple, le gouvernement britannique soucieux d’éviter un surcroît de réglementations, s’est montré très favorable à l’aspect volontariste de la RSE alors que les gouvernements français et italiens ont pointé le rôle clé de l’État en vue de permettre (en les encadrant) des politiques de RSE. Pour les anglo-saxons, c’est la dimension de l’engagement perçu comme volontaire qui prime ; pour les européens, c’est un engagement appréhendé comme une obligation qui s’impose. La nuance entre ces deux conceptions de l’engagement est subtile.
Au point qu’il est sans doute préférable d’évoquer, ce que certains auteurs ont nommé une « RSE explicite » et une « RSE implicite ». Aux États-Unis et au Canada, les entreprises ont été impliquées dans la gestion de problèmes sociaux et environnementaux liés au bien public, les conduisant à mettre en place de manière explicite des politiques discrétionnaires et volontaire de RSE. Dans les pays comme la France ou l’Allemagne, c’est au contraire davantage l’État qui, historiquement, encourage des comportements socialement responsables de la part des entreprises. Ces dernières adoptent donc une RSE implicite et non explicite au sens où les conduites déployées ne sont pas nécessairement nommées politiques de RSE. Mais les entreprises européennes n’en demeurent pas moins responsables que les entreprises américaines qui, en revanche, communiquent davantage sur la formalisation de la RSE.
Dans le cadre de cette éthique culturelle, la RSE s’élargit donc à la philanthropie pour les anglo-saxons pour lesquels la RSE peut-être liée au mécénat, et au débat démocratique pour les européens qui revendiquent une séparation claire entre la RSE et le mécénat. La RSE elle-même s’appréhende comme un produit culturel dont le contenu reflète la manière dont s’entrelacent les relations entre la société, les individus et les entreprises, relations largement définies par l’environnement social et institutionnel. En Europe ou aux États-Unis, c’est une conception différente de la responsabilité des entreprises et des individus qui est promue. »
Source : Sophie Swaton, « La responsabilité sociale des entreprises : un sursaut éthique pour combler un vide juridique ? », Revue de philosophie économique, vol. vol. 16, no. 2, 2015, pp. 3-40.
En Europe, la norme ISO 26000, publiée en 2010, indique que la responsabilité sociétale des organisations est la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui :
• Contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société.
• Prend en compte les attentes des parties prenantes.
• Respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales.
• Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en oeuvre dans ses relations.
En France, cette norme s’accompagne d’un cadre réglementaire :
« Si la la responsabilité sociétale des entreprises s’est développée à l’instar de démarches volontaires, la France s’est dotée d’un cadre législatif et réglementaire qui prend notamment en compte le pilier environnemental de la responsabilité sociétale des entreprises. Ce cadre s’est construit progressivement au regard des évolutions du dispositif de reporting extra-financier des entreprises.
L’article 116 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques prévoit que les entreprises cotées en bourse indiquent dans leur rapport annuel une série d’informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités.
L’article 53 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement fixe comme programme d’action :
• De développer l’information sociale et environnementale communiquée par les entreprises à l’attention de leurs parties prenantes.
• D’impliquer les institutions représentatives du personnel dans les discussions sur les enjeux.
• De développement durable liés à l’activité des entreprises.
• De développer des référentiels de développement durable par secteurs d’activités.
• De soutenir le développement de labels permettant de donner une reconnaissance aux bonnes pratiques sociales et environnementales des entreprises.
• D’assurer la promotion de l’investissement socialement responsable.
• D’intervenir au niveau européen en faveur de l’élaboration d’un référentiel commun relatif aux indicateurs sociaux et environnementaux.
La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement introduit les articles 225 (depuis modifié) sur la responsabilité sociétale des entreprises et 224 (depuis modifié) sur l’investissement socialement responsable. Ces deux articles sont respectivement complétés par :
• Le décret du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale et l’arrêté du 13 mai 2013 déterminant les modalités dans lesquelles l’organisme tiers indépendant conduit sa mission.
• Le décret du 30 janvier 2012 relatif à l’information par les sociétés de gestion de portefeuille des critères sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance pris en compte dans leur politique d’investissement.
La loi 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et son décret d’application du 19 août 2016 ont renforcé les obligations de reporting en matière d’enjeux climato-énergétiques, d’économie circulaire et de gaspillage alimentaire dont la liste est prévue à l’art. R 225-105 du code du commerce.
La France a transposé la directive européenne relative au rapportage extra-financier par une ordonnance du 19 juillet 2017 relative à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d'entreprises et son décret d’application du 9 août 2017. La nouvelle déclaration de performance extra-financière remplace le rapport responsabilité sociétale des entreprises et devient un outil de pilotage de la stratégie de l’entreprise. Ces textes constituent le nouveau cadre de publication d’informations non financières. L’ensemble de ce dispositif est codifié dans les articles L 225-102-1 du code du commerce.
D’autres textes viennent renforcer les obligations en matière de responsabilité sociétale des entreprises comme la loi du 9 novembre 2016 en matière de lutte contre la corruption et la loi 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d' ordre. Ce texte vise à remettre le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multinationales. Ces dernières doivent établir et publier un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains mais aussi de corruption sur leurs propres activités mais aussi celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger. »
Source : La responsabilité sociétale des entreprises, Ministère de la transition écologique et solidaire
Au-delà du rôle des institutions gouvernementales et des normes pour réguler les pratiques, Sophie Swaton s’interroge aussi sur la responsabilité des consommateurs :
« En plein essor des réseaux sociaux et de la démocratie participative promue par internet, on peut s’interroger également sur la responsabilité des autres parties prenantes, au-delà de la seule entreprise, en l’occurrence celle des consommateurs. Eux ont aussi leur part de responsabilité dans l’achat des produits finis et ont le pouvoir de favoriser des produits pas simplement made in France mais « produit démocratiquement » pour faire écho à la suggestion de Fleurbaey (2006) qui évoque à juste titre l’idée d’un « label démocratique ». C’est un projet de société qui est promu : « Une autre forme de transition douce consisterait à promouvoir, par diverses aides gouvernementales et divers soutiens institutionnels et financiers, le développement du secteur coopératif. Si ce secteur atteignait une taille critique le rendant plus visible, et le mettant en concurrence directe avec les entreprises capitalistes, la comparaison entre le sort des travailleurs dans les deux types d’entreprise, ainsi que de la qualité et de la gestion, pourrait créer un mouvement de sympathie en faveur des entreprises ayant le comportement le plus « éthique ». […] Si les travailleurs eux-mêmes cherchaient en priorité à trouver un emploi dans le secteur démocratique et si les consommateurs étaient disposés à donner la préférence aux produits portant le label démocratique, une dynamique pourrait se développer, qui aboutirait à faire des entreprises capitalistes la cible d’une stigmatisation analogue à celle qui frappe le travail des enfants ».
Or, compte-tenu de la précédente distinction entre l’élaboration de la norme et sa réalisation en acte, un processus de consommation responsable ne peut qu’être encouragé par la normalisation de la RSE, au-delà de l’argument de la réputation pour l’entreprise. En effet, contrairement aux intentions affichées, selon Quairel (2006, p. 142), « les études montrent que les consommateurs intègrent progressivement les dimensions environnementales et sociales dans leur déclaration d’intention d’achat mais que leur consommation effective est très peu modifiée. Globalement 20 % des personnes interrogées se déclarent sensibles aux critères liés au développement durable et prêts à choisir ces produits ; moins de la moitié traduira ses intentions en actes et le consentement à payer plus cher pour un bien produit dans des conditions socialement correctes n’est exprimé que chez 10 % des personnes interrogées ». Pour l’auteure, le décalage paradoxal entre la faiblesse de la demande effective globale de RSE et l’importante apparition de cette dernière sous la pression des nouveaux mouvements sociaux provient d’un problème de passage et de traduction « entre les attentes fortes de la société civile et les acteurs qui ont effectivement le pouvoir d’agir sur les performances économiques des entreprises. La réputation n’est pas un levier suffisant pour assurer le passage ». »
Faute d’avoir apporté une réponse directe à votre question, nous espérons que les ressources citées ci-dessus vous seront utiles pour nourrir votre réflexion.
En complément vous pourriez consulter cette bibliographie sur la criminalité des affaires.
Bonne journée.
Votre question met le doigt sur un sujet épineux : le capitalisme a-t-il vocation à être au service du « bien commun » ? Ou la responsabilité d’une entreprise, qui recherche avant tout le profit, se limite-t-elle à ses actionnaires ?
Et si on admet que les entreprises ont une responsabilité éthique, écologique, sociale, qui, dans un système libéral global, a le pouvoir de les contraindre à assumer cette responsabilité ? Par quels moyens ?
« Nous sommes durablement entrés dans une époque où manager suppose un registre qui dépasse l’ordre des possibles. Pourquoi ? Parce que désormais les managers et leurs donneurs d’ordre – les marchés dans la majorité des cas – ont plus de pouvoir qu’ils n’en ont jamais eu. Certains, face à ce qui constitue un vrai défi de société, voudraient que la réponse vienne de l’intérieur du système. Face à la perte de repères, face aux pressions de la société, face à la défiance de nos contemporains, la réponse devrait être apportée par le système lui-même. Il existerait la possibilité d’une morale propre à celui-ci, susceptible d’orienter et de réguler les comportements. Pour d’autres, la mission du système économique est de faire de l’économie, pas de la morale. Le capitalisme ne sera jamais moral, il ne lui revient pas de l’être. Ce n’est pas dans sa mission. Entretenir l’idée inverse, c’est faire de la communication et illusionner les personnes. Aucune morale ne peut être contenue dans le système lui-même. Le débat mérite d’être posé. »
Source : « L'impossible éthique des affaires », Vassal, Olivier, L'Expansion Management Review, vol. 141, no. 2, 2011, pp. 82-95.
Dès les années 1950 aux Etats-Unis, on parle de « responsabilité sociale des entreprises » (« Corporate Social Responsibility »). En 2001, la Commission Européenne a publié un livre vert qui formule la définition de référence de la RSE comme « l’intégration volontaire par les entreprises des préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». Il n’y a donc pas de contrainte légale, comme le souligne Sophie Swaton dans l’article très complet qu’elle consacre à la RSE : « La responsabilité sociale des entreprises : un sursaut éthique pour combler un vide juridique ? », Revue de philosophie économique, vol. vol. 16, no. 2, 2015, pp. 3-40.
Cependant, les différents pays concernés n’ont pas nécessairement la même approche :
« La définition de la RSE formulée par la Commission européenne évoque « l’intégration volontaire par les entreprises des relations de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ». L’accueil par les États n’a pas été le même. Par exemple, le gouvernement britannique soucieux d’éviter un surcroît de réglementations, s’est montré très favorable à l’aspect volontariste de la RSE alors que les gouvernements français et italiens ont pointé le rôle clé de l’État en vue de permettre (en les encadrant) des politiques de RSE. Pour les anglo-saxons, c’est la dimension de l’engagement perçu comme volontaire qui prime ; pour les européens, c’est un engagement appréhendé comme une obligation qui s’impose. La nuance entre ces deux conceptions de l’engagement est subtile.
Au point qu’il est sans doute préférable d’évoquer, ce que certains auteurs ont nommé une « RSE explicite » et une « RSE implicite ». Aux États-Unis et au Canada, les entreprises ont été impliquées dans la gestion de problèmes sociaux et environnementaux liés au bien public, les conduisant à mettre en place de manière explicite des politiques discrétionnaires et volontaire de RSE. Dans les pays comme la France ou l’Allemagne, c’est au contraire davantage l’État qui, historiquement, encourage des comportements socialement responsables de la part des entreprises. Ces dernières adoptent donc une RSE implicite et non explicite au sens où les conduites déployées ne sont pas nécessairement nommées politiques de RSE. Mais les entreprises européennes n’en demeurent pas moins responsables que les entreprises américaines qui, en revanche, communiquent davantage sur la formalisation de la RSE.
Dans le cadre de cette éthique culturelle, la RSE s’élargit donc à la philanthropie pour les anglo-saxons pour lesquels la RSE peut-être liée au mécénat, et au débat démocratique pour les européens qui revendiquent une séparation claire entre la RSE et le mécénat. La RSE elle-même s’appréhende comme un produit culturel dont le contenu reflète la manière dont s’entrelacent les relations entre la société, les individus et les entreprises, relations largement définies par l’environnement social et institutionnel. En Europe ou aux États-Unis, c’est une conception différente de la responsabilité des entreprises et des individus qui est promue. »
Source : Sophie Swaton, « La responsabilité sociale des entreprises : un sursaut éthique pour combler un vide juridique ? », Revue de philosophie économique, vol. vol. 16, no. 2, 2015, pp. 3-40.
En Europe, la norme ISO 26000, publiée en 2010, indique que la responsabilité sociétale des organisations est la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui :
• Contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société.
• Prend en compte les attentes des parties prenantes.
• Respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales.
• Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en oeuvre dans ses relations.
En France, cette norme s’accompagne d’un cadre réglementaire :
« Si la la responsabilité sociétale des entreprises s’est développée à l’instar de démarches volontaires, la France s’est dotée d’un cadre législatif et réglementaire qui prend notamment en compte le pilier environnemental de la responsabilité sociétale des entreprises. Ce cadre s’est construit progressivement au regard des évolutions du dispositif de reporting extra-financier des entreprises.
L’article 116 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques prévoit que les entreprises cotées en bourse indiquent dans leur rapport annuel une série d’informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités.
L’article 53 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement fixe comme programme d’action :
• De développer l’information sociale et environnementale communiquée par les entreprises à l’attention de leurs parties prenantes.
• D’impliquer les institutions représentatives du personnel dans les discussions sur les enjeux.
• De développement durable liés à l’activité des entreprises.
• De développer des référentiels de développement durable par secteurs d’activités.
• De soutenir le développement de labels permettant de donner une reconnaissance aux bonnes pratiques sociales et environnementales des entreprises.
• D’assurer la promotion de l’investissement socialement responsable.
• D’intervenir au niveau européen en faveur de l’élaboration d’un référentiel commun relatif aux indicateurs sociaux et environnementaux.
La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement introduit les articles 225 (depuis modifié) sur la responsabilité sociétale des entreprises et 224 (depuis modifié) sur l’investissement socialement responsable. Ces deux articles sont respectivement complétés par :
• Le décret du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale et l’arrêté du 13 mai 2013 déterminant les modalités dans lesquelles l’organisme tiers indépendant conduit sa mission.
• Le décret du 30 janvier 2012 relatif à l’information par les sociétés de gestion de portefeuille des critères sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance pris en compte dans leur politique d’investissement.
La loi 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et son décret d’application du 19 août 2016 ont renforcé les obligations de reporting en matière d’enjeux climato-énergétiques, d’économie circulaire et de gaspillage alimentaire dont la liste est prévue à l’art. R 225-105 du code du commerce.
La France a transposé la directive européenne relative au rapportage extra-financier par une ordonnance du 19 juillet 2017 relative à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d'entreprises et son décret d’application du 9 août 2017. La nouvelle déclaration de performance extra-financière remplace le rapport responsabilité sociétale des entreprises et devient un outil de pilotage de la stratégie de l’entreprise. Ces textes constituent le nouveau cadre de publication d’informations non financières. L’ensemble de ce dispositif est codifié dans les articles L 225-102-1 du code du commerce.
D’autres textes viennent renforcer les obligations en matière de responsabilité sociétale des entreprises comme la loi du 9 novembre 2016 en matière de lutte contre la corruption et la loi 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d' ordre. Ce texte vise à remettre le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multinationales. Ces dernières doivent établir et publier un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains mais aussi de corruption sur leurs propres activités mais aussi celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, en France comme à l’étranger. »
Source : La responsabilité sociétale des entreprises, Ministère de la transition écologique et solidaire
Au-delà du rôle des institutions gouvernementales et des normes pour réguler les pratiques, Sophie Swaton s’interroge aussi sur la responsabilité des consommateurs :
« En plein essor des réseaux sociaux et de la démocratie participative promue par internet, on peut s’interroger également sur la responsabilité des autres parties prenantes, au-delà de la seule entreprise, en l’occurrence celle des consommateurs. Eux ont aussi leur part de responsabilité dans l’achat des produits finis et ont le pouvoir de favoriser des produits pas simplement made in France mais « produit démocratiquement » pour faire écho à la suggestion de Fleurbaey (2006) qui évoque à juste titre l’idée d’un « label démocratique ». C’est un projet de société qui est promu : « Une autre forme de transition douce consisterait à promouvoir, par diverses aides gouvernementales et divers soutiens institutionnels et financiers, le développement du secteur coopératif. Si ce secteur atteignait une taille critique le rendant plus visible, et le mettant en concurrence directe avec les entreprises capitalistes, la comparaison entre le sort des travailleurs dans les deux types d’entreprise, ainsi que de la qualité et de la gestion, pourrait créer un mouvement de sympathie en faveur des entreprises ayant le comportement le plus « éthique ». […] Si les travailleurs eux-mêmes cherchaient en priorité à trouver un emploi dans le secteur démocratique et si les consommateurs étaient disposés à donner la préférence aux produits portant le label démocratique, une dynamique pourrait se développer, qui aboutirait à faire des entreprises capitalistes la cible d’une stigmatisation analogue à celle qui frappe le travail des enfants ».
Or, compte-tenu de la précédente distinction entre l’élaboration de la norme et sa réalisation en acte, un processus de consommation responsable ne peut qu’être encouragé par la normalisation de la RSE, au-delà de l’argument de la réputation pour l’entreprise. En effet, contrairement aux intentions affichées, selon Quairel (2006, p. 142), « les études montrent que les consommateurs intègrent progressivement les dimensions environnementales et sociales dans leur déclaration d’intention d’achat mais que leur consommation effective est très peu modifiée. Globalement 20 % des personnes interrogées se déclarent sensibles aux critères liés au développement durable et prêts à choisir ces produits ; moins de la moitié traduira ses intentions en actes et le consentement à payer plus cher pour un bien produit dans des conditions socialement correctes n’est exprimé que chez 10 % des personnes interrogées ». Pour l’auteure, le décalage paradoxal entre la faiblesse de la demande effective globale de RSE et l’importante apparition de cette dernière sous la pression des nouveaux mouvements sociaux provient d’un problème de passage et de traduction « entre les attentes fortes de la société civile et les acteurs qui ont effectivement le pouvoir d’agir sur les performances économiques des entreprises. La réputation n’est pas un levier suffisant pour assurer le passage ». »
Faute d’avoir apporté une réponse directe à votre question, nous espérons que les ressources citées ci-dessus vous seront utiles pour nourrir votre réflexion.
En complément vous pourriez consulter cette bibliographie sur la criminalité des affaires.
Bonne journée.
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