Quelles sont les raisons derrière la surveillance en chine
SOCIÉTÉ
+ DE 2 ANS
Le 12/07/2019 à 04h07
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Question d'origine :
Bien le bonjour à vous, Lorsque le tout nouveau système de surveillance chinois fait l'objet d'un article dans la presse généralisée, c'est toujours pour parler des effets que celui-ci produit, ou alors pour faire intervenir des gens pour le critiquer. Mais je n'ai pas trouvé de ressources, ni d'éléments, qui m'aident à comprendre les *raisons* qui ont poussé les élites chinoises à mettre en place ce système. Après tout, si le but était juste de surveiller, un système de point social ne ferrait pas son apparition, non ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 12/07/2019 à 14h08
Bonjour,
Commençons par rappeler en quoi consiste ce « système de crédit social », testé en Chine depuis 2014, et qui sera rendu obligatoire en 2020 :
« Le système de " crédit social" mis en place par le pouvoir chinois, consiste en l'attribution d'une note aux citoyens en fonction de leur comportement. Il repose sur la collecte d'une myriade de donnée sur les personnes et les entreprises, de leur comportement dans les transports en commun à leur « moralité » sur les réseaux sociaux, en passant par leur respect du code de la route. Tout cela donne une note agrégée qui permet d’identifier la « qualité » du citoyen et d’en déduire le périmètre de ses droits.
Ainsi les individus dont la note serait trop basse, se verraient alors privés du droit de postuler à certains emplois, d’inscrire leurs enfants dans certaines écoles ou encore de prendre les transports en commun. L’organe de presse du gouvernement chinois, Global Times, déclarait ainsi récemment que 11 millions de personnes avaient été empêchées de prendre l’avion. 4 millions et demi de prendre le train.
[…]Ce système de « crédit social » trouve […] ses origines dans une expérimentation de notation pour accéder au crédit bancaire. Mis en oeuvre par la Banque populaire de Chine, ce système de credit score, consiste en une note, partant de 300 et pouvant atteindre 850, en fonction des informations, récoltées directement auprès du ministère de la sécurité ou de celui des télécommunications.
Sur un modèle bien connu aux Etats-Unis, mais aussi, dans une moindre mesure, en France, la banque réunit une série de données sur le mode de vie ou encore la santé de la personne afin de décider si elle lui accorde un crédit et, si oui, à quel taux d’intérêt.
Validé en 2012 par la Commission pour le développement et la réforme, ce projet s’est ensuite déployé, à partir de 2014, dans une quarantaine de municipalités pilotes, utilisant ces procédés pour valider l’accès à un certain nombre de services. Mais là encore, les autorités chinoises ne se contentent pas d’une simple vérification des activités numériques de leurs citoyens.
Elles se servent notamment des nouvelles technologies de surveillance, déployées peu à peu dans tout le pays. Se servant notamment des logiciels de reconnaissance faciale qui devraient, comme nous l’explique un article du Monde diplomatique, coloniser tous les centres urbains du pays à l’horizon 2020.
Baptisé poétiquement « Filet du ciel », ce système de vidéosurveillance se conjugue au programmes « Yeux perçants » qui doit permettre aux paysans de relier leurs téléviseurs aux caméras de surveillance, de plus en plus présentes dans l’arrière-pays chinois. Un gage de sécurité et de protection, « le plus beau cadeau que l’on puisse faire », selon les mots-mêmes du président Xi-Jinping. »
Source : Surveiller pour punir : la notation des citoyens chinois, franceculture.fr
Dans le cadre de ce système, le gouvernement souhaite rétablir la « confiance » en récompensant les comportements vertueux des entreprises et des individus (et en sanctionnant les comportements qui « rompent la confiance », notamment les fraudes). La finalité est économique :
«Une tentative de moralisation de la vie publique ?
L'un des enjeux du système de Pékin sera "d'optimiser l'environnement économique" en "stimulant l'économie de marché et la créativité sociale", pour citer le plan d'action. Autrement dit,la liste noire ne concerne pas seulement les individus, mais aussi les entreprises, l'objectif étant de favoriser la confiance dans l'économie. Le gouvernement espère ainsi résoudre ses problèmes récurrents de contrefaçon ou de traçabilité des aliments ou des médicaments , selon le South China Morning Post.
Le Conseil des affaires d'État de la Chine, dans sa note initialement publiée en 2014, a justifié la démarche par une volonté de "faire progresser la sincérité et les valeurs traditionnelles", "d'encourager la confiance" et même de "stimuler le progrès de la civilisation" (sic). »
Source : Le crédit social chinois, système de notation des citoyens, sera généralisé dès 2021, sciencesetavenir.fr
« l’objectif-clé de ce projet du gouvernement chinois est derétablir de la « confiance » au sein de la société, et ce, afin d’assainir les transactions économiques . « Il s’agit globalement de diviser ses citoyens en deux catégories : d’un côté, les personnes de confiance, de l’autre, ceux qui la rompent. »
[…]Des systèmes largement biaisés
Les recherches d’Antonia Hmaidi, mais aussi les premiers résultats des expérimentations chinoises, révèlent plusieurs écueils. « A Rongcheng, on s’est aperçu que les personnes référentes reportaient plus d’informations sur les gens qu’ils n’aimaient pas que sur ceux qu’ils appréciaient, prend comme exemple la spécialiste. Et les individus pouvaient remonter leur note en faisant des dons publics. » A l’inverse de l’effet recherché par Pékin, Antonia Hmaidi pointe également une possible érosion du principe de confiance : « Ces systèmes marquent encore plus le fait que soit on appartient au groupe, soit on est un outsider. » Quant à la criminalité, « elle se déplace : les gens vont être vigilants là où ils sont surveillés mais les crimes pourront être commis ailleurs, hors ligne notamment ».
L’an dernier déjà, on redoutait au Chaos Communication Congress les effets d’un système de surveillance à si grande échelle. Antonia Hmaidi s’inquiète également des possibles nouveaux biais qui pourront accompagner le déploiement du SCS. « Ce système va reposer sur un numéro d’identité unique que se voient attribuer les Chinois à la naissance et nécessaire pour tout : acheter un téléphone, faire des démarches administratives, etc. Que se passe-t-il pour ceux qui n’en ont pas ? » Qu’adviendra-t-il aussi des citoyens, souvent ruraux, qui n’ont pas d’accès à Internet ? L’universitaire craint également que ce système ne soit un levier supplémentaire de discrimination envers certaines des cinquante-cinq minorités peuplant le pays « et qui pourraient être mises sous contrôle accru ».
La question des données personnelles des ressortissants chinois se pose également avec le SCS : « Nombre de Chinois sous-évaluent leurs données, n’ont pas conscience qu’ils en produisent. De même avec le système du numéro d’identité unique, il est facile d’avoir accès légalement à un grand nombre de données pour une petite centaine d’euros, y compris de la géolocalisation en temps réel. »
A quelques années du lancement officiel du score de crédit social, les observateurs se demandent encore jusqu’où ira la Chine dans ce vaste système d’évaluation. « On ne sait pas si les citoyens seront amenés à se noter entre eux et comment ils y seront obligés, on ignore s’il s’agira de plusieurs notes ou d’une note unique comme à Rongcheng, jusqu’à quel point les informations seront partagées, rendues publiques. Mais aussi quelle sera l’implication des entreprises dans ce processus », égrène Antonia Hmaidi. De quoi largement alimenter encore les doutes et les scénarios orwelliens. »
Source : En Chine, un système de notation des citoyens encore flou mais aux ébauches effrayantes, lemonde.fr
«Une “société de l’intégrité” inspirée des notations bancaires
En 2014, le gouvernement a publié un “programme-cadre” pour la mise en place d’ici à 2020 d’une “société de l’intégrité”.Car, ces dernières années, la notion de respect des lois n’a pas évolué au même rythme que l’économie en Chine populaire. Nombreux sont les cas d’évasion ou de fraude fiscale, d’exploitation illicite de la main-d’œuvre, de vente de produits alimentaires frelatés, de tromperies sur les diplômes, etc. Des pratiques délétères qui commencent même à “s’exporter”.
Une grande puissance doit se doter d’un soft power ; c’est à ce besoin que souhaite répondre le “système de crédit social”. Il prévoit qu’un individu, une entreprise, voire une administration, puisse être noté en fonction de ses antécédents bancaires, de son comportement social et de ses interventions sur les réseaux sociaux. Cela revient, pour la première fois au monde, à étendre le système de notation des institutions financières occidentales aux différents aspects de la vie sociale, puis à “récompenser l’intégrité” par des avantages, ou au contraire à sanctionner ces mauvais résultats par des restrictions dans tous les domaines, selon un barème prédéterminé. »
Source : En Chine, des systèmes de notation récompensent ou sanctionnent les citoyens, courrierinternational.com
« La première mention connue du projet remonte à la publication du rapport State Council Notice concerning Issuance of the Planning Outline for the Construction of a Social Credit System (2014–2020) par le Conseil des affaires de l'État de la république populaire de Chine le 14 juin 2014. Rogier Creemers, post-doctorant et chercheur au Programme for Comparative Media Law and Policy de l'université d'Oxford, publie alors une traduction du document.
L'objectif de cette initiative, selon le schéma de programmation, est « la sensibilisation à l'intégrité et à la crédibilité au sein de la société ». Le système de crédit social est présenté comme un moyen important de parfaire l'économie socialiste de marché (完善社会主义市场经济体制) ainsi que de renforcer et renouveler la gouvernance de la société (加强和创新社会治理). Le système de crédit social est un exemple de l'approche chinoise dite « de haut-niveau » (顶层设计). Il est coordonné par le Central Leading Small Group for Comprehensively Deepening Reforms. Selon le « schéma de programmation pour la Construction d'un Système de Crédit Social (2014-2020) » émis par le Conseil des affaires de l'État de la république populaire de Chine, le système doit poursuivre quatre objectifs : « l'honnêteté dans les affaires du gouvernement » (政务诚信), « l'intégrité commerciale » (商务诚信), « l'intégrité sociétale » (社会诚信), et « une justice crédible » (司法公信). Si la couverture médiatique a d'abord porté principalement sur la notation des citoyens, qui relève de « l'intégrité sociétale », les plans du gouvernement chinois prévoient d'aller au-delà et d'inclure des scores de crédit pour toutes les entreprises opérant en Chine.
Entre autres choses, le système de crédit social est destiné à fournir une réponse au problème de manque de confiance sur le marché chinois. Ses partisans soutiennent que cela va aider à éliminer les difficultés telles que les problèmes de sécurité alimentaire, de fraude, et les marchandises de contrefaçon.
En juillet 2017, il n'existe que peu d'informations concrètes sur la façon dont ce système pourrait fonctionner dans la pratique. Plusieurs tests du système ont cependant lieu, à l'échelle locale, ainsi que dans des secteurs spécifiques de l'industrie. Ainsi à Shanghai une application utilise le logiciel de reconnaissance faciale pour parcourir les dossiers du gouvernement, et note les utilisateurs en conséquence. Ceux-ci peuvent ensuite accéder à leur score et le publier via les réseaux sociaux. Ces notes se fondent notamment sur le comportement des citoyens chinois en ligne.
170 millions de caméras de vidéosurveillance sont déjà installées en Chine en 2017, et leur nombre doit croître jusqu'à 400 millions en 2020. À Shenzhen, le visage et l'identité des piétons traversant hors des passages cloutés sont affichés sur écran géant jusqu'au paiement de leur amende.
Phase de test depuis 2018
Le gouvernement chinois annonce en mars 2018 qu'une phase de test débute dans le secteur des transports en mai 2018. À cette date, un certain nombre d'incivilités entraîneraient la baisse de la note du citoyen, ce qui lui interdirait de voyager en train et en avion. Selon le quotidien Le Monde, plusieurs millions de citoyens se sont déjà vu imposer des restrictions de transport depuis 2013 « pour n’avoir pas exécuté la décision de justice à laquelle ils ont été condamnés ».
Analyses
Le gouvernement chinois prévoit un système effectif dès 2020. Si le système de crédit social est mis en œuvre comme prévu, il constitue une nouvelle façon de contrôler à la fois le comportement des individus et des entreprises.
La population chinoise aurait une attitude ambivalente envers cette surveillance : « Le système de crédit social n’est pas une mauvaise chose pour la Chine, il y a un vrai besoin. Mais il risque d’être vite utilisé de manière détournée. L’appareil policier s’en sert par exemple pour mieux contrôler des personnes ciblées et non parce qu’elles enfreignent la loi », pour l'avocat Liang Xiaojun.
Selon la sinologue Séverine Arsène, « ce projet est surtout une nouvelle étape vers un mode technocratique et paternaliste de gouvernement, basé sur un dispositif de surveillance et des incitations et contraintes destinées à orienter en temps réel le comportement des individus. Ce système rappelle le dang’an (en), le dossier individuel tenu par l’unité de travail pendant la période maoïste, mais il en diffère fondamentalement par sa vocation à être montré, tant à l’individu ou à l’entreprise, qu’à ses amis et contacts professionnels ».
Selon Rachel Botsman, le processus de ludification est au cœur du système : « le gouvernement tente de faire passer l'obéissance pour un jeu. C'est une méthode de contrôle social déguisée en système de récompense. C'est l'obéissance, mais ludique ».
Jérôme Colombain estime que « c’est aussi un incroyable système numérique totalitaire. C’est le « big data » au service de la surveillance sociale et politique ».
L'ONG Human Rights Watch critique le lien entre le système de crédit social et une politique de justice prédictive testée auprès de la région ouïgoure. Les données recueillies peuvent conduire les personnes dans les camps de rééducation du Xinjiang. »
Source : Wikipedia
Pour aller plus loin :
- Bons et mauvais Chinois : Quand l’État organise la notation de ses citoyens, monde-diplomatique.fr
- Le Crédit Social chinois et le dilemme éthique de la confiance par la notation, Régis Chatellier, Laboratoire d’innovation numérique de la Cnil
- Le système de crédit social en Chine, SciencesPo Medialab
Bonne journée.
Commençons par rappeler en quoi consiste ce « système de crédit social », testé en Chine depuis 2014, et qui sera rendu obligatoire en 2020 :
« Le système de " crédit social" mis en place par le pouvoir chinois, consiste en l'attribution d'une note aux citoyens en fonction de leur comportement. Il repose sur la collecte d'une myriade de donnée sur les personnes et les entreprises, de leur comportement dans les transports en commun à leur « moralité » sur les réseaux sociaux, en passant par leur respect du code de la route. Tout cela donne une note agrégée qui permet d’identifier la « qualité » du citoyen et d’en déduire le périmètre de ses droits.
Ainsi les individus dont la note serait trop basse, se verraient alors privés du droit de postuler à certains emplois, d’inscrire leurs enfants dans certaines écoles ou encore de prendre les transports en commun. L’organe de presse du gouvernement chinois, Global Times, déclarait ainsi récemment que 11 millions de personnes avaient été empêchées de prendre l’avion. 4 millions et demi de prendre le train.
[…]Ce système de « crédit social » trouve […] ses origines dans une expérimentation de notation pour accéder au crédit bancaire. Mis en oeuvre par la Banque populaire de Chine, ce système de credit score, consiste en une note, partant de 300 et pouvant atteindre 850, en fonction des informations, récoltées directement auprès du ministère de la sécurité ou de celui des télécommunications.
Sur un modèle bien connu aux Etats-Unis, mais aussi, dans une moindre mesure, en France, la banque réunit une série de données sur le mode de vie ou encore la santé de la personne afin de décider si elle lui accorde un crédit et, si oui, à quel taux d’intérêt.
Validé en 2012 par la Commission pour le développement et la réforme, ce projet s’est ensuite déployé, à partir de 2014, dans une quarantaine de municipalités pilotes, utilisant ces procédés pour valider l’accès à un certain nombre de services. Mais là encore, les autorités chinoises ne se contentent pas d’une simple vérification des activités numériques de leurs citoyens.
Elles se servent notamment des nouvelles technologies de surveillance, déployées peu à peu dans tout le pays. Se servant notamment des logiciels de reconnaissance faciale qui devraient, comme nous l’explique un article du Monde diplomatique, coloniser tous les centres urbains du pays à l’horizon 2020.
Baptisé poétiquement « Filet du ciel », ce système de vidéosurveillance se conjugue au programmes « Yeux perçants » qui doit permettre aux paysans de relier leurs téléviseurs aux caméras de surveillance, de plus en plus présentes dans l’arrière-pays chinois. Un gage de sécurité et de protection, « le plus beau cadeau que l’on puisse faire », selon les mots-mêmes du président Xi-Jinping. »
Source : Surveiller pour punir : la notation des citoyens chinois, franceculture.fr
Dans le cadre de ce système, le gouvernement souhaite rétablir la « confiance » en récompensant les comportements vertueux des entreprises et des individus (et en sanctionnant les comportements qui « rompent la confiance », notamment les fraudes). La finalité est économique :
«
L'un des enjeux du système de Pékin sera "d'optimiser l'environnement économique" en "stimulant l'économie de marché et la créativité sociale", pour citer le plan d'action. Autrement dit,
Le Conseil des affaires d'État de la Chine, dans sa note initialement publiée en 2014, a justifié la démarche par une volonté de "faire progresser la sincérité et les valeurs traditionnelles", "d'encourager la confiance" et même de "stimuler le progrès de la civilisation" (sic). »
Source : Le crédit social chinois, système de notation des citoyens, sera généralisé dès 2021, sciencesetavenir.fr
« l’objectif-clé de ce projet du gouvernement chinois est de
[…]
Les recherches d’Antonia Hmaidi, mais aussi les premiers résultats des expérimentations chinoises, révèlent plusieurs écueils. « A Rongcheng, on s’est aperçu que les personnes référentes reportaient plus d’informations sur les gens qu’ils n’aimaient pas que sur ceux qu’ils appréciaient, prend comme exemple la spécialiste. Et les individus pouvaient remonter leur note en faisant des dons publics. » A l’inverse de l’effet recherché par Pékin, Antonia Hmaidi pointe également une possible érosion du principe de confiance : « Ces systèmes marquent encore plus le fait que soit on appartient au groupe, soit on est un outsider. » Quant à la criminalité, « elle se déplace : les gens vont être vigilants là où ils sont surveillés mais les crimes pourront être commis ailleurs, hors ligne notamment ».
L’an dernier déjà, on redoutait au Chaos Communication Congress les effets d’un système de surveillance à si grande échelle. Antonia Hmaidi s’inquiète également des possibles nouveaux biais qui pourront accompagner le déploiement du SCS. « Ce système va reposer sur un numéro d’identité unique que se voient attribuer les Chinois à la naissance et nécessaire pour tout : acheter un téléphone, faire des démarches administratives, etc. Que se passe-t-il pour ceux qui n’en ont pas ? » Qu’adviendra-t-il aussi des citoyens, souvent ruraux, qui n’ont pas d’accès à Internet ? L’universitaire craint également que ce système ne soit un levier supplémentaire de discrimination envers certaines des cinquante-cinq minorités peuplant le pays « et qui pourraient être mises sous contrôle accru ».
La question des données personnelles des ressortissants chinois se pose également avec le SCS : « Nombre de Chinois sous-évaluent leurs données, n’ont pas conscience qu’ils en produisent. De même avec le système du numéro d’identité unique, il est facile d’avoir accès légalement à un grand nombre de données pour une petite centaine d’euros, y compris de la géolocalisation en temps réel. »
A quelques années du lancement officiel du score de crédit social, les observateurs se demandent encore jusqu’où ira la Chine dans ce vaste système d’évaluation. « On ne sait pas si les citoyens seront amenés à se noter entre eux et comment ils y seront obligés, on ignore s’il s’agira de plusieurs notes ou d’une note unique comme à Rongcheng, jusqu’à quel point les informations seront partagées, rendues publiques. Mais aussi quelle sera l’implication des entreprises dans ce processus », égrène Antonia Hmaidi. De quoi largement alimenter encore les doutes et les scénarios orwelliens. »
Source : En Chine, un système de notation des citoyens encore flou mais aux ébauches effrayantes, lemonde.fr
«
En 2014, le gouvernement a publié un “programme-cadre” pour la mise en place d’ici à 2020 d’une “société de l’intégrité”.
Une grande puissance doit se doter d’un soft power ; c’est à ce besoin que souhaite répondre le “système de crédit social”. Il prévoit qu’un individu, une entreprise, voire une administration, puisse être noté en fonction de ses antécédents bancaires, de son comportement social et de ses interventions sur les réseaux sociaux. Cela revient, pour la première fois au monde, à étendre le système de notation des institutions financières occidentales aux différents aspects de la vie sociale, puis à “récompenser l’intégrité” par des avantages, ou au contraire à sanctionner ces mauvais résultats par des restrictions dans tous les domaines, selon un barème prédéterminé. »
Source : En Chine, des systèmes de notation récompensent ou sanctionnent les citoyens, courrierinternational.com
« La première mention connue du projet remonte à la publication du rapport State Council Notice concerning Issuance of the Planning Outline for the Construction of a Social Credit System (2014–2020) par le Conseil des affaires de l'État de la république populaire de Chine le 14 juin 2014. Rogier Creemers, post-doctorant et chercheur au Programme for Comparative Media Law and Policy de l'université d'Oxford, publie alors une traduction du document.
L'objectif de cette initiative, selon le schéma de programmation, est « la sensibilisation à l'intégrité et à la crédibilité au sein de la société ». Le système de crédit social est présenté comme un moyen important de parfaire l'économie socialiste de marché (完善社会主义市场经济体制) ainsi que de renforcer et renouveler la gouvernance de la société (加强和创新社会治理). Le système de crédit social est un exemple de l'approche chinoise dite « de haut-niveau » (顶层设计). Il est coordonné par le Central Leading Small Group for Comprehensively Deepening Reforms. Selon le « schéma de programmation pour la Construction d'un Système de Crédit Social (2014-2020) » émis par le Conseil des affaires de l'État de la république populaire de Chine, le système doit poursuivre quatre objectifs : « l'honnêteté dans les affaires du gouvernement » (政务诚信), « l'intégrité commerciale » (商务诚信), « l'intégrité sociétale » (社会诚信), et « une justice crédible » (司法公信). Si la couverture médiatique a d'abord porté principalement sur la notation des citoyens, qui relève de « l'intégrité sociétale », les plans du gouvernement chinois prévoient d'aller au-delà et d'inclure des scores de crédit pour toutes les entreprises opérant en Chine.
Entre autres choses, le système de crédit social est destiné à fournir une réponse au problème de manque de confiance sur le marché chinois. Ses partisans soutiennent que cela va aider à éliminer les difficultés telles que les problèmes de sécurité alimentaire, de fraude, et les marchandises de contrefaçon.
En juillet 2017, il n'existe que peu d'informations concrètes sur la façon dont ce système pourrait fonctionner dans la pratique. Plusieurs tests du système ont cependant lieu, à l'échelle locale, ainsi que dans des secteurs spécifiques de l'industrie. Ainsi à Shanghai une application utilise le logiciel de reconnaissance faciale pour parcourir les dossiers du gouvernement, et note les utilisateurs en conséquence. Ceux-ci peuvent ensuite accéder à leur score et le publier via les réseaux sociaux. Ces notes se fondent notamment sur le comportement des citoyens chinois en ligne.
170 millions de caméras de vidéosurveillance sont déjà installées en Chine en 2017, et leur nombre doit croître jusqu'à 400 millions en 2020. À Shenzhen, le visage et l'identité des piétons traversant hors des passages cloutés sont affichés sur écran géant jusqu'au paiement de leur amende.
Le gouvernement chinois annonce en mars 2018 qu'une phase de test débute dans le secteur des transports en mai 2018. À cette date, un certain nombre d'incivilités entraîneraient la baisse de la note du citoyen, ce qui lui interdirait de voyager en train et en avion. Selon le quotidien Le Monde, plusieurs millions de citoyens se sont déjà vu imposer des restrictions de transport depuis 2013 « pour n’avoir pas exécuté la décision de justice à laquelle ils ont été condamnés ».
Le gouvernement chinois prévoit un système effectif dès 2020. Si le système de crédit social est mis en œuvre comme prévu, il constitue une nouvelle façon de contrôler à la fois le comportement des individus et des entreprises.
La population chinoise aurait une attitude ambivalente envers cette surveillance : « Le système de crédit social n’est pas une mauvaise chose pour la Chine, il y a un vrai besoin. Mais il risque d’être vite utilisé de manière détournée. L’appareil policier s’en sert par exemple pour mieux contrôler des personnes ciblées et non parce qu’elles enfreignent la loi », pour l'avocat Liang Xiaojun.
Selon la sinologue Séverine Arsène, « ce projet est surtout une nouvelle étape vers un mode technocratique et paternaliste de gouvernement, basé sur un dispositif de surveillance et des incitations et contraintes destinées à orienter en temps réel le comportement des individus. Ce système rappelle le dang’an (en), le dossier individuel tenu par l’unité de travail pendant la période maoïste, mais il en diffère fondamentalement par sa vocation à être montré, tant à l’individu ou à l’entreprise, qu’à ses amis et contacts professionnels ».
Selon Rachel Botsman, le processus de ludification est au cœur du système : « le gouvernement tente de faire passer l'obéissance pour un jeu. C'est une méthode de contrôle social déguisée en système de récompense. C'est l'obéissance, mais ludique ».
Jérôme Colombain estime que « c’est aussi un incroyable système numérique totalitaire. C’est le « big data » au service de la surveillance sociale et politique ».
L'ONG Human Rights Watch critique le lien entre le système de crédit social et une politique de justice prédictive testée auprès de la région ouïgoure. Les données recueillies peuvent conduire les personnes dans les camps de rééducation du Xinjiang. »
Source : Wikipedia
- Bons et mauvais Chinois : Quand l’État organise la notation de ses citoyens, monde-diplomatique.fr
- Le Crédit Social chinois et le dilemme éthique de la confiance par la notation, Régis Chatellier, Laboratoire d’innovation numérique de la Cnil
- Le système de crédit social en Chine, SciencesPo Medialab
Bonne journée.
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