Ces femmes qui monopolisent la conversation...
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 17/07/2019 à 07h37
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Question d'origine :
Bonjour,
J'ai lu sur Twitter l'affirmation suivante :
"Dans des expériences faites dans monde anglophone si une femme parle plus que 30% du temps (dans un conversation à 2), ou plus que "la moitié moins" que ce que causent les hommes, elle monopolise la conversation".
Auriez-vous plus d'informations sur les expériences en question ? Est-ce que cela concerne le monde professionnel ou pas spécialement ?
Merci pour votre réponse et pour l'ensemble de votre œuvre !
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 18/07/2019 à 10h15
Bonjour,
Toutes les ressources que nous trouvons au sujet de la perception de la répartition de la parole dans une conversation entre un homme et une femme semblent pointer vers la même étude, publiée par Anne Cutler et Donia R. Scott en 1990 : Speaker sex and perceived apportionment of talk.
(vous trouverez une reproduction de l’article ici)
Voici un résumé en français donné par la chercheuse Maria Candea :
« Le point de départ était le constat, alimenté par des études sur les interactions verbales (conversations en groupe, réunions de travail ou réunions politiques), du fait que les hommes parlent plus souvent et plus longtemps que les femmes et le décalage relevé entre ce constat et le stéréotype courant selon lequel les femmes seraient plus bavardes que les hommes. Les auteures ont imaginé un dispositif qui puisse justement rendre visible le rôle de ce stéréotype connu et largement partagé. Plus précisément, Cutler et Scott ont présenté à leurs sujets quatre dialogues joués par des binômes d’acteurs selon des combinaisons différentes: 1) deux femmes 2) deux hommes 3) un homme et une femme 4) une femme et un homme. La durée de parole de chaque locuteur était rigoureusement identique. Dans les deux dernières combinaisons mixtes les rôles étaient échangés, pour annuler tout biais en rapport avec le contenu linguistique. Les juges, hommes et femmes, devaient écouter ces dialogues et estimer à chaque fois quel locuteur avait parlé le plus longtemps. Les résultats ont été significatifs :
– lorsque les dialogues étaient non mixtes (H‐H et F‐F), les juges ont estimé que les locuteurs avaient parlé aussi longtemps
– lorsque les dialogues étaient mixtes, les juges, hommes et femmes, ont estimé que la locutrice F avait parlé le plus longtemps, même si le temps de parole de A et B était strictement identique.
Les auteurs ont également décelé un effet significatif du genre de la personne qui menait l’enquête et qui incarnait donc « la recherche ».
Deux hypothèses explicatives sont proposées par Cutler et Scott. La première tente de raisonner à partir des tendances différentes des tessitures des voix : lorsqu'une personne, homme ou femme, est sujette à une émotion, la voix s'élève et le débit augmente, ce qui pourrait favoriser une association automatique entre hauteur de la voix et débit rapide; comme les femmes ont une voix en moyenne plus haute, on aurait donc l'impression qu'elles parlent davantage et plus vite. La deuxième est plus générale : le stéréotype est partagé par la majorité des juges et il s’alimente tout seul. »
Ainsi, non seulement les femmes parlent moins qu’on ne le perçoit (et ce de manière systématique, quel que soit le contexte), mais dans certaines situations, ce sont les hommes qui ont tendance à monopoliser la parole.
Dans une étude de 2007, Campbell Leaper et Melanie M. Ayres s’intéressent à l’influence du contexte sur la prise de parole des hommes et des femmes : A Meta-Analytic Review of Gender Variations in Adults' Language Use: Talkativeness, Affiliative Speech, and Assertive Speech. Vous en trouverez une brève présentation (en anglais) dans cet article de Livescience : Men talk more than women.
Dans un article du Times de 2017, Deborah Tannon cite plusieurs travaux qui mettent en lumière le fait que les hommes ont tendance à parler plus souvent, plus longtemps, et à davantage interrompre leurs interlocutrices dans un contexte professionnel, public, scolaire, et dans des discussions en ligne : The Truth About How Much Women Talk — and Whether Men Listen.
Si vous souhaitez aller plus loin, vous trouverez aussi des références d’études sur le genre et la répartition de la parole dans les liens suivants :
- Language Ideologies: Do Women Really Talk More Than Men? Erin Donnelly
- Why do women talk so much? You asked Google – here’s the answer, Nichi Hodgson
- Communications : speech, Routledge International Encyclopedia of Women: Global Women's Issues and Knowledge[/url], Cheris Kramarae, Dale Spender
Bonne journée.
Toutes les ressources que nous trouvons au sujet de la perception de la répartition de la parole dans une conversation entre un homme et une femme semblent pointer vers la même étude, publiée par Anne Cutler et Donia R. Scott en 1990 : Speaker sex and perceived apportionment of talk.
(vous trouverez une reproduction de l’article ici)
Voici un résumé en français donné par la chercheuse Maria Candea :
« Le point de départ était le constat, alimenté par des études sur les interactions verbales (conversations en groupe, réunions de travail ou réunions politiques), du fait que les hommes parlent plus souvent et plus longtemps que les femmes et le décalage relevé entre ce constat et le stéréotype courant selon lequel les femmes seraient plus bavardes que les hommes. Les auteures ont imaginé un dispositif qui puisse justement rendre visible le rôle de ce stéréotype connu et largement partagé. Plus précisément, Cutler et Scott ont présenté à leurs sujets quatre dialogues joués par des binômes d’acteurs selon des combinaisons différentes: 1) deux femmes 2) deux hommes 3) un homme et une femme 4) une femme et un homme. La durée de parole de chaque locuteur était rigoureusement identique. Dans les deux dernières combinaisons mixtes les rôles étaient échangés, pour annuler tout biais en rapport avec le contenu linguistique. Les juges, hommes et femmes, devaient écouter ces dialogues et estimer à chaque fois quel locuteur avait parlé le plus longtemps. Les résultats ont été significatifs :
– lorsque les dialogues étaient non mixtes (H‐H et F‐F), les juges ont estimé que les locuteurs avaient parlé aussi longtemps
– lorsque les dialogues étaient mixtes, les juges, hommes et femmes, ont estimé que la locutrice F avait parlé le plus longtemps, même si le temps de parole de A et B était strictement identique.
Les auteurs ont également décelé un effet significatif du genre de la personne qui menait l’enquête et qui incarnait donc « la recherche ».
Deux hypothèses explicatives sont proposées par Cutler et Scott. La première tente de raisonner à partir des tendances différentes des tessitures des voix : lorsqu'une personne, homme ou femme, est sujette à une émotion, la voix s'élève et le débit augmente, ce qui pourrait favoriser une association automatique entre hauteur de la voix et débit rapide; comme les femmes ont une voix en moyenne plus haute, on aurait donc l'impression qu'elles parlent davantage et plus vite. La deuxième est plus générale : le stéréotype est partagé par la majorité des juges et il s’alimente tout seul. »
Ainsi, non seulement les femmes parlent moins qu’on ne le perçoit (et ce de manière systématique, quel que soit le contexte), mais dans certaines situations, ce sont les hommes qui ont tendance à monopoliser la parole.
Dans une étude de 2007, Campbell Leaper et Melanie M. Ayres s’intéressent à l’influence du contexte sur la prise de parole des hommes et des femmes : A Meta-Analytic Review of Gender Variations in Adults' Language Use: Talkativeness, Affiliative Speech, and Assertive Speech. Vous en trouverez une brève présentation (en anglais) dans cet article de Livescience : Men talk more than women.
Dans un article du Times de 2017, Deborah Tannon cite plusieurs travaux qui mettent en lumière le fait que les hommes ont tendance à parler plus souvent, plus longtemps, et à davantage interrompre leurs interlocutrices dans un contexte professionnel, public, scolaire, et dans des discussions en ligne : The Truth About How Much Women Talk — and Whether Men Listen.
Si vous souhaitez aller plus loin, vous trouverez aussi des références d’études sur le genre et la répartition de la parole dans les liens suivants :
- Language Ideologies: Do Women Really Talk More Than Men? Erin Donnelly
- Why do women talk so much? You asked Google – here’s the answer, Nichi Hodgson
- Communications : speech, Routledge International Encyclopedia of Women: Global Women's Issues and Knowledge[/url], Cheris Kramarae, Dale Spender
Bonne journée.
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