Question d'origine :
Bonjour,
Quel est l’historique de l’apartheid au monde et pourquoi il a vécu longtemps aux Etats unis et en Afrique de sud ?
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 18/07/2019 à 15h00
Bonjour,
L'apartheid désigne le "Régime de ségrégation systématique des populations de couleur appliqué en Afrique du Sud entre 1913 et 1991". (Larousse)
Le Dictionnaire des racismes, de l'exclusion et des discriminations publié sous la direction d'Esther Benbassa nous propose une définition et un historique de l’apartheid :
"Apartheid : mot afrikans, littéralement "mise à part", qui désigne la séparation raciale instaurée à partir de 1948 en Afrique du Sud entre la classe blanche dirigeante et la population noire, à la suite de la victoire du parti nationaliste afrikaner de Daniel Malan (1948-1954), pasteur de l’Église néerlandaise réformée .
Cette politique reposait sur une idéologie raciste elle-même fondée sur le mythe du peuple afrikaner «élu», sur la crainte du métissage et sur la peur du Noir. La mise en œuvre de l'apartheid s'est appuyée sur les lois ségrégationnistes de 1910 réservant notamment l'accès du Parlement aux seuls Blancs, et sur le Native Land Act de 1913 interdisant aux Noirs de devenir propriétaires hors des réserves qui leur avaient été allouées.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les nationalistes afrikaners, influencés par les idéologies totalitaires européennes, substituent une séparation verticale à la séparation horizontale entre les races. Cette stratification sociale est longtemps soutenue par les pasteurs des Églises réformées qui lui donnent une caution morale.
Dès 1949, une loi interdit les mariages entre Blancs et non-Blancs, complétée en 1967 par l'invalidation des unions mixtes contractées à l'étranger.
En 1950, le Population Registration Act (aboli en 1991) définit quatre grands groupes de population, les Blancs, minoritaires, les Bantous ou Noirs, majoritaires, les Asiatiques (en grande partie des Indiens) et les Coloured ou les métis, et sert à mettre en œuvre le volumineux appareil législatif de « développement séparé et parallèle ».
L'apartheid sévit dans tous les domaines de l'existence.
La ségrégation résidentielle est instituée par le Group Areas Act de 1950 et renforcée par des lois diverses.
La séparation dans la vie économique et professionnelle accentue encore les discriminations à l'endroit des non-Blancs. Avec le Réservation of Separate Amenities Act de 1953, chaque activité du quotidien est codifiée par des lois précises, jusqu'à l'usage des transports ou des bancs publics ; rien n'échappe à la ségrégation raciale, y compris l'éducation.
Le Promotion of Bantu Self-Government-Act promulgué en 1959 prétend autonomiser les bantoustans, ces régions du pays entièrement dédiées aux Bantous qui prennent le relais des réserves, créées dès les années 1850. Il s'agit en fait de circonscrire les zones concernées, d'orienter leur développement dans le cadre d'une économie spécifiquement agraire et de leur conférer une autonomie administrative. Les terres allouées, en général les plus pauvres, surpeuplées, couvrent à la fin des années 1970 autour de 13 % du territoire de la République. Dix bantoustans sont ainsi créés. L'objectif, à la fois politique et géopolitique est une balkanisation susceptible de priver à la longue les Bantous leur citoyenneté sud-africaine.
Si un certain climat insurrectionnel se développe à partir de la deuxième moitié des années 1970 (voir par exemple les sanglantes émeutes Soweto en 1976), il faut attendre le début de la décennie 1990, la fin de la guerre froide, les difficultés économiques et surtout les pressions internationales pour que le nouveau président de la République, Frederik W. De Klerk, annonce des réformes fondamentales et engage des négociations avec l'African National Congress (ANC) devant conduire l'abandon de l'apartheid. À l'issue des premières élections multiracial Nelson Mandela lui succède en 1994. Il est le premier président noir de l'Afrique du Sud. "
Nous vous renvoyons à notre récente réponse sur le lien entre la Fin de l’apartheid et chute du communisme.
" L'abolition de l'apartheid est la conséquence d'une conjonction de facteurs : d'une part, les pressions exercées par la communauté internationale sur le gouvernement sud-africain depuis le milieu des années 1960, d'autre part, la volonté réformiste d'une partie de la communauté blanche et, enfin, le combat mené par les victimes de l'apartheid contre la discrimination raciale." (Universalis)
La ségrégation raciale a également sévi aux États-Unis de manière institutionnelle durant de nombreuses décennies :
" Sous différentes formes et à travers de multiples systèmes légaux, que l'on pourrait qualifier de "structures ou institutions légales", la ségrégation raciale a traversé l'histoire des États-Unis.Ancrée dans l'esclavage, elle a imprégné toute la société, marquant en profondeur la vie politique, culturelle, économique et sociale. Les lois instituant la ségrégation n'étaient pas homogènes et elles ont trouvé leur expression la plus extrême au cours des XIXe et XXe siècles dans les États du Sud. Jusque dans les années 1960, la ségrégation raciale existe et persiste dans l'ensemble du pays - les États du Nord-Est, les plaines et l'Ouest -, souvent avec un appui officiel et législatif.
En Amérique du Nord, au début de l'ère coloniale, règne une certaine fluidité raciale qui disparaît au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. L'esclavage s'enracine alors dans la société et l'adoption de lois discriminatoires limite l'accès des Noirs à l'éducation, aux professions et à la vie politique.La structure politique des États-Unis - qui octroie aux États un pouvoir politique et législatif important - rend possible la persistance autant que la diversité des lois ségrégatives. Si la Révolution américaine incite quelques États du Nord à initier l'abolition de l'esclavage, celui-ci reste protégé par la Constitution fédérale et domine l'économie du Sud du pays. En 1857, dans l'affaire Dred Scott vs Sandford, la Cour suprême des États-Unis déclare qu'un Noir ne peut en aucun cas être un citoyen.
Après la guerre de Sécession (1861-1865), cette décision est renversée par trois amendements"" à la Constitution. Le XIIIe amendement" abolit l'esclavage, le XIVe considère comme citoyen tout individu né aux Etats-Unis, et le XVe stipule que le droit de vote ne peut être dénié sur la base de la race, de la couleur ou de la qualité d'esclave. Durant les années qui suivent, le gouvernement et les troupes fédérales occupant les États du Sud - parmi lesquels se trouvent nombre de soldats noirs - tentent de créer une nouvelle vie politique égalitaire. Mais la période de "Reconstruction" (1865-1877) est courte. Une contre-révolution raciste émerge, et lorsqu'en 1877 le gouvernement fédéral retire ses troupes, le système «Jim Crow » s'installe. Les États contournent les amendements delà Constitution, utilisant des techniques variées pour dénier le droit de vote aux Noirs. Ces derniers se trouvent en outre assujettis à un régime de ségrégation raciale en ce qui concerne le logement, les écoles et les institutions publiques (piscines, transports, plages). Le Ku Klux Klan, milice raciste, s'implante au Sud et dans d'autres régions, terrorisant ceux qui critiquent ou transgressent les hiérarchies raciales.
Parallèlement aux vagues d'immigrants européens, beaucoup de Noirs s'installent dans les villes industrielles du Nord. Une politique de ségrégation est mise en œuvre sur le plan résidentiel et est maintenue par différentes tactiques législatives et financières. Jusque dans les années 1960, dans beaucoup de villes des États-Unis, les propriétaires signent des contrats les engageant à ne pas vendre leurs biens à de potentiels acheteurs noirs.
La lutte contre la ségrégation prend des aspects multiples.
[...]
Durant les Première et Seconde Guerres mondiales, nombre de Noirs intègrent une armée où sévit la ségrégation et, à leur retour, cer¬tains militent contre cette dernière. Finalement, en 1948, à l'aube de la guerre froide, le président Harry S. Truman (1945-1953) annonce la déségrégation de l'armée. Durant les années qui suivent, plusieurs groupes contestent la doctrine du «séparé mais égal», notamment Thurogood Marshall (1903-1993), avocat pour la National* Association for the Advancement ofColored People (NAACP). En 1954, dans l'affaire Brown vs Board of Education of Topeka, la Cour suprême déclare que les écoles et universités « séparées » ne peuvent jamais être « égales », et qu'en conséquence la ségrégation viole la Constitution. En 1955, Rosa Parks (1913-2005), l'organisation de Martin Luther King* Jr. et des centaines d'autres militants s'attaquent à la ségrégation dans les transports publics. En 1964, avec le Civil Rights Act, la discrimination raciale par les États dans l'espace public est reconnue comme une infraction. En 1968, la ségrégation résidentielle est déclarée illégale par le gouvernement fédéral. Malgré ces lois, la ségrégation raciale de fait persiste aujourd'hui, sans base légale, dans beaucoup de régions des États-Unis. "
Poser la question de la durée de cette ségrégation où qu'elle soit, revient à poser la question de l'existence du racisme.
"Les discriminations raciales institutionnelles, comme l'esclavage des Noirs aux États-Unis au XIXe siècle ou l'apartheid en vigueur en Afrique du Sud de 1949 à 1991, sont aujourd'hui abolies dans l'ensemble des pays du monde. Cela n'empêche pas les discriminations raciales et religieuses de demeurer très présentes dans les us et coutumes de bon nombre de pays pauvres. Même dans les pays développés, les discriminations raciales existent toujours."
A lire aussi :
- Universalis : Apartheid
- Univsersalis : Noirs américains
- Dictionnaire historique et critique du racisme / sous la direction de Pierre-André Taguieff
Bonne journée.
L'
Le Dictionnaire des racismes, de l'exclusion et des discriminations publié sous la direction d'Esther Benbassa nous propose une définition et un historique de l’apartheid :
"
Cette politique reposait sur une idéologie raciste elle-même fondée sur le mythe du peuple afrikaner «élu», sur la crainte du métissage et sur la peur du Noir. La mise en œuvre de l'apartheid s'est appuyée sur les lois ségrégationnistes de 1910 réservant notamment l'accès du Parlement aux seuls Blancs, et sur le Native Land Act de 1913 interdisant aux Noirs de devenir propriétaires hors des réserves qui leur avaient été allouées.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les nationalistes afrikaners, influencés par les idéologies totalitaires européennes, substituent une séparation verticale à la séparation horizontale entre les races. Cette stratification sociale est longtemps soutenue par les pasteurs des Églises réformées qui lui donnent une caution morale.
Dès 1949, une loi interdit les mariages entre Blancs et non-Blancs, complétée en 1967 par l'invalidation des unions mixtes contractées à l'étranger.
En 1950, le Population Registration Act (aboli en 1991) définit quatre grands groupes de population, les Blancs, minoritaires, les Bantous ou Noirs, majoritaires, les Asiatiques (en grande partie des Indiens) et les Coloured ou les métis, et sert à mettre en œuvre le volumineux appareil législatif de « développement séparé et parallèle ».
L'apartheid sévit dans tous les domaines de l'existence.
La ségrégation résidentielle est instituée par le Group Areas Act de 1950 et renforcée par des lois diverses.
La séparation dans la vie économique et professionnelle accentue encore les discriminations à l'endroit des non-Blancs. Avec le Réservation of Separate Amenities Act de 1953, chaque activité du quotidien est codifiée par des lois précises, jusqu'à l'usage des transports ou des bancs publics ; rien n'échappe à la ségrégation raciale, y compris l'éducation.
Le Promotion of Bantu Self-Government-Act promulgué en 1959 prétend autonomiser les bantoustans, ces régions du pays entièrement dédiées aux Bantous qui prennent le relais des réserves, créées dès les années 1850. Il s'agit en fait de circonscrire les zones concernées, d'orienter leur développement dans le cadre d'une économie spécifiquement agraire et de leur conférer une autonomie administrative. Les terres allouées, en général les plus pauvres, surpeuplées, couvrent à la fin des années 1970 autour de 13 % du territoire de la République. Dix bantoustans sont ainsi créés. L'objectif, à la fois politique et géopolitique est une balkanisation susceptible de priver à la longue les Bantous leur citoyenneté sud-africaine.
Nous vous renvoyons à notre récente réponse sur le lien entre la Fin de l’apartheid et chute du communisme.
" L'abolition de l'apartheid est la conséquence d'une conjonction de facteurs : d'une part, les pressions exercées par la communauté internationale sur le gouvernement sud-africain depuis le milieu des années 1960, d'autre part, la volonté réformiste d'une partie de la communauté blanche et, enfin, le combat mené par les victimes de l'apartheid contre la discrimination raciale." (Universalis)
La ségrégation raciale a également sévi aux États-Unis de manière institutionnelle durant de nombreuses décennies :
" Sous différentes formes et à travers de multiples systèmes légaux, que l'on pourrait qualifier de "structures ou institutions légales", la ségrégation raciale a traversé l'histoire des États-Unis.
En Amérique du Nord, au début de l'ère coloniale, règne une certaine fluidité raciale qui disparaît au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. L'esclavage s'enracine alors dans la société et l'adoption de lois discriminatoires limite l'accès des Noirs à l'éducation, aux professions et à la vie politique.
Après la guerre de Sécession (1861-1865), cette décision est renversée par trois amendements"" à la Constitution. Le XIIIe amendement" abolit l'esclavage, le XIVe considère comme citoyen tout individu né aux Etats-Unis, et le XVe stipule que le droit de vote ne peut être dénié sur la base de la race, de la couleur ou de la qualité d'esclave. Durant les années qui suivent, le gouvernement et les troupes fédérales occupant les États du Sud - parmi lesquels se trouvent nombre de soldats noirs - tentent de créer une nouvelle vie politique égalitaire. Mais la période de "Reconstruction" (1865-1877) est courte. Une contre-révolution raciste émerge, et lorsqu'en 1877 le gouvernement fédéral retire ses troupes, le système «Jim Crow » s'installe. Les États contournent les amendements delà Constitution, utilisant des techniques variées pour dénier le droit de vote aux Noirs. Ces derniers se trouvent en outre assujettis à un régime de ségrégation raciale en ce qui concerne le logement, les écoles et les institutions publiques (piscines, transports, plages). Le Ku Klux Klan, milice raciste, s'implante au Sud et dans d'autres régions, terrorisant ceux qui critiquent ou transgressent les hiérarchies raciales.
Parallèlement aux vagues d'immigrants européens, beaucoup de Noirs s'installent dans les villes industrielles du Nord. Une politique de ségrégation est mise en œuvre sur le plan résidentiel et est maintenue par différentes tactiques législatives et financières. Jusque dans les années 1960, dans beaucoup de villes des États-Unis, les propriétaires signent des contrats les engageant à ne pas vendre leurs biens à de potentiels acheteurs noirs.
La lutte contre la ségrégation prend des aspects multiples.
[...]
Durant les Première et Seconde Guerres mondiales, nombre de Noirs intègrent une armée où sévit la ségrégation et, à leur retour, cer¬tains militent contre cette dernière. Finalement, en 1948, à l'aube de la guerre froide, le président Harry S. Truman (1945-1953) annonce la déségrégation de l'armée. Durant les années qui suivent, plusieurs groupes contestent la doctrine du «séparé mais égal», notamment Thurogood Marshall (1903-1993), avocat pour la National* Association for the Advancement ofColored People (NAACP). En 1954, dans l'affaire Brown vs Board of Education of Topeka, la Cour suprême déclare que les écoles et universités « séparées » ne peuvent jamais être « égales », et qu'en conséquence la ségrégation viole la Constitution. En 1955, Rosa Parks (1913-2005), l'organisation de Martin Luther King* Jr. et des centaines d'autres militants s'attaquent à la ségrégation dans les transports publics. En 1964, avec le Civil Rights Act, la discrimination raciale par les États dans l'espace public est reconnue comme une infraction. En 1968, la ségrégation résidentielle est déclarée illégale par le gouvernement fédéral. Malgré ces lois, la ségrégation raciale de fait persiste aujourd'hui, sans base légale, dans beaucoup de régions des États-Unis. "
Poser la question de la durée de cette ségrégation où qu'elle soit, revient à poser la question de l'existence du racisme.
"Les discriminations raciales institutionnelles, comme l'esclavage des Noirs aux États-Unis au XIXe siècle ou l'apartheid en vigueur en Afrique du Sud de 1949 à 1991, sont aujourd'hui abolies dans l'ensemble des pays du monde. Cela n'empêche pas les discriminations raciales et religieuses de demeurer très présentes dans les us et coutumes de bon nombre de pays pauvres. Même dans les pays développés, les discriminations raciales existent toujours."
A lire aussi :
- Universalis : Apartheid
- Univsersalis : Noirs américains
- Dictionnaire historique et critique du racisme / sous la direction de Pierre-André Taguieff
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter