Question d'origine :
Bonjour,
Quels sont les mécanismes intellectuels qui amènent un être humain à choisir et à s'investir dans une cause ?
Merci !
L'indécis.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 04/09/2019 à 09h00
Bonjour,
Tout d’abord, nous vous prions de nous excuser pour cette réponse tardive, bien au-delà des 72h habituelles au Guichet du savoir : la bibliothèque de la Part-Dieu ayant été fermée de jeudi en fin de journée à ce lundi, nous n’avons pu travailler à vous répondre.
Concernant votre question, qui pourrait être abordée de multiples manières, la psychologie sociale livre des éléments de réponse intéressants.
Le site psychologie-sociale.com, animé par une psychosociologue, fait état des théories de l’engagement, compris comme « le lien qui unit l’individu à ses actes comportementaux », selon la définition de Charles Kiesler.
Globalement, il existerait « 5 facteurs permettant de moduler la force du lien qui existe entre la personne et ce qu'elle fait.
1. Le caractère public ou privé de l’acte (Il est plus engageant de faire quelque chose sous le regard d’autrui que dans l’anonymat)
2. Le fait de répéter un acte est plus engageant pour une personne que de le faire une seule fois.
3. Le caractère irréversible ou réversible de l’acte. Plus la personne perçoit qu’elle ne pourra pas faire marche arrière (sentiment qu’elle ne pourra plus revenir sur le comportement qu’elle est sur le point d’émettre), plus elle est engagée.
4. Le caractère coûteux ou non coûteux de l’acte. Pour avoir toutes les chances d’être accepté, un acte coûteux doit être précédé d’un acte moins coûteux. Aussi, pour faire accepter un acte moins coûteux, il est préférable d’amener préalablement les personnes à refuser un acte très coûteux.
5. Le sentiment de liberté. Plus la personne se voit libre de faire ou de ne pas faire, plus elle fera. La simple évocation de ce sentiment par l’expérimentateur : « vous êtes libre de … » amènent davantage les personnes à accepter l’acte ».
Ces 5 critères généraux concourent ainsi à ce que quelqu’un s’engage ou s’investisse dans une cause. L’ouvrage de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, la Soumission librement consentie, précise ces facteurs qui « produisent de l’engagement » (voir p. 63 et suivantes).
Nous ne saurions trop vous recommander la lecture de cet ouvrage qui montre comment l’engagement peut être le produit d’une manipulation. « Il existe aujourd’hui une somme impressionnante de connaissances scientifiques sur lesquelles on peut s’appuyer pour influencer les gens sans même qu’ils s’en rendent compte. Evidemment, cela s’appelle de la manipulation. Mais, qu’on le veuille ou non, la manipulation peut être mise au service des causes les plus sombres comme des causes les plus nobles ». Et l’étude de revenir sur des exemples d’engagements tels que la lutte contre le sida ou les économies d’énergie…
Le docteur en psychologie Olivier Klein, propose sur son blog nous-et-les-autres.com, un modèle explicatif quelque peu différent, adossé à une définition plus restrictive de l’engagement en tant investissement au profit de la collectivité. Les motivations égoïstes et généreuses marchent de concert lorsqu’il s’agit de s’engager pour une cause.
L’article rappelle qu’en préalable à l’engagement, il faut que l’individu puisse s’identifier à un groupe porteur de la cause à défendre. « S'engager dans un mouvement collectif est fonction du niveau d'identification au groupe concerné, c'est-à-dire du degré auxquels on se définit comme membre de ce groupe. Voilà qui est peu surprenant: Plus on s'identifie, plus on se mobilise. Mais pourquoi l'identification favorise-t-elle la mobilisation ? ».
Et là Olivier Klein cite les motifs plus « intéressés » qui favorisent l’investissement pour une cause :
«- Reconnaissance individuelle : Etre reconnu par ses pairs comme une personne vertueuse.
- Socialisation: Echapper à la solitude.
- Intérêts matériels ou économiques: de nombreux mouvements collectifs visent bien sûr à défendre les intérêts des catégories sociales qu'ils représentent. S'y engager permettrait donc, indirectement, de satisfaire ces intérêts.
- Pouvoir: la participation à des mouvements collectifs permet d'accéder à certaines formes de pouvoir, voire peut constituer un tremplin vers une carrière politique ».
Pour aller plus loin :
- Toujours dans le champ de la psychologie, vous pourriez consulter, L’adhésion, de Birgitta Orfali qui réfléchit à ce phénomène dans nos sociétés démocratiques contemporaines.
- Les sciences sociales peuvent également constituer une bonne voie d’accès sur cette problématique de l’engagement. A ce titre, nous vous conseillons la lecture des Formes élémentaires de l’engagement, d’Olivier Bobineau et notamment la deuxième partie où l’auteur revient sur la théorie de l’engagement et ses paradoxes développée dans les années 60 par l’économiste Mancur Olson…
- …Théorie évoquée dans le dossier sur les mouvements sociaux et l’engagement tiré de la revue Sciences Humaines (n°144, 2003) et dont nous vous suggérons également la lecture pour quelques illustrations concrètes de l’idée et du processus d’engagement.
Bonnes lectures !
Tout d’abord, nous vous prions de nous excuser pour cette réponse tardive, bien au-delà des 72h habituelles au Guichet du savoir : la bibliothèque de la Part-Dieu ayant été fermée de jeudi en fin de journée à ce lundi, nous n’avons pu travailler à vous répondre.
Concernant votre question, qui pourrait être abordée de multiples manières, la psychologie sociale livre des éléments de réponse intéressants.
Le site psychologie-sociale.com, animé par une psychosociologue, fait état des théories de l’engagement, compris comme « le lien qui unit l’individu à ses actes comportementaux », selon la définition de Charles Kiesler.
Globalement, il existerait « 5 facteurs permettant de moduler la force du lien qui existe entre la personne et ce qu'elle fait.
1. Le caractère public ou privé de l’acte (Il est plus engageant de faire quelque chose sous le regard d’autrui que dans l’anonymat)
2. Le fait de répéter un acte est plus engageant pour une personne que de le faire une seule fois.
3. Le caractère irréversible ou réversible de l’acte. Plus la personne perçoit qu’elle ne pourra pas faire marche arrière (sentiment qu’elle ne pourra plus revenir sur le comportement qu’elle est sur le point d’émettre), plus elle est engagée.
4. Le caractère coûteux ou non coûteux de l’acte. Pour avoir toutes les chances d’être accepté, un acte coûteux doit être précédé d’un acte moins coûteux. Aussi, pour faire accepter un acte moins coûteux, il est préférable d’amener préalablement les personnes à refuser un acte très coûteux.
5. Le sentiment de liberté. Plus la personne se voit libre de faire ou de ne pas faire, plus elle fera. La simple évocation de ce sentiment par l’expérimentateur : « vous êtes libre de … » amènent davantage les personnes à accepter l’acte ».
Ces 5 critères généraux concourent ainsi à ce que quelqu’un s’engage ou s’investisse dans une cause. L’ouvrage de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, la Soumission librement consentie, précise ces facteurs qui « produisent de l’engagement » (voir p. 63 et suivantes).
Nous ne saurions trop vous recommander la lecture de cet ouvrage qui montre comment l’engagement peut être le produit d’une manipulation. « Il existe aujourd’hui une somme impressionnante de connaissances scientifiques sur lesquelles on peut s’appuyer pour influencer les gens sans même qu’ils s’en rendent compte. Evidemment, cela s’appelle de la manipulation. Mais, qu’on le veuille ou non, la manipulation peut être mise au service des causes les plus sombres comme des causes les plus nobles ». Et l’étude de revenir sur des exemples d’engagements tels que la lutte contre le sida ou les économies d’énergie…
Le docteur en psychologie Olivier Klein, propose sur son blog nous-et-les-autres.com, un modèle explicatif quelque peu différent, adossé à une définition plus restrictive de l’engagement en tant investissement au profit de la collectivité. Les motivations égoïstes et généreuses marchent de concert lorsqu’il s’agit de s’engager pour une cause.
L’article rappelle qu’en préalable à l’engagement, il faut que l’individu puisse s’identifier à un groupe porteur de la cause à défendre. « S'engager dans un mouvement collectif est fonction du niveau d'identification au groupe concerné, c'est-à-dire du degré auxquels on se définit comme membre de ce groupe. Voilà qui est peu surprenant: Plus on s'identifie, plus on se mobilise. Mais pourquoi l'identification favorise-t-elle la mobilisation ? ».
Et là Olivier Klein cite les motifs plus « intéressés » qui favorisent l’investissement pour une cause :
«- Reconnaissance individuelle : Etre reconnu par ses pairs comme une personne vertueuse.
- Socialisation: Echapper à la solitude.
- Intérêts matériels ou économiques: de nombreux mouvements collectifs visent bien sûr à défendre les intérêts des catégories sociales qu'ils représentent. S'y engager permettrait donc, indirectement, de satisfaire ces intérêts.
- Pouvoir: la participation à des mouvements collectifs permet d'accéder à certaines formes de pouvoir, voire peut constituer un tremplin vers une carrière politique ».
- Toujours dans le champ de la psychologie, vous pourriez consulter, L’adhésion, de Birgitta Orfali qui réfléchit à ce phénomène dans nos sociétés démocratiques contemporaines.
- Les sciences sociales peuvent également constituer une bonne voie d’accès sur cette problématique de l’engagement. A ce titre, nous vous conseillons la lecture des Formes élémentaires de l’engagement, d’Olivier Bobineau et notamment la deuxième partie où l’auteur revient sur la théorie de l’engagement et ses paradoxes développée dans les années 60 par l’économiste Mancur Olson…
- …Théorie évoquée dans le dossier sur les mouvements sociaux et l’engagement tiré de la revue Sciences Humaines (n°144, 2003) et dont nous vous suggérons également la lecture pour quelques illustrations concrètes de l’idée et du processus d’engagement.
Bonnes lectures !
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter