Question d'origine :
Bonjour,
Pourquoi au fil des siècles et des millénaires, les traces de nos ancêtres et archi-ancêtres se superposent-elles en strates, qui sont d’ailleurs souvent datables et parfois bien distinctes.
Il semblerait que ce soit un schéma universel (ou du moins terrestre), comme en témoigne les fouilles qui vont de plus en plus profondément pour découvrir des vestiges de plus en plus ancien (du moins est-ce perçu ainsi par les néophyte, je présume.)
J’ai vu une vidéo qui arguait que « non, nos ancêtres ne faisaient pas de villes souterraines », pour soutenir une théorie particulière. Mais il n'est probablement jamais venu à l’esprit de personne que ce fut le cas.
En revanche, je n’ai jamais trouvé d’explications à cet apparent enfouissement.
Le guichet du savoir pourra-t-il m’éclairer à ce sujet ?
Bien cordiales salutations.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 06/09/2019 à 07h55
Bonjour,
On trouve une réponse toute prête à votre question sur le site de vulgarisation scientifique lespritsorcier.org, accompagnée d’un schéma très clair que nous vous invitons à consulter en cliquant sur le lien :
« Lorsqu’un bâtiment cesse d’être occupé et entretenu, il s’effondre en général de lui-même au bout de quelque temps. Si l’emplacement reste inoccupé, la végétation ne tarde pas à recouvrir les ruines. Puis, au cours des siècles, la terre, le sable et la poussière, apportés par le vent, s’accumulent sur place. Une couche de terre végétale recouvre alors l’ensemble.
L’édifice peut également être rasé avant reconstruction d’un nouveau bâtiment. Dans ce cas, on se contente de répartir les déblais sur le sol et d’épandre une couche de terre afin de stabiliser et d’égaliser l’ensemble. On peut alors reconstruire par-dessus. Ainsi, au cours des siècles, le niveau du sol de circulation s’est progressivement élevé, et dans les villes d’origine ancienne, on retrouve fréquemment des restes de construction superposés sur plusieurs mètres de hauteur. »
Ce qui ne veut pas dire, selon rts.ch, qu’il faille toujours creuser pour retrouver des traces de nos ancêtres :
« S’il est vrai que les vestiges très anciens sont le plus souvent enfouis dans le sol, cela n’est pas toujours le cas pour les trouvailles de l’époque historique puisqu’il existe des vestiges encore visibles comme les fontaines, les châteaux, les églises, les temples romains, ou encore les pyramides. Ces bâtiments étant construits en élévation et dans des matériaux non périssables, ils ont subsisté et n’ont pas été enfouis sous terre. Le principe qui explique l’enfouissement des vestiges anciens est la sédimentation. Durant des millénaires, les eaux, le vent, les glaciers ont érodé les montagnes et les reliefs pour déposer ces sédiments ailleurs, dans des zones basses le plus souvent. Ainsi petit à petit les objets abandonnés sont recouverts par des sédiments qui peuvent être parfois peu épais si la sédimentation est faible (zones balayées par le vent, zones de reliefs) et très importants lors de dépôts fluviatiles, de crues, de moraines, de volcanisme. L’évacuation des déblais de démolition n’étant effectuée que depuis l’utilisation des machines à moteur, les villes anciennes se sont petit à petit accumulées les unes par dessus les autres et offrent une stratification de toutes les occupations qui se sont succédé. »
Selon l’Encyclopaedia Universalis, l’étude des stratifications à des fins archéologiques, dérivée d’une discipline de la géologie appelée stratigraphie , est une science récente, apparue dans des circonstances tragiques :
« La Seconde Guerre mondiale, par ses destructions massives, a conduit à une prise de conscience du réel potentiel que contenait le sol des villes septentrionales aussi bien que médiévales. La reconstruction qui s'ensuivit révéla des stratifications de plusieurs mètres d'épaisseur, formées depuis l'Antiquité et lisibles sur toute leur hauteur.
Simultanément, les progrès techniques réalisés par la recherche de terrain, tout particulièrement à l'initiative des archéologues spécialistes de pré- et de protohistoire accoutumés à examiner des constructions et des niveaux ne laissant que des traces fugaces, se diffusèrent dans le milieu des archéologues médiévistes. Grâce à des fouilles comme celle de Haithabu, un comptoir marchand des viiie-xe siècles au sud de la péninsule du Jutland, ils purent également découvrir le rôle majeur de l'architecture de bois dans les agglomérations médiévales. Les conditions scientifiques d'une prise en considération de l'intégralité du spectre chronologique urbain étaient dès lors réunies.
L'accélération de la rénovation des centres historiques, le développement de l'urbanisme souterrain, l'élargissement simultané de la notion de patrimoine, passant des édifices majeurs aux ambiances urbaines puis à l'environnement, à partir des années 1960-1970, permirent d'inscrire la pratique de l'archéologie, non sans heurts, dans la vie des cités. »
Le même article insiste bien sur la complexité de la discipline. Désormais, l’archéologue doit posséder de solides connaissances scientifiques. Et ne pas s’attendre à des découvertes constantes, quel que soit le type de terrain :
« Le dépôt archéologique n'est pas un remblai uniforme, il a pour qualités d'être hétérogène, stratifié et déchiffrable. Tous les éléments disparates conservés forment des couches superposées identifiables et datables. En règle générale, le principe de superposition des couches et d'exhaussement du niveau du sol est respecté, ce qui conduit aux mètres de stratification évoqués ci-dessus.
La stratification est un phénomène d'ordre social. Elle est artificielle et composée de façon exclusive par des matériaux introduits à des fins diverses avant d'être abandonnés et de former ainsi des constituants du sol. Les élément d'origine naturelle s'intercalent entre des produits anthropiques et résultent souvent d'actions humaines aux conséquences imprévues. On a longtemps considéré que la stratification, même si on la savait incomplètement préservée, rendait assez bien compte du processus de formation d'une ville. Les travaux en paléo-environnement conduisent à une position plus mesurée et invitent aujourd'hui à substituer l'étude du sol urbain à celle de la seule stratification.
En milieu bien drainé, ce qui représente la majorité des cas, les couches qui forment le sol se révèlent stables ou instables. Stables lorsque les matériaux qui les composent sont essentiellement minéraux, de telles couches subissant peu de transformations physiques de leur structure après leur dépôt. Instables lorsque les couches ont contenu, outre des éléments minéraux, une proportion importante d'éléments organiques. Là, les transformations chimiques et celles dues à l'activité biologique de micro-organismes sont majeures et affectent l'aspect physique des couches. On a réalisé récemment que ce que l'archéologue découvre alors n'est pas la séquence de formation de la stratification, mais le résultat final d'une transformation qui suit la formation des strates.
Lorsqu'on étudie des sociétés dont l'essentiel des réalisations et des équipements fait appel à des matériaux d'origine minérale – pierre, mortier, tuile, ardoise, céramique, verrerie –, les pertes d'information sont compensables. En revanche, si on étudie des sociétés, ou certaines de leurs composantes sociales, dont l'essentiel des réalisations et des équipements fait appel à des éléments d'origine organique – bois, paille, jonc pour la construction, bois tourné, osier pour l'équipement –, la situation devient problématique. La plus grande partie des restes peut avoir disparu en contribuant à la constitution d'un encaissant peu différencié. Au terme du processus de formation se trouve un sol peu lisible dont le potentiel informatif est très sous-évalué. Ainsi des décennies, voire des siècles, de stratification, donc d'histoire urbaine, peuvent rester sans explication. La résolution de ce problème, qui affecte tout particulièrement la transition entre ville antique et ville médiévale, devrait constituer un enjeu majeur en archéologie urbaine dans les années à venir. »
Pour aller plus loin :
- 10.000 ans d'évolution des paysages en Adriatique et en Méditerranée orientale [Livre] : géomorphologie, paléoenvironnements, histoire / Eric Fouache
- Manuel d'archéologie [Livre] / François Djindjian
- Comment reconstituer la préhistoire ? [Livre] / Romain Pigeaud
- L'archéologie [Livre] : théorie, méthodes et reconstitutions / François Djindjian
- Confidences d'outre-tombe [Livre] : squelettes en question / ouvrage dirigé par Jean-Pascal Jospin avec la collaboration de Cyrielle Brunot et Marion Radwan
- Méthodes archéologiques [Livre] / Marcel Otte, Pierre Noiret
Bonnes lectures.
On trouve une réponse toute prête à votre question sur le site de vulgarisation scientifique lespritsorcier.org, accompagnée d’un schéma très clair que nous vous invitons à consulter en cliquant sur le lien :
« Lorsqu’un bâtiment cesse d’être occupé et entretenu, il s’effondre en général de lui-même au bout de quelque temps. Si l’emplacement reste inoccupé, la végétation ne tarde pas à recouvrir les ruines. Puis, au cours des siècles, la terre, le sable et la poussière, apportés par le vent, s’accumulent sur place. Une couche de terre végétale recouvre alors l’ensemble.
L’édifice peut également être rasé avant reconstruction d’un nouveau bâtiment. Dans ce cas, on se contente de répartir les déblais sur le sol et d’épandre une couche de terre afin de stabiliser et d’égaliser l’ensemble. On peut alors reconstruire par-dessus. Ainsi, au cours des siècles, le niveau du sol de circulation s’est progressivement élevé, et dans les villes d’origine ancienne, on retrouve fréquemment des restes de construction superposés sur plusieurs mètres de hauteur. »
Ce qui ne veut pas dire, selon rts.ch, qu’il faille toujours creuser pour retrouver des traces de nos ancêtres :
« S’il est vrai que les vestiges très anciens sont le plus souvent enfouis dans le sol, cela n’est pas toujours le cas pour les trouvailles de l’époque historique puisqu’il existe des vestiges encore visibles comme les fontaines, les châteaux, les églises, les temples romains, ou encore les pyramides. Ces bâtiments étant construits en élévation et dans des matériaux non périssables, ils ont subsisté et n’ont pas été enfouis sous terre. Le principe qui explique l’enfouissement des vestiges anciens est la sédimentation. Durant des millénaires, les eaux, le vent, les glaciers ont érodé les montagnes et les reliefs pour déposer ces sédiments ailleurs, dans des zones basses le plus souvent. Ainsi petit à petit les objets abandonnés sont recouverts par des sédiments qui peuvent être parfois peu épais si la sédimentation est faible (zones balayées par le vent, zones de reliefs) et très importants lors de dépôts fluviatiles, de crues, de moraines, de volcanisme. L’évacuation des déblais de démolition n’étant effectuée que depuis l’utilisation des machines à moteur, les villes anciennes se sont petit à petit accumulées les unes par dessus les autres et offrent une stratification de toutes les occupations qui se sont succédé. »
Selon l’Encyclopaedia Universalis, l’étude des stratifications à des fins archéologiques, dérivée d’une discipline de la géologie appelée
« La Seconde Guerre mondiale, par ses destructions massives, a conduit à une prise de conscience du réel potentiel que contenait le sol des villes septentrionales aussi bien que médiévales. La reconstruction qui s'ensuivit révéla des stratifications de plusieurs mètres d'épaisseur, formées depuis l'Antiquité et lisibles sur toute leur hauteur.
Simultanément, les progrès techniques réalisés par la recherche de terrain, tout particulièrement à l'initiative des archéologues spécialistes de pré- et de protohistoire accoutumés à examiner des constructions et des niveaux ne laissant que des traces fugaces, se diffusèrent dans le milieu des archéologues médiévistes. Grâce à des fouilles comme celle de Haithabu, un comptoir marchand des viiie-xe siècles au sud de la péninsule du Jutland, ils purent également découvrir le rôle majeur de l'architecture de bois dans les agglomérations médiévales. Les conditions scientifiques d'une prise en considération de l'intégralité du spectre chronologique urbain étaient dès lors réunies.
L'accélération de la rénovation des centres historiques, le développement de l'urbanisme souterrain, l'élargissement simultané de la notion de patrimoine, passant des édifices majeurs aux ambiances urbaines puis à l'environnement, à partir des années 1960-1970, permirent d'inscrire la pratique de l'archéologie, non sans heurts, dans la vie des cités. »
Le même article insiste bien sur la complexité de la discipline. Désormais, l’archéologue doit posséder de solides connaissances scientifiques. Et ne pas s’attendre à des découvertes constantes, quel que soit le type de terrain :
« Le dépôt archéologique n'est pas un remblai uniforme, il a pour qualités d'être hétérogène, stratifié et déchiffrable. Tous les éléments disparates conservés forment des couches superposées identifiables et datables. En règle générale, le principe de superposition des couches et d'exhaussement du niveau du sol est respecté, ce qui conduit aux mètres de stratification évoqués ci-dessus.
La stratification est un phénomène d'ordre social. Elle est artificielle et composée de façon exclusive par des matériaux introduits à des fins diverses avant d'être abandonnés et de former ainsi des constituants du sol. Les élément d'origine naturelle s'intercalent entre des produits anthropiques et résultent souvent d'actions humaines aux conséquences imprévues. On a longtemps considéré que la stratification, même si on la savait incomplètement préservée, rendait assez bien compte du processus de formation d'une ville. Les travaux en paléo-environnement conduisent à une position plus mesurée et invitent aujourd'hui à substituer l'étude du sol urbain à celle de la seule stratification.
En milieu bien drainé, ce qui représente la majorité des cas, les couches qui forment le sol se révèlent stables ou instables. Stables lorsque les matériaux qui les composent sont essentiellement minéraux, de telles couches subissant peu de transformations physiques de leur structure après leur dépôt. Instables lorsque les couches ont contenu, outre des éléments minéraux, une proportion importante d'éléments organiques. Là, les transformations chimiques et celles dues à l'activité biologique de micro-organismes sont majeures et affectent l'aspect physique des couches. On a réalisé récemment que ce que l'archéologue découvre alors n'est pas la séquence de formation de la stratification, mais le résultat final d'une transformation qui suit la formation des strates.
Lorsqu'on étudie des sociétés dont l'essentiel des réalisations et des équipements fait appel à des matériaux d'origine minérale – pierre, mortier, tuile, ardoise, céramique, verrerie –, les pertes d'information sont compensables. En revanche, si on étudie des sociétés, ou certaines de leurs composantes sociales, dont l'essentiel des réalisations et des équipements fait appel à des éléments d'origine organique – bois, paille, jonc pour la construction, bois tourné, osier pour l'équipement –, la situation devient problématique. La plus grande partie des restes peut avoir disparu en contribuant à la constitution d'un encaissant peu différencié. Au terme du processus de formation se trouve un sol peu lisible dont le potentiel informatif est très sous-évalué. Ainsi des décennies, voire des siècles, de stratification, donc d'histoire urbaine, peuvent rester sans explication. La résolution de ce problème, qui affecte tout particulièrement la transition entre ville antique et ville médiévale, devrait constituer un enjeu majeur en archéologie urbaine dans les années à venir. »
- 10.000 ans d'évolution des paysages en Adriatique et en Méditerranée orientale [Livre] : géomorphologie, paléoenvironnements, histoire / Eric Fouache
- Manuel d'archéologie [Livre] / François Djindjian
- Comment reconstituer la préhistoire ? [Livre] / Romain Pigeaud
- L'archéologie [Livre] : théorie, méthodes et reconstitutions / François Djindjian
- Confidences d'outre-tombe [Livre] : squelettes en question / ouvrage dirigé par Jean-Pascal Jospin avec la collaboration de Cyrielle Brunot et Marion Radwan
- Méthodes archéologiques [Livre] / Marcel Otte, Pierre Noiret
Bonnes lectures.
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