Jacques-Louis David
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 27/09/2019 à 14h27
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Question d'origine :
Bonjour, David était-il révolutionnaire ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 30/09/2019 à 08h37
Bonjour,
Voici les précisions que nous trouvons dans l’encyclopédie Universalis :
« […] Son renom était désormais européen, mais il continuait à se heurter à la sourde animosité de l'Académie, jalouse d'une ascension aussi rapide, rendue manifeste par le développement de l'atelier du peintre et, en 1784, le succès au prix de Rome de son élève favori, Jean Germain Drouais (1763-1788), que devaient suivre François-Xavier Fabre (1766-1837) en 1787 et Girodet en 1789. L'animosité était réciproque : David jugeait routinier et dépassé l'enseignement de l'Académie, qu'il aurait voulu réformer. Il espéra ainsi, en 1787, être nommé directeur de l'Académie de France, à Rome, mais d'Angiviller lui préféra François Guillaume Ménageot. Il s'ensuivit un conflit larvé (sur lequel se greffait la question de l'accès au Salon) qui devait beaucoup compter lorsque l'Académie fut dissoute en 1793, David ayant, après quatre ans de lutte ouverte, joué un rôle majeur dans sa disparition. On aurait tort, cependant, de voir en lui avant cette période un révolutionnaire. L'interprétation dans ce sens de ses grands tableaux d'histoire, y compris par lui-même, est en effet postérieure à 1789, et les milieux qu'il fréquentait étaient plutôt ceux de la bourgeoisie et de l'aristocratie libérales. On ne sait en fait exactement vers quelles opinions il penchait, ni si, d'ailleurs, elles étaient très affirmées. Il n'était pas alors le « Raphaël des sans-culottes », et rien en lui ne laissait présager le régicide.
L’épisode révolutionnaire
Si David se rangea dès l'origine parmi les partisans de la Révolution, il ne se rapprocha que progressivement des Jacobins. Élu à la Convention, siégeant parmi les Montagnards, il vota la mort du roi, fut membre du Comité de sûreté générale et du Comité d'instruction publique. Il eut, à ce dernier titre, un rôle important dans l'administration des arts, en particulier dans la suppression de l'Académie, dans la mise en place du Muséum et plus généralement dans la sauvegarde des richesses artistiques menacées par les événements. Il participa également à l'organisation des fêtes révolutionnaires (son influence fut grande dans le théâtre de son temps) – commémoration du 10-Août, glorification des armées de la République, fête de l'être suprême – réglant le déroulement des cortèges, donnant le dessin des décors et des costumes.
Il fit aussi des projets pour vêtir les différents corps de l'État, travailla à des sceaux et à des médailles et fournit le dessin de caricatures contre les ennemis de la Révolution. L'engagement de David se concrétisa donc dans une activité de propagandiste, liée cependant pour l'essentiel à ses préoccupations artistiques. Il en alla de même de sa peinture proprement dite, qui prit alors un tour nettement politique. Les tableaux antérieurs à 1789 désignaient naturellement David pour l'exécution d'œuvres commémoratives de la Révolution. Un projet en ce sens avorta à Nantes durant l'été 1790 et, curieusement, il fut aussi question de lui pour la réalisation d'un portrait de Louis XVI présentant la Constitution à son fils, qui aurait été placé dans la salle des séances de l'Assemblée et auquel David travailla jusqu'au printemps de 1792. Le projet le plus abouti de cette première période est Le Serment du Jeu de paume, dont l'idée, lancée en octobre 1790 au club des Jacobins – traiter directement et non par l'allégorie un événement contemporain, mais en le hissant au niveau de la grande peinture d'histoire –, était très nouvelle en France. Le projet devait être réalisé par souscription. David exposa un dessin d'ensemble au Salon de 1791 (Louvre) avant de s'engager dans la réalisation de la toile définitive (Musée national du château de Versailles), mais celle-ci resta inachevée, à l'état d'ébauche, abandonnée très probablement au printemps de 1792 : les fonds réunis étaient maigres et, surtout, la marche des événements rendait problématique la représentation de l'unanimité manifestée en 1789. Mirabeau, Barnave, Jean Sylvain Bailly, Rabaut-Saint-Étienne, d'autres encore n'avaient-ils pas plus ou moins failli depuis cette date ? Il en alla tout autrement lorsqu'il s'agit de glorifier les martyrs de la Révolution : Le Peletier de Saint-Fargeau, régicide tué par un ancien garde du roi (1793, tableau disparu), Marat assassiné (1793, musée des Beaux-Arts, Bruxelles). Dérivant à l'évidence du thème traditionnel de la déposition de croix, ces tableaux, tous deux placés à la Convention, s'inspiraient aussi étroitement de l'antique (les deux hommes sont représentés nus dans un décor très dépouillé), mais les quelques éléments narratifs suffisent à en faire des modèles de vertu modernes. David exécuta également, selon des principes analogues, une Mort de Bara (inachevée, 1793, musée Calvet, Avignon). L'aspect militant de ces icônes ne doit pas, toutefois, faire oublier leurs éminentes qualités artistiques. David servait la Révolution, mais il était d'abord peintre. Après Thermidor, les contemporains retinrent essentiellement le premier aspect : l'artiste, trop engagé du côté de Robespierre, fut arrêté puis emprisonné plusieurs mois au Luxembourg. Mais, la tempête passée, il ne fut pas autrement inquiété et put revenir à la peinture, le Directoire se montrant d'ailleurs relativement bienveillant à son égard : il fut nommé membre du nouvel Institut en novembre 1795, et put rouvrir son atelier au Louvre, où afflua une nouvelle génération d'artistes, parmi lesquels le jeune Étienne-Jean Delécluze, qui a laissé sur cette époque des témoignages précieux et pleins de vie. David, en pleine possession de son métier, comme le démontrent quelques portraits virtuoses (Les Époux Sériziat, 1795, Louvre, Paris) n'avait donc rien perdu de son prestige, mais il lui fallait s'imposer de nouveau sur la scène artistique. Ce fut l'objet des Sabines (1799, Louvre). Il avait aussi pensé à composer un tableau représentant Homère récitant ses vers aux Grecs (dessin préparatoire au Louvre) et il prit sa décision au sortir d'un nouvel emprisonnement (août 1795). Le sujet retenu possédait une portée symbolique volontairement plus claire, appelant, après plusieurs années de discorde, les Français des différents partis à une réconciliation générale, à l'image des Romains et des Sabins interrompant le combat sur l'instance des Sabines qui s'interposent avec leurs enfants entre les combattants. Le tableau eut un retentissement considérable, et d'abord par son mode même d'exposition : il ne fut pas présenté au Salon, qui était gratuit, mais dans l'atelier de David, au Louvre, et moyennant un droit d'entrée. David inaugurait, selon l'exemple anglais, un nouveau mode de relations entre le peintre et le public, tout en donnant une réponse originale à la question du mécénat et des problèmes financiers inhérents au métier d'artiste. Les visiteurs affluèrent, mais une polémique vint se porter sur le style et l'esthétique de la toile. David avait voulu faire du « grec pur », disposant ses personnages en frise, comme dans un bas-relief, arrangeant rigoureusement les plans, modérant une palette pourtant vibrante et, surtout, choisissant le nu pour les personnages masculins principaux du premier plan, notamment Romulus et Tatius. Cela fut violemment critiqué, à la fois pour des raisons de décence (le fourreau de l'épée de Tatius fut déplacé par David lors d'une reprise ultérieure du tableau, en 1808), d'archéologie, puisque, si les Grecs combattaient nus, les Romains le faisaient habillés, mais aussi du fait d'un sentiment diffus de lassitude chez le public devant des figures qui sentaient trop, finalement, l'académisme. David répondit point par point dans une Note sur la nudité de mes héros. Toutefois le débat vaut peut-être essentiellement pour ce qu'il révèle de la position de l'artiste à cette date : admiré, loué mais aussi controversé, loin d'exercer en réalité un magistère aussi indiscuté qu'on le pense généralement. »
L’article Wikipedia consacré au peintre, très détaillé et riche en références, vous permettra d’approfondir.
Bonne journée.
Voici les précisions que nous trouvons dans l’encyclopédie Universalis :
« […] Son renom était désormais européen, mais il continuait à se heurter à la sourde animosité de l'Académie, jalouse d'une ascension aussi rapide, rendue manifeste par le développement de l'atelier du peintre et, en 1784, le succès au prix de Rome de son élève favori, Jean Germain Drouais (1763-1788), que devaient suivre François-Xavier Fabre (1766-1837) en 1787 et Girodet en 1789. L'animosité était réciproque : David jugeait routinier et dépassé l'enseignement de l'Académie, qu'il aurait voulu réformer. Il espéra ainsi, en 1787, être nommé directeur de l'Académie de France, à Rome, mais d'Angiviller lui préféra François Guillaume Ménageot. Il s'ensuivit un conflit larvé (sur lequel se greffait la question de l'accès au Salon) qui devait beaucoup compter lorsque l'Académie fut dissoute en 1793, David ayant, après quatre ans de lutte ouverte, joué un rôle majeur dans sa disparition. On aurait tort, cependant, de voir en lui avant cette période un révolutionnaire. L'interprétation dans ce sens de ses grands tableaux d'histoire, y compris par lui-même, est en effet postérieure à 1789, et les milieux qu'il fréquentait étaient plutôt ceux de la bourgeoisie et de l'aristocratie libérales. On ne sait en fait exactement vers quelles opinions il penchait, ni si, d'ailleurs, elles étaient très affirmées. Il n'était pas alors le « Raphaël des sans-culottes », et rien en lui ne laissait présager le régicide.
Si David se rangea dès l'origine parmi les partisans de la Révolution, il ne se rapprocha que progressivement des Jacobins. Élu à la Convention, siégeant parmi les Montagnards, il vota la mort du roi, fut membre du Comité de sûreté générale et du Comité d'instruction publique. Il eut, à ce dernier titre, un rôle important dans l'administration des arts, en particulier dans la suppression de l'Académie, dans la mise en place du Muséum et plus généralement dans la sauvegarde des richesses artistiques menacées par les événements. Il participa également à l'organisation des fêtes révolutionnaires (son influence fut grande dans le théâtre de son temps) – commémoration du 10-Août, glorification des armées de la République, fête de l'être suprême – réglant le déroulement des cortèges, donnant le dessin des décors et des costumes.
Il fit aussi des projets pour vêtir les différents corps de l'État, travailla à des sceaux et à des médailles et fournit le dessin de caricatures contre les ennemis de la Révolution. L'engagement de David se concrétisa donc dans une activité de propagandiste, liée cependant pour l'essentiel à ses préoccupations artistiques. Il en alla de même de sa peinture proprement dite, qui prit alors un tour nettement politique. Les tableaux antérieurs à 1789 désignaient naturellement David pour l'exécution d'œuvres commémoratives de la Révolution. Un projet en ce sens avorta à Nantes durant l'été 1790 et, curieusement, il fut aussi question de lui pour la réalisation d'un portrait de Louis XVI présentant la Constitution à son fils, qui aurait été placé dans la salle des séances de l'Assemblée et auquel David travailla jusqu'au printemps de 1792. Le projet le plus abouti de cette première période est Le Serment du Jeu de paume, dont l'idée, lancée en octobre 1790 au club des Jacobins – traiter directement et non par l'allégorie un événement contemporain, mais en le hissant au niveau de la grande peinture d'histoire –, était très nouvelle en France. Le projet devait être réalisé par souscription. David exposa un dessin d'ensemble au Salon de 1791 (Louvre) avant de s'engager dans la réalisation de la toile définitive (Musée national du château de Versailles), mais celle-ci resta inachevée, à l'état d'ébauche, abandonnée très probablement au printemps de 1792 : les fonds réunis étaient maigres et, surtout, la marche des événements rendait problématique la représentation de l'unanimité manifestée en 1789. Mirabeau, Barnave, Jean Sylvain Bailly, Rabaut-Saint-Étienne, d'autres encore n'avaient-ils pas plus ou moins failli depuis cette date ? Il en alla tout autrement lorsqu'il s'agit de glorifier les martyrs de la Révolution : Le Peletier de Saint-Fargeau, régicide tué par un ancien garde du roi (1793, tableau disparu), Marat assassiné (1793, musée des Beaux-Arts, Bruxelles). Dérivant à l'évidence du thème traditionnel de la déposition de croix, ces tableaux, tous deux placés à la Convention, s'inspiraient aussi étroitement de l'antique (les deux hommes sont représentés nus dans un décor très dépouillé), mais les quelques éléments narratifs suffisent à en faire des modèles de vertu modernes. David exécuta également, selon des principes analogues, une Mort de Bara (inachevée, 1793, musée Calvet, Avignon). L'aspect militant de ces icônes ne doit pas, toutefois, faire oublier leurs éminentes qualités artistiques. David servait la Révolution, mais il était d'abord peintre. Après Thermidor, les contemporains retinrent essentiellement le premier aspect : l'artiste, trop engagé du côté de Robespierre, fut arrêté puis emprisonné plusieurs mois au Luxembourg. Mais, la tempête passée, il ne fut pas autrement inquiété et put revenir à la peinture, le Directoire se montrant d'ailleurs relativement bienveillant à son égard : il fut nommé membre du nouvel Institut en novembre 1795, et put rouvrir son atelier au Louvre, où afflua une nouvelle génération d'artistes, parmi lesquels le jeune Étienne-Jean Delécluze, qui a laissé sur cette époque des témoignages précieux et pleins de vie. David, en pleine possession de son métier, comme le démontrent quelques portraits virtuoses (Les Époux Sériziat, 1795, Louvre, Paris) n'avait donc rien perdu de son prestige, mais il lui fallait s'imposer de nouveau sur la scène artistique. Ce fut l'objet des Sabines (1799, Louvre). Il avait aussi pensé à composer un tableau représentant Homère récitant ses vers aux Grecs (dessin préparatoire au Louvre) et il prit sa décision au sortir d'un nouvel emprisonnement (août 1795). Le sujet retenu possédait une portée symbolique volontairement plus claire, appelant, après plusieurs années de discorde, les Français des différents partis à une réconciliation générale, à l'image des Romains et des Sabins interrompant le combat sur l'instance des Sabines qui s'interposent avec leurs enfants entre les combattants. Le tableau eut un retentissement considérable, et d'abord par son mode même d'exposition : il ne fut pas présenté au Salon, qui était gratuit, mais dans l'atelier de David, au Louvre, et moyennant un droit d'entrée. David inaugurait, selon l'exemple anglais, un nouveau mode de relations entre le peintre et le public, tout en donnant une réponse originale à la question du mécénat et des problèmes financiers inhérents au métier d'artiste. Les visiteurs affluèrent, mais une polémique vint se porter sur le style et l'esthétique de la toile. David avait voulu faire du « grec pur », disposant ses personnages en frise, comme dans un bas-relief, arrangeant rigoureusement les plans, modérant une palette pourtant vibrante et, surtout, choisissant le nu pour les personnages masculins principaux du premier plan, notamment Romulus et Tatius. Cela fut violemment critiqué, à la fois pour des raisons de décence (le fourreau de l'épée de Tatius fut déplacé par David lors d'une reprise ultérieure du tableau, en 1808), d'archéologie, puisque, si les Grecs combattaient nus, les Romains le faisaient habillés, mais aussi du fait d'un sentiment diffus de lassitude chez le public devant des figures qui sentaient trop, finalement, l'académisme. David répondit point par point dans une Note sur la nudité de mes héros. Toutefois le débat vaut peut-être essentiellement pour ce qu'il révèle de la position de l'artiste à cette date : admiré, loué mais aussi controversé, loin d'exercer en réalité un magistère aussi indiscuté qu'on le pense généralement. »
L’article Wikipedia consacré au peintre, très détaillé et riche en références, vous permettra d’approfondir.
Bonne journée.
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