Question d'origine :
Cher guichet,
Pouvez-vous me décrire la cérémonie annuelle tant au XIX e siècle qu'actuellement de la messe en grande tenue annelle à la rentrée à laquelle magistrats ,avocats,huissiers etc?S'appelle t-elle comme à Paris "la messe rouge"?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 10/10/2019 à 13h08
Bonjour,
Nous n’avons pas trouvé à Lyon d’équivalent actuel de la messe rouge définie dans le Littré comme une « Messe célébrée en vêtements liturgiques rouges, que les parlements faisaient célébrer après les vacances pour recommencer leurs fonctions, et à laquelle ils assistaient en robes rouges » (Source : cnrtl.fr).
En revanche, il existe bien chaque mois de septembre une pratique particulière de l’Eglise de Lyon et qui fait appel aux officiels du monde laïc : le vœu des échevins :
" De la faim, de la peste, de la guerre, protégez-nous, Seigneur ". En ce milieu du XVIIe siècle, le vieux cri de détresse montait de Lyon que la peste, surtout, tenaillait. Apporté en 1628, par des troupes de passage, le mal terrifiant avait d'abord ravagé les villages du Dauphiné voisin : Vaulx-en-Velin, la Guillotière. Puis d'un bond, le 7 août, il avait sauté le Rhône et s'était établi en ville pour y régner pendant près d'une année. Le désastre avait été affreux : des morts par dizaines de milliers, environ la moitié de la ville emportée... Et si, encore, on avait été quitte ! Mais la contagion, tapie dans les ruelles malsaines, se réveillait à la moindre occasion : des milliers de morts, même, en 1638.
Que faire? Ceux qui le pouvaient s'enfuyaient. Les autres attendaient angoissés, dans la crainte qu'on vînt un jour les prendre afin de les mener à l'horrible Quarantaine où pourrissaient les mourants, ou qu'on les emportât dans l'un des sinistres tombereaux qui sillonnaient les rue désertes. Les médecins, désarmés, devaient se borner à conseiller quelques mesures d'hygiène élémentaires, judicieuses parfois, mais dérisoires devant la force du fléau. Le clergé (surtout les Minimes, les Capucins et les Jésuites) s'activait pour aider les moribonds et soulager un peu leur détresse morale. Et c'était tout.
Restait le ciel. Dans un temps d'accalmie, les consuls-échevins résolurent de s'adresser à Notre-Dame de Fourvière, dont le modeste sanctuaire, depuis quelque temps, attirait davantage la piété des Lyonnais, comme en témoignait le voeu des recteurs de la Charité, cinq ans avant (1).
Le 12 mars 1643, donc, en la maison de la Couronne, rue de la Poulaillerie, où l'Hôtel Commun, le Consulat promit, pour conjurer le mal :
- d'ériger deux statues de la Vierge, l'une sur le perron de la Loge du Change, l'autre sur le pont de Saône ;
- de monter chaque année, le 8 septembre (fête de la Nativité de la Vierge), à la messe dite à Fourvière, et d'offrir au sanctuaire un écu d'or et de la cire blanche pour un poids de sept livres.
Le mois de mai qui suivit fut sombre. Tandis que mourait à Paris le roi Louis XIII, à Lyon la peste se réveilla. La peur fut grande mais, par merveille, au lieu de croître pendant le gros de l'été, comme à l'ordinaire, l'épidémie s'apaisa et s'était assoupie quand, le 8 septembre, le consulat pour la première fois accomplit son voeu. Jamais, depuis, la peste ne réapparut à Lyon, même quand d'autre villes furent cruellement dévastées. Les Lyonnais ne doutèrent pas de la protection divine et, ponctuellement, s'acquittèrent de leurs promesses.
Ils tardèrent un peu à ériger les statues. Néanmoins celle du Change, sculptée par Nicolas Bidaud, fut placée en 1659 contre la façade de la Loge. Probablement usée par les intempéries, elle disparut assez vite, avant 1675. Celle du pont du Change, due à Jacques Mimerel, fut faite en même temps, mais placée seulement en 1662, à l'abri d'un petit édifice construit à cet effet, sur le bec d'une pile. Un accident l'abîma et avant 1740, elle fut déposée dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu, où elle se trouve encore. L'édicule, qui gênait la circulation sur le pont, fut transféré en 1820 au pied du Chemin-Neuf, où il servit de fontaine. Il y est toujours... pris dans le béton du mur de soutènement construit après l'éboulement de 1930.
Le pèlerinage et l'offrande, aussi, furent scrupuleusement accomplis chaque année, jusqu'en 1789. A la messe, le consulat présentait un cierge de sept livres, et un coeur en cire de trois livres auquel était fixé un écu d'or (à partir de 1670 environ une somme de monnaie versée à l'offrande le remplaça).
La Révolution balaya tout ; consulat, échevins, voeux, chanoines de Fourvière. Le vieux sanctuaire fut bien rouvert au culte le 19 avril 1805, par le pape Pie VII en personne, mais les administrations publiques n'étaient plus guère portées à la dévotion. L'empire passa, puis la Restauration, puis la Monarchie de Juillet. Le voeu semblait définitivement éteint.
Mais le 14 novembre 1848, le Cardinal de Bonald, voulant réchauffer la piété mariale, rétablit la confrérie de Notre-Dame de Fourvière, et profita de la messe patronale qu'elle devait statutairement entendre le 8 septembre, pour restaurer l'ancienne consécration annuelle de Lyon à la Vierge. N'ayant évidemment aucune qualité pour fixer la conduite des pouvoirs publics, il décida que la ville serait représentée par des délégués de chacune de ses paroisses, qui offriraient, comme autrefois les consuls-échevins, la cire et l'écu d'or. Dès l'année suivante, le nouvel usage prit naissance.
Pendant la première guerre mondiale, à la faveur de <<l'union sacrée>> pour la défense du pays, on invita les conseillers municipaux à la cérémonie du 8 septembre 1915. Plusieurs répondirent, et des places leur furent réservées dans le choeur. Simples invités d'honneur, ils assistèrent à l'offrande, toujours faite par les délégués des paroisses. Cette situation dura jusqu'à la dernière guerre.
C'est sous l'Occupation que la participation municipale devint officielle et active, à l'occasion du troisième centenaire du voeu. Le 8 septembre 1943, en effet, le maire d'alors, Georges Villiers, accompagné de conseiller, présenta lui-même l'écu d'or ; les paroisses offraient le cierge.
Vint la Libération. Il n'y eut pas d'offrande, le 8 septembre 1944 : un te deum en tint lieu, chanté à Fourvière en présence de toutes les autorités civiles et militaires. Mais l'année suivante, les choses reprenaient leur cours normal : qu'allait-on faire ? il était difficile de répéter tout uniment le geste de la municipalité nommée par Vichy, et l'on devait se garder de tout ce qui risquait d'apparaître comme une nouvelle alliance <<du trône et de l'autel>>. D'autre part le temps n'était plus où l'on jugeait nécessaire qu'un bon républicain fût anticlérical, et des rapports de courtoisie entre la société civile et la première de ses forces spirituelles étaient désirés. Une solution intermédiaire entre la solution d'avant guerre et celle de 1943 fut donc trouvée. Le 8 septembre 1945, une simple délégation officieuse du conseil municipal prit place au choeur de Fourvière, mais elle offrit l'écu, par les mains de l'adjoint Montrochet, les paroisse continuant de présenter le cierge.
C'est ce qui s'est renouvelé chaque année depuis lors(2). Toutefois, la délégation municipale est, peu à peu, devenue pratiquement officielle d'abord quand le Premier adjoint, M. Tapernoux, prit l'habitude de se mettre à sa tête ; ensuite et surtout, quand, en 1970, le maire Louis Pradel vint en personne offrir l'écu d'or. Geste renouvelé par lui même en 1971 et 1975, et par son successeur le sénateur-maire Francisque Collomb, en 1977.
Ainsi Lyon sait marquer son originalité, en respectant, sans trahir l'esprit moderne, les traditions qui donnent à une ville sa personnalité et son âme."
(Bulletin municipal officiel du 10 septembre 1978, cité sur archives-lyon.fr)
Bien que des voix s'élèvent au nom de la laïcité contre cette tradition (voir à ce sujet un article de rue89lyon), l'événement pluriséculaire est désormais bien ancré dans la vie lyonnaise et, d'après Lyonmag, devenant un passage obligé dans la classe politique de la ville :
"Le renouvellement du vœu des Echevins sera célébré ce dimanche après-midi à la Basilique de Fourvière. La cérémonie débutera à 17h30, et sera présidée cette année par Monseigneur Michel Dubost, qui a succédé au Cardinal Philippe Barbarin au diocèse de Lyon. L'archevêque s'étant mis en retrait après sa condamnation dans l'affaire Preynat. Cela n'empêchera pas au gratin lyonnais de se presser à l'événement. Sont déjà annoncés Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Alain Mérieux, le président de l'institut Mérieux, mais également Gérard Collomb le maire de Lyon. A quelques mois des élections municipales et métropolitaines, cela reste un évènement auquel les élus, qu'ils soient catholiques ou non, se sentent obligés de participer."
Bonne journée.
Nous n’avons pas trouvé à Lyon d’équivalent actuel de la
En revanche, il existe bien chaque mois de septembre une pratique particulière de l’Eglise de Lyon et qui fait appel aux officiels du monde laïc : le
" De la faim, de la peste, de la guerre, protégez-nous, Seigneur ". En ce milieu du XVIIe siècle, le vieux cri de détresse montait de Lyon que la peste, surtout, tenaillait. Apporté en 1628, par des troupes de passage, le mal terrifiant avait d'abord ravagé les villages du Dauphiné voisin : Vaulx-en-Velin, la Guillotière. Puis d'un bond, le 7 août, il avait sauté le Rhône et s'était établi en ville pour y régner pendant près d'une année. Le désastre avait été affreux : des morts par dizaines de milliers, environ la moitié de la ville emportée... Et si, encore, on avait été quitte ! Mais la contagion, tapie dans les ruelles malsaines, se réveillait à la moindre occasion : des milliers de morts, même, en 1638.
Que faire? Ceux qui le pouvaient s'enfuyaient. Les autres attendaient angoissés, dans la crainte qu'on vînt un jour les prendre afin de les mener à l'horrible Quarantaine où pourrissaient les mourants, ou qu'on les emportât dans l'un des sinistres tombereaux qui sillonnaient les rue désertes. Les médecins, désarmés, devaient se borner à conseiller quelques mesures d'hygiène élémentaires, judicieuses parfois, mais dérisoires devant la force du fléau. Le clergé (surtout les Minimes, les Capucins et les Jésuites) s'activait pour aider les moribonds et soulager un peu leur détresse morale. Et c'était tout.
Restait le ciel. Dans un temps d'accalmie, les consuls-échevins résolurent de s'adresser à Notre-Dame de Fourvière, dont le modeste sanctuaire, depuis quelque temps, attirait davantage la piété des Lyonnais, comme en témoignait le voeu des recteurs de la Charité, cinq ans avant (1).
Le 12 mars 1643, donc, en la maison de la Couronne, rue de la Poulaillerie, où l'Hôtel Commun, le Consulat promit, pour conjurer le mal :
- d'ériger deux statues de la Vierge, l'une sur le perron de la Loge du Change, l'autre sur le pont de Saône ;
- de monter chaque année, le 8 septembre (fête de la Nativité de la Vierge), à la messe dite à Fourvière, et d'offrir au sanctuaire un écu d'or et de la cire blanche pour un poids de sept livres.
Le mois de mai qui suivit fut sombre. Tandis que mourait à Paris le roi Louis XIII, à Lyon la peste se réveilla. La peur fut grande mais, par merveille, au lieu de croître pendant le gros de l'été, comme à l'ordinaire, l'épidémie s'apaisa et s'était assoupie quand, le 8 septembre, le consulat pour la première fois accomplit son voeu. Jamais, depuis, la peste ne réapparut à Lyon, même quand d'autre villes furent cruellement dévastées. Les Lyonnais ne doutèrent pas de la protection divine et, ponctuellement, s'acquittèrent de leurs promesses.
Ils tardèrent un peu à ériger les statues. Néanmoins celle du Change, sculptée par Nicolas Bidaud, fut placée en 1659 contre la façade de la Loge. Probablement usée par les intempéries, elle disparut assez vite, avant 1675. Celle du pont du Change, due à Jacques Mimerel, fut faite en même temps, mais placée seulement en 1662, à l'abri d'un petit édifice construit à cet effet, sur le bec d'une pile. Un accident l'abîma et avant 1740, elle fut déposée dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu, où elle se trouve encore. L'édicule, qui gênait la circulation sur le pont, fut transféré en 1820 au pied du Chemin-Neuf, où il servit de fontaine. Il y est toujours... pris dans le béton du mur de soutènement construit après l'éboulement de 1930.
Le pèlerinage et l'offrande, aussi, furent scrupuleusement accomplis chaque année, jusqu'en 1789. A la messe, le consulat présentait un cierge de sept livres, et un coeur en cire de trois livres auquel était fixé un écu d'or (à partir de 1670 environ une somme de monnaie versée à l'offrande le remplaça).
La Révolution balaya tout ; consulat, échevins, voeux, chanoines de Fourvière. Le vieux sanctuaire fut bien rouvert au culte le 19 avril 1805, par le pape Pie VII en personne, mais les administrations publiques n'étaient plus guère portées à la dévotion. L'empire passa, puis la Restauration, puis la Monarchie de Juillet. Le voeu semblait définitivement éteint.
Mais le 14 novembre 1848, le Cardinal de Bonald, voulant réchauffer la piété mariale, rétablit la confrérie de Notre-Dame de Fourvière, et profita de la messe patronale qu'elle devait statutairement entendre le 8 septembre, pour restaurer l'ancienne consécration annuelle de Lyon à la Vierge. N'ayant évidemment aucune qualité pour fixer la conduite des pouvoirs publics, il décida que la ville serait représentée par des délégués de chacune de ses paroisses, qui offriraient, comme autrefois les consuls-échevins, la cire et l'écu d'or. Dès l'année suivante, le nouvel usage prit naissance.
Pendant la première guerre mondiale, à la faveur de <<l'union sacrée>> pour la défense du pays, on invita les conseillers municipaux à la cérémonie du 8 septembre 1915. Plusieurs répondirent, et des places leur furent réservées dans le choeur. Simples invités d'honneur, ils assistèrent à l'offrande, toujours faite par les délégués des paroisses. Cette situation dura jusqu'à la dernière guerre.
C'est sous l'Occupation que la participation municipale devint officielle et active, à l'occasion du troisième centenaire du voeu. Le 8 septembre 1943, en effet, le maire d'alors, Georges Villiers, accompagné de conseiller, présenta lui-même l'écu d'or ; les paroisses offraient le cierge.
Vint la Libération. Il n'y eut pas d'offrande, le 8 septembre 1944 : un te deum en tint lieu, chanté à Fourvière en présence de toutes les autorités civiles et militaires. Mais l'année suivante, les choses reprenaient leur cours normal : qu'allait-on faire ? il était difficile de répéter tout uniment le geste de la municipalité nommée par Vichy, et l'on devait se garder de tout ce qui risquait d'apparaître comme une nouvelle alliance <<du trône et de l'autel>>. D'autre part le temps n'était plus où l'on jugeait nécessaire qu'un bon républicain fût anticlérical, et des rapports de courtoisie entre la société civile et la première de ses forces spirituelles étaient désirés. Une solution intermédiaire entre la solution d'avant guerre et celle de 1943 fut donc trouvée. Le 8 septembre 1945, une simple délégation officieuse du conseil municipal prit place au choeur de Fourvière, mais elle offrit l'écu, par les mains de l'adjoint Montrochet, les paroisse continuant de présenter le cierge.
C'est ce qui s'est renouvelé chaque année depuis lors(2). Toutefois, la délégation municipale est, peu à peu, devenue pratiquement officielle d'abord quand le Premier adjoint, M. Tapernoux, prit l'habitude de se mettre à sa tête ; ensuite et surtout, quand, en 1970, le maire Louis Pradel vint en personne offrir l'écu d'or. Geste renouvelé par lui même en 1971 et 1975, et par son successeur le sénateur-maire Francisque Collomb, en 1977.
Ainsi Lyon sait marquer son originalité, en respectant, sans trahir l'esprit moderne, les traditions qui donnent à une ville sa personnalité et son âme."
(Bulletin municipal officiel du 10 septembre 1978, cité sur archives-lyon.fr)
Bien que des voix s'élèvent au nom de la laïcité contre cette tradition (voir à ce sujet un article de rue89lyon), l'événement pluriséculaire est désormais bien ancré dans la vie lyonnaise et, d'après Lyonmag, devenant un passage obligé dans la classe politique de la ville :
"Le renouvellement du vœu des Echevins sera célébré ce dimanche après-midi à la Basilique de Fourvière. La cérémonie débutera à 17h30, et sera présidée cette année par Monseigneur Michel Dubost, qui a succédé au Cardinal Philippe Barbarin au diocèse de Lyon. L'archevêque s'étant mis en retrait après sa condamnation dans l'affaire Preynat. Cela n'empêchera pas au gratin lyonnais de se presser à l'événement. Sont déjà annoncés Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Alain Mérieux, le président de l'institut Mérieux, mais également Gérard Collomb le maire de Lyon. A quelques mois des élections municipales et métropolitaines, cela reste un évènement auquel les élus, qu'ils soient catholiques ou non, se sentent obligés de participer."
Bonne journée.
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