Question d'origine :
L'intelligence artificielle existe-t-elle vraiment, ou n'est ce qu'un abus de langage ?
Y a-t-il une philosophie de l'IA ?
merci
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 25/11/2019 à 13h30
Bonjour,
Peut-on vraiment parler d'intelligence pour une machine ?
C'est la question à laquelle répond le documentaire 1 jour, 1 question :
"Parler d'intelligence artificielle ou IA est exagéré ! Ces machines ne sont expertes que dans un domaine, celui pour lequel elles ont été programmées. Elles ne peuvent pas apprendre seules ou décider de s'intéresser à autre chose car elles n'ont pas conscience d'elles-mêmes. Certains experts pensent toutefois que la véritable IA apparaitra au cours de ce siècle. Les scientifiques demandent donc que cette technologie soit strictement contrôlée pour éviter que les prédictions de la science fiction se réalisent un jour !
Un peu d'histoire :
" En 1956, quand John McCarthy a créé le terme d’« IA », il pensait avoir découvert comment créer un neurone artificiel. Et donc comment faire un cerveau artificiel. Le problème est qu’on ne connaît que 20 à 40 % de notre cerveau. Et cette prétendue modélisation du neurone n’était qu’une fonction mathématique toute simple, vite jugée décevante. Dès le début des années 1960, on s’est aperçu que les promesses de l’IA n’étaient pas tenues et on est entré dans un hiver de l’IA. On en a même connu plusieurs, à chaque fois que l’idée a déçu.
Comment expliquer cette utilisation courante du terme ?
Il s’agit d’une utilisation abusive. Cela ne me dérange pas, mais je préfère pour conserver l’acronyme « IA » parler d’intelligence augmentée, ou d’intelligence assistée. Cependant, le terme « intelligence » me gêne, car il n’y en a pas. Et encore moins d’intelligence qui dominerait le monde. Dans ce cas, il s’agit de marketing utilisé par des gens qui veulent faire parler de leurs bouquins ou de leur entreprise, comme Elon Musk. Des spécialistes de l’IA, tels Jean-Gabriel Ganascia – qui est professeur depuis trente-cinq ans – ou Yann Le Cun – qui est au cœur du renouveau de l’IA chez Facebook en ayant mis en perspective le deep learning – vous diront que cette intelligence est loin d’être aussi intelligente que notre cerveau. "
source : « L’intelligence artificielle n’existe pas », Luc Julia / par Didier Si Ammour - Strategies - 24/06/2019
"Faut-il alors changer d’expression ?
La question s’est posée, « notamment dans les années 1990 », précise le chercheur, également auteur du roman Ce matin, maman a été téléchargée (Buchet-Chastel, 224 p., 14 €), sous le nom de plume de Gabriel Naëj. « Certains préféraient parler d’“informatique avancée” ou d’“intelligence augmentée” », qui permettent en plus de conserver l’acronyme « IA ». Luc Julia penche pour cette dernière expression, en soulignant que « c’est notre intelligence à nous qui est augmentée ». Mais, reconnaît-il, « c’est compliqué de changer de terme maintenant, c’est entré dans le langage courant, c’est utilisé depuis soixante ans… C’est l’image qu’il y a dans la tête des gens qu’il faut changer. On a fait une erreur dans le terme, maintenant il faut expliquer ce qu’il y a derrière »."
source : L’intelligence artificielle, le grand malentendu / Morgane Tual - Le Monde - 13 novembre 2019
Luc Julia est l'auteur de l'ouvrage intitulé L'intelligence artificielle n'existe pas que nous vous invitons à consulter.
Autres documents pour approfondir le sujet :
- Intelligence artificielle : « Et Dieu dans tout ça ? » - interview de Luc Julia / Propos recueillis par Mégane Chiecchi et Guillaume Grallet - Le Point - 02/02/2019
- Et si l’intelligence artificielle n’existait pas ? / Léa Lejeune - Challenges - 28.03.2019
- L'intelligence artificielle existe bel et bien / Jean-Philippe Couturier (PDG de Whoz) - Les Echos - le 24 avr. 2019
- Intelligence artificielle : «De plus en plus de spectres vont administrer nos vies» / Libération no. 11633 - mardi 23 octobre 2018
Qu'en est-il de la philosophie ?
" Si la croyance d’une alterhumanité qui viendrait faire concurrence à l’espèce humaine est si développée et associe paradoxalement progressistes et conservateurs, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait peur : c’est avant tout parce que la philosophie dominante, celle qui fait lieu commun et qui est enseignée dans nos écoles, celle que les romantiques du XIXe siècle ont immortalisée et que les intellectuels du XXe ont sublimée, rend tout à fait plausible le mythe du golem.
Cette philosophie de la nécessité, de Spinoza à Sartre en passant par Marx et Freud, place la raison pour seule et unique vérité et la science pour seule et unique réalité. Elle affirme que toute chose est déterminée uniquement par son existence passée et que la vraie liberté consiste uniquement à modifier l’ordre naturel des choses. Toute référence à une quelconque transcendance, métaphysique, beauté ou magie est forcément réac, futile et stupide car le monde n’est régi que par la nécessité de se conformer aux lois physiques. Le libre arbitre n’existe pas et l’homme n’est qu’une machine comme les autres, faite uniquement de matière, de circuits, de câblages et de réacteurs chimiques.
« Les hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres et cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes qui les déterminent. » – Baruch Spinoza
Selon ce paradigme qui se proclame scientifique et rationnel, l’homme est une intelligence naturelle qui procède des lois de la nature et rien ne l’empêche donc de recréer une intelligence artificielle à l’identique de lui-même en suivant la démarche scientifique qui permet la reproduction de ces mêmes phénomènes naturels.
source : Pourquoi il ne faut pas avoir peur de l’Intelligence artificielle / Olivier Maurice
Pour aller plus loin, quelques livres :
- Pourquoi la pensée humaine est inégalable : la philosophie met au défi l'intelligence artificielle / Markus Gabriel
Le philosophe allemand analyse les fondements de la pensée humaine et développe la démonstration selon laquelle elle ne peut pas être remplacée par l'intelligence artificielle.
- La fin de l'individu : voyage d'un philosophe au pays de l'intelligence artificielle / Gaspard Koenig
Une réflexion philosophique sur l'intelligence artificielle et la menace qu'elle représente pour le libre arbitre humain. L'auteur présente sa philosophie libérale et s'interroge sur l'autonomie et la responsabilité de l'individu face à ce défi posé à l'humanité.
- L'intelligence artificielle ou L'enjeu du siècle : anatomie d'un antihumanisme radical / Éric Sadin
Un essai déplorant l'obsession de la société moderne pour l'intelligence artificielle, qui paraît apte à orienter la conduite des affaires humaines et à imposer sa loi au détriment du libre exercice par l'individu de sa faculté de juger et d'agir. L'auteur appelle à ériger des formes de rationalité fondées sur la pluralité des êtres et sur l'incertitude qui est au coeur même de la vie.
Bonne journée.
C'est la question à laquelle répond le documentaire 1 jour, 1 question :
"Parler d'intelligence artificielle ou IA est exagéré ! Ces machines ne sont expertes que dans un domaine, celui pour lequel elles ont été programmées. Elles ne peuvent pas apprendre seules ou décider de s'intéresser à autre chose car elles n'ont pas conscience d'elles-mêmes. Certains experts pensent toutefois que la véritable IA apparaitra au cours de ce siècle. Les scientifiques demandent donc que cette technologie soit strictement contrôlée pour éviter que les prédictions de la science fiction se réalisent un jour !
" En 1956, quand John McCarthy a créé le terme d’« IA », il pensait avoir découvert comment créer un neurone artificiel. Et donc comment faire un cerveau artificiel. Le problème est qu’on ne connaît que 20 à 40 % de notre cerveau. Et cette prétendue modélisation du neurone n’était qu’une fonction mathématique toute simple, vite jugée décevante. Dès le début des années 1960, on s’est aperçu que les promesses de l’IA n’étaient pas tenues et on est entré dans un hiver de l’IA. On en a même connu plusieurs, à chaque fois que l’idée a déçu.
Il s’agit d’une utilisation abusive. Cela ne me dérange pas, mais je préfère pour conserver l’acronyme « IA » parler d’intelligence augmentée, ou d’intelligence assistée. Cependant, le terme « intelligence » me gêne, car il n’y en a pas. Et encore moins d’intelligence qui dominerait le monde. Dans ce cas, il s’agit de marketing utilisé par des gens qui veulent faire parler de leurs bouquins ou de leur entreprise, comme Elon Musk. Des spécialistes de l’IA, tels Jean-Gabriel Ganascia – qui est professeur depuis trente-cinq ans – ou Yann Le Cun – qui est au cœur du renouveau de l’IA chez Facebook en ayant mis en perspective le deep learning – vous diront que cette intelligence est loin d’être aussi intelligente que notre cerveau. "
source : « L’intelligence artificielle n’existe pas », Luc Julia / par Didier Si Ammour - Strategies - 24/06/2019
"
La question s’est posée, « notamment dans les années 1990 », précise le chercheur, également auteur du roman Ce matin, maman a été téléchargée (Buchet-Chastel, 224 p., 14 €), sous le nom de plume de Gabriel Naëj. « Certains préféraient parler d’“informatique avancée” ou d’“intelligence augmentée” », qui permettent en plus de conserver l’acronyme « IA ». Luc Julia penche pour cette dernière expression, en soulignant que « c’est notre intelligence à nous qui est augmentée ». Mais, reconnaît-il, « c’est compliqué de changer de terme maintenant, c’est entré dans le langage courant, c’est utilisé depuis soixante ans… C’est l’image qu’il y a dans la tête des gens qu’il faut changer. On a fait une erreur dans le terme, maintenant il faut expliquer ce qu’il y a derrière »."
source : L’intelligence artificielle, le grand malentendu / Morgane Tual - Le Monde - 13 novembre 2019
Luc Julia est l'auteur de l'ouvrage intitulé L'intelligence artificielle n'existe pas que nous vous invitons à consulter.
Autres documents pour approfondir le sujet :
- Intelligence artificielle : « Et Dieu dans tout ça ? » - interview de Luc Julia / Propos recueillis par Mégane Chiecchi et Guillaume Grallet - Le Point - 02/02/2019
- Et si l’intelligence artificielle n’existait pas ? / Léa Lejeune - Challenges - 28.03.2019
- L'intelligence artificielle existe bel et bien / Jean-Philippe Couturier (PDG de Whoz) - Les Echos - le 24 avr. 2019
- Intelligence artificielle : «De plus en plus de spectres vont administrer nos vies» / Libération no. 11633 - mardi 23 octobre 2018
" Si la croyance d’une alterhumanité qui viendrait faire concurrence à l’espèce humaine est si développée et associe paradoxalement progressistes et conservateurs, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait peur : c’est avant tout parce que la philosophie dominante, celle qui fait lieu commun et qui est enseignée dans nos écoles, celle que les romantiques du XIXe siècle ont immortalisée et que les intellectuels du XXe ont sublimée, rend tout à fait plausible le mythe du golem.
Cette philosophie de la nécessité, de Spinoza à Sartre en passant par Marx et Freud, place la raison pour seule et unique vérité et la science pour seule et unique réalité. Elle affirme que toute chose est déterminée uniquement par son existence passée et que la vraie liberté consiste uniquement à modifier l’ordre naturel des choses. Toute référence à une quelconque transcendance, métaphysique, beauté ou magie est forcément réac, futile et stupide car le monde n’est régi que par la nécessité de se conformer aux lois physiques. Le libre arbitre n’existe pas et l’homme n’est qu’une machine comme les autres, faite uniquement de matière, de circuits, de câblages et de réacteurs chimiques.
« Les hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres et cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes qui les déterminent. » – Baruch Spinoza
Selon ce paradigme qui se proclame scientifique et rationnel, l’homme est une intelligence naturelle qui procède des lois de la nature et rien ne l’empêche donc de recréer une intelligence artificielle à l’identique de lui-même en suivant la démarche scientifique qui permet la reproduction de ces mêmes phénomènes naturels.
source : Pourquoi il ne faut pas avoir peur de l’Intelligence artificielle / Olivier Maurice
- Pourquoi la pensée humaine est inégalable : la philosophie met au défi l'intelligence artificielle / Markus Gabriel
Le philosophe allemand analyse les fondements de la pensée humaine et développe la démonstration selon laquelle elle ne peut pas être remplacée par l'intelligence artificielle.
- La fin de l'individu : voyage d'un philosophe au pays de l'intelligence artificielle / Gaspard Koenig
Une réflexion philosophique sur l'intelligence artificielle et la menace qu'elle représente pour le libre arbitre humain. L'auteur présente sa philosophie libérale et s'interroge sur l'autonomie et la responsabilité de l'individu face à ce défi posé à l'humanité.
- L'intelligence artificielle ou L'enjeu du siècle : anatomie d'un antihumanisme radical / Éric Sadin
Un essai déplorant l'obsession de la société moderne pour l'intelligence artificielle, qui paraît apte à orienter la conduite des affaires humaines et à imposer sa loi au détriment du libre exercice par l'individu de sa faculté de juger et d'agir. L'auteur appelle à ériger des formes de rationalité fondées sur la pluralité des êtres et sur l'incertitude qui est au coeur même de la vie.
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter