Question d'origine :
Bonjour,
J'ai gagné une plante à un concours. Elle est très belle et je l'aime beaucoup. Hélas, maintenant qu'elle a fleuri, je suis en mesure de l'identifier, et il s'agit d'une espèce envahissante pour la zone géographique dans laquelle je vis : Lonicera japonica !
Je pense que le mieux est que je l'élimine car elle présente un risque écologique, aussi minime soit-il.
Mais je veux le faire avec amour, sans que ça me brise le coeur !
Comment faire ?
Merci d'avance,
Zozolat
PS : mes boutures d'Allamanda cathartica subiront sans doute le même sort. Comme c'est triste ! Mais il le faut.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 26/12/2019 à 14h15
Bonjour,
Votre désir d’assurer une mort digne à votre chèvrefeuille vous honore. Cependant, la réponse n’est pas aisée : lorsqu’on évoque la question d’une élimination digne, on est tenté de penser à la question de la souffrance animale… or parler de souffrance pour les plantes a peu de sens, selon Eugenia Brun Hernández, docteure en biologie végétale, sur echosciences-grenoble.fr :
« Il n’y a tout simplement aucune étude scientifique qui trouve la moindre trace de douleur chez les plantes ni même des études qui le suggéreraient. Nous ne pouvons donc pas dire aujourd’hui que les plantes souffrent. Il arrive que suite à des publications scientifiques sur les dernières découvertes à propos des plantes, notamment sur leurs mécanismes de défense, des médias transforment les conclusions et génèrent des titres sensationnalistes qui laissent penser que les plantes souffrent. Trop souvent, des personnes et même des personnalités politiques utilisent ce faux argument pour décrédibiliser en quelque sorte la préoccupation d’une partie croissante de la population pour éviter la mort et la souffrance animale. Mais je pense que nous sommes tous capables de reconnaître le problème qu’il y a à s’appuyer sur la possibilité totalement hypothétique et que rien ne vient soutenir, que les plantes souffriraient pour ne pas se soucier d’éviter au maximum la souffrance prouvée des animaux.
[…]
La souffrance est une expérience consciente. Elle représente une cascade d'effets physiologiques, immunologiques, cognitifs et comportementaux (National Research Council, 2009). Pour pouvoir ressentir de la douleur il faut avoir des nocicepteurs. Ces structures font partie d’un système nerveux qui existe chez les vertébrés. La nociception est un premier stade nécessaire mais pas suffisant pour éprouver de la douleur (Balcombe, 2018). Le prochain stade nécessaire pour éprouver de la douleur est, d’après la IASP (Association international pour l’étude de la douleur), l'expérience de la "douleur" elle-même, ou de la souffrance, qui est définie comme l'interprétation interne et émotionnelle de l'expérience nociceptive. Comme le chercheur Jacques Tassin l’a très bien exprimé : la réaction d’une plante à un stimulus négatif « ce n’est ni de l’automatisme ni de la douleur, mais une forme de complexité du vivant ». Essayons de reconnaître les plantes pour ce qu’elles sont, des êtres omniprésents sur la Terre et bien plus sophistiquées qu'on ne le croyait. »
On trouve sensiblement le même discours dans un article de Sciences et avenir :
« Les plantes souffrent-elles quand on les coupe ? Poser la question en ces termes, c'est pécher par anthropomorphisme. Le règne végétal est tellement différent du règne animal qu'il est vain de comparer. »
Cela ne veut pas dire que vous ne puissiez pas tenter, d’une façon ou d’une autre, d’agir sur l’humeur de vos plantes : certains sons, par exemple, semblent mettre nos amis végétaux dans de si bonnes dispositions qu’un nombre croissant d’agriculteurs y fait appel – encore que rient ne serve de diffuser du Mozart ou du Vivaldi à vos plantes : selon une étude publiée dans la revue Trends in Plant Science, c’est un son continu émis à des fréquences comprises entre 200 et 300 hertz qui aura des chances d’attirer l’attention de votre chèvrefeuille… si d’aventure les chèvrefeuilles ont les mêmes goûts musicaux que les maïs.
Quoi qu’il arrive, et pour éviter encore une fois tout anthropomorphisme, nous vous déconseillons l’inhumation, puisque votre but est tout de même de vous débarrasser du chèvrefeuille. Et de fait, la partie la plus ardue de votre question est peut-être de savoir comment tuer efficacement une plante que tous les ouvrages de jardinage consultés décrivent comme « robuste », « persistante » « vigoureuse ».
Nous avons trouvé peu de sources en français : la plante, considérée comme invasive aux USA, en Australie ou en Nouvelle Zélande selon jardindupicvert.com, ne l’est pas en France métropolitaine, où elle est vendue en jardinerie. En revanche, beaucoup de sources anglophones donnent des conseils pour se débarrasser de la plante, telle cette page du site de l’Université du Connecticut qui cite plusieurs options :
« A. Arrachage manuel :
Les petites touffes de chèvrefeuille japonais peuvent être éliminées par arrachage manuel des lianes traînantes. Toutes les racines et pousses doivent être retirées du site et éliminées correctement.
B.Tonte:
La tonte n'est pas une méthode de contrôle efficace pour le chèvrefeuille japonais, car l'élimination de la croissance en hauteur favorisera une croissance supplémentaire au ras du sol et encouragera la formation de tapis denses. Cependant, une tonte deux fois par an peut réduire la propagation végétative bien que la densité de la tige puisse augmenter. Le matériau coupé doit également être retiré du site pour empêcher l'enracinement et la propagation supplémentaire.
C. Herbicides:
Pendant la croissance active, vaporisez du triclopyr sur les vignes de chèvrefeuille japonais. Parce que ses feuilles restent vertes bien en hiver, le chèvrefeuille japonais peut être contrôlé avec des pulvérisations de triclopyr ou de glyphosate à la mi-fin de l'automne. »
Un site institutionnel de l’Etat de Pennsylvanie dans un document lisible en ligne liste rigoureusement les mêmes conseils.
Hélas, aucune des sources consultées n’invite à se faire la moindre illusion sur le fait qu’aucune de ces méthodes n’est garantie à 100% : il est très difficile de tuer un chèvrefeuille japonais :
« La coupe mécanique de L. japonica est très peu efficaces car les rejets sont trop importants et la plante possède des capacités de bouturage très fortes. La coupe régulière de la plante autour des zones colonisées peut cependant limiter son expansion latérale (CABI, 2015).
L’arrachage manuel peut être réalisé mais doit veiller à bien arracher l’ensemble du système racinaire. Ces opérations doivent être réalisées plusieurs fois pour être efficaces. Les jeunes plants peuvent être arrachés lorsque le sol est humide, pour faciliter l’extraction du système racinaire. Les plantes couvrant le sol sur de grandes superficies peuvent être soulevées avec un râteau et coupées à la base. Ces opérations doivent être réalisées deux fois par an, au mois de juillet et en septembre. Elles ne permettent pas d’éliminer les plantes car les rhizomes persistent dans le sol (CABI 2015).
Le pâturage avec des chèvres peut également être mis en place pour réduire les populations (CABI, 2015). »
(Source : especes-exotiques-envahissantes.fr)
C’est ainsi qu’un site tel qu’extranet.kvu.ch adjoint une série de conseils de bon sens pour mettre toutes les chances de votre côté : « Contrôle des lisières à proximité des zones d’habitation. », « Arrachage immédiat des nouvelles plantes. », « Empêcher la formation des graines. » « Ne pas utiliser de terre contaminée par des plantes envahissantes (ni par leurs racines, graines, etc.). » « Eliminer correctement le matériel végétal », […] « Couvrir le matériel lors du transport. », « Après chaque intervention, effectuer des contrôles répétés sur plusieurs années »…
Tous ces soins, en complément de la méthode d’arrachage manuel plutôt que l’usage de pulvérisations chimiques, vous permettra d’exprimer au moins votre amour et votre attention envers l’écosystème environnant, à défaut de l’avoir fait sentir à feu votre Lonicera japonica.
Bonne journée.
Votre désir d’assurer une mort digne à votre chèvrefeuille vous honore. Cependant, la réponse n’est pas aisée : lorsqu’on évoque la question d’une élimination digne, on est tenté de penser à la question de la souffrance animale… or parler de souffrance pour les plantes a peu de sens, selon Eugenia Brun Hernández, docteure en biologie végétale, sur echosciences-grenoble.fr :
« Il n’y a tout simplement aucune étude scientifique qui trouve la moindre trace de douleur chez les plantes ni même des études qui le suggéreraient. Nous ne pouvons donc pas dire aujourd’hui que les plantes souffrent. Il arrive que suite à des publications scientifiques sur les dernières découvertes à propos des plantes, notamment sur leurs mécanismes de défense, des médias transforment les conclusions et génèrent des titres sensationnalistes qui laissent penser que les plantes souffrent. Trop souvent, des personnes et même des personnalités politiques utilisent ce faux argument pour décrédibiliser en quelque sorte la préoccupation d’une partie croissante de la population pour éviter la mort et la souffrance animale. Mais je pense que nous sommes tous capables de reconnaître le problème qu’il y a à s’appuyer sur la possibilité totalement hypothétique et que rien ne vient soutenir, que les plantes souffriraient pour ne pas se soucier d’éviter au maximum la souffrance prouvée des animaux.
[…]
La souffrance est une expérience consciente. Elle représente une cascade d'effets physiologiques, immunologiques, cognitifs et comportementaux (National Research Council, 2009). Pour pouvoir ressentir de la douleur il faut avoir des nocicepteurs. Ces structures font partie d’un système nerveux qui existe chez les vertébrés. La nociception est un premier stade nécessaire mais pas suffisant pour éprouver de la douleur (Balcombe, 2018). Le prochain stade nécessaire pour éprouver de la douleur est, d’après la IASP (Association international pour l’étude de la douleur), l'expérience de la "douleur" elle-même, ou de la souffrance, qui est définie comme l'interprétation interne et émotionnelle de l'expérience nociceptive. Comme le chercheur Jacques Tassin l’a très bien exprimé : la réaction d’une plante à un stimulus négatif « ce n’est ni de l’automatisme ni de la douleur, mais une forme de complexité du vivant ». Essayons de reconnaître les plantes pour ce qu’elles sont, des êtres omniprésents sur la Terre et bien plus sophistiquées qu'on ne le croyait. »
On trouve sensiblement le même discours dans un article de Sciences et avenir :
« Les plantes souffrent-elles quand on les coupe ? Poser la question en ces termes, c'est pécher par anthropomorphisme. Le règne végétal est tellement différent du règne animal qu'il est vain de comparer. »
Cela ne veut pas dire que vous ne puissiez pas tenter, d’une façon ou d’une autre, d’agir sur l’humeur de vos plantes : certains sons, par exemple, semblent mettre nos amis végétaux dans de si bonnes dispositions qu’un nombre croissant d’agriculteurs y fait appel – encore que rient ne serve de diffuser du Mozart ou du Vivaldi à vos plantes : selon une étude publiée dans la revue Trends in Plant Science, c’est un son continu émis à des fréquences comprises entre 200 et 300 hertz qui aura des chances d’attirer l’attention de votre chèvrefeuille… si d’aventure les chèvrefeuilles ont les mêmes goûts musicaux que les maïs.
Quoi qu’il arrive, et pour éviter encore une fois tout anthropomorphisme, nous vous déconseillons l’inhumation, puisque votre but est tout de même de vous débarrasser du chèvrefeuille. Et de fait, la partie la plus ardue de votre question est peut-être de savoir comment tuer efficacement une plante que tous les ouvrages de jardinage consultés décrivent comme « robuste », « persistante » « vigoureuse ».
Nous avons trouvé peu de sources en français : la plante, considérée comme invasive aux USA, en Australie ou en Nouvelle Zélande selon jardindupicvert.com, ne l’est pas en France métropolitaine, où elle est vendue en jardinerie. En revanche, beaucoup de sources anglophones donnent des conseils pour se débarrasser de la plante, telle cette page du site de l’Université du Connecticut qui cite plusieurs options :
« A. Arrachage manuel :
Les petites touffes de chèvrefeuille japonais peuvent être éliminées par arrachage manuel des lianes traînantes. Toutes les racines et pousses doivent être retirées du site et éliminées correctement.
B.Tonte:
La tonte n'est pas une méthode de contrôle efficace pour le chèvrefeuille japonais, car l'élimination de la croissance en hauteur favorisera une croissance supplémentaire au ras du sol et encouragera la formation de tapis denses. Cependant, une tonte deux fois par an peut réduire la propagation végétative bien que la densité de la tige puisse augmenter. Le matériau coupé doit également être retiré du site pour empêcher l'enracinement et la propagation supplémentaire.
C. Herbicides:
Pendant la croissance active, vaporisez du triclopyr sur les vignes de chèvrefeuille japonais. Parce que ses feuilles restent vertes bien en hiver, le chèvrefeuille japonais peut être contrôlé avec des pulvérisations de triclopyr ou de glyphosate à la mi-fin de l'automne. »
Un site institutionnel de l’Etat de Pennsylvanie dans un document lisible en ligne liste rigoureusement les mêmes conseils.
Hélas, aucune des sources consultées n’invite à se faire la moindre illusion sur le fait qu’aucune de ces méthodes n’est garantie à 100% : il est très difficile de tuer un chèvrefeuille japonais :
« La coupe mécanique de L. japonica est très peu efficaces car les rejets sont trop importants et la plante possède des capacités de bouturage très fortes. La coupe régulière de la plante autour des zones colonisées peut cependant limiter son expansion latérale (CABI, 2015).
L’arrachage manuel peut être réalisé mais doit veiller à bien arracher l’ensemble du système racinaire. Ces opérations doivent être réalisées plusieurs fois pour être efficaces. Les jeunes plants peuvent être arrachés lorsque le sol est humide, pour faciliter l’extraction du système racinaire. Les plantes couvrant le sol sur de grandes superficies peuvent être soulevées avec un râteau et coupées à la base. Ces opérations doivent être réalisées deux fois par an, au mois de juillet et en septembre. Elles ne permettent pas d’éliminer les plantes car les rhizomes persistent dans le sol (CABI 2015).
Le pâturage avec des chèvres peut également être mis en place pour réduire les populations (CABI, 2015). »
(Source : especes-exotiques-envahissantes.fr)
C’est ainsi qu’un site tel qu’extranet.kvu.ch adjoint une série de conseils de bon sens pour mettre toutes les chances de votre côté : « Contrôle des lisières à proximité des zones d’habitation. », « Arrachage immédiat des nouvelles plantes. », « Empêcher la formation des graines. » « Ne pas utiliser de terre contaminée par des plantes envahissantes (ni par leurs racines, graines, etc.). » « Eliminer correctement le matériel végétal », […] « Couvrir le matériel lors du transport. », « Après chaque intervention, effectuer des contrôles répétés sur plusieurs années »…
Tous ces soins, en complément de la méthode d’arrachage manuel plutôt que l’usage de pulvérisations chimiques, vous permettra d’exprimer au moins votre amour et votre attention envers l’écosystème environnant, à défaut de l’avoir fait sentir à feu votre Lonicera japonica.
Bonne journée.
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