Nous, cellules d'un méga-organisme ?
LANGUES ET LITTÉRATURES
+ DE 2 ANS
Le 10/02/2020 à 15h04
787 vues
Question d'origine :
Y a-t-il des œuvres de science-fiction ou de philosophie qui pensent que notre monde, voire notre système solaire, n'est qu'une minuscule partie d'un super-organisme ? Je pense à l'hypothèse Gaia, ou au générique de fin de Men In Black I...
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 12/02/2020 à 08h34
Bonjour,
Voici quelques pistes du côté de la philosophie et de la science :
« Le cosmos, organisme en expansion
Le philosophe David Hume (1711-1776) est le plus souvent connu aujourd’hui pour son scepticisme envers la religion. Mais il était tout aussi sceptique face à la philosophie mécaniciste de la nature. Rien ne prouvait, à ses yeux, que l’univers soit davantage une machine qu’un organisme vivant : l’organisation que nous voyons dans la nature ressemble plus à celle des plantes et des animaux qu’à celle des machines. Hume s’opposait à l’idée d’un dieu dessinateur de machines et préférait suggérer que le monde ait pu trouver son origine dans quelque chose de comparable à une graine ou à un œuf. Selon ses propos, publiés à titre posthume en 1779 : « Il y a d’autres parties de l’univers (outre les machines d’invention humaine) qui entretiennent une ressemblance encore plus grande avec l’agencement du monde, et qui, donc, fournissent une meilleure conjecture sur l’origine universelle de ce système. Ces parties sont les animaux et les végétaux. Le monde ressemble à l’évidence plus à un animal ou à un végétal qu’à une montre ou un métier à tisser. […] Et une plante, un animal, qui naît par végétation ou par génération, n’entretient-il pas une ressemblance plus forte avec le monde que toute machine artificielle provenant de la raison et du dessein ? »
A la lumière de la cosmologie moderne, l’argument de Hume est étonnamment précurseur. Jusqu’aux années 1960, la plupart des scientifiques voyaient l’univers comme une machine et même comme une machine à court de carburant, en route pour l’extinction finale. Suivant la seconde loi de la thermodynamique, promulguée en 1852, l’univers perd graduellement sa capacité à fonctionner. Il devrait un jour se congeler en un « état de repos et de mort universelle », selon les mots de William Thomson, anobli plus tard sous le titre de lord Kelvin.
Ce n’est qu’en 1927 que George Lemaître, chanoine catholique et astronome, proposa une hypothèse scientifique faisant penser à la graine et à l’œuf dont parlait Hume. Lemaître suggéra que l’univers aurait pu commencer par un « événement créateur » qu’il décrivit comme « l’œuf cosmique explosant au moment de la création ». Appelée plus tard Big Bang, cette nouvelle cosmologie fait écho à plusieurs histoires des origines datant de l’Antiquité, comme le mythe orphique de l’œuf cosmique en Grèce ou le mythe indien de Hiranyagarbha, l’œuf d’or originel. De façon significative, dans tous ces mythes l’œuf est à la fois unité et dualité primale, un œuf étant une unité composée de deux parties, le blanc et le jaune – un symbole adéquat de l’émergence du « plusieurs » à partir du « un ».
La théorie de Lemaître prévoyait que l’univers soit en expansion et elle fut confortée par la découverte de l’éloignement progressif des galaxies extérieures à la nôtre, à une vitesse proportionnelle à leur distance. En 1964, la découverte d’un faible fond incandescent partout dans l’univers, le fonds diffus cosmologique (ou « bruit de fond cosmique »), révéla ce qui semblait être la lumière fossile laissée par l’univers à ses débuts, peu après le Big Bang. L’existence d’un « événement créateur » apparaissait alors évidente et, dès 1966, la théorie du Big Bang devenait orthodoxe.
La cosmologie nous raconte l’histoire d’un univers qui a commencé tout petit, plus petit que la pointe d’une aiguille, et très chaud. Il est en expansion depuis. En grossissant, il se refroidit, et en se refroidissant, de nouvelles formes et structures apparaissent en son sein : des noyaux d’atomes et des électrons, des étoiles, des galaxies, des planètes, des molécules, des cristaux et la vie biologique.
La métaphore de la machine a perdu son utilité depuis longtemps et elle bride la pensée scientifique en physique, biologie et médecine. Notre univers en expansion ressemble bien plus à un organisme qu’à une machine, tout comme la Terre, un chêne, un chien ou vous. […]
A propos de la Terre, par exemple, nous pourrions voir que la théorie Gaïa n’est pas juste une métaphore poétique isolant notre planète d’un univers totalement mécanique par ailleurs. La reconnaître en tant qu’organisme vivant est une étape majeure vers la reconnaissance de la vie à l’œuvre dans le cosmos. Si la Terre est un organisme, qu’en est-il du Soleil et du système solaire ? Et si le système solaire est une sorte d’organisme, qu’en est-il de la galaxie ? La cosmologie considère déjà l’univers tout entier comme un super-organisme en expansion, né de l’éclosion d’un œuf cosmique. »
Source : Réenchanter la science, Sylvain Michelet, Rupert Sheldrake
La page Wikipedia consacrée à l’hypothèse Gaïa mentionne plusieurs précédents philosophiques et scientifiques. Nous vous laissons regarder les sources citées en référence :
«Précédents philosophiques
Dès l'Antiquité, les stoïciens conçoivent l'Univers comme un tout ordonné (le cosmos) dans lequel tout a une cause, de sorte qu'un événement, quel qu'il soit, entraîne nécessairement un événement futur déterminé. Pour les Grecs, la raison est la faculté qui nous permet de saisir ces relations de cause à effet. Parallèlement, les stoïciens appellent « Raison » (le logos) cet ordonnancement universel de la Nature qui forme un tout qualifié de « divin ».
Johannes Kepler, dès le XVIIe siècle, est le premier scientifique à émettre l'idée que la Terre serait assimilable à un organisme rond et unique. Léonard de Vinci, avant lui, avait fait une comparaison entre le fonctionnement interne du corps humain et le mécanisme de la Terre. Par ailleurs, la pensée de Lovelock se rapproche de celle de Ralph Waldo Emerson, philosophe américain, qui a voulu replacer la Nature dans le débat métaphysique. Pour Emerson, dans son ouvrage Nature (1836), l'homme est devenu un demi-homme, qui utilise la nature par son entendement seul, par le travail pénible des forces matérielles, parce qu'il a perdu ses forces spirituelles. Enfin, l'écologie littéraire d'Henry David Thoreau, pionnier de la conscience environnementale selon Donald Worster, propose une vision spirituelle de la Terre proche de celle de Gaïa. Thoreau dit ainsi en 1851 que « la terre que je foule aux pieds n'est pas une masse inerte et morte, elle est un corps, elle possède un esprit, elle est organisée et perméable à l'influence de son esprit ainsi qu'à la parcelle de cet esprit qui est en moi » ; il parle par ailleurs de « terre vivante » et de « grande créature ».
Précédents scientifiques
Les métaphores scientifiques assimilant la Terre à un organisme vivant sont nombreuses avant Lovelock. Friedrich Ratzel est l'un des premiers scientifiques à parler d'« organisme terrestre », concept central de ce qu'il nomme la biogéographie. Jean-Baptiste Lamarck, partisan d'une théorie parallèle à celle de Charles Darwin, avait déjà développé l'idée que la Terre serait un tout organisé et interdépendant. Le géologue James Hutton, dans son ouvrage fondateur pour cette discipline, The Theory of the Earth, explique en 1785 : « I consider the Earth to be a super organism and that its proper study should by physiology » (« Je considère la Terre comme un super organisme et sa physiologie devrait être étudiée »).
Le concept de « biosphère » est émis en 1875 par le géologue Eduard Suess.
Thomas Henry Huxley, un partisan de Darwin, pense, dès 1877, que la Terre s'autorégule. Le mathématicien Alfred Lotka fonde ensuite une approche de la dynamique des populations biologiques qui luttent pour la maîtrise des ressources énergétiques, jusqu'à modeler et influencer leur milieu — idée qui sera reprise par James Lovelock à travers le concept d'éco-évolution. En 1924, le paléontologue et géologue Teilhard de Chardin forge, en lien avec Vernadsky et le philosophe Édouard Le Roy, le concept de « noosphère », que reprend Vernadsky : il s'agit de l'ensemble formé par les interactions de consciences à la surface de la planète, jusqu'à ne former plus qu'une seule entité. Lewis Thomas, quant à lui, envisage la Terre comme une cellule unique. Par ailleurs, en 1960, le biologiste Eugène Odum voit dans les écosystèmes des entités autorégulées.
Ce sont surtout les théories de Vladimir Vernadsky et de Walter Cannon qui ont influencé l'hypothèse Gaïa.
Vernadsky et les couches écologiques
La notion de « biosphère » énoncée par Vladimir Vernadsky (1863-1945) en 1924 est le précédent conceptuel fondamental de l'image d'un système clos sur lui-même et tendant à l'autorégulation optimale. Fondateur de la géochimie moderne, Vernadsky postule que la vie s'exprime comme une force géologique et constitue un phénomène cosmique. C'est en effet le concept de biosphère qui a, selon Eileen Crist et H. Bruce Rinker, préfiguré le modèle biogéochimique. Le modèle gaïen qu'il propose pour la planète se compose de différentes couches en interaction : la lithosphère, noyau de roche et d'eau ; l'atmosphère, enveloppe gazeuse constituant l'air ; la biosphère constituée par la vie ; la technosphère résultant de l'activité humaine et enfin la noosphère ou sphère de la pensée. L'ambition de l'Earth system science est de comprendre en quoi la Terre est un système dans lequel chacune de ces couches participe à la mécanique générale. Vernadsky considère que la compréhension de ce phénomène global ne peut se faire sans prendre en compte l'action du Vivant — idée que Lovelock reprend à travers l'éco-évolution.
Walter Cannon et le concept d'homéostasie
Évoqué par le médecin français Claude Bernard, le concept biologique d'« homéostasie », forgé par Walter Cannon (1871-1945), puis précisé par W. Ross Ashby, à partir de deux mots grecs : stasis (« état », « position ») et homoios (« égal », « semblable à »), définit la stabilisation des états qui permettent les processus biologiques de la vie. Dans son ouvrage fondateur, The Wisdom of the Body, Cannon définit ainsi l'homéostasie : « Les êtres vivants supérieurs constituent un système ouvert présentant de nombreuses relations avec l'environnement. Les modifications de l'environnement déclenchent des réactions dans le système ou l'affectent directement, aboutissant à des perturbations internes du système. De telles perturbations sont normalement maintenues dans des limites étroites parce que des ajustements automatiques, à l'intérieur du système, entrent en action et que de cette façon sont évitées des oscillations amples, les conditions internes étant maintenues à peu près constantes ».
De biologique, le concept en est venu à désigner toute recherche d'un état d'équilibre, au sein d'un système cybernétique. Cette autorégulation peut être appliquée à l'écologie, au climat et même aux cycles géochimiques, et naît des multiples interactions des différents constituants du système concerné. La « propriété émergente » traduit le concept d'homéostasie dans le domaine cybernétique et est reprise par le modèle biogéochimique comme étant la capacité, pour le système-Terre, à maintenir une température stable et favorable à la vie.
Enfin la série de documentaires « Les mystères de l’univers » a consacré un épisode à ce sujet : L'univers est-il vivant : Qu'est-ce qui fait de nous ce que nous sommes.
Nos collègues du département littérature vous répondront prochainement concernant la littérature de science-fiction.
Bonne journée.
Voici quelques pistes du côté de la philosophie et de la science :
« Le cosmos, organisme en expansion
Le philosophe David Hume (1711-1776) est le plus souvent connu aujourd’hui pour son scepticisme envers la religion. Mais il était tout aussi sceptique face à la philosophie mécaniciste de la nature. Rien ne prouvait, à ses yeux, que l’univers soit davantage une machine qu’un organisme vivant : l’organisation que nous voyons dans la nature ressemble plus à celle des plantes et des animaux qu’à celle des machines. Hume s’opposait à l’idée d’un dieu dessinateur de machines et préférait suggérer que le monde ait pu trouver son origine dans quelque chose de comparable à une graine ou à un œuf. Selon ses propos, publiés à titre posthume en 1779 : « Il y a d’autres parties de l’univers (outre les machines d’invention humaine) qui entretiennent une ressemblance encore plus grande avec l’agencement du monde, et qui, donc, fournissent une meilleure conjecture sur l’origine universelle de ce système. Ces parties sont les animaux et les végétaux. Le monde ressemble à l’évidence plus à un animal ou à un végétal qu’à une montre ou un métier à tisser. […] Et une plante, un animal, qui naît par végétation ou par génération, n’entretient-il pas une ressemblance plus forte avec le monde que toute machine artificielle provenant de la raison et du dessein ? »
A la lumière de la cosmologie moderne, l’argument de Hume est étonnamment précurseur. Jusqu’aux années 1960, la plupart des scientifiques voyaient l’univers comme une machine et même comme une machine à court de carburant, en route pour l’extinction finale. Suivant la seconde loi de la thermodynamique, promulguée en 1852, l’univers perd graduellement sa capacité à fonctionner. Il devrait un jour se congeler en un « état de repos et de mort universelle », selon les mots de William Thomson, anobli plus tard sous le titre de lord Kelvin.
Ce n’est qu’en 1927 que George Lemaître, chanoine catholique et astronome, proposa une hypothèse scientifique faisant penser à la graine et à l’œuf dont parlait Hume. Lemaître suggéra que l’univers aurait pu commencer par un « événement créateur » qu’il décrivit comme « l’œuf cosmique explosant au moment de la création ». Appelée plus tard Big Bang, cette nouvelle cosmologie fait écho à plusieurs histoires des origines datant de l’Antiquité, comme le mythe orphique de l’œuf cosmique en Grèce ou le mythe indien de Hiranyagarbha, l’œuf d’or originel. De façon significative, dans tous ces mythes l’œuf est à la fois unité et dualité primale, un œuf étant une unité composée de deux parties, le blanc et le jaune – un symbole adéquat de l’émergence du « plusieurs » à partir du « un ».
La théorie de Lemaître prévoyait que l’univers soit en expansion et elle fut confortée par la découverte de l’éloignement progressif des galaxies extérieures à la nôtre, à une vitesse proportionnelle à leur distance. En 1964, la découverte d’un faible fond incandescent partout dans l’univers, le fonds diffus cosmologique (ou « bruit de fond cosmique »), révéla ce qui semblait être la lumière fossile laissée par l’univers à ses débuts, peu après le Big Bang. L’existence d’un « événement créateur » apparaissait alors évidente et, dès 1966, la théorie du Big Bang devenait orthodoxe.
La cosmologie nous raconte l’histoire d’un univers qui a commencé tout petit, plus petit que la pointe d’une aiguille, et très chaud. Il est en expansion depuis. En grossissant, il se refroidit, et en se refroidissant, de nouvelles formes et structures apparaissent en son sein : des noyaux d’atomes et des électrons, des étoiles, des galaxies, des planètes, des molécules, des cristaux et la vie biologique.
La métaphore de la machine a perdu son utilité depuis longtemps et elle bride la pensée scientifique en physique, biologie et médecine. Notre univers en expansion ressemble bien plus à un organisme qu’à une machine, tout comme la Terre, un chêne, un chien ou vous. […]
A propos de la Terre, par exemple, nous pourrions voir que la théorie Gaïa n’est pas juste une métaphore poétique isolant notre planète d’un univers totalement mécanique par ailleurs. La reconnaître en tant qu’organisme vivant est une étape majeure vers la reconnaissance de la vie à l’œuvre dans le cosmos. Si la Terre est un organisme, qu’en est-il du Soleil et du système solaire ? Et si le système solaire est une sorte d’organisme, qu’en est-il de la galaxie ? La cosmologie considère déjà l’univers tout entier comme un super-organisme en expansion, né de l’éclosion d’un œuf cosmique. »
Source : Réenchanter la science, Sylvain Michelet, Rupert Sheldrake
La page Wikipedia consacrée à l’hypothèse Gaïa mentionne plusieurs précédents philosophiques et scientifiques. Nous vous laissons regarder les sources citées en référence :
«
Dès l'Antiquité, les stoïciens conçoivent l'Univers comme un tout ordonné (le cosmos) dans lequel tout a une cause, de sorte qu'un événement, quel qu'il soit, entraîne nécessairement un événement futur déterminé. Pour les Grecs, la raison est la faculté qui nous permet de saisir ces relations de cause à effet. Parallèlement, les stoïciens appellent « Raison » (le logos) cet ordonnancement universel de la Nature qui forme un tout qualifié de « divin ».
Johannes Kepler, dès le XVIIe siècle, est le premier scientifique à émettre l'idée que la Terre serait assimilable à un organisme rond et unique. Léonard de Vinci, avant lui, avait fait une comparaison entre le fonctionnement interne du corps humain et le mécanisme de la Terre. Par ailleurs, la pensée de Lovelock se rapproche de celle de Ralph Waldo Emerson, philosophe américain, qui a voulu replacer la Nature dans le débat métaphysique. Pour Emerson, dans son ouvrage Nature (1836), l'homme est devenu un demi-homme, qui utilise la nature par son entendement seul, par le travail pénible des forces matérielles, parce qu'il a perdu ses forces spirituelles. Enfin, l'écologie littéraire d'Henry David Thoreau, pionnier de la conscience environnementale selon Donald Worster, propose une vision spirituelle de la Terre proche de celle de Gaïa. Thoreau dit ainsi en 1851 que « la terre que je foule aux pieds n'est pas une masse inerte et morte, elle est un corps, elle possède un esprit, elle est organisée et perméable à l'influence de son esprit ainsi qu'à la parcelle de cet esprit qui est en moi » ; il parle par ailleurs de « terre vivante » et de « grande créature ».
Les métaphores scientifiques assimilant la Terre à un organisme vivant sont nombreuses avant Lovelock. Friedrich Ratzel est l'un des premiers scientifiques à parler d'« organisme terrestre », concept central de ce qu'il nomme la biogéographie. Jean-Baptiste Lamarck, partisan d'une théorie parallèle à celle de Charles Darwin, avait déjà développé l'idée que la Terre serait un tout organisé et interdépendant. Le géologue James Hutton, dans son ouvrage fondateur pour cette discipline, The Theory of the Earth, explique en 1785 : « I consider the Earth to be a super organism and that its proper study should by physiology » (« Je considère la Terre comme un super organisme et sa physiologie devrait être étudiée »).
Le concept de « biosphère » est émis en 1875 par le géologue Eduard Suess.
Thomas Henry Huxley, un partisan de Darwin, pense, dès 1877, que la Terre s'autorégule. Le mathématicien Alfred Lotka fonde ensuite une approche de la dynamique des populations biologiques qui luttent pour la maîtrise des ressources énergétiques, jusqu'à modeler et influencer leur milieu — idée qui sera reprise par James Lovelock à travers le concept d'éco-évolution. En 1924, le paléontologue et géologue Teilhard de Chardin forge, en lien avec Vernadsky et le philosophe Édouard Le Roy, le concept de « noosphère », que reprend Vernadsky : il s'agit de l'ensemble formé par les interactions de consciences à la surface de la planète, jusqu'à ne former plus qu'une seule entité. Lewis Thomas, quant à lui, envisage la Terre comme une cellule unique. Par ailleurs, en 1960, le biologiste Eugène Odum voit dans les écosystèmes des entités autorégulées.
Ce sont surtout les théories de Vladimir Vernadsky et de Walter Cannon qui ont influencé l'hypothèse Gaïa.
La notion de « biosphère » énoncée par Vladimir Vernadsky (1863-1945) en 1924 est le précédent conceptuel fondamental de l'image d'un système clos sur lui-même et tendant à l'autorégulation optimale. Fondateur de la géochimie moderne, Vernadsky postule que la vie s'exprime comme une force géologique et constitue un phénomène cosmique. C'est en effet le concept de biosphère qui a, selon Eileen Crist et H. Bruce Rinker, préfiguré le modèle biogéochimique. Le modèle gaïen qu'il propose pour la planète se compose de différentes couches en interaction : la lithosphère, noyau de roche et d'eau ; l'atmosphère, enveloppe gazeuse constituant l'air ; la biosphère constituée par la vie ; la technosphère résultant de l'activité humaine et enfin la noosphère ou sphère de la pensée. L'ambition de l'Earth system science est de comprendre en quoi la Terre est un système dans lequel chacune de ces couches participe à la mécanique générale. Vernadsky considère que la compréhension de ce phénomène global ne peut se faire sans prendre en compte l'action du Vivant — idée que Lovelock reprend à travers l'éco-évolution.
Évoqué par le médecin français Claude Bernard, le concept biologique d'« homéostasie », forgé par Walter Cannon (1871-1945), puis précisé par W. Ross Ashby, à partir de deux mots grecs : stasis (« état », « position ») et homoios (« égal », « semblable à »), définit la stabilisation des états qui permettent les processus biologiques de la vie. Dans son ouvrage fondateur, The Wisdom of the Body, Cannon définit ainsi l'homéostasie : « Les êtres vivants supérieurs constituent un système ouvert présentant de nombreuses relations avec l'environnement. Les modifications de l'environnement déclenchent des réactions dans le système ou l'affectent directement, aboutissant à des perturbations internes du système. De telles perturbations sont normalement maintenues dans des limites étroites parce que des ajustements automatiques, à l'intérieur du système, entrent en action et que de cette façon sont évitées des oscillations amples, les conditions internes étant maintenues à peu près constantes ».
De biologique, le concept en est venu à désigner toute recherche d'un état d'équilibre, au sein d'un système cybernétique. Cette autorégulation peut être appliquée à l'écologie, au climat et même aux cycles géochimiques, et naît des multiples interactions des différents constituants du système concerné. La « propriété émergente » traduit le concept d'homéostasie dans le domaine cybernétique et est reprise par le modèle biogéochimique comme étant la capacité, pour le système-Terre, à maintenir une température stable et favorable à la vie.
Enfin la série de documentaires « Les mystères de l’univers » a consacré un épisode à ce sujet : L'univers est-il vivant : Qu'est-ce qui fait de nous ce que nous sommes.
Nos collègues du département littérature vous répondront prochainement concernant la littérature de science-fiction.
Bonne journée.
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 12/02/2020 à 14h48
Réponse du département Langues et Littératures :
Bonjour,
En partant du théorème de Gaïa qui nous présente à la fois la terre comme étant une petite écosphère faisant partie d’un organisme bien plus grand, et comme un organisme doté d’une intelligence propre, un peu à la manière d’une cellule ou d’un virus, voilà une sélection d’ouvrages de science-fiction mettant en scène ce type de représentation.
Romans abordant la terre, mais aussi les étoiles ou les nébuleuses, comme des organismes vivants intelligents composant d’un plus vaste ensemble :
- Fondation foudroyée, Isaac Asimov
- Quand la Terre hurla, Arthur Conan Doyle
- Créateur d'étoiles, Olaf Stapledon
- L'étoile et le fouet, Frank Herbert
Romans concevant la terre comme une biosphère imbriquée à la manière du théorème de Gaïa :
- Lovelock, Orson Scott Card et Kathryn H. Kidd
- Terre, David Brin
Romans abordant les planètes comme des écosphères intégrées dans d’immenses structures technologiques comme les sphères de Dyson (sorte d’écosphères artificielles) :
- Le cycle d’Omale, de Laurent Genefort
- Les Vaisseaux du temps, Stephen Baxter
- L'Anneau-Monde, Larry Niven
- Le printemps russe, Norman Spinrad
- L'Éveil d'Endymion, Dan Simmons
- Spin, Robert Charles Wilson
Bonne journée, et bonne continuation dans vos recherches.
Bonjour,
En partant du théorème de Gaïa qui nous présente à la fois la terre comme étant une petite écosphère faisant partie d’un organisme bien plus grand, et comme un organisme doté d’une intelligence propre, un peu à la manière d’une cellule ou d’un virus, voilà une sélection d’ouvrages de science-fiction mettant en scène ce type de représentation.
Romans abordant la terre, mais aussi les étoiles ou les nébuleuses, comme des organismes vivants intelligents composant d’un plus vaste ensemble :
- Fondation foudroyée, Isaac Asimov
- Quand la Terre hurla, Arthur Conan Doyle
- Créateur d'étoiles, Olaf Stapledon
- L'étoile et le fouet, Frank Herbert
Romans concevant la terre comme une biosphère imbriquée à la manière du théorème de Gaïa :
- Lovelock, Orson Scott Card et Kathryn H. Kidd
- Terre, David Brin
Romans abordant les planètes comme des écosphères intégrées dans d’immenses structures technologiques comme les sphères de Dyson (sorte d’écosphères artificielles) :
- Le cycle d’Omale, de Laurent Genefort
- Les Vaisseaux du temps, Stephen Baxter
- L'Anneau-Monde, Larry Niven
- Le printemps russe, Norman Spinrad
- L'Éveil d'Endymion, Dan Simmons
- Spin, Robert Charles Wilson
Bonne journée, et bonne continuation dans vos recherches.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter