Question d'origine :
Bonjour,
Je recherche des informations sur la pratique du congément.
Notamment, en Bretagne, depuis quand date cette pratique ? et quelles en sont les principales caractéristiques ?
Michel Goron
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 05/06/2020 à 12h50
Bonjour,
Votre interrogation porte sur une question de droit seigneurial très local, et propre à la Bretagne : le domaine congéable.
Voici tout d’abord la définition qu’en donne l’Encyclopédie Universalis :
« Mode de concession de la terre, le domaine congéable est surtout répandu en basse Bretagne : un propriétaire (ou « foncier ») cède, moyennant une rente convenancière annuelle, la jouissance d'une terre à un preneur (ou « convenancier »), qu'il peut à tout moment congédier ; mais le preneur est considéré comme propriétaire des « édifices et superficies » (bâtiments, fossés, plantations), préexistants ou créés par lui, et la valeur devra lui en être remboursée lors du « congément ». En effet, à l'origine (l'institution apparaît dans les textes au IXe siècle), le domaine congéable portait sur des terres à défricher et le convenancier était ainsi assuré de profiter de ses travaux d'amélioration. Par la suite, le domaine congéable se différencia peu des autres baux à ferme, puisque la menace du congément était suspendue par des « baillées d'assurance » de neuf ans par exemple ; en fait, les droits du tenancier sur les édifices et superficies étaient comparables à ceux que confère actuellement le pas-de-porte. »
La page Wikipedia traitant du domaine congéable fourni aussi de nombreux renseignements sur cette pratique.
Nous apprenons que « Le régime du domaine congéable a été sans doute mis en place vers la fin du Moyen Âge pour inciter les fermiers à défricher les terres et construire les bâtiments agricoles : les améliorations apportées par le fermier augmentaient d'autant l'indemnité versée en cas de congément. Au XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle, les fonciers ont souvent introduit des clauses restreignant les améliorations que pouvaient apporter le domanier, pour ne pas avoir à verser une indemnité majorée. La flambée du prix des terres agricoles durant le XVIIIe siècle avait accru le nombre de congéments. Pour cette raison et parce que l'expulsion touchait des fermiers qui pouvaient considérer ces terres comme les leurs, ce type de contrat fut stigmatisé à la Révolution française comme un reliquat féodal. »
Ce système est particulièrement critiqué à la révolution, dans les cahiers de doléances. La plupart des paroisses en demandent la suppression. Mais le principe est reconnu légalement en août 1791. Le mécontentement est alors très fort, et le congément sera finalement abandonné un an plus tard, en août 1972. Néanmoins, ce bail perdura durant une grande partie du XIXe siècle, et existe apparemment toujours en droit français. « La pratique contractuelle du domaine congéable, pour l’exploitation du sol d’une grande partie de la Bretagne pendant plusieurs siècles, a rythmé la vie économique et sociale des campagnes. Dans l’esprit des gens, le domaine congéable a gardé une réputation de législation dure et contraignante pour la classe paysanne. »
Nous vous conseillons également la lecture de cette page internet qui contient elle aussi des éléments de réponse pour comprendre le fonctionnement du domaine congéable :
« Jusqu’au milieu du XIXe siècle (Au XXe siècle, il existait encore quelques contrats établis suivant ce principe), la plupart des agriculteurs bretons exploitaient leurs terres sous le régime agricole du domaine congéable. Comme la pratique de ce type de contrat n’était pas usitée dans toute la région de Bretagne, elle était réglementée par les usements, réglementations locales (textes coutumiers).
Le principe était le suivant : le bailleur était le propriétaire foncier des terres, alors que l’exploitant possédait les bâtiments et aménagements de la terre. L’exploitant était en général un paysan. Le bail durait 9 ans, était reconductible, mais pouvait aussi être résilié par le propriétaire foncier. Ce dernier était alors tenu de rembourser le montant des biens concéder à l’exploitant par la procédure de congément.»
Enfin, nous trouvons trace de ce mode de tenure dans l'ouvrage de Yann Brékilien La vie quotidienne des paysans bretons au XIXe siècle :
« En basse-Bretagne existe encore un autre mode de tenure, que l’on ne trouve nulle part ailleurs : le bail à domaine congéable. L’exploitant qu’on appelle domanier, est locataire du fonds, tout comme un fermier, mais il est propriétaire de tous les édifices et superficies : maison, crèches, hangars, four, puits, étangs , chemins, talus, barrières et même herbe des prairies. Le bailleur, qui prend le nom de foncier, n’est guère propriétaire que du sol. Pas tout à fait tout de même, les plus grands arbres lui appartiennent. A chaque Saint Michel, le domanier verse au foncier une sorte de fermage, la rente convenancière. Mais il est souvent prévu dans le contrat un certain nombre de prestations accessoires en cours d’année, notamment des journées de charroi. En théorie, le sort du domanier est meilleur que celui d’un simple fermier. Son bail est signé pour un bien plus longue durée : 28 ans, et si à son expiration il n’est pas renouvelé devant le notaire, il se continue automatiquement pour une période de neuf nouvelles années. Chacune des parties peut donner congé à l’autre au bout de ces 28 ou de ces 9 années, c’est ce qui explique le nom de « domaine congéable. »
Pour aller plus loin:
Les classes rurales en Bretagne du XVIe siècle à la Révolution / Henri Sée in les Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, année 1906, 22-4.
CAMPAGNES DE L'OUEST, Stratigraphie et relations sociales dans l'histoire sous la direction d’Annie Antoine. Voir le chapitre Domaine congéable et stratification sociale aux abords de Lorient à la fin de l'Ancien Régime de Roger Dupuy .
Les Vicissitudes du domaine congéable en Basse-Bretagne à l'époque de la Révolution / Léon Dubreuil in Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, année 1916, 31-3.
Histoire de la Bretagne et des bretons T. 02 / Joël Cornette
Nouvelle histoire de la Bretagne / Georges Minois
Votre interrogation porte sur une question de droit seigneurial très local, et propre à la Bretagne : le domaine congéable.
Voici tout d’abord la définition qu’en donne l’Encyclopédie Universalis :
« Mode de concession de la terre, le domaine congéable est surtout répandu en basse Bretagne : un propriétaire (ou « foncier ») cède, moyennant une rente convenancière annuelle, la jouissance d'une terre à un preneur (ou « convenancier »), qu'il peut à tout moment congédier ; mais le preneur est considéré comme propriétaire des « édifices et superficies » (bâtiments, fossés, plantations), préexistants ou créés par lui, et la valeur devra lui en être remboursée lors du « congément ». En effet, à l'origine (l'institution apparaît dans les textes au IXe siècle), le domaine congéable portait sur des terres à défricher et le convenancier était ainsi assuré de profiter de ses travaux d'amélioration. Par la suite, le domaine congéable se différencia peu des autres baux à ferme, puisque la menace du congément était suspendue par des « baillées d'assurance » de neuf ans par exemple ; en fait, les droits du tenancier sur les édifices et superficies étaient comparables à ceux que confère actuellement le pas-de-porte. »
La page Wikipedia traitant du domaine congéable fourni aussi de nombreux renseignements sur cette pratique.
Nous apprenons que « Le régime du domaine congéable a été sans doute mis en place vers la fin du Moyen Âge pour inciter les fermiers à défricher les terres et construire les bâtiments agricoles : les améliorations apportées par le fermier augmentaient d'autant l'indemnité versée en cas de congément. Au XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle, les fonciers ont souvent introduit des clauses restreignant les améliorations que pouvaient apporter le domanier, pour ne pas avoir à verser une indemnité majorée. La flambée du prix des terres agricoles durant le XVIIIe siècle avait accru le nombre de congéments. Pour cette raison et parce que l'expulsion touchait des fermiers qui pouvaient considérer ces terres comme les leurs, ce type de contrat fut stigmatisé à la Révolution française comme un reliquat féodal. »
Ce système est particulièrement critiqué à la révolution, dans les cahiers de doléances. La plupart des paroisses en demandent la suppression. Mais le principe est reconnu légalement en août 1791. Le mécontentement est alors très fort, et le congément sera finalement abandonné un an plus tard, en août 1972. Néanmoins, ce bail perdura durant une grande partie du XIXe siècle, et existe apparemment toujours en droit français. « La pratique contractuelle du domaine congéable, pour l’exploitation du sol d’une grande partie de la Bretagne pendant plusieurs siècles, a rythmé la vie économique et sociale des campagnes. Dans l’esprit des gens, le domaine congéable a gardé une réputation de législation dure et contraignante pour la classe paysanne. »
Nous vous conseillons également la lecture de cette page internet qui contient elle aussi des éléments de réponse pour comprendre le fonctionnement du domaine congéable :
« Jusqu’au milieu du XIXe siècle (Au XXe siècle, il existait encore quelques contrats établis suivant ce principe), la plupart des agriculteurs bretons exploitaient leurs terres sous le régime agricole du domaine congéable. Comme la pratique de ce type de contrat n’était pas usitée dans toute la région de Bretagne, elle était réglementée par les usements, réglementations locales (textes coutumiers).
Le principe était le suivant : le bailleur était le propriétaire foncier des terres, alors que l’exploitant possédait les bâtiments et aménagements de la terre. L’exploitant était en général un paysan. Le bail durait 9 ans, était reconductible, mais pouvait aussi être résilié par le propriétaire foncier. Ce dernier était alors tenu de rembourser le montant des biens concéder à l’exploitant par la procédure de congément.»
Enfin, nous trouvons trace de ce mode de tenure dans l'ouvrage de Yann Brékilien La vie quotidienne des paysans bretons au XIXe siècle :
« En basse-Bretagne existe encore un autre mode de tenure, que l’on ne trouve nulle part ailleurs : le bail à domaine congéable. L’exploitant qu’on appelle domanier, est locataire du fonds, tout comme un fermier, mais il est propriétaire de tous les édifices et superficies : maison, crèches, hangars, four, puits, étangs , chemins, talus, barrières et même herbe des prairies. Le bailleur, qui prend le nom de foncier, n’est guère propriétaire que du sol. Pas tout à fait tout de même, les plus grands arbres lui appartiennent. A chaque Saint Michel, le domanier verse au foncier une sorte de fermage, la rente convenancière. Mais il est souvent prévu dans le contrat un certain nombre de prestations accessoires en cours d’année, notamment des journées de charroi. En théorie, le sort du domanier est meilleur que celui d’un simple fermier. Son bail est signé pour un bien plus longue durée : 28 ans, et si à son expiration il n’est pas renouvelé devant le notaire, il se continue automatiquement pour une période de neuf nouvelles années. Chacune des parties peut donner congé à l’autre au bout de ces 28 ou de ces 9 années, c’est ce qui explique le nom de « domaine congéable. »
Pour aller plus loin:
Les classes rurales en Bretagne du XVIe siècle à la Révolution / Henri Sée in les Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, année 1906, 22-4.
CAMPAGNES DE L'OUEST, Stratigraphie et relations sociales dans l'histoire sous la direction d’Annie Antoine. Voir le chapitre Domaine congéable et stratification sociale aux abords de Lorient à la fin de l'Ancien Régime de Roger Dupuy .
Les Vicissitudes du domaine congéable en Basse-Bretagne à l'époque de la Révolution / Léon Dubreuil in Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, année 1916, 31-3.
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