Achats de vignes par les religieuses au XVIIIe siècle
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 17/06/2020 à 08h51
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Question d'origine :
Boujour,
Je souhaiterais savoir pourquoi les religieuses de couvent achetaient beaucoup de vignes. Certes elles achetaient maintes maisons, bergeries et autres gagnages qui leur rapportaient et les nourrissaient. Mais pour les vignes, était-ce pour vendre le raisin ? Car on ne les voit pas consommer bien sûr toute cette quantité de vin pour leur compte personnel ! Merci de votre réponse et meilleures salutations.
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 18/06/2020 à 09h49
Bonjour,
Difficile de vous répondre sans savoir de quelle communauté religieuse et de quelle localité vous parlez. Pour le XVIIIe siècle, plusieurs options sont envisageables : elles pouvaient consommer une partie de la production, en vendre l'autre au détail ou en gros, voire même acheter ces vignes pour les mettre en fermage ! A cette époque, les vignes pouvaient fournir une part conséquente du fonctionnement financier des établissements. Sans plus de précisions sur la communauté considérée, voici quelques extraits de documents qui pourront toutefois vous intéresser.
Le vin a été très tôt associé au sang du Christ dans la religion chrétienne et utilisé lors de la cérémonie de l'Eucharistie. Les abbayes, monastères et couvents ont indéniablement contribué au développement de la viticulture en France et plus généralement dans les pays de tradition chrétienne.
" les religions entretiennent un rapport ambivalent au vin. Sa consommation, ou au contraire sa prohibition, est bien souvent le fruit de notre héritage religieux. [...]
De toutes les religions, le christianisme est sans conteste la plus intimement liée au vin.Le travail du raisin, symbole du « Sang du Christ » célébré lors du sacrement de l'Eucharistie, a été porté aux nues par les ordres religieux . Ils furent ainsi à l’origine de l’expansion des anciens vignobles romains ou grecs. Le vignoble bourguignon en est probablement le meilleur modèle. Un bref coup d’œil sur une mappemonde permet de constater que les plus gros pays producteurs de vin sont ceux qui ont des racines catholiques ou protestantes : l’Italie, la France et l’Espagne, suivies des États-Unis et de l’Australie. "
source : Vin et religions : liaisons troubles / Frédéric Villain - Le Monde des religions - 18/11/2016
Au Moyen-Âge :
" Revenons à l’institution monastique qui a joué un si grand rôle dans cette économie du vin.Le monastère, au Moyen Âge, est non seulement un lieu de culte, mais aussi un hôtel pour les voyageurs, pour les nombreux pèlerins. Le culte des reliques, très répandu, a fait que des abbayes très isolés, comme Conques en Rouergue, ou le Mont Saint Michel, étaient des lieux de grande fréquentation.
Les abbayes recevaient parfois de grands seigneurs, accompagnés par leur nombreux personnel. Au XIIIe siècle, l’abbaye de Cluny reçoit ainsi le pape Innocent IV avec ses chapelains, mais aussi le roi de France, saint Louis, accompagné de sa mère, de sa famille et d’une nombreuse escorte. C’étaient pour les monastères des charges considérables, mais elles étaient compensées par les dons des riches visiteurs. L’hospitalité des personnes de haut rang nécessitait une fourniture de vins à la hauteur . Certaines abbayes, trop septentrionales, s’assuraient des possessions de vignobles plus au sud, pour pourvoir à leurs besoins .
La vigne avait une telle importance que la fondation des monastères tenait grand compte de leur localisation : un site favorable, une belle source, un sol fertile.Le vin répondait bien sûr aux exigences du rituel eucharistique, mais il était aussi une monnaie d’échanges dans l’économie du couvent . Et si l’abbaye, expérience faite, n’est pas rentable, les moines s’efforcent d’en changer la place. Par exemple, au XIIe siècle, les moines de Clairvaux demandent à saint Bernard leur fondateur de déménager leur monastère, afin d’acquérir des terres labourables plus nombreuses, et notamment des vignes.
Source : Le christianisme immortalise le vin / Michel Winnock - Sud ouest - 09/07/2018
A l'époque moderne :
" Au XVIIIe siècle, la santé financière des couvents se mit à dépendre presque exclusivement de la qualité de la gestion des biens précédemment acquis. Les religieux ne pouvaient plus compter que sur eux-mêmes. Or, ils surent généralement tirer parti de la croissance économique bordelaise, en effectuant des placements judicieux.Ils investirent avec bonheur dans la vigne, prenant en régie directe les riches domaines des terres de Graves, et affermant les bourdieux les moins rentables. Tandis que les propriétaires laïcs diversifiaient leurs productions pour diminuer les risques, la vente du vin représentait 90 % des revenus de leurs propriétés foncières et prieurés ruraux ! Pour ne pas trop dépendre d'une activité soumise aux aléas de la conjoncture, les religieux investirent également dans la pierre, le revenu locatif leur paraissant le plus sûr et le plus régulier. Ils profitèrent, là encore, de la formidable croissance immobilière de la métropole bordelaise au XVIIIe siècle, et de la hausse des loyers qu'elle suscita. Quelques couvents se lancèrent même dans de véritables programmes de construction, ainsi les Carmes déchaux des Chartrons, qui voulurent profiter de l'expansion formidable de leur faubourg.
source : Suire Éric. Un déclin monastique au XVIIIe siècle ? L'exemple des réguliers bordelais. In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 111, N°228, 1999. Aspects de la vie religieuse : XVIIe-XIXe siècles. pp. 435-451. - document pdf
A consulter aussi : Étude géo-historique du vignoble et des paysages viticoles savoyards
Bonne journée.
Difficile de vous répondre sans savoir de quelle communauté religieuse et de quelle localité vous parlez. Pour le XVIIIe siècle, plusieurs options sont envisageables : elles pouvaient consommer une partie de la production, en vendre l'autre au détail ou en gros, voire même acheter ces vignes pour les mettre en fermage ! A cette époque, les vignes pouvaient fournir une part conséquente du fonctionnement financier des établissements. Sans plus de précisions sur la communauté considérée, voici quelques extraits de documents qui pourront toutefois vous intéresser.
Le vin a été très tôt associé au sang du Christ dans la religion chrétienne et utilisé lors de la cérémonie de l'Eucharistie. Les abbayes, monastères et couvents ont indéniablement contribué au développement de la viticulture en France et plus généralement dans les pays de tradition chrétienne.
" les religions entretiennent un rapport ambivalent au vin. Sa consommation, ou au contraire sa prohibition, est bien souvent le fruit de notre héritage religieux. [...]
De toutes les religions, le christianisme est sans conteste la plus intimement liée au vin.
source : Vin et religions : liaisons troubles / Frédéric Villain - Le Monde des religions - 18/11/2016
Au Moyen-Âge :
" Revenons à l’institution monastique qui a joué un si grand rôle dans cette économie du vin.
Les abbayes recevaient parfois de grands seigneurs, accompagnés par leur nombreux personnel. Au XIIIe siècle, l’abbaye de Cluny reçoit ainsi le pape Innocent IV avec ses chapelains, mais aussi le roi de France, saint Louis, accompagné de sa mère, de sa famille et d’une nombreuse escorte. C’étaient pour les monastères des charges considérables, mais elles étaient compensées par les dons des riches visiteurs.
La vigne avait une telle importance que la fondation des monastères tenait grand compte de leur localisation : un site favorable, une belle source, un sol fertile.
Source : Le christianisme immortalise le vin / Michel Winnock - Sud ouest - 09/07/2018
A l'époque moderne :
" Au XVIIIe siècle, la santé financière des couvents se mit à dépendre presque exclusivement de la qualité de la gestion des biens précédemment acquis. Les religieux ne pouvaient plus compter que sur eux-mêmes. Or, ils surent généralement tirer parti de la croissance économique bordelaise, en effectuant des placements judicieux.
source : Suire Éric. Un déclin monastique au XVIIIe siècle ? L'exemple des réguliers bordelais. In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 111, N°228, 1999. Aspects de la vie religieuse : XVIIe-XIXe siècles. pp. 435-451. - document pdf
A consulter aussi : Étude géo-historique du vignoble et des paysages viticoles savoyards
Bonne journée.
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