Question d'origine :
Bonjour, ma femme et moi nous demandions s'il existait de grandes pensées qui se sont penchées sur la question du "fantasme". En effet nous nous étonnons de la diversité des fantasmes qui peuvent exister, mais aussi sur la nature assez diverse des formes que les fantasmes peuvent prendre. Surtout, nous nous demandons ce que le terme désigne au juste, que ce soit d'un point de vue général ou un point de vue sexuel. Nous vous remercions d'avance pour votre perspicacité qui, je n'en doute pas, nous mettra sur une bonne piste !
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 23/01/2021 à 14h09
Bonjour,
D’après le Dictionnaire historique de la langue française, « fantasme » provient du grec « phantasma » qui signifie « apparition, vision, fantôme ». On trouve d’ailleurs encore parfois fantasme écrit avec « ph ». En bas latin, il signifie « image, représentation par l’imagination ». En terme médical, il a pu désigner une vision hallucinatoire.
Mais le champ dans lequel ce terme va prendre une importance capitale est celui de la psychanalyse, dès ses origines, avec Sigmund Freud. Pour Carlos Maffi, « les destins du fantasme et de la psychanalyse, dévoilées au même moment par Freud, sont intimement liés ».
L’ouvrage de Michèle Perron-Borelli, Les fantasmes, fournit de nombreuses explications sur l’origine et le sens psychanalytiques de ce terme. Elle commence par rappeler comment même l’usage courant témoigne du rôle décisif de la psychanalyse dans sa compréhension :
« L’usage courant met ainsi en lumière deux éléments de définition essentiels du fantasme : ses liens étroits avec la sexualité et son opposition à la réalité, principalement à la réalité sociale et à ses contraintes. Ces deux éclairages complémentaires découlent directement de l’œuvre de S. Freud, et leur banalisation dans le langage contemporain témoigne de l’impact culturel et social de la psychanalyse ».
Lorsque Freud théorise une première fois les névroses, en étudiant les « hystériques », il affirme que « l’origine de la névrose hystérique serait toujours liée à des traumatismes subis dans le passé [des agressions sexuelles ou des scènes sexuelles vues et refoulées…], principalement dans l’enfance ». Mais il remet ensuite en question cette première hypothèse et finit par « supposer que les symptômes d’hystérie peuvent être produits par de “purs fantasmes” ».
Comment comprendre fantasme selon la psychanalyse ? Carlos Maffi propose la définition suivante : «Une production imaginaire qui représente le sujet dans un scénario déterminé, à la manière d’un rêve, et figure, d’une manière plus ou moins voilée, un désir ». On le voit, la psychanalyse lie fortement fantasme et sexualité ; mais le rapproche aussi du rêve dont il est parent.
Michèle Perron-Borelli les distingue toutefois de la façon suivante : « La principale différence tient à ce que le caractère "hallucinatoire" du rêve fait apparaître celui-ci comme équivalent à une réalité perçue, tandis que le fantasme conscient se donne à connaître au sujet comme clairement distinct de la réalité ».
Les fantasmes sont donc une manifestation de la réalité psychique que la psychanalyse a mise au jour. Ils sont une manière d’exprimer nos pulsions ; ils constituent, dit Freud dans une lettre à son ami Wilhelm Fliess, « des fictions de protection destinées à soulager la permanente insistance pulsionnelle ». Dans le Dictionnaire Freud, à l’article « fantasme », J.-F. Solal précise : « [il] est donc autant un écran protecteur qu’une mise en scène expressive du désir ».
Pour lire sur le fantasme chez Freud, vous pourriez commencer par consulter :
Sigmund Freud, Cinq conférences sur la psychanalyse, Ed. du Seuil.
En accompagnement, Freud, l’exploration de la sexualité, de Jean-Pierre Kamieniak, Ed. In Press.
Et pour aller plus loin, un ouvrage essentiel sur le sujet :
J.-B. Pontalis, J. Laplanche, Fantasme originaire, fantasmes des origines, origines du fantasme, chez Hachette.
La 4ème de couverture précise : « Quel est le statut du fantasme ? Qu'est-ce qui assure son lien électif avec la sexualité ? Quelle fonction joue donc le concept d'origine ? Telles sont quelques-unes des questions que les auteurs du Vocabulaire de la Psychanalyse déploient ici à travers une lecture originale de Freud qu'ils complètent par les récents développements de la psychanalyse sur ces sujets ».
Bien sûr, la psychanalyse n’a pas le monopole de ce terme. Par exemple, vous en trouverez un emploi surprenant proposé par le professeur de philosophie arabe Jean-Baptiste Brenet avec son livre Je fantasme. Averroès et l’espace potentiel. En s’appuyant sur le penseur médiéval Averroès, il remet en question le fameux « je pense donc je suis » (« cogito ergo sum ») de Descartes. « La cogitation, dit Brenet, n’est pas l’effet terminal de l’intellect, mais un produit de l’imagination sous-jacente, un acte subjectif du pouvoir des phantasmata. Elle ne consiste pas à concevoir, ni à “penser”, vaguement […]. Je cogite veut dire : je fantasme ».
On est assez loin des fantasmes proprement sexuels, il est vrai...
Bonnes lectures !
D’après le Dictionnaire historique de la langue française, « fantasme » provient du grec « phantasma » qui signifie « apparition, vision, fantôme ». On trouve d’ailleurs encore parfois fantasme écrit avec « ph ». En bas latin, il signifie « image, représentation par l’imagination ». En terme médical, il a pu désigner une vision hallucinatoire.
Mais le champ dans lequel ce terme va prendre une importance capitale est celui de la psychanalyse, dès ses origines, avec Sigmund Freud. Pour Carlos Maffi, « les destins du fantasme et de la psychanalyse, dévoilées au même moment par Freud, sont intimement liés ».
L’ouvrage de Michèle Perron-Borelli, Les fantasmes, fournit de nombreuses explications sur l’origine et le sens psychanalytiques de ce terme. Elle commence par rappeler comment même l’usage courant témoigne du rôle décisif de la psychanalyse dans sa compréhension :
« L’usage courant met ainsi en lumière deux éléments de définition essentiels du fantasme : ses liens étroits avec la sexualité et son opposition à la réalité, principalement à la réalité sociale et à ses contraintes. Ces deux éclairages complémentaires découlent directement de l’œuvre de S. Freud, et leur banalisation dans le langage contemporain témoigne de l’impact culturel et social de la psychanalyse ».
Lorsque Freud théorise une première fois les névroses, en étudiant les « hystériques », il affirme que « l’origine de la névrose hystérique serait toujours liée à des traumatismes subis dans le passé [des agressions sexuelles ou des scènes sexuelles vues et refoulées…], principalement dans l’enfance ». Mais il remet ensuite en question cette première hypothèse et finit par « supposer que les symptômes d’hystérie peuvent être produits par de “purs fantasmes” ».
Comment comprendre fantasme selon la psychanalyse ? Carlos Maffi propose la définition suivante : «
Michèle Perron-Borelli les distingue toutefois de la façon suivante : « La principale différence tient à ce que le caractère "hallucinatoire" du rêve fait apparaître celui-ci comme équivalent à une réalité perçue, tandis que le fantasme conscient se donne à connaître au sujet comme clairement distinct de la réalité ».
Les fantasmes sont donc une manifestation de la réalité psychique que la psychanalyse a mise au jour. Ils sont une manière d’exprimer nos pulsions ; ils constituent, dit Freud dans une lettre à son ami Wilhelm Fliess, « des fictions de protection destinées à soulager la permanente insistance pulsionnelle ». Dans le Dictionnaire Freud, à l’article « fantasme », J.-F. Solal précise : « [il] est donc autant un écran protecteur qu’une mise en scène expressive du désir ».
En accompagnement, Freud, l’exploration de la sexualité, de Jean-Pierre Kamieniak, Ed. In Press.
Et pour aller plus loin, un ouvrage essentiel sur le sujet :
J.-B. Pontalis, J. Laplanche, Fantasme originaire, fantasmes des origines, origines du fantasme, chez Hachette.
La 4ème de couverture précise : « Quel est le statut du fantasme ? Qu'est-ce qui assure son lien électif avec la sexualité ? Quelle fonction joue donc le concept d'origine ? Telles sont quelques-unes des questions que les auteurs du Vocabulaire de la Psychanalyse déploient ici à travers une lecture originale de Freud qu'ils complètent par les récents développements de la psychanalyse sur ces sujets ».
Bien sûr, la psychanalyse n’a pas le monopole de ce terme. Par exemple, vous en trouverez un emploi surprenant proposé par le professeur de philosophie arabe Jean-Baptiste Brenet avec son livre Je fantasme. Averroès et l’espace potentiel. En s’appuyant sur le penseur médiéval Averroès, il remet en question le fameux « je pense donc je suis » (« cogito ergo sum ») de Descartes. « La cogitation, dit Brenet, n’est pas l’effet terminal de l’intellect, mais un produit de l’imagination sous-jacente, un acte subjectif du pouvoir des phantasmata. Elle ne consiste pas à concevoir, ni à “penser”, vaguement […]. Je cogite veut dire : je fantasme ».
On est assez loin des fantasmes proprement sexuels, il est vrai...
Bonnes lectures !
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