Question d'origine :
Bonjour, je voudrais savoir si le calendrier julien a été adopté à Genève en même temps qu'en France, c'est à dire en décembre 1582? D'autre part est-ce les Calvinistes faisaient le Carême aux mêmes dates que les Catholiques au début du XVIIe siècle? Et utilisaient-ils les fêtes des saints comme repères chronologiques, ou avaient-ils adopté un autre système comme la date ? Merci d'avance.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 17/02/2021 à 11h46
Bonjour,
Vous vous demandez quand a été appliquée à Genève la réforme du calendrier julien.
L’ouvrage de Claude Fagnen Les origines du calendrier, vous apportera une mine d’informations sur les évolutions qui ont mené jusqu’au calendrier utilisé actuellement.
On y apprend ainsi que lecalendrier Julien a été adopté par Jules césar en 46 avant notre ère. C’est ce calendrier qui a introduit l’année de 365 jours, avec l’ajout d’un jour supplémentaire tous les quatre ans, et qui a donné leur nom actuels aux mois que nous connaissons. Celui-ci fut adapté en 525 par Denys le Petit , qui calcula l’année de naissance du Christ et utilisa ce résultat pour fixer le début du calendrier, remplaçant la double référence à la fondation de Rome et au début du règne des empereurs.
Toutefois, le calendrier julien ne parvenait pas à rendre fidèlement compte de la durée réelle de l’année astronomique. En effet celui-ci est trop long de 11 minutes par rapport à l’année solaire. Cette erreur, s’accumulant chaque année, finit par créer un décalage important. Ce sujet fut abordé lors du concile de Trente (1545 – 1563), et ce fut finalement le pape Grégoire XIII qui entreprit la modification du calendrier, en 1582 . Cette année-là, le décalage avait atteint près de 10 jours, et l’équinoxe astronomique était le 11 mars, au lieu du 21, date théorique fixée par le concile de Nicée. Il fallait donc retirer 10 jours du calendrier, pour accorder à nouveau année civile et année solaire. Toutefois, il fallait également modifier la durée de l’année pour éviter que le décalage n’apparaisse à nouveau. Il fut donc décidé de supprimer que les années séculaires (1600, 1700, 1800…) ne seraient bissextiles que si elles étaient divisibles par 400.
Le 24 février 1582, Grégoire XIII publia la bulle Inter Gravissimas, qui instaura la réforme . Elle stipulait que le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 serait le vendredi 15 octobre 1582.
La bulle fut immédiatement appliquée notamment par l’Italie, l’Espagne ou le Portugal . Henri III décida de ne modifier le calendrier en France que le dimanche 9 décembre , qui fût donc suivit du lundi 20 décembre. Les états protestants, pour leur part, refusèrent d’appliquer cette réforme émanant de Rome.
Pour ce qui concerne la Suisse, la date d’application varia beaucoup selon les cantons, qu’ils soient à majorité catholique ou protestante.
L’article Calendriers, du Dictionnaire historique de la Suisse revient en détail sur cette chronologie :
« A l'exception d'Obwald et Nidwald (qui attendirent un mois de plus, pour surmonter des résistances populaires), les sept cantons catholiques ainsi que le bourg neuchâtelois du Landeron, allié de Soleure, passèrent au nouveau style le 12/22 janvier 1584. Dans le bailliage commun de Thurgovie, le nouveau calendrier provoqua des tensions entre Zurich et les cinq cantons de Suisse centrale. La Diète de Baden décréta le 6 mars 1585 que les fêtes religieuses seraient célébrées selon le nouveau style; les protestants pouvaient cependant fêter Noël, la Saint-Etienne, Nouvel An, Pâques, l'Ascension et Pentecôte selon l'ancien style. En Appenzell, où l'on avait établi la parité confessionnelle, le nouveau calendrier fut également adopté en 1584, malgré l'opposition de prédicants dans les Rhodes-Extérieures (décision confirmée en 1589). Après la scission de 1597, les Rhodes-Extérieures protestantes revinrent à l'ancien style; le calendrier grégorien ne fut finalment introduit qu'en 1798. En Valais, l'évêque de Sion Hildebrand de Riedmatten rencontra en 1584 l'opposition des dizains, qui craignaient la disparition de vieilles coutumes. Le nouveau style fut adopté dans le Bas-Valais, pays sujet, en 1622 et dans tout le pays le 1er/11 mars 1656, après de longues discussions.Les cantons réformés de Zurich, Berne, Bâle et Schaffhouse, la partie catholique de Glaris, Neuchâtel et Genève passèrent au calendrier grégorien le 1er/12 janvier 1701 ; la ville de Saint-Gall suivit en 1724, la partie réformée de Glaris sous l'Helvétique, le 4 juillet 1798. Dans les Grisons, l'absence de gouvernement central et les divisions confessionnelles empêchèrent de régler la question en une seule fois: le calendrier grégorien fut introduit en 1623-1624 dans les communes catholiques; dans les communes mixtes, les catholiques l'observèrent dès le milieu du XVIIe s., les protestants suivirent seulement au cours de la seconde moitié du XVIIIe s. Les communes protestantes l'adoptèrent entre 1783 et 1812: la Haute-Engadine et le val Bregaglia en 1783, les autres communes plus tard et à des moments différents. Schiers et Grüsch le refusaient encore en 1812, malgré un décret du Grand Conseil; amendées, elles furent les dernières communes en Europe occidentale et centrale à adopter le calendrier grégorien, en 1812. »
Votre deuxième question concerne le calcul des dates du Carême.
Pour rappel, leCarême est pour les Catholiques la période de jeûne plus ou moins sévère qui précède Pâques . La date de Pâques est fixée en référence à la fois à l’année solaire et aux cycles lunaires. Elle a été fixée lors du concile de Nicée, en 325. Il s’agit du dimanche qui suit le quatorzième jour de la Lune [pleine Lune] qui atteint cet âge au 21 mars [équinoxe] ou immédiatement après , soit entre le 22 mars et le 25 avril.
Les églises réformées utilisent également cette référence, les dates sont donc identiques.
Toutefois, les conceptions attachées à cette période sont bien différentes.
Un article de l’hebdomadaire protestant Réforme revient sur les différences entre les Carêmes protestants et catholiques :
Mais le jeûne n’est pas universel dans le christianisme naissant. Il est même critiqué par des chrétiens à Athènes au IIème siècle, qui y voient un culte “aux anges et non à Dieu”. Héritier du judaïsme, le christianisme tient les prescriptions rituelles de la Loi de Moïse pour transitoires, au profit des prescriptions morales.
Au XVIe siècle, les théologiens réformateurs, protestants mais aussi parfois catholiques, ont cherché à faire revenir les chrétiens à une relation plus juste avec le Dieu de Jésus-Christ en corrigeant les imaginaires et les pratiques qui n’étaient pas fondés sur l’Évangile. La lutte contre les actions qui prétendaient nous offrir le salut par nous-mêmes est alors devenue le cœur de l’éducation protestante. Il est toujours tentant, pour le croyant, de penser que ses prières et ses bonnes actions pèsent dans la balance pour gagner la bienveillance de Dieu. Mais pour Luther et Calvin, ce serait faire du salut une affaire quantitative. La bienveillance divine ne s’obtient pas comme on accumulerait des bons points dans une agence de voyage.
Ce qui compte pour les réformateurs est d’abord la qualité de notre relation à Dieu, notre confiance en lui. Alors l’être humain est appelé à accueillir la grâce de Dieu non en comptant sur ses propres capacités, mais en laissant agir Dieu en lui.
Un bon jeûne est alors un jeûne désintéressé et libre de toute obligation. Et si jamais quelqu’un voyait d’autres se priver plus que lui, il ne doit surtout pas culpabiliser, car ce serait, là encore, trop compter sur ses propres capacités. Au contraire, le progrès dans la vie spirituelle nous est donné gratuitement et ce n’est pas grave si nous chutons. L’important est de toujours nous relever. Le défi écologique nous le rappelle sans cesse aujourd’hui : la modération et la sobriété ne sont pas une affaire de saison. C’est toute l’année.
Pour la dernière partie de votre question concernant la référence aux saint, l'article du magazine Réforme Les protestants fêtes-ils les saints? nous apprend que:
Luther et Calvin ont tous les deux condamné le culte rendu aux intercesseurs auprès de Dieu, dont les saints.
Les protestants refusent le culte des saints et ne souhaitent [pas] les fêtes liés aux prénoms.
Pour aller plus loin, vous pouvez également consulter, à propos des différents calendriers:
Les articles de Wikipédia, très clairs, qui reviennent sur le calendrier julien, le calendrier grégorien et sur le passage de l'un à l'autre.
À propos du Carême chez les Catholiques et les protestants:
Que font les protestants pour le carême ?, un article sur le site web l'hebdomadaire Réforme.
Isabelle Fiévet revient dans la Croix sur les différences de conceptions du Carême entre Catholiques et protestants Le Carême est inconcevable pour nous protestants.
Bien cordialement,
Le département civilisation
Vous vous demandez quand a été appliquée à Genève la réforme du calendrier julien.
L’ouvrage de Claude Fagnen Les origines du calendrier, vous apportera une mine d’informations sur les évolutions qui ont mené jusqu’au calendrier utilisé actuellement.
On y apprend ainsi que le
L’article Calendriers, du Dictionnaire historique de la Suisse revient en détail sur cette chronologie :
« A l'exception d'Obwald et Nidwald (qui attendirent un mois de plus, pour surmonter des résistances populaires), les sept cantons catholiques ainsi que le bourg neuchâtelois du Landeron, allié de Soleure, passèrent au nouveau style le 12/22 janvier 1584. Dans le bailliage commun de Thurgovie, le nouveau calendrier provoqua des tensions entre Zurich et les cinq cantons de Suisse centrale. La Diète de Baden décréta le 6 mars 1585 que les fêtes religieuses seraient célébrées selon le nouveau style; les protestants pouvaient cependant fêter Noël, la Saint-Etienne, Nouvel An, Pâques, l'Ascension et Pentecôte selon l'ancien style. En Appenzell, où l'on avait établi la parité confessionnelle, le nouveau calendrier fut également adopté en 1584, malgré l'opposition de prédicants dans les Rhodes-Extérieures (décision confirmée en 1589). Après la scission de 1597, les Rhodes-Extérieures protestantes revinrent à l'ancien style; le calendrier grégorien ne fut finalment introduit qu'en 1798. En Valais, l'évêque de Sion Hildebrand de Riedmatten rencontra en 1584 l'opposition des dizains, qui craignaient la disparition de vieilles coutumes. Le nouveau style fut adopté dans le Bas-Valais, pays sujet, en 1622 et dans tout le pays le 1er/11 mars 1656, après de longues discussions.
Pour rappel, le
Les églises réformées utilisent également cette référence, les dates sont donc identiques.
Un article de l’hebdomadaire protestant Réforme revient sur les différences entre les Carêmes protestants et catholiques :
Mais le jeûne n’est pas universel dans le christianisme naissant. Il est même critiqué par des chrétiens à Athènes au IIème siècle, qui y voient un culte “aux anges et non à Dieu”. Héritier du judaïsme, le christianisme tient les prescriptions rituelles de la Loi de Moïse pour transitoires, au profit des prescriptions morales.
Au XVIe siècle, les théologiens réformateurs, protestants mais aussi parfois catholiques, ont cherché à faire revenir les chrétiens à une relation plus juste avec le Dieu de Jésus-Christ en corrigeant les imaginaires et les pratiques qui n’étaient pas fondés sur l’Évangile. La lutte contre les actions qui prétendaient nous offrir le salut par nous-mêmes est alors devenue le cœur de l’éducation protestante. Il est toujours tentant, pour le croyant, de penser que ses prières et ses bonnes actions pèsent dans la balance pour gagner la bienveillance de Dieu. Mais pour Luther et Calvin, ce serait faire du salut une affaire quantitative. La bienveillance divine ne s’obtient pas comme on accumulerait des bons points dans une agence de voyage.
Ce qui compte pour les réformateurs est d’abord la qualité de notre relation à Dieu, notre confiance en lui. Alors l’être humain est appelé à accueillir la grâce de Dieu non en comptant sur ses propres capacités, mais en laissant agir Dieu en lui.
Un bon jeûne est alors un jeûne désintéressé et libre de toute obligation. Et si jamais quelqu’un voyait d’autres se priver plus que lui, il ne doit surtout pas culpabiliser, car ce serait, là encore, trop compter sur ses propres capacités. Au contraire, le progrès dans la vie spirituelle nous est donné gratuitement et ce n’est pas grave si nous chutons. L’important est de toujours nous relever. Le défi écologique nous le rappelle sans cesse aujourd’hui : la modération et la sobriété ne sont pas une affaire de saison. C’est toute l’année.
Luther et Calvin ont tous les deux condamné le culte rendu aux intercesseurs auprès de Dieu, dont les saints.
Les protestants refusent le culte des saints et ne souhaitent [pas] les fêtes liés aux prénoms.
Les articles de Wikipédia, très clairs, qui reviennent sur le calendrier julien, le calendrier grégorien et sur le passage de l'un à l'autre.
Que font les protestants pour le carême ?, un article sur le site web l'hebdomadaire Réforme.
Isabelle Fiévet revient dans la Croix sur les différences de conceptions du Carême entre Catholiques et protestants Le Carême est inconcevable pour nous protestants.
Bien cordialement,
Le département civilisation
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