Question d'origine :
Bonjour, Est-ce que l'on peut considérer que les jésuites sont des féministes ? Un groupe 100% masculin (où sont les jésuitesses ?) pourrait nous indiquer que non, mais est-ce que des tendances se dégagent ? Des exemples ou des contre-exemples de positions jésuites en faveur de la cause féministe ? Merci !
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 01/04/2021 à 09h54
Bonjour,
Vous vous interrogez sur des liens éventuels entre l’ordre des Jésuites et le féminisme.
En 1995, lors de leur 34e Congrégation générale, les jésuites ont publié le décret 14 : Jesuits and the Situation of Women in Church and Civil Society (texte en anglais)
On trouve quelques articles en ligne qui évoquent ce décret :
« Il est […] important de réfléchir à la justice sociale et à la façon dont elle doit rendre justice aux femmes, en particulier dans le cadre de nos ministères et dans la façon dont les jésuites travaillent souvent avec des femmes. Et puis, les jésuites en général, nous travaillons dans un monde plus laïque, mais avec une diversité culturelle, religieuse et une diversité d’idées.
La Compagnie de Jésus a commencé à réfléchir officiellement sur les jésuites et les femmes lors de la 34e CG en 1995 et a produit un décret de la Congrégation générale intitulé Les jésuites et la situation des femmes dans l’Église et la société civile, un document crucial du point de vue de l’équité entre les sexes ou de l’équité en général, et de l’écoute active des expériences des femmes dans la société. »
Source : Quand le féminisme est plus qu’une question de justice pour les femmes : une nouvelle série du Campion College, jesuites.ca
« C’est en 1995, lors de leur 34e Congrégation générale, que les jésuites ont publié un décret très remarqué aussi bien dans les cercles ecclésiaux que par les organes de presse. Le décret 14 s’intitulait : « Les jésuites et la situation des femmes dans l’Église et la société civile ». Le document invitait les jésuites eux-mêmes d’abord à mieux écouter les voix des femmes, à travailler à la reconnaissance de l’égalité des hommes et des femmes, à lutter contre les diverses formes de violence contre les femmes, à favoriser la participation des femmes au niveau des instances décisionnelles de leurs institutions et apostolats.
Cette expression de solidarité avec les femmes n’a pas été l’affaire d’un moment. La Compagnie de Jésus – et les jésuites dans leur ensemble – ont été fidèles à promouvoir les droits des femmes et à lutter contre toute discrimination à leur égard. »
Source : jesuits.global/fr/
Un passage de l’ouvrage d’Hervé Yannou Jésuites et compagnie qualifie ce décret de « mea culpa » de la part des jésuites, « misogynes du siècle d’or » :
« « Nous avons fait partie d’une tradition politique et ecclésiale qui a offensé les femmes. Comme beaucoup d’hommes, nous avons tendance à nous convaincre qu’il n’y a là aucun problème. Fût-ce sans le vouloir, nous avons souvent participé à une forme de cléricalisme qui a renforcé la prédominance masculine en l’accompagnant d’une sanction prétendument divine. Par cette déclaration, nous voulons réagir personnellement et collectivement et nous entendons faire tout notre possible et faire ce que nous pouvons pour changer cette situation regrettable. » Cet examen de conscience fit la une de la presse. »
Mais les effets dans le monde catholique restent pour le moins limités, comme le souligne toujours Hervé Yannou :
« Douze ans plus tard, l’Eglise catholique restait toujours réticente à donner plus de responsabilités aux femmes. Jean-Paul II leur ouvrit timidement les portes de la curie romaine et tenta de définir un « féminisme » catholique. Benoît XVI a posé la question de leur place dans l’Eglise et son cardinal secrétaire d’Etat, Tarcisio Bertone, a promis des nominations dans les instances dirigeantes du Vatican, mais pas la révolution qu’a appelée de ses vœux le jésuite Eberhard von Gemminger, le directeur des programmes germanophones de Radio Vatican. « Je rêve qu’à l’avenir le pape puisse être élu par un groupe mixte d’hommes et de femmes, soixante hommes et soixante femmes », déclara-t-il en juillet 2007, laissant la porte ouverte à de futurs cardinaux du « sexe faible ». « Ce n’est pas un discours féministe, il s’agit seulement de réalisme et de justice. Aujourd’hui, ce n’est certainement pas faisable, mais dans cent ans, qui sait… » Il reste aux jésuites à montrer l’exemple, car les femmes ne sont pas encore admises ni dans leurs rangs ni au sein de la congrégation générale qui élit leur chef. »
(extraits disponibles dans Google Livres)
Récemment les jésuites semblent avoir franchi un nouveau pas avec la création d’une commission sur le rôle et les responsabilités des femmes dans la Compagnie de Jésus :
« À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le père Arturo Sosa, général des jésuites, annonce la création d’une commission sur le rôle et les responsabilités des femmes dans la Compagnie de Jésus. Dans la foulée des engagements antérieurs, la Compagnie souhaitait que, dans ses œuvres, les femmes jouent des rôles importants au même titre que les hommes.
La Commission a un mandat de trois ans. Ses objectifs sont les suivants :
1. évaluer l’appropriation du décret « Les jésuites et la situation des femmes dans l’Église et la société » dans un monde qui a changé depuis sa publication en 1995 et vérifier jusqu’à quel point la coresponsabilité, la collaboration et l’inclusion des femmes dans la planification apostolique ont été promues;
2. évaluer le niveau de participation des femmes à tous les niveaux des institutions et des œuvres de la Compagnie;
3. faire des recommandations pour renforcer la mission de la Compagnie en créant des espaces d’implication des femmes et de dialogue entre hommes et femmes dans les œuvres jésuites;
4. faire des recommandations pour la promotion de pratiques efficaces d’intégration et de solidarité, y compris pour la formation et les changements de structures.
À ceci s’ajoute la possibilité de souligner, en cours de mandat, des injustices ou des pratiques inappropriées qui pourraient nuire aux objectifs de respect mutuel et d’égalité entre les hommes et les femmes.
Soulignons qu’au Québec, depuis plusieurs années, c’est une femme, Élisabeth Garant, qui dirige le Centre justice et foi et la revue Relations, deux œuvres des jésuites.
La Commission comprend dix membres, soit six femmes originaires de la Belgique, de la Colombie, des États-Unis, de l’Inde, du Kenya et des Philippines; et quatre hommes, soit un laïc des États-Unis et trois jésuites, l’un conseiller général à Rome, les deux autres originaires de la Corée du Sud et de l’Inde. »
Source : Une bonne nouvelle chez les jésuites en ce 8 mars 2021, femmes-ministeres.org
Dans les exemples de soutient des jésuites à la cause féministe, on peut mentionner le père Desbuquois:
« Cécile de Corlieu est révoltée par la condition faite à la femme, y compris dans l’Église et elle trouve des appuis parmi les Jésuites : « Ces prêtres connaissaient et ils approuvaient notre mépris intellectuel pour les cocasseries pauliniennes. En tant que prêtre, l’homme est le Christ. En tant qu’époux, il est le Christ. En face de cet homme qui s’entête à être Dieu, le sort de la femme varie. Dans l’Église, elle n’est rien ou tout au plus un « membre imparfait » d’après saint Thomas d’Aquin. Dans le mariage, en tant qu’épouse, de Jésus-Christ, elle devient l’Église. Ces Jésuites français nous disaient : « Exigez la modification de la liturgie matrimoniale ».
En 1931, elle travaille avec le père Desbuquois à cette réforme du mariage. Elle veut que l’autorité paternelle cède la place à « l’autorité parentale » et elle conteste le « devoir de procréation » tel qu’il est compris chez les Catholiques. Comme le dit le père Desbuquois : « la richesse spirituelle du couple suppose son équilibre hors de l’angoisse justifiée d’une procréation excessive, hors de l’obsession d’un péché sexuel inexistant. Quand l’équilibre n’est pas obtenu, c’est chaque fois un cas particulier qui ressort de la médecine et non du confessionnal ». Le père Desbuquois avait bien l’écoute de Rome sur les questions économiques et sociales - il avait participé à la rédaction de l’encyclique Quadagresimo Anno - mais ses thèses sur la morale conjugale ne furent pas retenues dans l’encyclique Casti Connubii.
Desbuquois est bousculé par cette jeune femme si différente des paroissiennes habituelles, tellement indifférente au « prestige sacré » de ces hommes. Il lui dit un jour : « Je vis devant le jugement que portera sur moi la vieille femme que vous serez un jour, quand je serai mort » Cécile de Corlieu analyse le renversement qui s’instaure : « L’Église place ses prêtres, quoi qu’il leur arrive, au cours de leur vie, devant un seul engagement, celui contractée avec elle. La femme n’existe pas. L’inexistence de la femme est la grande commodité dont l’Église romaine structure sa puissance par le célibat ecclésiastique. Le père Desbuquois renversait la vapeur. Il mettait la conscience du prêtre devant la femme ; celle-ci prenant conscience d’elle-même ». »
Source : Union spirituelle des femmes, Wikipedia
On peut aussi trouver des contre-exemples : la féministe radicale Mary Daly, qui a enseigné pendant 33 ans à Boston College, université dirigée par les Jésuites, a fait l’objet d’une action disciplinaire car elle voulait réserver certains cours aux filles, soutenant que la présence des garçons empêchait les filles de s’exprimer librement :
« Mary Daly a enseigné à Boston College de 1967 à 1999. Elle est une première fois menacée de licenciement à la suite de la publication de son ouvrage The Church and the Second Sex (1968), mais le soutien des étudiants (alors tous des garçons) et du public en général, lui valut de pouvoir conserver son poste.
Quelques années plus tard, devant le refus opposé par Daly à la présence des garçons à certains de ses cours, une action disciplinaire est entreprise à son encontre. Alors que Daly soutenait que leur présence empêchait les filles de s’exprimer librement, l’administration de Boston College argua que son attitude violait le Titre IX d’une Loi fédérale de 1972 obligeant le College à s’assurer que personne n’était exclu des cours en raison de son sexe, et violait la propre politique de non-discrimination de l’université.
En 1998, une plainte pour discrimination contre le College déposée par deux étudiants, est soutenue par le Center for Individual Rights (en), un groupe de pression conservateur. Ayant reçu plusieurs injonctions, Daly préféra ne plus assurer ses cours plutôt que d’y admettre des garçons. Boston College lui suspendit son traitement, prétextant un accord verbal par lequel elle aurait déclaré vouloir prendre sa retraite. Daly porta plainte contre l’université, protestant qu’elle n’avait jamais envisagé de se retirer, mais sa plainte fut rejetée par la juge Martha B. Sosman (en) à la cour supérieure du Middlesex.
Finalement, elle accepta une transaction juridique qui lui reconnaissait ses droits à la retraite. Daly continua à soutenir que Boston College avait porté préjudice à ses étudiantes en la privant de son droit à n’enseigner qu’à des filles. Elle a donné un compte-rendu de ces évènements dans son ouvrage, paru en 2006, Amazon Grace: Recalling the Courage to Sin Big. Elle rappelle à ce propos que les filles ne furent admises au Boston College Graduate School of Arts & Sciences (en) (fondé en 1920) qu'en 1970. »
Quelques articles qui pourraient vous intéresser :
- Le pape François et les femmes, jesuites.ch
- La revue 'choisir' s'interroge sur la place des femmes en Eglise, cath.ch
- A travers des podcasts, les féministes catholiques veulent bousculer l’Eglise, lemonde.fr
- Béraud, Céline. « L’avenir de la revendication d’une pleine égalité des sexes dans l’Église du pape François », Lumen Vitae, vol. volume lxix, no. 3, 2014, pp. 245-254.
- Rinner, Valentine. « Pour une Église plus inclusive », Études, vol. janvier, no. 1, 2021, pp. 81-92.
- Couture, Denise. « Comment vivre des vies spirituelles de femmes libres dans l’Église catholique ? Une analyse à partir du contexte québécois », Lumen Vitae, vol. volume lxix, no. 3, 2014, pp. 255-266.
- Curtis, Sarah A. « À la découverte de la femme missionnaire », Histoire et missions chrétiennes, vol. 16, no. 4, 2010, pp. 5-18.
- Béraud, Céline. « Études de genre et catholicisme. Quelques perspectives relatives au cas français », Revue d'éthique et de théologie morale, vol. 308, no. 4, 2020, pp. 63-75.
Bonne journée.
Vous vous interrogez sur des liens éventuels entre l’ordre des Jésuites et le féminisme.
En 1995, lors de leur 34e Congrégation générale, les jésuites ont publié le décret 14 : Jesuits and the Situation of Women in Church and Civil Society (texte en anglais)
On trouve quelques articles en ligne qui évoquent ce décret :
« Il est […] important de réfléchir à la justice sociale et à la façon dont elle doit rendre justice aux femmes, en particulier dans le cadre de nos ministères et dans la façon dont les jésuites travaillent souvent avec des femmes. Et puis, les jésuites en général, nous travaillons dans un monde plus laïque, mais avec une diversité culturelle, religieuse et une diversité d’idées.
La Compagnie de Jésus a commencé à réfléchir officiellement sur les jésuites et les femmes lors de la 34e CG en 1995 et a produit un décret de la Congrégation générale intitulé Les jésuites et la situation des femmes dans l’Église et la société civile, un document crucial du point de vue de l’équité entre les sexes ou de l’équité en général, et de l’écoute active des expériences des femmes dans la société. »
Source : Quand le féminisme est plus qu’une question de justice pour les femmes : une nouvelle série du Campion College, jesuites.ca
« C’est en 1995, lors de leur 34e Congrégation générale, que les jésuites ont publié un décret très remarqué aussi bien dans les cercles ecclésiaux que par les organes de presse. Le décret 14 s’intitulait : « Les jésuites et la situation des femmes dans l’Église et la société civile ». Le document invitait les jésuites eux-mêmes d’abord à mieux écouter les voix des femmes, à travailler à la reconnaissance de l’égalité des hommes et des femmes, à lutter contre les diverses formes de violence contre les femmes, à favoriser la participation des femmes au niveau des instances décisionnelles de leurs institutions et apostolats.
Cette expression de solidarité avec les femmes n’a pas été l’affaire d’un moment. La Compagnie de Jésus – et les jésuites dans leur ensemble – ont été fidèles à promouvoir les droits des femmes et à lutter contre toute discrimination à leur égard. »
Source : jesuits.global/fr/
Un passage de l’ouvrage d’Hervé Yannou Jésuites et compagnie qualifie ce décret de « mea culpa » de la part des jésuites, « misogynes du siècle d’or » :
« « Nous avons fait partie d’une tradition politique et ecclésiale qui a offensé les femmes. Comme beaucoup d’hommes, nous avons tendance à nous convaincre qu’il n’y a là aucun problème. Fût-ce sans le vouloir, nous avons souvent participé à une forme de cléricalisme qui a renforcé la prédominance masculine en l’accompagnant d’une sanction prétendument divine. Par cette déclaration, nous voulons réagir personnellement et collectivement et nous entendons faire tout notre possible et faire ce que nous pouvons pour changer cette situation regrettable. » Cet examen de conscience fit la une de la presse. »
Mais les effets dans le monde catholique restent pour le moins limités, comme le souligne toujours Hervé Yannou :
« Douze ans plus tard, l’Eglise catholique restait toujours réticente à donner plus de responsabilités aux femmes. Jean-Paul II leur ouvrit timidement les portes de la curie romaine et tenta de définir un « féminisme » catholique. Benoît XVI a posé la question de leur place dans l’Eglise et son cardinal secrétaire d’Etat, Tarcisio Bertone, a promis des nominations dans les instances dirigeantes du Vatican, mais pas la révolution qu’a appelée de ses vœux le jésuite Eberhard von Gemminger, le directeur des programmes germanophones de Radio Vatican. « Je rêve qu’à l’avenir le pape puisse être élu par un groupe mixte d’hommes et de femmes, soixante hommes et soixante femmes », déclara-t-il en juillet 2007, laissant la porte ouverte à de futurs cardinaux du « sexe faible ». « Ce n’est pas un discours féministe, il s’agit seulement de réalisme et de justice. Aujourd’hui, ce n’est certainement pas faisable, mais dans cent ans, qui sait… » Il reste aux jésuites à montrer l’exemple, car les femmes ne sont pas encore admises ni dans leurs rangs ni au sein de la congrégation générale qui élit leur chef. »
(extraits disponibles dans Google Livres)
Récemment les jésuites semblent avoir franchi un nouveau pas avec la création d’une commission sur le rôle et les responsabilités des femmes dans la Compagnie de Jésus :
« À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le père Arturo Sosa, général des jésuites, annonce la création d’une commission sur le rôle et les responsabilités des femmes dans la Compagnie de Jésus. Dans la foulée des engagements antérieurs, la Compagnie souhaitait que, dans ses œuvres, les femmes jouent des rôles importants au même titre que les hommes.
La Commission a un mandat de trois ans. Ses objectifs sont les suivants :
1. évaluer l’appropriation du décret « Les jésuites et la situation des femmes dans l’Église et la société » dans un monde qui a changé depuis sa publication en 1995 et vérifier jusqu’à quel point la coresponsabilité, la collaboration et l’inclusion des femmes dans la planification apostolique ont été promues;
2. évaluer le niveau de participation des femmes à tous les niveaux des institutions et des œuvres de la Compagnie;
3. faire des recommandations pour renforcer la mission de la Compagnie en créant des espaces d’implication des femmes et de dialogue entre hommes et femmes dans les œuvres jésuites;
4. faire des recommandations pour la promotion de pratiques efficaces d’intégration et de solidarité, y compris pour la formation et les changements de structures.
À ceci s’ajoute la possibilité de souligner, en cours de mandat, des injustices ou des pratiques inappropriées qui pourraient nuire aux objectifs de respect mutuel et d’égalité entre les hommes et les femmes.
Soulignons qu’au Québec, depuis plusieurs années, c’est une femme, Élisabeth Garant, qui dirige le Centre justice et foi et la revue Relations, deux œuvres des jésuites.
La Commission comprend dix membres, soit six femmes originaires de la Belgique, de la Colombie, des États-Unis, de l’Inde, du Kenya et des Philippines; et quatre hommes, soit un laïc des États-Unis et trois jésuites, l’un conseiller général à Rome, les deux autres originaires de la Corée du Sud et de l’Inde. »
Source : Une bonne nouvelle chez les jésuites en ce 8 mars 2021, femmes-ministeres.org
Dans les exemples de soutient des jésuites à la cause féministe, on peut mentionner le père Desbuquois:
« Cécile de Corlieu est révoltée par la condition faite à la femme, y compris dans l’Église et elle trouve des appuis parmi les Jésuites : « Ces prêtres connaissaient et ils approuvaient notre mépris intellectuel pour les cocasseries pauliniennes. En tant que prêtre, l’homme est le Christ. En tant qu’époux, il est le Christ. En face de cet homme qui s’entête à être Dieu, le sort de la femme varie. Dans l’Église, elle n’est rien ou tout au plus un « membre imparfait » d’après saint Thomas d’Aquin. Dans le mariage, en tant qu’épouse, de Jésus-Christ, elle devient l’Église. Ces Jésuites français nous disaient : « Exigez la modification de la liturgie matrimoniale ».
En 1931, elle travaille avec le père Desbuquois à cette réforme du mariage. Elle veut que l’autorité paternelle cède la place à « l’autorité parentale » et elle conteste le « devoir de procréation » tel qu’il est compris chez les Catholiques. Comme le dit le père Desbuquois : « la richesse spirituelle du couple suppose son équilibre hors de l’angoisse justifiée d’une procréation excessive, hors de l’obsession d’un péché sexuel inexistant. Quand l’équilibre n’est pas obtenu, c’est chaque fois un cas particulier qui ressort de la médecine et non du confessionnal ». Le père Desbuquois avait bien l’écoute de Rome sur les questions économiques et sociales - il avait participé à la rédaction de l’encyclique Quadagresimo Anno - mais ses thèses sur la morale conjugale ne furent pas retenues dans l’encyclique Casti Connubii.
Desbuquois est bousculé par cette jeune femme si différente des paroissiennes habituelles, tellement indifférente au « prestige sacré » de ces hommes. Il lui dit un jour : « Je vis devant le jugement que portera sur moi la vieille femme que vous serez un jour, quand je serai mort » Cécile de Corlieu analyse le renversement qui s’instaure : « L’Église place ses prêtres, quoi qu’il leur arrive, au cours de leur vie, devant un seul engagement, celui contractée avec elle. La femme n’existe pas. L’inexistence de la femme est la grande commodité dont l’Église romaine structure sa puissance par le célibat ecclésiastique. Le père Desbuquois renversait la vapeur. Il mettait la conscience du prêtre devant la femme ; celle-ci prenant conscience d’elle-même ». »
Source : Union spirituelle des femmes, Wikipedia
On peut aussi trouver des contre-exemples : la féministe radicale Mary Daly, qui a enseigné pendant 33 ans à Boston College, université dirigée par les Jésuites, a fait l’objet d’une action disciplinaire car elle voulait réserver certains cours aux filles, soutenant que la présence des garçons empêchait les filles de s’exprimer librement :
« Mary Daly a enseigné à Boston College de 1967 à 1999. Elle est une première fois menacée de licenciement à la suite de la publication de son ouvrage The Church and the Second Sex (1968), mais le soutien des étudiants (alors tous des garçons) et du public en général, lui valut de pouvoir conserver son poste.
Quelques années plus tard, devant le refus opposé par Daly à la présence des garçons à certains de ses cours, une action disciplinaire est entreprise à son encontre. Alors que Daly soutenait que leur présence empêchait les filles de s’exprimer librement, l’administration de Boston College argua que son attitude violait le Titre IX d’une Loi fédérale de 1972 obligeant le College à s’assurer que personne n’était exclu des cours en raison de son sexe, et violait la propre politique de non-discrimination de l’université.
En 1998, une plainte pour discrimination contre le College déposée par deux étudiants, est soutenue par le Center for Individual Rights (en), un groupe de pression conservateur. Ayant reçu plusieurs injonctions, Daly préféra ne plus assurer ses cours plutôt que d’y admettre des garçons. Boston College lui suspendit son traitement, prétextant un accord verbal par lequel elle aurait déclaré vouloir prendre sa retraite. Daly porta plainte contre l’université, protestant qu’elle n’avait jamais envisagé de se retirer, mais sa plainte fut rejetée par la juge Martha B. Sosman (en) à la cour supérieure du Middlesex.
Finalement, elle accepta une transaction juridique qui lui reconnaissait ses droits à la retraite. Daly continua à soutenir que Boston College avait porté préjudice à ses étudiantes en la privant de son droit à n’enseigner qu’à des filles. Elle a donné un compte-rendu de ces évènements dans son ouvrage, paru en 2006, Amazon Grace: Recalling the Courage to Sin Big. Elle rappelle à ce propos que les filles ne furent admises au Boston College Graduate School of Arts & Sciences (en) (fondé en 1920) qu'en 1970. »
Quelques articles qui pourraient vous intéresser :
- Le pape François et les femmes, jesuites.ch
- La revue 'choisir' s'interroge sur la place des femmes en Eglise, cath.ch
- A travers des podcasts, les féministes catholiques veulent bousculer l’Eglise, lemonde.fr
- Béraud, Céline. « L’avenir de la revendication d’une pleine égalité des sexes dans l’Église du pape François », Lumen Vitae, vol. volume lxix, no. 3, 2014, pp. 245-254.
- Rinner, Valentine. « Pour une Église plus inclusive », Études, vol. janvier, no. 1, 2021, pp. 81-92.
- Couture, Denise. « Comment vivre des vies spirituelles de femmes libres dans l’Église catholique ? Une analyse à partir du contexte québécois », Lumen Vitae, vol. volume lxix, no. 3, 2014, pp. 255-266.
- Curtis, Sarah A. « À la découverte de la femme missionnaire », Histoire et missions chrétiennes, vol. 16, no. 4, 2010, pp. 5-18.
- Béraud, Céline. « Études de genre et catholicisme. Quelques perspectives relatives au cas français », Revue d'éthique et de théologie morale, vol. 308, no. 4, 2020, pp. 63-75.
Bonne journée.
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