Question d'origine :
Quel est le patrimoine historique du Timor Oriental ? Quelles sont les traces Portugaises et Indonésiennes dans le patrimoine du Timor oriental ? Merci
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 21/06/2021 à 12h54
Bonjour,
Tout d'abord, quelques informations générales sur laRépublique démocratique de Timor-Leste , également appelée Timor oriental Timor-Est, pays insulaire l'Asie assez mal connu en France. Selon l'Encyclopedia universalis, le pays "occupe la partie orientale de l'île de Timor, à laquelle s'ajoutent une enclave sur la côte nord-ouest dans la partie indonésienne (Oecusse), la petite île volcanique d'Ataúro, au large de la capitale Dili, et l'îlot Jaco, à la pointe orientale de l'île." D'une superficie de 14 600 kilomètres carrés, le pays, situé entre l'Asutralie et l'Indonésie, comptait un peu plus d'un million d'habitants en 2010.
Pays d'une géographie accidentée et d'un climat tropical contrasté entre le nord et le sud, le Timor oriental connaît une grandediversité de peuplement :
On compteune vingtaine de groupes ethnolinguistiques appartenant aux familles mélanésienne et austronésienne . Les Mélanésiens, issus de l'île de Nouvelle-Guinée, seraient les premiers occupants de l'île, comme semblent l'attester des vestiges archéologiques datant de 37 000 ans. Les populations austronésiennes venues de l'archipel insulindien (notamment des régions d'Ambon et de Célèbes) ont migré en diverses vagues environ 1 000 ans avant l'ère chrétienne. Les populations vivaient dans de petits royaumes ou chefferies et pratiquaient une agriculture vivrière basée sur le sagou. Elles faisaient également commerce de cire, de miel et de bois de santal. Ce dernier a attiré les marchands chinois dès le XIIIe siècle. C'est aussi pour le santal que les Portugais se sont intéressés à l'île lorsqu'ils ont commencé à ouvrir des comptoirs en Asie du Sud-Est en 1511. Toutefois, la présence portugaise à Timor à partir des années 1550, de même que celle des Hollandais, à partir de 1651 , a longtemps été limitée à quelques implantations et à des accords d'exclusivité commerciale. De fait, les chefferies timoraises ont conservé une large autonomie jusqu'au XIXe siècle voire au début du XXe siècle. C'est seulement en 1893 qu'a été fixée la frontière entre les deux moitiés de l'île, néerlandaise à l'ouest et portugaise à l'est, la délimitation finale devant être tranchée par la Cour internationale de justice en 1914.
Occupé de 1975 à 2002 par l'Indonésie, le pays a subi des années de guerres et d'exaction, conduisant à la mort de près d'un tiers de sa population ; si ce demi-siècle a laissé apparemment peu ou pas de traces culturelles ou architecturales - en tout cas, nous n'en avons trouvé mention nulle part - il a vu ladestruction d'une grande part du patrimoine bâti de la période portugaise, selon l'article de l'Encyclopedia universalis consacré à la capitale Dili :
Leséquipements et bâtiments coloniaux en nombre limité ont été en partie détruits à la suite d'incendies (1799, 1866) et surtout de bombardements , lors de l'occupation japonaise dans les années 1940, qui ont dévasté la ville à 90 p. 100, y compris son imposante cathédrale. D'avant cette époque, il ne reste plus guère qu'une caserne datant du xixe siècle. Dili a connu un début de dynamique immobilière dans les années 1960, amenant la construction d'hôtels. Après un coup d'arrêt, l'invasion indonésienne de 1975 a favorisé la croissance de la ville, devenue la capitale de la 27e province de l'archipel. De nombreux bâtiments administratifs sont édifiés. Ceinturée de montagnes, la ville s'est étendue vers l'ouest, vers l'aéroport de Comoro, où se trouvent les espaces plans les plus importants, passant à 125 000 habitants en 1990. En 1999, quand les Timorais ont voté pour l'indépendance, l'armée indonésienne et ses milices ont pratiquement tout incendié, comme en témoignent encore au milieu des années 2000 les innombrables ruines calcinées. Dili conserve aussi un air provincial, sa plus haute construction faisant cinq étages, tandis que les premiers feux rouges n'ont été installés qu'en 2007.
Selon l'article de Dominique Guillaud, Laure Emperaire, Brunna Crespi, Rosalia Soares, Amandine Pequignot et Jean-Christophe Galipaud "Entre pétrole et tourisme, la conservation participative des patrimoines locaux au Timor-Leste (Timor oriental)", Revue d'ethnoécologie, 2017, consultable sur journals.openedition.org, les enjeux de la culture timoraise sont donc plus des enjeux dereconstruction que de conservation . Et ceux-ci sont vitaux pour l'économie, puisque "Les autres possibilités de développement étant par ailleurs réduites (...), le gouvernement a misé, dès son indépendance, sur le tourisme comme un des leviers de développement du pays . Ce tourisme, soutenu par les nombreuses ONG présentes sur le territoire, s'efforce de mettre en valeur des aspects de la culture traditionnelle , habitats, confection textile, arbres sacrés, rituels animistes, organisation sociale, biodiversité... éléments culturels semblant avoir mieux résisté aux guerres que l'architecture coloniale, bien que la colonisation portugaise ait laissé une trace non négligeable : le portugais comme langue officielle aux côté du tétum, bien que très peu de Timorais soient lusophones.
La période portugaise a cependant laissé quelques bâtiments, la plupart situés à Dili. Vous trouverez des images de ces constructions sur maison-monde.com, alamyimages.fr, wikimedia.org... la prison Ai Pelo, dont les ruines témoignent du passé douloureux de l'île, ou le Palacio do governo, palais du gouvernement, construit dans les années 1950, en sont des exemples.
La mise en valeur de cet héritage attend encore une politique susceptible de la mettre en oeuvre. Une page de l'Unesco nous apprend qu'une résolution gouvernementale de 2009 "appelle à la préservation du patrimoine préhistorique et portugais du Timor-Leste ; à la création d'une bibliothèque nationale, d'une école de musique, d'une école des beaux-arts" et d'autres institutions culturelles, pour l'instant à l'état de projet, encore ralentis par la pression démographique s'exerçant sur Dili. Le gouvernement a toutefois mis en ligne le site timorleste.tl qui vous donnera quelques indication sur la population et la culture du pays.
Parmi les rares ressources francophones disponibles sur le Timor-est, citons une page de d'Université canadienne de Laval, qui présente une très belle synthèse de l'histoire et de la société du pays, avec des remarques linguistiques intéressantes. Le colonisateur portugais n'ayant jamais intégré la population autochtone à l'administration du pays, l'usage du portugais est en train de se perdre :
En 1950, la langue portugaise était parlée par quelque 10 000 locuteurs. En 1975, au moment de l'invasion indonésienne, le Timor oriental comptait environ 700 000 habitants, mais seulement 35 000 à 70 000 savaient comment lire et écrire le portugais, contre 100 000 à 140 000 qui pouvaient le parler et le comprendre. Jusqu'en 1981, le portugais était la langue de l'Église catholique du Timor, avant d'être supplanté par le tétum. Cependant, le portugais est resté en usage comme langue des affaires dans la ville de Dili. Durant toute l'occupation indonésienne, le portugais a servi comme langue de la résistance anti-indonésienne et celle des communications externes pour l'Église catholique. Il a déjà existé un créole portugais (Português de Bidau), mais il est aujourd'hui disparu; il était parlé autour des villes de Dili, Lifau de et de Bidau.
Le portugais est aujourd'hui une langue co-officielle avec le tétum. Selon un rapport de l'ONU de 2006, moins de 5 % de la population timoraise (environ 5000 personnes) aurait une connaissance du portugais comme langue seconde. Cependant, la validité de ces résultats a été mise en doute par les membres de l'Institut national timorais de linguistique (Timorese National Institute of Linguistics), qui soutient que le portugais serait parlé par 25 % des Timorais.
(...)
En réalité, il n'existe pas d'estimations vérifiables indiquant le nombre d'usagers du portugais, mais le gouvernement croit qu'entre 15 % et 25 % de la population serait en mesure de s'exprimer dans l'ancienne langue du colonisateur. La vérité est que ce groupe concerne les individus âgés d'au moins 40 ans, en plus des élites religieuses et culturelles, politiques et économiques, qui ont été exilées ou qui ont des possibilités d'étudier à l'étranger. Les principaux dirigeants timorais actuels sont peu nombreux à pouvoir parler le portugais, et ce, à des degrés divers. Beaucoup de mots portugais sont empruntés dans la langue tétum et les autres langues maternelles autochtones. La plupart des jeunes ignorent la langue portugaise.
L'occupation indonésienne, en plus de la perpétration d'un véritable génocide, a également eu une politique culturelle radicale : interdiction de l'enseignement du portugais en 1981, mais également interdiction du catholicisme, religion de 90% des Timorais.
Pour aller plus loin :
- Timor-Leste [Livre] : premier Etat du troisième millénaire / Frédéric Durand
- Timor Lorosa'e, pays au carrefour de l'Asie et du Pacifique [Livre] : un atlas géo-historique / Frédéric Durand
- Timor [Revue] : les défis de l'indépendance / Lusotopie
- Timor-Leste contemporain : L'émergence d'une nation / Benjamim de Araújo e Corte-Real, Christine Cabasset et Frédéric Durand (dir.)
Bonne journée.
Tout d'abord, quelques informations générales sur la
Pays d'une géographie accidentée et d'un climat tropical contrasté entre le nord et le sud, le Timor oriental connaît une grande
On compte
Occupé de 1975 à 2002 par l'Indonésie, le pays a subi des années de guerres et d'exaction, conduisant à la mort de près d'un tiers de sa population ; si ce demi-siècle a laissé apparemment peu ou pas de traces culturelles ou architecturales - en tout cas, nous n'en avons trouvé mention nulle part - il a vu la
Les
Selon l'article de Dominique Guillaud, Laure Emperaire, Brunna Crespi, Rosalia Soares, Amandine Pequignot et Jean-Christophe Galipaud "Entre pétrole et tourisme, la conservation participative des patrimoines locaux au Timor-Leste (Timor oriental)", Revue d'ethnoécologie, 2017, consultable sur journals.openedition.org, les enjeux de la culture timoraise sont donc plus des enjeux de
La période portugaise a cependant laissé quelques bâtiments, la plupart situés à Dili. Vous trouverez des images de ces constructions sur maison-monde.com, alamyimages.fr, wikimedia.org... la prison Ai Pelo, dont les ruines témoignent du passé douloureux de l'île, ou le Palacio do governo, palais du gouvernement, construit dans les années 1950, en sont des exemples.
La mise en valeur de cet héritage attend encore une politique susceptible de la mettre en oeuvre. Une page de l'Unesco nous apprend qu'une résolution gouvernementale de 2009 "appelle à la préservation du patrimoine préhistorique et portugais du Timor-Leste ; à la création d'une bibliothèque nationale, d'une école de musique, d'une école des beaux-arts" et d'autres institutions culturelles, pour l'instant à l'état de projet, encore ralentis par la pression démographique s'exerçant sur Dili. Le gouvernement a toutefois mis en ligne le site timorleste.tl qui vous donnera quelques indication sur la population et la culture du pays.
Parmi les rares ressources francophones disponibles sur le Timor-est, citons une page de d'Université canadienne de Laval, qui présente une très belle synthèse de l'histoire et de la société du pays, avec des remarques linguistiques intéressantes. Le colonisateur portugais n'ayant jamais intégré la population autochtone à l'administration du pays, l'usage du portugais est en train de se perdre :
En 1950, la langue portugaise était parlée par quelque 10 000 locuteurs. En 1975, au moment de l'invasion indonésienne, le Timor oriental comptait environ 700 000 habitants, mais seulement 35 000 à 70 000 savaient comment lire et écrire le portugais, contre 100 000 à 140 000 qui pouvaient le parler et le comprendre. Jusqu'en 1981, le portugais était la langue de l'Église catholique du Timor, avant d'être supplanté par le tétum. Cependant, le portugais est resté en usage comme langue des affaires dans la ville de Dili. Durant toute l'occupation indonésienne, le portugais a servi comme langue de la résistance anti-indonésienne et celle des communications externes pour l'Église catholique. Il a déjà existé un créole portugais (Português de Bidau), mais il est aujourd'hui disparu; il était parlé autour des villes de Dili, Lifau de et de Bidau.
Le portugais est aujourd'hui une langue co-officielle avec le tétum. Selon un rapport de l'ONU de 2006, moins de 5 % de la population timoraise (environ 5000 personnes) aurait une connaissance du portugais comme langue seconde. Cependant, la validité de ces résultats a été mise en doute par les membres de l'Institut national timorais de linguistique (Timorese National Institute of Linguistics), qui soutient que le portugais serait parlé par 25 % des Timorais.
(...)
En réalité, il n'existe pas d'estimations vérifiables indiquant le nombre d'usagers du portugais, mais le gouvernement croit qu'entre 15 % et 25 % de la population serait en mesure de s'exprimer dans l'ancienne langue du colonisateur. La vérité est que ce groupe concerne les individus âgés d'au moins 40 ans, en plus des élites religieuses et culturelles, politiques et économiques, qui ont été exilées ou qui ont des possibilités d'étudier à l'étranger. Les principaux dirigeants timorais actuels sont peu nombreux à pouvoir parler le portugais, et ce, à des degrés divers. Beaucoup de mots portugais sont empruntés dans la langue tétum et les autres langues maternelles autochtones. La plupart des jeunes ignorent la langue portugaise.
L'occupation indonésienne, en plus de la perpétration d'un véritable génocide, a également eu une politique culturelle radicale : interdiction de l'enseignement du portugais en 1981, mais également interdiction du catholicisme, religion de 90% des Timorais.
- Timor-Leste [Livre] : premier Etat du troisième millénaire / Frédéric Durand
- Timor Lorosa'e, pays au carrefour de l'Asie et du Pacifique [Livre] : un atlas géo-historique / Frédéric Durand
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- Timor-Leste contemporain : L'émergence d'une nation / Benjamim de Araújo e Corte-Real, Christine Cabasset et Frédéric Durand (dir.)
Bonne journée.
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