Question d'origine :
qu'est ce que le sinthôme? en qoi joue-t-il un rôle pour la structuration du sujet?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 11/01/2005 à 10h01
Symptôme, sinthome :
« [I]Lacan a défini le symptôme de plusieurs façons : comme une métaphore, comme « ce qui vient du réel », comme « ce qui ne va pas », et, à la fin de son enseignement, comme un fait de structure dont la nécessité doit être interrogée.
A partir de 1953, Lacan fait valoir que le symptôme analytique (…) est soutenu par une structure de langage, par des signifiants et par des lettres qui en sont les éléments matériels.
(…) le symptôme névrotique est l’équivalent d’une parole enclose à entendre et à déchiffrer. Lacan y voit à l’œuvre le mécanisme de la métaphore : la substitution du signifiant d’un trauma sexuel à un élément d’une chaîne signifiante actuelle fixe le symptôme et produit son sens (…). Interpréter le sens ne peut donc suffire, c’est en faisant valoir l’articulation des signifiants pris dans le symptôme, en eux-mêmes insensés, que l’interprétation opère (…).
A partir de 1974, avec le nœud borroméen à trois ronds, Lacan envisage les rapports du symptôme avec R, S et I (Réel, Symbolique, Imaginaire). Le symptôme est « ce qui vient du Réel », marginal dans l’Imaginaire, il se déploie dans le Symbolique (fig.1). Il est ce qui ne va pas, ce qui fait parler en quête de sens (….).
Avec le nœud à quatre ronds c’est la fonction du symptôme qui est précisée. Freud a montré que la formation du symptôme est déterminée par la réalité psychique, laquelle est organisée par le complexe d’Œdipe ; cette réalité, Lacan la dit religieuse parce que fondée sur la croyance que le Père est le castrateur, alors que ce sont les lois du langage qui imposent de renoncer à être et à avoir le phallus. Le symptôme apparaît alors comme ce qui maintient avec le Père un lien qui soutient l’identification et la jouissance sexuelle : le rond du symptôme, dit aussi « rond du Nom-du-Père », permet de nouer R, S et I (fig.2). La question ouverte et non résolue étant alors celle d’un sujet qui ne prendrait pas appui sur son symptôme (ce que présente le nœud à trois (fig. 3). Lacan envisage aussi le cas d’une erreur de nouage dans le nœud à trois, réparée de façon non borroméenne, par le rond dit du sinthome, et il l’exemplifie par le cas de Joyce (fig. 4).
Pour Lacan, le symptôme est la façon fixée dont chacun jouit de son Inconscient. A cet égard, la façon qu’induit la normalisation oedipienne, même si elle est autre que celle de la névrose, n’est pas moins fixée, la cure ne vise donc pas une telle normalisation, mais plutôt un « savoir faire avec le symptôme » au lieu d’une jouissance de celui-ci.
Article de Valentin Nusinovici dans le Dictionnaire international de psychanalyse dans lequel vous trouverez les figures citées.
(A noter que le mot sinthome viendrait sans doute d’une orthographe ancienne de symptôme et l’origine proposée dans la réponse à votre précédente question serait une interprétation d’après-coup, mais nous n’avons pas vraiment trouvé de certitude sur l’origine exacte du terme).
Une recherche sur Google avec le terme sinthome vous donne par ailleurs de nombreux textes intéressants comme en témoignent par exemple les deux extraits ci-après.
"Pour celui qui a poussé son analyse jusqu'a cette vérification, celle que la passe se propose de recueillir le cas échéant, l'irréductible du symptôme vaut comme ce réel par rapport auquel seulement l'Autre peut être dit légitimement Autre : il n'y a d'Autre que du réel, et, comme l'enseigne J. Lacan, le réel n'est pas ailleurs que dans le noeud constitutif du sujet. L'identification au sinthome, au réel du père réel (à la jouissance qui ne passe pas a la castration) implique le consentement à voir dans cette "résistance" du sinthome le minimum de jouissance à quoi se réduit l'être du sujet, minimum irréductible au delà et lié au fait de porter, vivant, le signifiant dans le réel".
Pour une Ecole / M.J. Sauret
"Il y a chez Lacan la pensée que le symptôme est inéliminable, qu'il n'y a pas au fond de pulsion sans symptôme, que la pulsion dans sa poussée et dans son but, produit toujours du symptôme. Comme si le symptôme constituait un lieu incontournable pour le devenir de la pulsion, tant et si bien, nous le verrons plus loin que Lacan pourra penser la fin de la cure en terme d'identification au symptôme.
Au lieu de s'identifier à l'analyste qu'on a pu aimer et que l'on perd, voie classique du travail du deuil, prônée comme on le sait par l'IPA, le sujet aurait à s'identifier à son symptôme. C'est une identification où le sujet, transi d'une jouissance pulsionnelle que le symptôme transmet, porteur d'une satisfaction qui se présente en termes de déplaisir, au lieu d'en souffrir, parvient à tirer parti de ce qui le détermine. C'est plus, à mon sens, que trouver les moyens de s'en débrouiller : c'est, dit Lacan en 1976, "savoir y faire" avec ce symptôme qui signe le destin de chacun. Ce "savoir y faire" passe-t-il par un coup porté au déplaisir et à la souffrance symptomatiques ? En tout cas, le "savoir y faire" peut devenir un "savoir faire"qui vous tient, eu égard à une activité créatrice, qu'elle soit artistique ou autre. On est ici au cœur de la problématique posée par la sublimation, à partir de la pulsion dans son devenir symptomatique".
De la guérison psychanalytique / Marie-Claire Boons
Vous pouvez consulter, outre les ouvrages cités dans notre précédente réponse sur le symptôme, deux versions du Séminaire sur Joyce et le sinthome, l’un sur le site de l’école lacanienne, l’autre sur
le site d’un groupe de travail en psychanalyse, et ce texte sur Le sinthome.
La parution au Seuil du Séminaire XXIII est par ailleurs annoncée sur le site de l’Association Mondiale de psychanalyse par Jacques-Alain Miller, spécialiste de Lacan.
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