A propos de la lapidation.
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 24/08/2010 à 21h44
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Question d'origine :
Au cours d'une conversation portant sur l'actualité récente, mon interlocuteur m'a affirmé que se supplice était en vigueur outre chez les Hébreux, chez les Egyptiens, les Romains, les Grecs et même les Celtes (Gaulois).
Pourtant passionné par l'antiquité gréco-romaine et gallo-romaine, je ne me souviens pas avoir trouvé trace de cette pratique pour les grecs, les romains et j'ai de larges doutes concernant les Celtes.
Pouvez-vous me dire par qui elle fut pratiquée, à quelles occasions et dans quelles conditions ?
Merci de vos bons soins.
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 26/08/2010 à 07h56
Réponse du service Guichet du Savoir
Bonjour,
Effectivement il semble que la lapidation était connue dans l’Antiquité chez les grecs et les romains.
On trouve d’ailleurs des exemples dans les poèmes homériques dont parle Eva Cantarella dans son ouvrage Les peines de mort en Grèce et à Rome :
L’épisode est célèbre : au chant III de l’Illiade, Hector accusant Pâris de lâcheté (il vient de fuir devant Ménélas), dit que, si les troyens n’étaient pas aussi peureux, Pâris aurait depuis longtemps revêtu « une tunique de pierre ».
Pour autant la lapidation ne se présente jamais comme une peine institutionnelle mais plutôt comme étant l’expression d’une rage du peuple tuant avec la pierre, désirant se venger de celui qui avait des torts envers la communauté. Mais l’acte par lequel cette punition était infligée n’était pas l’expression de la volonté officielle du groupe : c’était l’acte spontané – et moralement juste- par lequel le peuple, en dehors de toute prescription institutionnelle, punissait celui ayant causé un malheur, méritait à son tour le malheur. Les références à la lapidation chez les tragiques sont par ailleurs nombreuses :
- dans l’Agamemnon d’Eschyle, le coryphée menace Egisthe de le lapider pour se venger du meurtre d’Agamemnon.
- dans l’Ajax de Sophocle, le chœur craint d’être lapidé par les Atrides
- dans Œdipe à Colone de Sophocle, Œdipe apprenant son mariage incestueux se désole de n’être lapidé.
On retrouve encore d’autres exemples chez Euripide dans Iphigénie à Aulis ou encore les Troyennes, les Bacchantes… Dans ces exemples la lapidation est l’acte d’une vengeance collective et instinctive, juste mais non institutionnelle.
Les sources de l’époque suivante confirment cette observation :
- Plutarque raconte qu’au moment de la conjuration de Cylon, les conjurés furent lapidés
- Dans Hérodote, le traitre Lycidas est lapidé ainsi que femme et enfants après qu’il ait proposé d'approuver la demande de reddition envoyée par le Perse Mardonios
La logique des faits est claire : les traitres sont tués sans procès par la colère du peuple.
Dans la Rome antique, Eva Cantarella émet l’hypothèse que la lapidation rentrait également dans le cadre de la vengeance mais aussi comme étant une des formes d’exécution déléguées pouvant être multiples de la part des parents d’une victime contre son assassin. Elle suppose que cette forme était la plus répandue.
A Rome – exactement comme en Grèce, la pierre n’était pas un instrument de justice civile mais celle d’une justice collective et spontanée. […] La lapidation était envisagée par les romains, dans une perspective afflective-rétributive visant à affirmer le principe moral selon lequel il n’était pas permis de causer un tort à la collectivité …]
Par exemple, le général carthaginois Hannibal, après son insuccès dans la bataille de Sardaigne, en 259 […], fut tué par ses concitoyens : selon Orose il fut lapidé.
Autre exemple qui illustre l’usage de la pierre est le récit du moment où mourut Germanicus. Celui-ci était un personnage très apprécié du peuple, tant est si bien que lorqu’il mourut « furent renversés des autels des dieux et lancées des pierres contre les temples. » Les dieux qui avaient frappé le peuple dans les sentiments les plus chers ce jour-là furent lapidés à travers leurs statues comme aurait été lapidé quiconque aurait infligé un tort pareil au peuple.
Mais la lapidation fut aussi l’expression de la violence, arme infâme de lutte politique, les exemples sont nombreux. Dans la vie de Sylla, Plutarque rapporte que les tribuns militaires envoyés à Nole pour amener l’armée de Marius furent lapidés par les soldats de Sylla, à son instigation […] Selon l’accusation de Cicéron, Autronius Petrus, collègue de Sylla, aurait employé la lapidation comme arme politique, et Clodius et les siens auraient fait de même.
Bonjour,
Effectivement il semble que la lapidation était connue dans l’Antiquité chez les grecs et les romains.
On trouve d’ailleurs des exemples dans les poèmes homériques dont parle Eva Cantarella dans son ouvrage Les peines de mort en Grèce et à Rome :
L’épisode est célèbre : au chant III de l’Illiade, Hector accusant Pâris de lâcheté (il vient de fuir devant Ménélas), dit que, si les troyens n’étaient pas aussi peureux, Pâris aurait depuis longtemps revêtu « une tunique de pierre ».
Pour autant la lapidation ne se présente jamais comme une peine institutionnelle mais plutôt comme étant l’expression d’une rage du peuple tuant avec la pierre, désirant se venger de celui qui avait des torts envers la communauté. Mais l’acte par lequel cette punition était infligée n’était pas l’expression de la volonté officielle du groupe : c’était l’acte spontané – et moralement juste- par lequel le peuple, en dehors de toute prescription institutionnelle, punissait celui ayant causé un malheur, méritait à son tour le malheur. Les références à la lapidation chez les tragiques sont par ailleurs nombreuses :
- dans l’Agamemnon d’Eschyle, le coryphée menace Egisthe de le lapider pour se venger du meurtre d’Agamemnon.
- dans l’Ajax de Sophocle, le chœur craint d’être lapidé par les Atrides
- dans Œdipe à Colone de Sophocle, Œdipe apprenant son mariage incestueux se désole de n’être lapidé.
On retrouve encore d’autres exemples chez Euripide dans Iphigénie à Aulis ou encore les Troyennes, les Bacchantes… Dans ces exemples la lapidation est l’acte d’une vengeance collective et instinctive, juste mais non institutionnelle.
Les sources de l’époque suivante confirment cette observation :
- Plutarque raconte qu’au moment de la conjuration de Cylon, les conjurés furent lapidés
- Dans Hérodote, le traitre Lycidas est lapidé ainsi que femme et enfants après qu’il ait proposé d'approuver la demande de reddition envoyée par le Perse Mardonios
La logique des faits est claire : les traitres sont tués sans procès par la colère du peuple.
Dans la Rome antique, Eva Cantarella émet l’hypothèse que la lapidation rentrait également dans le cadre de la vengeance mais aussi comme étant une des formes d’exécution déléguées pouvant être multiples de la part des parents d’une victime contre son assassin. Elle suppose que cette forme était la plus répandue.
A Rome – exactement comme en Grèce, la pierre n’était pas un instrument de justice civile mais celle d’une justice collective et spontanée. […] La lapidation était envisagée par les romains, dans une perspective afflective-rétributive visant à affirmer le principe moral selon lequel il n’était pas permis de causer un tort à la collectivité …]
Par exemple, le général carthaginois Hannibal, après son insuccès dans la bataille de Sardaigne, en 259 […], fut tué par ses concitoyens : selon Orose il fut lapidé.
Autre exemple qui illustre l’usage de la pierre est le récit du moment où mourut Germanicus. Celui-ci était un personnage très apprécié du peuple, tant est si bien que lorqu’il mourut « furent renversés des autels des dieux et lancées des pierres contre les temples. » Les dieux qui avaient frappé le peuple dans les sentiments les plus chers ce jour-là furent lapidés à travers leurs statues comme aurait été lapidé quiconque aurait infligé un tort pareil au peuple.
Mais la lapidation fut aussi l’expression de la violence, arme infâme de lutte politique, les exemples sont nombreux. Dans la vie de Sylla, Plutarque rapporte que les tribuns militaires envoyés à Nole pour amener l’armée de Marius furent lapidés par les soldats de Sylla, à son instigation […] Selon l’accusation de Cicéron, Autronius Petrus, collègue de Sylla, aurait employé la lapidation comme arme politique, et Clodius et les siens auraient fait de même.
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