Lien entre sexualité et grossesse
Le 04/10/2010 à 20h39
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Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerai savoir depuis combien de temps les hommes ont-ils compris le lien qu'il existait entre sexualité et grossesse. Ont-ils cette intuition dés la préhistoire ?
Y a t-il des dates différentes suivant les régions du monde ?
Merci beaucoup pour votre réponse.
Réponse du Guichet
bml_sci
- Département : Sciences et Techniques
Le 07/10/2010 à 12h04
Les hommes auraient effectivement eu très tôt l’intuition qu’un lien entre grossesse et sexualité existait. Pour l’historien des sciences Jean Baudet, dès le néolithique, l’observation des animaux facilitée par l’élevage va permettre à l’homme d’appréhender les liens entre accouplement et reproduction…
Ainsi le plus ancien document médical découvert, le papyrus égyptien Ebers ( du nom de son découvreur) daté d’environ 1550 avant notre ère, donne déjà un « remède » sous la forme d’un obturateur original… : « pour qu’une femme cesse de devenir enceinte pendant un an, deux ans, trois ans : ? d’acacia, ? dattes, sont broyés finement avec 1 hin de miel, de la laine de graine est humectée avec cela et placée dans le vagin »
Sources : Penser le vivant, une histoire de la médecine et de la biologie, Jean Baudet.
La sexualité dans l’Egypte ancienne
Les femmes de la Grèce antique se fabriquaient des tampons avec de la pulpe de figues mêlée à de l’huile de cèdre et à du miel, en Chine et au Japon, des diaphragmes en papier huilé ont été utilisé en -3 000 avant notre ère. La technique du retrait, mentionnée dans la Bible, le Talmud et la tradition musulmane, était répandue au Moyen-Orient.
Sources : INED
La sexualité humaine, Pierre Langis, Bernard Germain, p. 510
Histoire de la contraception, R. Dreyfus
Il faut attendre 1672 et 1677, pour que les savants hollandais Reiner de Gradd et Antonie Van Leeuwenhoek découvrent à l’aide de leur microscope les « ovoïdes » et les spermatozoïdes, sans que leurs rôles respectifs soient précisément tranchés. Ce qui ne sera pas fait avant la fin du XIXème siècle.
Source : Petite histoire du préservatif, Béatrice Fontanel, Daniel Wolfromm.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 07/10/2010 à 13h57
Bonjour,
Il est difficile de savoir exactement ce que pensaient les hommes préhistoriques, si bien que leur intuition du rapport entre sexualité et grossesse est l’objet de suppositions et parfois de controverses :
« Dans le groupe préhistorique, il est probable que seule la filiation maternelle pouvait être prouvée. Les Paléolithiques n’avaient probablement pas conscience des fonctions des deux sexes dans la procréation, de l’origine de la grossesse dans le rapport sexuel. La maternité devait leur sembler comme une sorte de parthénogénèse inexplicable dont le corps de la femme était dépositaire. Sans doute d’ailleurs, la venue de l’enfant n’était-elle perçue que deux ou trois mois avant sa naissance, devant l’augmentation patente du volume abdominal maternel (Rozoy, 2006). Encore que l’on imagine, sans précisions, que « la relation entre accouplement et procréation a été connue très tôt, dés que le niveau de conscience d’Homo l’a permis ». Mais il faudra attendre 1677 et 1827 pour que soient découverts les spermatozoïdes et les ovules, et le début du XXe siècle pour qu’hommes et femmes comprennent, grâce à Georges Mendel, August Weissmann et Thomas Hunt Morgan, sans oublier Nettie Maria Stevens, comment ils coopèrent à la transmission des caractères héréditaires de leurs enfants (Khan, 2000). » Voir aussi la suite sur le mythe du matriarcat.
Source : Le sexe au temps des cro-magnons, Gilles Delluc.
Mais pour un autre préhistorien :
« «Ces reconstitutions frileuses sont significatives d'un refus plus large de reconnaître la place centrale du sexe dans l'évolution», dénonce Timothy Taylor, directeur du laboratoire de préhistoire et d'archéologie de l'Université de Bradford (Angleterre), dans «La Préhistoire du sexe». Ainsi, si ces mêmes théories de l'évolution ont très longtemps ignoré les singes bonobos, pourtant les équivalents vivants les plus proches des australopithèques d'il y a quatre millions d'années, c'est pour des raisons qui tiennent à notre puritanisme: les bonobos consacrent la plupart de leur temps au sexe, «faisant» pour la zoologue Alison Jolly «ressembler Sodome et Gomorrhe à un thé chez un clergyman». Leur seul tabou semble être les rapports sexuels entre une mère et son fils de plus de 6 ans...
De même, les nombreux bâtons phalliques de l'ère glaciaire retrouvés ont tour à tour été considérés comme des objets rituels, des bâtons de commandement ou des propulseurs de flèches, alors que tant leur taille, leur forme que leur symbolisme explicite les désignent comme les dignes ancêtres de nos godemichés en caoutchouc. Et l'idée que les premiers humains ne savaient pas que sexualité et enfantement étaient liés - n'auraient-ils pas dû pour cela savoir compter jusqu'à neuf? - est l'un des plus vieux clichés de la préhistoire du sexe. Or, le contrôle de la sexualité comme la contraception par les plantes ou par un allaitement prolongé, comme la production d'images érotiques, datent d'il y a plus de trente mille ans - ce n'est qu'avec les débuts de l'agriculture que la femme a véritablement été accaparée par la maternité. »
Source : L’amour au temps des cavernes, recension par Isabelle Falconnier du livre La préhistoire du sexe, Timothy Taylor.
Voir aussi L’amour au temps des cro-magnons, article de Romain Pigeaud dans le n° de Sciences Humaines Le sexe dans tous ses états
Difficile alors de trouver des dates précises différentes selon les régions du monde, mais très certainement des interprétations et des représentations très différentes du rôle de chacun, homme et femme, dans l’acte sexuel et la procréation. En voici quelques exemples :
« Dans toutes les cultures, on propose des réponses à la question de savoir d’où proviennent les os, la chair, le sang, le souffle ou l’esprit d’un individu : du père ? de la mère ? des deux ou d’aucun des deux ? et dans ce dernier cas, quelle en serait l’origine ? »
Voir la suite de l’article :
Corps, parenté, pouvoir(s) chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, Maurice Godelier, dont vous pouvez aussi lire l’article en ligne Il faut toujours plus qu’un homme et une femme pour faire un enfant
« Dans L’homme pensé par l’homme, Cai Hua reprend ce cas pour le mettre en rapport avec trois autres « cas ». Le cas Na est un type de parenté dans lequel la consanguinité est transmise par les femmes, l’homme ne jouant que le rôle d’arroseur momentané d’une terre féconde (selon le proverbe Na : « Si la pluie ne tombe pas du ciel, les herbes ne poussent pas de la terre »). Au contraire le cas Han (étudié par Cai Hua dans ses enquêtes à Kunming) conçoit la consanguinité comme exclusivement masculine, le sperme étant considéré comme un sang issu de l’os. À ces deux formes de consanguinité mono latérales, Cai Hua oppose deux autres formes, qu’il appelle bilatérales symétrique et asymétrique : les Français attribuent à l’homme et à la femme un rôle égal dans la consanguinité (l’homme apportant le sperme et la femme le sang), tandis que chez les Samo de Haute-Volta étudiés par Françoise Héritier, l’homme apporte le sang permanent et la femme un sang provisoire."
Compte-rendu par Frédéric Keck dans perspectives chinoises de L’homme pensé par l’homme, Cai Hua
« La naissance chez les Aborigènes
Les Aborigènes d’Australie ont constitué jusqu’à ces cinquante dernières années une population considérée comme l’une des plus archaïques que nous puissions connaître. […] Ignorant la relation causale entre l’union sexuelle d’un homme et d’une femme et la conception d’un nouvel être, donc le caractère physiologique de la paternité, il y a pour eux, à l’origine de tout, une énergie vitale qui s’est manifestée par des entités géantes qui ont pris des formes végétales, animales, humaines. Tout ce qui est dans ce monde préexiste et l’apparition de la vie n’est jamais que la répétition d’un cycle immuable. […] Il est évident que même s’ils ne voient pas dans l’acte sexuel la cause de la conception, les Aborigènes savent qu’un père est nécessaire pour trouver l’esprit préexistant et qu’une femme est indispensable pour que cet esprit s’incarne en elle. [... ] »
Article L’origine de l’humain dans certaines sociétés traditionnelles, Michel Meslin, dans La Naissance, histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui, sous la direction de R. Frydman et Myriam Szejer.
Voir aussi d’autres exemples dans :
Histoires de la naissance à travers le monde, Jacques Barbaut.
A noter enfin qu’au XXIe siècle, c’est essentiellement en Occident, avec le droit à la contraception et à l’avortement, la fécondation in vitro, les progrès biologiques et physiologiques, que se dessine un retour à la dissociation entre sexualité et procréation.
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