Question d'origine :
La distinction faite par Marcel Proust entre mémoire volontaire et involontaire était-elle courante à son époque? Des ouvrages scientifiques l'utilisaient-elles? Proust les avait-il lus? Pour la science actuelle - psychologie, sciences cognitives, neurosciences - cette distinction est-elle encore en usage?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 08/02/2005 à 15h36
Dans son ouvrage Le développement de la mémoire, Marie-Josée Couchaere consacre un long chapitre sur le cheminement des théories de la mémoire depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.
Des écrivains comme Proust ou Chateaubriand parleront de la mémoire à partir de leur intuition introspective. Bergson approfondit le concept de mémoire pour poser l’idée d’une mémoire active et sortir de la métaphore de la mémoire simple « réservoir ». Les premières approches scientifiques remontent au 19 e s. avec Théodule Ribot et Hermann Ebbinghaus...
Suivront Pavlov, la période behavioriste, la révolution cognitive dans les années soixante, puis l’explosion des neurosciences à partir des années quatre-vingt-dix.
Au cœur des nouvelles conceptions de la mémoire, il faut citer les travaux du professeur de psychologie à l’Université de Harvard, Daniel L. Schacter. Il aura été le premier à nommer
Vous trouverez aussi dans cet ouvrage les références bibliographiques des travaux qui ont marqué les étapes de la recherche, à l'époque de Proust et jusqu'à aujourd'hui, où l'on ne parle plus de la mémoire mais des mémoires.
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Quelques pistes qui peuvent vous être utiles pour votre étude sur Proust :
Un entretien avec Marcel Proust paru dans le Temps (1913)
mon œuvre est dominée par la distinction entre la mémoire involontaire et la mémoire volontaire, distinction qui non seulement ne figure pas dans la philosophie de M. Bergson, mais est même contredite par elle.
Pour moi, la mémoire volontaire, qui est surtout une mémoire de l'intelligence et des yeux, ne nous donne du passé que des faces sans vérité ; mais qu'une odeur, une saveur retrouvées, dans des circonstances toutes différentes, réveille en nous, malgré nous, le passé, nous sentons combien ce passé était différent de ce que nous croyions nous rappeler, et que notre mémoire volontaire peignait, comme les mauvais peintres, avec des couleurs sans vérité. Déjà, dans ce premier volume, vous verrez le personnage qui raconte, qui dit "Je" et qui n'est pas moi retrouver tout d'un coup des années, des jardins, des êtres oubliés, dans le goût d'une gorgée de thé où il a trouvé un morceau de madeleine ; sans doute il se les rappelait, mais sans leur couleur, sans leur charme ; j'ai pu lui faire dire que comme dans ce petit jeu japonais où l'on trempe de ténus bouts de papier qui, aussitôt plongés dans le bol, s'étirent, se contournent, deviennent des fleurs, des personnages, toutes les fleurs de son jardin, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village, et leurs petits logis et l'église, et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, villes et jardins, de sa tasse de thé.
Voyez-vous, ce n'est guère qu'aux souvenirs involontaires que l'artiste devrait demander la matière première de son œuvre. D'abord, précisément parce qu'ils sont involontaires, qu'ils se forment d'eux-mêmes, attirés par la ressemblance d'une minute identique, ils ont seuls la griffe d'authenticité. Puis ils nous rapportent les choses dans un exact dosage de mémoire et d'oubli.
Quelques ouvrages :
L’évolution de la mémoire dans l’œuvre de Marcel Proust d’Elisabeth Jackson
La doctrine de la réalité chez Proust d’Alain de Lattre
Le sens de la mémoire qui mêle les approches scientifiques du neurochirurgien Marc Tadié et les réflexions du professeur de littérature française Jean-Yves Tadié.
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